Chapitre 32
Sin venait d'en terminer avec son client quand il remarqua que quelque chose clochait. Au moment d'ouvrir la porte au lutin, son chaticorne se frottant contre ses jambes pour réclamer des croquettes, il vit au loin, dans les rues de sa ville, un épais nuage de poussière s'élever vers le ciel et des cris lointains, à croire qu'une bombe venait d'exploser. Le mage s'avança de quelques pas en dehors de sa boutique, refermant derrière lui, les bras croisés sur sa poitrine.
— Monsieur Sin ! s'exclama alors un elfe à ses côtés qui venait tout juste d'arriver. Vous devez faire quelque chose !
Évidemment, c'est toujours à moi de faire le sale boulot.
— Il se passe quoi, là-bas ? dit Sin de son éternel ton faussement poli.
— La boutique de l'apothicaire s'est effondrée. Comme ça, sans prévenir !
— Tu crois vraiment qu'elle vous aurait prévenu ? répliqua Sin, incapable de garder sa bonne humeur devant tant de stupidité.
L'autre elfe ne sut quoi ajouter, embarrassé. Il leva un doigt en direction du désastre, puis continua son chemin pour disparaitre dans la foule.
Sin passa une main sur son visage, soupira platement, puis courut en suivant les cris et la poussière, slalomant entre les gens qui partaient en sens inverse. En peu de temps, il trouva l'origine du chaos. L'épais nuage de saleté couvrait la rue, l'empêchant de constater entièrement des dégâts, mais il voyait déjà que ce n'était pas rien. C'était un véritable désastre.
En l'apercevant, la foule de badauds s'éloigna du lieu de carnage, donnant assez d'espace au mage pour opérer de sa magie.
— Aepurmium.
La poussière disparut soudain, laissant un air pur et clair. Un hoquet de stupéfaction lui échappa alors ; maintenant qu'il voyait toute l'étendue des dégâts, il comprit que c'était bien pire de ce qu'il s'était d'abord imaginé. Une énorme montagne de brique s'élevait où était autrefois la boutique, agrémentée de poutres, d'objets divers... et de membres épars de victimes coincées en dessous.
Des gens pleuraient derrière lui, d'autres tentaient de dégager ceux sous les gravats. Les fées et les elfes pratiquant la télékinésie y mettaient beaucoup d'effort alors que les trolls utilisaient leur force brute. Mais tous les regards étaient rivés sur Sin qui, comme tant de spectateurs, ne faisait simplement rien.
— Monsieur Sin, dit une fée, volant en suspension près de lui. Aidez-nous. Ils sont peut-être encore vivants !
Pour seule réponse, celui-ci murmura une formule faisant appel à la magie télépathique. Cantius. Il la dirigea vers la boutique, sur tous les gens coincés en dessous... mais il ne reçut aucun signal.
— Non, fit Sin d'un ton désolé. Ils sont tous morts.
Son constat se répercuta parmi la foule derrière lui. Un silence angoissant s'éleva alors, puis des pleurs et des gémissements prirent place, vrillant le cœur du mage. Il détourna le regard de la fée, ses yeux croisant quelque chose de noir à ses pieds. Il la repoussa du bout de sa chaussure ; une perruque.
— C'est tout de même une chance que ce gamin était là, dit une voix quelque part derrière lui. Sans cet enfant, il y aurait eu dix fois plus de victimes.
— Quel enfant ? s'exclama Sin en se retournant vers la foule.
C'était une lutine qui avait parlé. Elle avait été témoin de l'incident du début à la fin.
— Je ne suis pas sûr, dit-elle alors. Il ressemblait à un homme, mais je suis plutôt convaincu que c'était un elfe. Il portait un badge de téléporteur, mais il a fait de la télékinésie ! En prononçant une formule, de surcroit. C'est un mage, comme vous ! Il a empêché la boutique de s'effondrer... il l'a retenu près d'une minute entière avant de lâcher. Quelqu'un l'a transporté ailleurs... ils sont partis dans cette direction, dit-elle en pointant le sud.
Sin soupira en passant ses mains sur son visage. À ce stade, il fallait être stupide pour ne pas comprendre.
Je vais le tuer, pensa-t-il avec conviction. Le tuer... puis le féliciter.
Malgré l'envie de le punir sévèrement, il était incapable de ne pas voir la vérité en face ; Egrim, aussi idiot qu'il pût être, avait surtout fait preuve d'héroïsme.
La vraie coupable de cette histoire était tout autant évidente ; Danayelle.
Ce qu'il avait compris surtout, c'étaient les intentions du professeur Muglow. À partir de cet instant, il était de son côté.
Danayelle doit trouver cette pierre d'Omins... ou mourir. Il n'y a pas d'entre-deux.
*
Sin était resté sur place pour aider autant qu'il pouvait. Pendant ce temps, Leerian et Mishi avaient trainé Danayelle et Egrim hors de la ville, avançant lentement avec le poids de leurs amis sur leurs dos. Rapidement, Leerian s'était retrouvé seul pour porter les deux inconscients, un sur chaque épaule comme deux gros sacs de pommes de terre. Il grimaçait, imitant une douleur qu'il ne ressentait pas pour éviter d'éveiller les soupçons de la sirène. Celle-ci, habitué de la force du petit elfe, n'y vit que du feu.
Ils continuèrent ainsi pendant plus d'une heure, suivant une route de brique qui s'était transformé en terre battue, traversant une étendue de champs et de quelques arbres. Ils croisaient parfois des gens sur leur chemin, mais leur déguisement toujours en place les empêchait de se faire reconnaitre. L'épée de Leerian avait réapparu, le sort d'invisibilité s'étant dissipée. Des nuages blancs avaient pris possession du ciel, entrainant un vent frisquet qui leur refila la chair de poule et plaqua leurs cheveux derrière leur crâne.
L'elfe et la sirène s'arrêtèrent soudain devant une pancarte de bois plantée sur un piquet. Au-delà, la route se divisait en deux. L'une allait tout droit alors que l'autre faisait un virage à quatre-vingt-dix degrés vers la gauche, à l'est.
— À gauche, c'est Magdron et Nafar, lut Mishi. Et devant... la plage de la mer Gardas, à cinq-cents mètres.
Mishi leva des yeux suppliants vers Leerian. Celui-ci esquissa un sourire fatigué.
— Continuons tout droit, alors.
Mishi ne demanda pas son reste, courant vers la côte en laissant Leerian en plan. Celui-ci pouffa d'un léger rire, remonta Danayelle et Egrim sur ses épaules et s'engagea derrière la petite sirène, marchant simplement.
Quand il arriva enfin à la plage au bout de cinq minutes, Mishi n'était plus en vue. Tout ce qu'il subsistait d'elle était un tas de vêtements, avec un arc et un carquois sur le dessus. Leerian n'en fit pas de cas ; il déposa ses deux amis dans le sable beige, balança ses bras engourdis, puis les abrilla tous deux d'une couverture trouvée dans son sac. Danayelle avait une énorme prune sur le front, près de la tempe gauche. Egrim avait la peau d'une extrême pâleur et recouverte de sueur froide, le rendant désagréablement collant. Ses cheveux blancs étaient plaqués sur son visage et son cou, et un long filet de bave glissait de sa bouche vers son menton.
Leerian s'éloigna un peu des deux dotés. Il marcha dans le sable, ses pieds s'enfonçant à chaque pas. Il s'approcha de la mer, respirant l'air iodé à plein poumon. Il n'avait jamais vu de plage de sa vie ; sa mère lui avait déjà décrit l'endroit, elle qui avait fait le tour du pays ou presque dans sa jeunesse. Mais Leerian avait alors été incapable d'imaginer vraiment ce qu'elle voulait dire quand elle parlait de l'infini qui s'étendait devant ses yeux, la chaleur du sable doux entre ses orteils, l'odeur du sel. Le chant des oiseaux marins.
Il s'avança jusqu'à l'eau. Elle fut d'abord horriblement froide, mais il s'habitua rapidement. En moins de dix secondes, elle sembla se réchauffer, devenant plutôt tiède, et il se risqua à faire un pas de plus. Le sable se retirait sous ses pieds à chaque vague, procurant une sensation étrange qui le chatouillait un peu. Il regarda la mer au loin ; par sa vision parfaite, il arrivait à voir, à plusieurs kilomètres de là, les voiles énormes d'un trois-mâts. Il remontait vers le nord, probablement pour rejoindre la côte est de Nyirdall, jonché de port à toutes les villes.
Beaucoup plus près, Leerian aperçut une tête humaine sortir de l'eau. Elle était à plusieurs centaines de mètres déjà, mais il reconnut facilement Mishi avec ses cheveux noirs et ses éclatants yeux mauves. Pour elle, cependant, elle était trop loin pour remarquer que son petit elfe l'observait. Elle souriait de toutes ses dents, en proie à un plaisir intense, puis replongea à l'eau, sa longue queue violette perçant la surface.
Leerian souriait aussi. Il ne s'était pas attendu à être autant émerveillé de voir la mer. Il profita du moment pour laver ses cheveux pleins de terre et son visage couvert de maquillage, puis sombra ensuite dans ce que les elfes expérimentaient parfois ; être dans la lune... pendant deux heures entières. Il demeura là, bien campé sur ses pieds malgré le sable qui bougeait après chaque vague, à fixer l'océan. À guetter Mishi apparaitre à la surface pour respirer un peu, avant de replonger.
— Leerian ?
Celui-ci cligna bêtement des yeux à plusieurs reprises à l'entente de son prénom. Il tourna la tête de droite à gauche, avant de regarder derrière lui. Danayelle s'était redressée, assisse dans le sable et la couverture autour de ses épaules. Elle avait une main plaquée à son front, une grimace de douleur aux lèvres. Le vent balayait ses cheveux vers la gauche et elle repoussait continuellement les mèches qui tombaient devant son visage.
— Leerian, répéta-t-elle d'une voix pâteuse. Qu'est-ce qui s'est passé ? J'ai la tête qui éclate. Mon cerveau va me sortir par les oreilles...
Il vint s'agenouiller près d'elle, le sable collé à ses pieds jusqu'au-dessus des chevilles. Il retira doucement sa main pour voir la blessure ; elle était d'une écœurante couleur bleu et vert, tirant même sur le violet par endroit.
— Je suis désolé, dit-il en grimaçant. C'est moi. Je t'ai frappée.
— Pourquoi ? s'étonna-t-elle en écarquillant les yeux.
— Tu ne te souviens pas ?
Danayelle secoua lentement la tête de gauche à droite. Et alors seulement, elle vit Egrim qui dormait toujours près d'elle. Sa bouche s'entrouvrit bêtement en remarquant son ami.
— Lui aussi, tu l'as frappé ?
— Non... ne t'en fais pas, il va bien. Il a juste un urgent besoin de se reposer. N'essaie pas de le réveiller.
Danayelle leva à nouveau les yeux vers Leerian. Celui-ci portait toujours les lentilles, colorant ses pupilles en brun. Un regard d'homme malgré ses longues oreilles qui perçaient à travers ses cheveux.
Leerian lui raconta leur mésaventure, en plein milieu de la rue de Wondor. Il tenta d'épargner les détails morbides au mieux, mais il ne voulait pas mentir pour autant. Il relata sa prise de conscience, le désespoir qu'elle avait ressenti et sa perte de contrôle sur son don de télékinésie.
Danayelle détourna le regard, les lèvres tremblantes alors qu'elle s'efforçait de maitriser sa peine.
— Est-ce que des gens sont morts ?
Leerian se souvenait du nain qu'il avait sauvé. Mais il se souvenait surtout des hurlements.
Il n'osa pas répondre. Il était convaincu que oui, mais en réalité, il n'en savait rien. Danayelle craqua pour de bon, pleurant dans ses mains en coupe.
— Je suis un monstre, dit-elle dans un gémissement.
Leerian esquissa un sourire désolé, posant une main sur son épaule pour la réconforter. Non, Danayelle. Tu n'es pas un monstre. Moi, j'en suis un.
— Tu n'as pas fait exprès, dit-il doucement.
— Et alors ? Je l'ai fait quand même...
Leerian voulut continuer d'argumenter, plaidant qu'elle n'y était pour rien. Ce n'était pas elle qui avait agi, mais la magie qui circulait dans ses veines. Elle était manipulée par cette force qui se servait d'elle comme un parasite... autant que lui et la lycanthropie.
Leerian ouvrit la bouche pour dire ce qu'il pensait. Mais il en fut incapable. Elle ne pourra jamais me comprendre comme je la comprends. Si je lui révèle que je suis un loup-garou... Elle sera complètement dégoutée. Et elle le répétera à Egrim et à Mishi. Non, je ne peux pas courir le risque. Surtout pas...
Danayelle se remit à pleurer encore plus fort, convaincue que Leerian avait épuisé toutes ses vaines tentatives de lui remonter le moral. Il ne pourra jamais me comprendre. Il n'a pas de don, lui. J'en suis sûre ; je le dégoute !
— Danayelle, fit Leerian d'un ton déterminé. On trouvera ta pierre d'Omins et tout sera rapidement réglé, OK ? Ce n'est pas le moment d'abandonner. Ce n'est que l'histoire de quelques jours !
La blonde releva lentement son visage de ses mains, braquant ses yeux humides dans ceux de Leerian. Il avait raison ; il fallait qu'elle mette la main sur cette pierre. Mais ça n'effacerait pas pour autant l'acte horrible qu'elle avait commis aujourd'hui.
— Ça va aller, insista Leerian. Crois-moi.
Et pourquoi devrais-je te croire ? voulut répliquer Danayelle. Mais elle ne dit rien, se contentant de soupirer, tentant de réguler sa respiration saccadée. Il valait mieux être optimiste, si seulement c'était possible.
Soudain, un étrange gémissement s'éleva près des deux amis. Tous deux tournèrent la tête, remarquant Egrim qui s'agitait. Toujours étendu au sol, il clignait lentement des paupières, la bouche bêtement ouverte. Il gémit encore, cette fois avec plus de force. Il leva une main pour la plaquer sur son front, s'efforçant d'essuyer la sueur qui l'inondait.
— Oh, bon sang, marmonna-t-il d'une voix faible. C'était intense.
Il essaya de se relever, mais son visage prit aussitôt une inquiétante couleur verte et il s'allongea à nouveau en grimaçant.
— Reste couché, dit Leerian d'un ton sévère. Et tu ne bouges pas !
Egrim ferma les yeux en soupirant. Il se sentait malade comme il ne l'avait jamais été avant.
— Ça aussi, c'est ma faute ? dit Danayelle avec tristesse.
— C'est la faute à la magie, répliqua Leerian. Ah... si seulement on vivait dans un monde où la magie n'existe pas...
— Comme le monde des hommes ? fit Egrim d'une voix faible. Même là, elle existe. Mais elle est tellement mal vue qu'elle est taboue. Genre, si tu as le choix entre déclarer que tu sais faire de la magie ou que t'es un violeur d'enfant, bah il vaut mieux pour toi de prendre la deuxième option.
Leerian grimaça en détournant le regard. Les hommes sont vraiment tordus. Il secoua la tête, essayant de retirer l'image qui lui était venue à l'esprit.
— Arrête de parler et rendors-toi. Tu as besoin de retrouver des forces avant qu'on se remette en direction des îles Maras.
— Laisse-moi juste une heure et j'irais mieux...
— Non. On repart demain matin. Il n'y a aucune chance que tu sois parfaitement guéri en seulement une heure. Ah, c'est dingue ! C'est toi le mage, et c'est toi qui n'y connais rien à la magie...
— J'en suis un depuis hier, grommela Egrim. Et c'est toi qui m'avais dit de prononcer la formule. Je suis un téléporteur, moi, OK ? Et j'ai fait de la télékinésie. Alors, fous-moi patience...
— Je te fous patience si tu en profites pour dormir jusqu'à demain.
Egrim ouvrit soudain de grands yeux écarquillés, un détail étrange venant de faire tilt dans sa tête. Il se releva lentement en position assise, grimaçant sous l'effort. Leerian fronça les sourcils, frustré d'être désobéi.
— Dis-moi, Leerian... toi, qu'est-ce que tu connais de la magie ?
— Moi ? Eh bien... la théorie, c'est tout.
— Tu ne sais pas en faire ?
— D'aucune sorte, dit-il en inclinant la tête. Je n'ai pas de don. Je croyais que tu le savais déjà.
— Tu ne me l'as jamais dit directement. Je m'en doute que tu n'en as pas... mais j'ai quand même cette étrange impression que tu en sais plus que tu ne le prétends. C'est bizarre...
— Il n'a pas de don, dit à son tour Danayelle, ne voyant pas où Egrim voulait en venir.
Celui-ci secoua lentement la tête, essayant de rester éveiller assez longtemps pour partager son ressenti.
— Je suis épuisé, dit-il dans un soupir. J'ai l'impression que je pourrais dormir pendant des semaines. Mais toi, Leerian, tu étais dans le même état quand je t'avais trouvé hier... juste après que tu avais décimé une bande de trolls à toi seul...
Le cœur de Leerian rata un battement. Un silence étrange plana entre le trio, alors que tous attendaient les explications.
— Euh, bredouilla Leerian en se redressant. Eh, je... non, ce n'était pas de la magie, c'est que... je, eh... euh...
Egrim le fixait droit dans les yeux. Danayelle aussi. Leerian les évitait, regardant à gauche et à droite avec une envie grandissante de s'enfuir en courant. Il sait que je suis un loup-garou. Il sait !
Soudain, le sourire d'Egrim s'élargit, éclatant malgré sa fatigue. Leerian n'en fut qu'encore plus angoissé.
— Alors c'est vrai. Tu es à moitié ange !
Leerian cligna bêtement des yeux. C'est quoi, un ange ?
— Les Celeyste sont à moitié ange, non ? insista Egrim. C'est l'origine de votre nom ! Celeyste... qui vient des cieux.
Leerian pouffa d'un léger rire nerveux. Oui, c'était bien la signification de son nom de famille. Mais ce n'était qu'en rapport à la folie du tout premier roi qui, empreint d'une confiance en soi exagérée, avait prétendu être un dieu... qui vient des cieux. Ce n'était qu'une histoire qu'il avait inventée ; tous les Celeyste savaient que c'était faux... mais aucun n'avait démenti, ne voulant révéler que l'un des leurs n'était qu'un stupide mythomane imbu de sa personne.
— Ha, ha, fit Leerian d'une voix blanche. Je suis démasqué.
— Et c'est pour ça que tu es si fort ?
— Mouais...
— Est-ce que tu sais voler ?
— Euh... que je... quoi ?
— Les anges ont des ailes, non ?
Mais c'est quoi, des foutus anges ?!
— Non, je ne sais pas voler, dit Leerian avec une patiente feinte.
— Je paris que tu chantes super bien.
— Ha, ha, répéta Leerian. Pour ta santé mentale, tu ne veux pas m'entendre chanter.
— Pourquoi ? Tu as un chant ensorcelant, comme les sirènes ?
— Non. C'est juste dégueu...
— Tu peux rendre les gens fous rien qu'en chantant ?! dit Egrim, les yeux écarquillés.
— Mais non ! Je ne sais pas chanter, c'est simple !
— Si c'est simple, pourquoi tu n'y arrives pas ?
Leerian enfonça ses mains dans son visage en désespoir. J'aurais peut-être moins de questions idiotes si je disais la vérité.
— Est-ce que tu peux réaliser des vœux comme les djinns ?
— Non...
— Est-ce que tu sais jouer de la harpe ?
— Non.
— Est-ce que tu peux parler avec les défunts ?
— Bon sang, non...
— Est-ce que tu as, genre, un quota de bonnes actions à accomplir ?
— Non !
— Est-ce que tu as une auréole sur la tête quand tu te regardes dans le miroir ?
— Mais non !
— Est-ce que tu...
— Ah, bon sang ! La ferme !
Egrim se tut enfin, son visage se teintant de rouge par la honte. Danayelle éclata de rire, ce qui réussit à remonter légèrement le moral de Leerian.
— Tu la fermes, répéta-t-il en pointant un doigt menaçant sur Egrim. Et tu dors. Jusqu'à demain !
Sans attendre sa réponse, Leerian se leva et s'éloigna des deux dotés, lâchant un long soupir pour tenter de retrouver son calme. Il retourna à l'eau pour y plonger ses pieds, guettant Mishi au loin. Derrière lui, Danayelle et Egrim s'échangèrent un regard à la fois nerveux et hilare.
— Je crois que tu l'as frustré, dit Danayelle.
— Il est trop facilement susceptible... Comme un roi. Je le verrais bien avec une couronne sur la tête. Ça complèterait sa personnalité.
Danayelle pouffa à nouveau de rire. Egrim s'allongea en souriant, puis il ferma les yeux. Une seconde plus tard, il était déjà endormi.
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