Chapitre 25

Danayelle, Mishi et Egrim étaient de retour dans la rue de la ville de Wondor. Narsa la fée était avec eux, alors que les passants les entouraient de toute part.

Danayelle était frustrée. Elle n'avait même pas pu poser une seule question au mage. Était-ce le même qu'elle aurait dû rencontrer à Yglas, ou un autre complètement ? Avait-il une pierre d'Omins ou non ?! Elle n'en savait rien ! Et tout ça, c'était la faute à Egrim.

Celui-ci, à ses côtés, avait un sourire béat au visage, l'air de s'être fait hypnotiser par Mishi. Mais celle-ci regardait ailleurs sans lui prêter la moindre attention.

— Tu te rends compte, Barjo ? Je suis... un mage.

— Oh, tu m'énerves avec ça ! gronda Danayelle. Tu peux changer de sujet, maintenant !

Egrim fronça les sourcils en levant les yeux vers Danayelle. Son sourire disparut, remplacé par la perplexité.

— Désolé, bredouilla-t-il lentement. Mais... j'ai le droit d'être heureux. Ce n'est pas rien...

— Je crois que c'est plutôt insultant, en fait, intervint Mishi.

Egrim ne répondit rien, dévisageant les filles une à une. Mishi lui avait ouvert les yeux ; il se rendait enfin compte à quel point c'était nul de se vanter d'avoir la capacité de maitriser la magie... alors que Danayelle était toujours incapable d'utiliser son seul don.

— Désolé, répéta Egrim.

Danayelle grommela quelque chose d'incompréhensible et tourna les talons pour s'aventurer entre les passants. Mishi se précipita derrière elle alors que Narsa s'envolait pour les suivre d'en haut. Egrim fit quelques pas lents avant de s'arrêter.

— Vous savez quoi... je vais me promener. Je vais... ouais, tiens, je vais retrouver Leerian et le ramener ici.

— Oui ! s'exclama aussitôt Mishi. Oh, j'espère qu'il va bien...

Egrim lui fit un sourire bienveillant, mais le cœur n'y était plus. Il se sentait nul.

— Je ne veux pas en rajouter une couche, mais... Danayelle, je vais avoir besoin de ta carte.

Celle-ci retira son sac de ses épaules et le lança à Egrim. Elle n'y avait pas mis de force, mais sa frustration était suffisante pour que sa télékinésie échappe à son contrôle. Elle se concentra sur le sac, le rendant si lourd qu'Egrim tomba à genoux, son visage se teintant de rouge sous la douleur qu'il tentait de réprimer. Mishi s'avança dans le but de l'aider à se relever, mais Danayelle l'a pris par le poignet et l'entraina avec elle dans les rues de Wondor, la fée volant au-dessus de leur tête. Bientôt, Egrim fut complètement seul, assis sur la route de brique, les passants lui lançant des regards intrigués.

Oh, pauvre Barjo, pensa Egrim, se mordant les lèvres en tentant de contenir l'émotion qui montait. Elle a raison. C'est totalement injuste.

*

Le poignet emprisonné dans la poigne de Danayelle, Mishi était contrainte de suivre la blonde dans ses longues enjambées, s'aventurant au hasard dans la ville de Wondor. Mishi n'avait pu que lancer un regard triste vers Egrim, à genoux sur le sol de pierre, l'air perdu dans ses pensées. Elle ne savait plus pour qui éprouver le plus de peine ; pour Danayelle qui devait vraiment se sentir misérable, ou pour Egrim qui s'était pris sa colère en pleine figure. Enfin, ce n'était la faute ni de l'un, ni de l'autre, qu'Egrim puisse maitriser la magie et pas Danayelle. Ça échappait totalement à leur contrôle, il était inutile de s'énerver. Mais évidemment, c'était plus facile à dire qu'à faire.

La frustration qu'éprouvait Danayelle était telle qu'à son passage, les vitrines des boutiques tremblaient par la puissance de sa télékinésie, menaçant d'exploser. Narsa, survolant la scène, était très anxieuse. Elle savait que Sin pourrait réparer les dégâts en un tour de main, mais elle savait surtout qu'il répugnait de se donner en spectacle, c'était d'ailleurs pourquoi il quittait très rarement sa petite salle. Elle était même à peu près sûre que c'était la raison pour laquelle il avait demandé à Egrim de tenter de soigner Danayelle à sa place.

Narsa se posa soudain au sol, tout juste devant Danayelle qui s'arrêta de marcher sous la surprise. Mishi lui fonça dedans, s'aplatissant le nez contre l'épaule de son amie.

— Et si je vous invitais dans un resto ? dit Narsa avec un sourire nerveux. Est-ce que vous avez faim ?

Danayelle et Mishi s'échangèrent une œillade, toutes deux perplexes. L'une étant purement carnivore, l'autre purement végétalienne, il était plutôt difficile de les imaginer manger ensemble à la même table. Déjà en forêt, quand l'une grignotait des pommes alors que l'autre se faisait griller un poisson au-dessus d'un feu allumé par Leerian, c'était le silence pendant que tout le monde évitait de se regarder.

— Allez, insista Narsa. J'ai compris le problème... Une confiserie, alors. Il y a des bonbons pour tout type de régime. Certains sont faits avec de la gélatine animale, d'autres avec du fructose. Et ils sont tous délicieux !

Danayelle n'avait pas le cœur à manger des bonbons. Tout ce qu'elle voulait, c'était évacuer sa frustration contre Egrim. Il lui avait pratiquement volé son rêve de devenir mage !

Mishi regardait son amie du coin de l'œil. Elle voyait toute la colère refoulée qu'elle gardait en elle, et elle avait peur que Danayelle explose littéralement, aussi surement qu'une bombe dans un lieu public. Avec son don de télékinésie instable, c'était tout à fait possible !

— Je trouve que c'est une bonne idée ! dit-elle avec un grand sourire crispé.

La fée sautilla de joie, puis tourna les talons pour s'enfoncer dans la foule.

— Suivez-moi, ce n'est pas très loin !

Danayelle se retourna pour lancer un regard torve à Mishi, puis soupira exagérément fort en s'élançant derrière leur guide. Elles marchèrent quelques minutes pour s'arrêter devant une petite boutique, où les deux vitrines, de part et d'autre de la porte ouverte, représentaient des sculptures de chocolat et des bonbons en forme d'oursons. Narsa s'aventura à l'intérieur et Danayelle et Mishi la suivirent.

— Il va falloir faire plus pour me remonter le moral, grogna Danayelle.

— Essaie au moins de garder ton calme, fit Mishi en joignant ses mains en prière. S'il te plait, ne fais pas de dégât.

La simple recommandation tapa sur les nerfs de l'elfe. Pour résultat, une petite table à l'entrée présentant toute sorte de chocolat à différentes saveurs se cassa en deux, bien net au milieu. Narsa intervint avant même que les douceurs ne touchent le sol ; de sa main s'écoulèrent des étincelles vertes, englobant la table et réparant le bois éclaté, comme si la scène se recréait à l'envers. En trois secondes, il n'y avait déjà plus rien pour témoigner de la perte de contrôle de Danayelle.

— Pas de magie dans ma boutique ! gronda une vieille lutine derrière le comptoir.

— Désolée, c'était un accident ! fit Narsa. (Elle se tourna vers Danayelle, sa gentillesse diminuant d'un cran.) Pourquoi tu as fait ça ?

— Elle n'a pas fait exprès, la défendit Mishi. Il ne faut pas lui en vouloir.

Danayelle fit la grimace et s'aventura entre les allées de la confiserie, abandonnant la sirène et la fée derrière elle. Mishi avait mal pour son amie, mais elle trouvait surtout qu'elle agissait comme une enfant, sur ce coup. Elle décida donc de se promener dans une autre rangée, Narsa la suivant de près.

— Elle est toujours comme ça ? demanda Narsa dans un murmure.

— Oh non, elle est très gentille. C'est juste que là... elle est frustrée.

— Et je vous entends ! s'éleva la voix de Danayelle depuis le fond de la boutique.

Narsa et Mishi se turent aussitôt, toutes deux rouges de honte. Mishi reporta son attention sur les bonbons, observant les saveurs qui s'étendaient devant elle. Saveur de fraise, de baies, d'orange et bien d'autres s'alignaient, tous en forme de fruits. Mishi grimaça et continua son chemin, alors que Narsa pigeait dans le pot pour en mettre toute une poignée d'orange dans sa bouche, lançant un regard derrière elle pour s'assurer que la lutine ne l'avait pas vu.

En tournant au bout de la rangée, Danayelle et Mishi firent un face-à-face, s'arrêtant à quelques centimètres l'une de l'autre, ce qui réussit à arracher un sourire amusé à la blonde. Mishi avait quelques centimètres de moins que Danayelle, son nez était à la hauteur de son épaule, ce qui lui donnait l'impression d'être très petite. Puis elle baissa la tête vers Narsa, qui atteignait tout juste sa hanche, et elle se sentit d'un coup très grande.

— On peut partir d'ici ? demanda Danayelle. Il n'y a pas autre chose à visiter qu'une confiserie ?

— Oui ! fit Narsa. Une boutique de vêtements, peut-être.

Le regard de Danayelle s'illumina aussitôt. Enfin, on parlait de quelque chose d'intéressant.

Les filles retournèrent dans la rue. Narsa les conduisit cette fois vers un autre magasin, à quelques minutes à pieds, même si elle s'était remise à voler. Tout en se dirigeant vers leur nouvelle destination, Mishi trainait à l'arrière, observant dans toutes les directions. Des têtes se tournaient sur son chemin, étonné de voir une sirène, mais personne ne lui faisait de commentaire. Ce n'était rien de vraiment malaisant ; Mishi trouvait ça plutôt agréable, elle se sentait belle.

Mishi regarda cette fois vers le mur de brique d'une maison qu'elle bordait et remarqua encore une fois un autre visage tournée vers elle. Elle s'arrêta pendant une seconde, intriguée. Ce n'était pas quelqu'un, mais un portrait sur papier... une elfe aux longs cheveux blonds et aux yeux verts. C'était un dessin au crayon de couleur, d'un style très réaliste et à la fois plutôt douteux. On aurait dit Danayelle, mais certains traits ne semblaient pas très exacts. La forme de la mâchoire, les fossettes, l'épaisseur de ses lèvres, rien que des détails qui détonnaient. Et pourtant... ça lui ressemblait vraiment.

Mishi lança un regard parmi les passants. Danayelle était déjà loin, mais la fée volant au-dessus était parfaitement visible. Elle se risqua à observer le portrait de plus près. Une courte légende était inscrite en dessous : « Danayelle Renwen, elfe télékinétique, quatorze ans, évadés de l'Institut. Potentiellement dangereuse. Récompense de quarante pièces d'or ».

C'est quoi, cette connerie ?! pensa Mishi. Elle arracha l'affiche, collée au mur avec de la gomme de sapin, la roula en boule et l'enfonça dans son sac. Et alors seulement, elle remarqua qu'une autre affiche était juste à côté de la première. Un elfe aux cheveux blancs et aux yeux tout aussi pâles, dessiné avec des traits si enfantins qu'il semblait avoir huit ans. « Egrim Burlohq, elfe téléporteur, treize ans, évadé de l'Institut. Complice de Danayelle Renwen. Récompense de trente pièces d'or ».

Si l'un ou l'autre voit ça, ils vont péter une crise... surtout Danayelle !

— Mishi ?! Tu es où ?

Mishi arracha la deuxième affiche et la mit dans son sac avec la première, les gestes fébriles.

— Ici ! hurla-t-elle tout en courant pour rattraper son amie, au loin dans la foule.

Danayelle et Narsa s'étaient arrêtés au milieu de la route, dans un endroit un peu plus ouvert. Au centre de la place, une magnifique fontaine de deux mètres de large et d'au moins quatre mètres de haut, avait la forme d'un étrange poisson cornu qui crachait de l'eau. Danayelle était assise sur le bord alors que Narsa était grimpé sur l'une des nageoires de la statue.

— J'ai eu peur, je croyais qu'on t'avait perdu, dit Danayelle.

— Désolé... je regardais le paysage. C'est la première ville que je visite, tu sais.

— Oui, mais fais attention, quand même. Si on se perd, ce sera toute une galère de se retrouver... Ça va ? Tu es toute rouge.

— C'est parce que j'ai couru.

Danayelle plissa les yeux, suspectant un mensonge, mais préféra abandonner le sujet. Elle avait surement menti parce que la vraie raison, peu importe ce que c'était, était trop insignifiante pour se donner la peine de s'expliquer. Ou humiliante. Peut-être avait-elle trébuché, ou foncé droit dans un mur... Danayelle connaissait maintenant assez Mishi pour savoir qu'elle pouvait être plutôt maladroite quand elle ne faisait pas attention.

— OK, fit Danayelle d'un simple mouvement d'épaule. Viens t'asseoir, alors.

Elle tapota le bord de la fontaine et Mishi s'installa aux côtés de son amie, soufflant de soulagement. Elle enfonça son bras dans l'eau jusqu'au coude, savourant la température froide du liquide sur sa peau.

— Est-ce que j'aurais l'air bizarre si je saute dedans ? demanda-t-elle avec envie.

— Ne saute pas dedans, fit Danayelle avec un regard dur.

Toutes deux pouffèrent de rire en même temps. Oui, profitons de ce petit moment d'innocence, pensa Mishi tout en se mordant la lèvre. Et j'espère que tu ne découvriras jamais les affiches...

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J'aime pas ce chapitre, il est ennuyant. Mais j'ai pas trop le choix de le mettre la. ☹️

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