Chapitre 10
À plus d'une centaine de kilomètres du village d'Yglas, à l'Institut de Lunacader, Egrim se la coulait douce. Ça faisait déjà trois jours que Danayelle était partie, mais en considérant sa tendance à sécher les cours, le professeur Muglow avait réussi à cacher sa disparition, disant simplement qu'elle s'était enfermée dans sa chambre.
Egrim trouvait ça trop cool. La fille faisait une fugue et c'était un enseignant qui la couvrait. Il avait parfois envie d'aller directement lui montrer son respect, mais ça le gênait un peu. En plus, il n'était pas son professeur. Celui-là faisait de la télékinésie, alors qu'Egrim apprenait la téléportation. Il le voyait rarement, et c'était presque toujours par pur hasard... sauf une fois par semaine, pendant un cours en particulier ; histoire de la magie. Un cours plutôt répétitif quand on était à l'Institut depuis plus de deux semaines, tout comme Egrim qui entamait sa troisième à Lunacader. Il aurait parfaitement eu le droit de sécher, mais il avait choisi d'y assister, puisqu'il était donné par le professeur Muglow.
Le cours dura plus de deux heures entières où le vieil elfe spéculait sur l'origine des dons et de la magie - rien que des théories, puisque personne n'en savait rien – et parlait de quelques mages célèbres. Egrim connaissait déjà tout sur le sujet ; il ne faisait que fixer Muglow, tel un admirateur devant son chanteur préféré.
Et après une heure et cinquante-cinq minutes, atrocement longue pour tout le monde sauf Egrim, le professeur s'arrêta enfin dans sa diatribe pour faire son annonce.
— Nous avons découvert aujourd'hui que Danayelle a disparu, dit-il sans détour. Elle n'est pas dans sa chambre et ses armoires sont vides. Si quiconque détient des informations, vous êtes prié de me les transmettre sans plus attendre.
Muglow fit une pause, observant chacun des élèves dans la salle. Ils étaient plus d'une cinquantaine et c'était tous, ou presque, les étudiants de Lunacader. C'était le moment idéal pour faire son annonce, puisque c'était la seule occasion de la semaine où ils étaient autant regroupés.
Évidemment, personne ne se prononça. Le seul à connaitre quelque chose sur l'affaire, c'était Egrim, et bien qu'il n'eût pas l'intention de trahir Danayelle, il savait aussi que le professeur ne voulait pas réellement de réponse.
— Vous savez tous pourquoi il vous est interdit de quitter l'Institut avant d'avoir appris à contrôler vos dons, enchaina Muglow tout en faisant les cent pas devant la classe, les mains derrière le dos et les yeux aux sols. Les dons peuvent être imprévisibles et très dangereux, autant pour le doté que pour les gens tout autour de lui. Mais les pires d'entre tous, ce sont les télékinésistes. Danayelle est très dangereuse et elle doit être retrouvée au plus vite... avant qu'elle ne fasse trop de dégât.
Nouveau silence. Egrim changea de position, se mettant droit sur sa chaise, et regarda lentement les autres élèves assis à leur pupitre tout autour de lui. Le discours du professeur avait pris un tournant étrangement dramatique pour quelqu'un qui avait tout prévu. C'était presque à croire qu'il souhaitait réellement que Danayelle se fasse coincer. Il est vraiment bon acteur, pensa Egrim. Ou alors...
Le professeur quitta soudain la pièce, sans plus de cérémonie. Il était comme ça, Muglow ; il faisait des entrées remarquées, mais ne savait pas comment faire ses sorties.
Tout autour d'Egrim, les élèves se levaient et quittaient la salle de classe en se mettant à parler tous en même temps. Egrim, lui, resta assis, perdu dans ses pensées. Ils ne comprenaient plus rien.
Elle m'avait bien dit que c'était Muglow qui lui avait conseillé de partir. Alors pourquoi tant de mise en scène ?! M'aurait-elle menti ?
— Eh, Egrim. Tu te bouges ?
Egrim reporta son attention vers son ami, debout près de son pupitre. Tys attendait, les bras croisés et tapant du pied avec un air d'impatience exagéré. Egrim baissa la tête, souffla pour se remettre les idées en place, puis se leva enfin pour faire face au télépathe.
Tys était son ami depuis son premier jour à L'Institut ; ils étaient arrivés en même temps. Ce qu'Egrim aimait avec lui, c'était qu'il n'avait rien besoin de lui cacher. De toute façon, c'était plutôt difficile avec quelqu'un qui lisait dans ses pensées sans même parvenir à s'en empêcher. Et pourtant, Egrim avait préféré garder l'histoire de Danayelle pour lui, et miraculeusement, ce fut un de ces moments où le don incertain de télépathe de Tys lui avait été impossible à gérer. Parfois, ça lui procurait des maux de tête terribles et l'unique remède était de rester allongé, loin de tout le monde, où il n'y avait aucun esprit à écouter.
— Tu es tracassé, dit Tys tout en observant attentivement Egrim. Ça concerne Danayelle et le professeur Muglow, et tu n'y comprends plus rien.
— Merci, je sais très bien à quoi je pense, grommela Egrim. Je me demandais seulement pourquoi faire autant de mise en scène alors qu'elle va probablement se tuer avec son propre don.
Tys pouffa, Egrim l'imita. Et ensemble, ils quittèrent la salle de classe qui se vidait rapidement.
Egrim observa tout autour de lui, s'assurant qu'aucun autre télépathe que son ami n'était dans les entourages, puis se rejoua l'évènement du chenil dans son esprit, espérant que Tys parvienne à tout capter. Il pensait, spécifiquement, à Danayelle lui révélant que le professeur lui avait dit d'aller à Yglas.
La scène passait devant les yeux de Tys qui, tout en marchant près d'Egrim dans les corridors de l'Institut, fonçait dans tous les obstacles qu'il croisait, incapable de focaliser son attention sur deux choses en même temps. Egrim s'efforçait de le guider dans les escaliers, qu'ils montèrent jusqu'aux sixièmes étages. Ils furent arrivés dans la chambre d'Egrim et celui-ci avait installé Tys sur le bord de son lit quand il termina avec le moment où il avait téléporté Danayelle de l'autre côté de la clôture. Il ferma la porte, tourna le verrou, et s'assit sur la petite chaise en bois de son bureau de travail, contenant quelques livres, plumes et pot d'encre qui trainaient n'importe comment.
Et maintenant, tu sais tout.
Tys cligna plusieurs fois des paupières, étonné de toutes ces images qu'il s'était pris d'un seul coup. Il posa enfin son regard d'un bleu intense dans ceux, gris pâle, de Egrim.
— Merde, dit-il avec une extrême lenteur. Pourquoi tu ne m'as pas raconté tout ça avant ?
— Cette journée-là, tu n'étais pas sorti de ta chambre parce que tu avais « mal à la tête », fit Egrim en imitant les guillemets. Et ensuite, ce n'est pas ma faute si tu n'as pas essayé de lire mes pensées. D'habitude, tu le fais tout le temps.
— Je le fais tout le temps parce que je ne peux pas le contrôler, tu le sais bien, se défendit aussitôt Tys. Je ne serais pas ici si j'y arrivais.
Egrim balaya la question d'un mouvement de main. Il s'était remis à réfléchir, et Tys s'était remis à écouter ses réflexions.
Pourquoi Muglow...
— Pour se protéger, probablement, dit Tys. S'il n'avait fait que le minimum, ç'aurait été suspect.
— Oui, je sais. Mais il semblait tellement... passionné...
— Enfin, Egrim. Pourquoi aurait-il envoyé Danayelle à Yglas si ça n'avait été que pour tenter de la retrouver après ? C'est idiot. Je crois plutôt que tu devrais simplement lui demander.
— Demander à Muglow ? répéta Egrim. Lui demander carrément s'il avait un autre plan derrière la tête ?
— Ouais.
Egrim fronça les sourcils tout en fixant son ami. Il n'avait aucune envie d'aller voir Muglow et de lui parler. Il avait peur de se rendre compte qu'il avait raison, et encore plus peur d'envisager avoir raison alors qu'il avait tort.
Tys, sans vraiment comprendre la gravité de la chose – il s'était soudainement arrêté d'écouter les pensées d'Egrim – s'installa plus confortablement sur le lit, se couchant sur le dos et les bras derrière la tête, les yeux levés vers le plafond blanc. Lui se fichait de Danayelle ; ils ne s'étaient jamais parlé, ni même partagé un regard. Enfin, lui, il l'avait regardée – il la trouvait si belle avec sa longue crinière blonde... et si idiote avec son don -, mais elle ne lui avait jamais accordé la moindre attention. Après tout, Tys était du genre invisible. Il avait des cheveux châtain, couleur poussière qui lui donnaient l'impression de s'être versé du sable sur la tête. Et à être si souvent dans les songes des autres et si peu dans les siennes lui procurait des airs lunatiques. Le don de télépathie était le plus rare d'entre tous et, en ce moment, ils n'étaient que deux à l'Institut à le posséder. Lui-même, et son professeur. Il n'y avait donc personne, parmi les elfes de son âge, à le comprendre. Sauf Egrim.
— Tys ?
— Hein ?
— Eh bien, tu en penses quoi ? s'impatienta Egrim.
— À propos de quoi ? Tu as dit quelque chose ?
— Non.
Tys leva les bras au ciel d'un geste évident. Egrim soupira en enfonçant son visage dans ses mains. Ça lui avait pris un moment pour s'habituer à ce que Tys soit toujours dans un coin de sa tête, mais c'était encore plus ennuyant pour lui quand Tys n'écoutait pas, puisque ces moments étaient très rares.
— J'ai dit qu'on devrait espionner Muglow !
— L'espionner ?!
— Ce ne sera pas efficace si tu le cries comme ça, dit Egrim en faisant la moue. J'ai une idée toute simple ; je nous téléporte dans son bureau, et toi, tu lis dans ses pensées.
— Hors de question. Trouve-toi un autre télépathe.
— Mais t'es le seul.
— Alors, apprends à le devenir.
Egrim pouffa de rire tout en secouant la tête de gauche à droite. Il l'aimait bien, Tys, mais c'était un trouillard doublé d'un imbécile. Il n'avait jamais aucun courage ; pas comme Danayelle qui était partie seule vers l'inconnu.
— Tu trouves vraiment que je suis un trouillard et un imbécile ?! s'exclama Tys en se redressant sur le lit.
— Hé, je croyais que tu n'écoutais plus !
— J'écoute toujours.
— Eh bien, si tu veux que je retire ce que j'ai pensé, t'as qu'à m'aider à espionner Muglow !
— Mais je ne veux pas faire ça !
— Alors je le maintiens ; t'es qu'un trouillard.
Egrim et Tys échangèrent un duel de regard qui dura une minute entière, jusqu'à ce que Tys capitule en soupirant et détournant les yeux.
— C'est quoi, ton plan, au juste ?
— Je l'ai déjà dit. Je nous téléporte dans son bureau et tu lis les pensées de Muglow.
— Tu ne sais pas téléporter à deux.
— Mais oui ! Je l'ai fait avec Danayelle.
— Et t'as vomi tes tripes.
— Je ne le ferai pas. Je me suis amélioré. Et j'ai appris de mes erreurs !
— OK, mais seras-tu assez précis pour ne pas foncer dans un meuble ? Ce n'est pas dans une forêt que tu veux aller, mais dans un petit bureau minuscule.
— Oh, tu m'énerves...
— T'es pas assez doué, c'est pour ça !
— Tant pis, je vais le faire moi-même !
Egrim se leva de sa chaise et se tourna vers la porte.
— Tu ne peux pas le faire seul, tu ne sais pas lire dans les pensées.
— Visiblement, le télépathe ne veut pas m'aider, alors je me débrouillerai.
Egrim déverrouilla la poignée et fit un pas à l'extérieur de la pièce. Tys, sachant parfaitement qu'il ne bluffait pas, s'élança d'un bond pour attraper son ami par le bras et le tirer à nouveau à l'intérieur de la chambre.
— Tu deviens cinglé, ou quoi ? T'as besoin de moi !
— Ah, parce que tu comptes enfin faire quelque chose ?
Tys soupira en levant ses yeux bleus au plafond. Il était coincé. Qu'est-ce qui était le mieux ? Rester sage et laisser Egrim se débrouiller seul ? Ou l'aider malgré les risques que l'un ou l'autre ne parvienne pas à contrôler leur don ? Tys avait vraiment peur que Egrim ne réussisse pas à les téléporter. Il avait vu dans ses souvenirs, avec Danayelle, comment il avait vomi tout ce qu'il avait dans l'estomac. Il ne maitrisait pas encore la téléportation correctement, et ça pourrait tourner mal de toute sorte de façon. Qu'il les coince à travers un meuble ou qu'ils fusionnent l'un dans l'autre, par exemple.
Egrim, lassé d'attendre, se dégagea de la poigne de Tys et se retourna pour quitter la chambre. Tys grogna, balança un coup de poing dans le mur, puis courut pour rattraper son ami.
— Tu fais chier, Outré.
Egrim lança un regard perplexe – même outré – au télépathe. Celui-ci pouffa de rire et enchaina, tout en se penchant à son oreille :
— Je l'ai vu dans tes souvenirs.
— Ouais, bah... toi aussi, tu fais chier. Alors ça y est, tu vas m'aider ?
— Je n'ai pas le choix, fit Tys dans un grognement. Mais si tu nous tues, je te jure que tu vas le regretter !
Egrim voulut répondre quelque chose, mais, tout en marchant dans le corridor en direction des escaliers pour le mener au rez-de-chaussée, il y avait tout plein d'élèves autour d'eux. Et risquer que l'un d'entre eux écoute était trop dangereux. Il se contenta alors de le penser, auquel Tys pouffa de rire malgré lui à la blague qu'il fut le seul à entendre.
En une minute, ils furent arrivés à destination ; devant le bureau de Muglow. Il y avait une nouvelle porte ; la précédente avait été explosée par Danayelle peu avant qu'elle ne parte. Celle-ci était en bois comme l'ancienne, mais une fenêtre opaque était maintenant en son centre, surmonté de son nom en lettre d'or. Il fut donc facile pour Egrim de deviner que le professeur y était ; il voyait une ombre se déplacer dans la pièce.
— Est-ce que c'est assez près pour que tu entendes ces pensées d'ici ?
— Non, fit Tys sur un ton d'excuse. Je n'ai pas encore assez de maitrise pour ça.
Egrim s'éloigna de la fenêtre, craignant de se faire repérer, et regarda autour d'eux dans le corridor. Le bureau du professeur était dans un coin peu fréquenté, et en ce moment précis, il n'y avait aucun élève pour risquer de voir ce qu'il manigançait. Sans attendre que sa chance tourne, il attrapa Tys par le bras et, comptant intérieurement jusqu'à trois, se téléporta à l'intérieur de la pièce.
Ils apparurent dans le placard où le professeur rangeait ses manteaux. Ce fut un atterrissage parfait ; pas une seule seconde dans cet endroit mystérieux d'où provenaient les voix de l'enfer, aucun bruit en touchant le sol, aucune fusion entre eux ou avec les vêtements. Et même aucun malaise. Malgré l'obscurité de la nouvelle pièce, Egrim fit un grand sourire arrogant pour son ami. Celui-ci le perçut à peine, mais il entendait parfaitement les commentaires fiers qui lui passaient par la tête.
— Oui, bravo, Egrim, fit Tys dans un chuchotement. Maintenant, essaie de faire le vide dans ton esprit si tu veux que j'écoute celui de quelqu'un d'autre.
Egrim s'efforça de fixer son attention sur la porte du placard tout en faisant des exercices de respirations. Tout pour s'empêcher de penser à n'importe quoi. Et c'était plutôt difficile pour lui qui avait une imagination très fertile.
Tys, de son côté, se trouvait ridicule d'écouter les songes d'un professeur. Mais puisqu'ils étaient là, aussi bien aller jusqu'au bout, même si ça ne l'enchantait pas. Il était un garçon sage qui suivait les règles et était toujours poli avec les plus vieux – sauf ses frères et sœurs à qui il adorait jouer des tours. Mais un gentil prof de télékinésie, avec qui il n'avait jamais échangé le moindre mot, l'espionner et comploter derrière son dos... Ce n'était pas fait pour lui.
— Alors ? murmura Egrim, de plus en plus impatient. Tu as entendu quelque chose ?
— Pas encore... Rien de bien intéressant, en tout cas. Il essaie de planifier sa prochaine semaine de cours et les nouveaux qui vont arriver mardi. Y'a trois télékinésistes dans le lot.
— Ça ne m'importe pas, Tys. Continue d'écouter.
Tys soupira en levant les yeux au ciel. Vraiment, cette situation lui déplaisait. Il en venait même à se demander pourquoi il était ami avec Egrim ; il était beaucoup plus téméraire que lui, et de loin... puis Tys se souvint qu'il n'avait pas vraiment eu l'embarras du choix.
Sans rien voir de ce que le professeur faisait, Tys parvenait à le deviner puisqu'il semblait avoir cette étrange manie de narrer sa propre vie dans ses pensées. Assez de paperasse pour aujourd'hui. Je vais me lever de se fauteuil, contourner mon bureau, oh tiens, je pourrais lire ce livre que j'ai commencé hier, mais non, j'ai encore plein de choses à faire, tiens, je vais regarder sur la carte magique, je vais retourner m'asseoir, juste un coup d'œil, après je vais aller en cuisine me prendre quelque chose à grignoter...
— Il va me refiler un mal de crâne, je te jure, murmura Tys en se penchant à l'oreille d'Egrim. Il...
Tys se tue soudain, étonné de ce qu'il percevait. Egrim releva la tête vers son ami, ses pensées bourdonnant de questions. Normalement, Egrim aurait été une source d'interférence trop importante pour lui permettre d'écouter quoi que ce soit d'autre, mais la curiosité et la perplexité étaient de bons motifs pour repousser les limites de son don. Il capta parfaitement la suite des pensées du professeur. Et ce qu'il en comprit lui fit hérisser ses cheveux couleur sable sur la nuque.
— Sors-nous d'ici, Egrim. Tout de suite.
— Tu as entendu quelque chose ?
— Oh, oui. Allez, on sort !
Sans attendre une seconde de plus, Egrim enroula ses doigts autour du poignet de Tys et l'entraina dans une téléportation qui les menèrent dans les corridors d'un coin un peu plus éloigné de l'Institut. Ils passèrent du placard du professeur à un couloir bondé d'élèves qui discutaient joyeusement entre eux. Tous sursautèrent en avisant les deux garçons qui venaient d'apparaitre au milieu de leur cercle, puis certains tapèrent des mains en félicitant Egrim. Il inclina la tête, surpris de l'accueil.
— Eh, ouais, bonjour...
— Ou au revoir, répliqua une elfe parmi la bande.
Egrim ouvrit la bouche, mais avant d'avoir pu poser la moindre question, Tys lui prit le bras en l'entrainant avec lui dans un autre coin où il n'y avait personne. Ils étaient sous les escaliers du rez-de-chaussée, plié en deux dans le petit espace.
— Mais pourquoi elle me dit au revoir, celle-là ?
— Parce que tu as fait preuve une parfaite maitrise de ton don, idiot. Bon... Tu veux savoir ce que j'ai entendu ? ajouta Tys dans un murmure.
Egrim hocha vigoureusement de la tête. L'idée qu'il avait soudainement appris à maitriser parfaitement son don le laissait ni chaud ni froid ; tout ce qu'il voulait était de savoir si ses soupçons étaient fondés ou non.
— Alors, commença Tys, nerveux. Muglow a dit... pensé, je veux dire... que sa carte magique – je ne vois pas exactement ce qu'il veut dire par là – lui indique que Danayelle vient tout juste d'arriver à Yglas. Et que... Et que, euh...
— C'est si difficile à dire que ça ? s'impatienta Egrim.
Tys prit une grande inspiration et lâcha, de but en blanc :
— Des trolls vont tuer Danayelle, voilà.
La peau du visage d'Egrim devint instantanément pâle comme ses cheveux. Dans son esprit, ce n'était plus qu'un long silence assourdissant, le genre de silence qui angoissa Tys. C'était la première fois qu'il entendait les pensées d'Egrim aussi... inexistante.
— Mais... pourquoi ? fit-il enfin d'une toute petite voix aigüe.
— Je n'en sais rien... mais c'est Muglow qui leur en a donné l'ordre. Je crois que tu as raison ; il l'a envoyée se faire tuer. C'était son plan. Tout ça, ce n'était qu'une mise en scène pour qu'on ne le soupçonne pas.
— Mais pourquoi ?!
— Je ne sais pas, Egrim !
— Danayelle va mourir... ou bien qu'elle est déjà morte. Tu imagines ? Elle est peut-être déjà morte...
Tys posa ses mains sur les épaules d'Egrim. Celui-ci ne sembla même pas s'en rendre compte, ses grands yeux pâles et écarquillés fixant le vide, sa bouche bêtement entrouverte. Et toujours ce silence angoissant dans son esprit.
— Egrim. Va dans ta chambre et allonge-toi un peu. Je vais continuer l'enquête seul et je te rapporterais tout ce que je vais apprendre. Mais je peux te dire qu'elle n'est pas encore morte. Rien n'est dit.
— OK...
— Va t'allonger...
Tys lâcha ses épaules et Egrim disparut presque aussitôt, subitement volatilisé. Tys soupira en baissant la tête, se demandant comment il allait faire. Parce qu'il avait menti ; il n'avait aucune idée si Danayelle était déjà morte ou non. Et il était à peu près sûr que même Muglow ne le savait pas.
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