Chapitre 2 Part 1 Avuera


Les couloirs du palais donnaient le même effet que lorsqu'on y pénétrait. Ils étaient larges et spacieux, décorés tantôt de tentures similaires à celles de la salle du trône tantôt de long voiles dorés, bleus ou roses pastel – comme celui dans lequel ils se trouvaient. Après leur avoir souhaité la bienvenue, le roi s'était levé de son trône et les avait invitées à le suivre. Selma et Elima marchaient à présent au côté du monarque dans un couloir à moitié ouvert sur l'extérieur. Du côté ouvert, des colonnes étaient postées à intervalles régulier et portaient les voiles caractéristiques du palais. Les deux sœurs étaient pendues aux lèvres de l'homme qui leur expliquait le fonctionnement du royaume.

- Vous êtes ici à la Capitale d'Avuera. Ceci est donc le palais royal. Comme vous vous en doutez certainement, je suis le roi, Jael d'Avuera. C'est donc mon devoir de vous demander, qu'êtes vous venues faire ici ?

Selma jeta un regard à Elima, qui laissait sa sœur parler en leur nom jusque là, pour lui demander son consentement. Il était temps de lui dire la vérité si elles voulaient être accueillies. La cadette acquiesça en esquissant un doux sourire.

- Nous sommes venues rechercher notre famille. Nous venons de ce monde mais notre mémoire a été effacée. Pouvez-vous nous aider ?

- Et pourquoi le ferais-je ? rétorqua le monarque en la fixant sérieusement.

Selma répondit, sûre d'elle :

- La phrase que j'ai dit en arrivant, ne suffit-elle pas ?

- Tu n'as aucune idée de ce qu'elle veut dire, ricana le roi, un sourire en coin.

- Non, concéda la jeune fille sans pour autant perdre son assurance, mais ce dont je suis sûre, c'est qu'elle signifie quelque chose d'important. Elle représente assez pour que vous nous veniez en aide.

- En réalité, révéla le monarque sur le même ton, je devrais plutôt vous mettre à mort...

La jeune fille déglutit.

- ...mais je ne le ferais pas, termina l'homme, parce que vous allez répondre honnêtement à la question, cette fois ci. D'où venez-vous ?

- Je ne vous ai pas menti, protesta Selma, je ne vous ai juste pas précisé l'endroit d'où on est parti.

- Nous venons de la terre.

Elima avait lâché ces mots sans attendre que sa sœur poursuive. Elle devenait irrespectueuse alors qu'elles devaient plutôt faire bonne impression si elles voulaient que le roi les accepte dans son royaume. Ce dernier posa d'ailleurs les yeux sur la jeune fille et la détailla pour la première fois. Il finit par reprendre, après un silence qui lui parut interminable.

- Vous êtes passé par le puits ?

- Oui, acquiesça Elima.

- Bien.

Un nouveau silence s'installa tandis que l'homme plissait les yeux, signe qu'il réfléchissait. Selma se retenait du mieux qu'elle pouvait pour ne pas laisser un flot de question se déverser. Elle avait conscience de la position dans laquelle elle se trouvait mais elle avait toujours été comme ça, impulsive. Elle se mordit nerveusement la lèvre tout en évitant soigneusement le regard du roi, qu'elle sentait peser sur elle. Quant enfin il se décida à reprendre la parole, elle faillit laisser échapper un soupir de soulagement.

- Avant de continuer, je dois vous avertir. Cette devise est celle de la famille royale d'Avuera. Elle n'est connue que des membres de la famille royale ainsi que d'une poignée de personne de confiance. Parmi elles se trouvent les Protecteurs, précisa le roi. Vous avez eu de la chance de tomber sur l'une d'entre elles en arrivant ici, ajouta t'il en faisant référence au garde qui les avait guidé jusqu'au palais. Délial, si Selma avait bonne mémoire.

Il fit une courte pendant que les deux jeunes filles prenaient conscience de l'importance de ce qu'elles pensaient être une simple devise du royaume.

- C'est donc un moyen de reconnaissance en cas de crise extrême. Seules des personnes de haute confiance la connaisse, reprit t'il d'un ton plus dur. C'est pourquoi, elle ne doit en aucun cas être divulguée ou mentionnée en dehors de cette discussion. Me suis-je bien fait comprendre ? C'est d'une importance capitale. Cette phrase, qui paraît si anodine, a traversé des siècles de rois et reines se succédant sur ce trône, leur permettant une porte de secours en dernier recours.

Selma fut la première à hocher la tête. Elle comprenait parfaitement. Cependant, elle ne put s'empêcher de laisser les mots s'échapper de la barrière de ses lèvres, arrachant un sourire à sa sœur.

- Qui sont les Protecteurs ?

Le roi sourit, amusé.

- Tu es aussi curieuse qu'impétueuse. Pour le comprendre, il vous faut assimiler une notion bien particulière qui régit ce monde depuis sa création. D'après vous, comment fonctionne le puits qui vous a transporté ici ?

La question les laissa perplexe. Elles ne se l'étaient pas vraiment demandé, n'accordant aucune importance à un détail pourtant plus que capital. La réponse aurait dû autant leur sauter aux yeux qu'elle paraissait inexplicable, invraisemblable. Parce qu'il n'y avait aucune réponse tangible. Au fur et à mesure que ce mot se frayait un chemin dans son esprit, Selma écarquillait les yeux, confuse. Comment cela se pouvait-il ?!

- De la magie, finit-elle par souffler, toujours plus embrouillée.

Sa sœur posa aussitôt son regard sur elle. Lorsqu'elle le croisa, elle sut qu'Elima ne trouvait pas les mots pour s'exprimer. Le roi hocha lentement la tête, confirmant ses doutes.

- Mais...protesta faiblement la jeune fille avant de se faire couper par la voix ferme et assurée de l'homme.

- J'ai conscience que cela puisse être un choc. Après tout, vous venez de la Terre, il n'y a rien de tout cela, là bas. Pourtant, vous voyez une autre explication ? Non. Parce qu'il n'y en a pas. La magie fait partie de nous, de chaque parcelle de ce monde.

Une partie de la jeune fille tendait à le croire. Après tout, elle ne connaissait rien d'ici, elles n'étaient plus sur Terre. Pourtant, elle avait besoin de preuve. De plus, elle n'oubliait pas sa question initiale.

- Soit. Admettons que la magie existe, consentit Selma, quel est le rapport avec les Protecteurs ?

- Concrètement, expliqua l'homme, la magie fait partie de nous autant que nous ne sommes qu'un avec les éléments. C'est-à-dire, poursuivit-il devant l'air perdu des adolescentes, que nous utilisons la magie. Tous. A des degrés différents. En conséquence, il y a des mages qui ont une aisance bien supérieure aux autres. C'est la nature. Les mages les plus puissants ont pour vocation de protéger le royaume de l'intérieur comme de l'extérieur. A ce rôle, ils portent le nom de Protecteurs.

Assimilant les informations, l'une plissa les yeux tandis que l'autre hocha la tête. Presque instantanément, les questions fusèrent, en même temps.

- Vous avez parlé des éléments...

- J'ai une autre...

Les deux jeunes filles se regardèrent aussitôt, lâchant un gloussement.

- Une seule à la fois, rit le roi. Nous allons laisser l'honneur à Elima de commencer, pour une fois ?

Cette dernière ne se fit pas prier et poursuivit son interrogation précédemment commencé.

- Vous avez mentionné les éléments en faisant allusion à la magie, reprit-elle plus sérieusement, qu'est ce que cela veut dire ?

- Tout simplement que notre magie se base sur les éléments. L'eau, le feu, la terre et l'air. Pour l'essentiel.

- Comment ça ? renchérit Elima. Il existe d'autres éléments, d'autres magies ?

- C'est beaucoup plus compliqué que ça, souffla l'homme, semblant chercher le moyen d'être le plus simple et complet possible.

Ce qui d'ailleurs paressait difficile, au vu de ses sourcils froncés et de ses lèvres pincées.

- Disons que chaque peuple à sa propre magie ou sa propre façon de l'utiliser. Vous en apprendrez davantage plus tard.

Elima n'insista pas plus, il était clair qu'elles ne pourraient pas avoir toutes leurs explications maintenant. D'autre part, elles allaient devoir apprendre par elle-même, ou peut être que le roi leur assignerait des cours d'histoire.

- Une dernière question ? interrogea le roi, qui semblait vouloir poursuivre leur chemin.

Selma entrouvrit la bouche puis la referma aussi vite, indécise. Oui, elle avait encore des questions, mais pas qu'une. Ne sachant laquelle poser, elle ne se décidait pas à parler. Le silence se faisant plus pesant, le roi posa le regard sur la jeune fille. Semblant comprendre la raison de son trouble il précisa, presque agacé.

- Je vous parlerais de votre famille plus tard alors si vous avez encore une question, posez la maintenant.

La jeune se mordit à nouveau la lèvre avant d'élever la voix.

- Sur Terre, j'ai lu un témoignage d'un homme qui déclarait être venu ici, avança t'elle prudemment. Il avait réalisé une peinture du paysage se dessinant à la sortie du puits. Je voulais savoir, comment est-il reparti d'ici ? Parce qu'à notre arrivée, il n'y avait aucune trace du passage dans le sable.

Le roi resta silencieux un instant, le visage fermé, avant d'éclater d'un rire léger.

- Nous l'avons renvoyé bien sûr, après lui avoir partiellement effacée la mémoire sur les possibles habitants de ce royaume. Il y avait des sentinelles à cette époque là, responsables de gérer ce genre d'incident.

- Il n'y en a plus, maintenant ? s'étonna la jeune fille.

- Non, cela fait partie des conséquences d'une guerre mais vous n'avez pas besoin d'en savoir plus.

Sur ces mots, le monarque se retourna et reprit sa marche, achevant la conversation dans le même temps. Elima et Selma s'échangèrent un regard entendu. Ce sujet avait l'air sensible, en tout cas pour le roi. Mais ne représentait-il pas le pays ? Cette guerre semblait avoir eu de lourdes conséquences, éveillant du même coup la curiosité des jeunes filles. Elles suivirent l'homme sans piper mots. Le couloir semblait interminable. Jetant de temps à autre un coup d'œil à leur droite, Selma pouvait apercevoir un versant de la montagne, derrière le palais. Couvert d'arbres, le vert tranchait avec le blanc immaculé de l'édifice dans lequel elles se trouvaient.

A la suite d'un énième virage, le roi se stoppa enfin devant une porte en bois, de taille moyenne. Il se retourna pour leur faire face.

- Chaque habitant de ce royaume possède un niveau d'harmonie avec les éléments qui détermine son niveau de magie. Depuis des siècles, chaque enfant d'Avuera passe un test à l'âge de dix ans afin de déterminer ce niveau. Il suit ensuite des cours de magie afin d'apprendre à maîtriser au mieux les éléments, jusqu'à la fin de ces études. Évidemment, vous n'avez pas pu effectuer ce test, nous allons donc y procéder aujourd'hui.

Selma et Elima le dévisagèrent, ébahie. Elles allaient passer un test dont elles ne connaissaient absolument pas la teneur et pour évaluer leur niveau de magie, de surcroît ?! Ce ne pouvait être qu'une blague. Le roi ne leur laissa pas le temps de réagir qu'il poursuivit, indifférent de l'avis de ses interlocutrices.

- Derrière cette porte, se trouve les salles dans lesquelles vous allez passer ce test. Il n'est en aucun cas dangereux. Vous allez l'effectuer en même temps, je serais présent pour superviser les professeurs, si cela peut vous rassurer. Il est possible que vous ne vous réveilliez que quelques heures plus tard, suite aux effets secondaires. Nous nous reverrons donc en début de soirée. Un repas vous sera apporté et je vous parlerais de votre séjour ici. Je vous souhaite bonne chance, lança t'il avec un sourire en coin avant d'ouvrir ladite porte et d'inciter fortement les deux sœurs à rentrer à l'intérieur.

Elles se retrouvèrent dans une pièce blanche du sol au plafond, mais pas de marbre, non plus une sorte de métal. En face, une barre vitrée les séparait d'une seconde pièce. Elle était en tout points semblable à celle dans laquelle ils se trouvaient, à l'exception qu'elle était remplie de machine en tout genre. Le roi les guida jusqu'à cette salle, qui semblait être une sorte de laboratoire.

Plusieurs hommes se trouvaient là, certains penchés sur leurs machines, d'autres concentrés sur leur écran d'ordinateur à rédiger on ne savait quoi. Selma fut étonnée du modernisme de cette aile du palais. Ils étaient en avance par rapport à la Terre ! Deux scientifiques s'approchèrent du petit groupe, n'oubliant pas leur révérence à l'égard de leur souverain.

- Que nous vaut votre visite, mon roi ? Il est rare de vous voir ici, salua le plus vieux des deux, sûrement le chef de cette petite équipe.

- Il est vrai que je n'ai pas pour habitude de vous amener des candidats mais sans moi, ces petites ne seraient jamais arrivées jusque là, précisa le roi dans avec un sourire moqueur.

Selma fronça les sourcils, elles n'étaient pas « petites ». Si ce n'avait pas été le monarque, elle le lui aurait fait remarquer d'un ton acide mais elle ravala ses reproches, consciente d'où se trouvait sa place. Le roi reprit, précisant le pourquoi de sa venue, en désignant les deux jeunes filles.

- Je vous amène ces deux demoiselles, afin que vous leur fassiez passer le test de magie. Vous me ferez parvenir les résultats le plus tôt possible. Elles sont votre priorité.

L'homme opina du chef sans poser de question. On ne contredisait pas son souverain, on lui obéissait sans sourciller. Le roi Jael termina les présentations sans donner plus d'explications.

- Voici Selma, fit-il en la désignant, et Elima, conclut t-il en faisant de même avec sa sœur.

Il se retira ensuite, laissant les deux adolescentes complètement perdue avec deux inconnus, ne sachant pas du tout à quoi s'attendre. Contre tout attente, le chef leur adressa un franc sourire avant de leur demander de le suivre. Il les emmena dans une énième salle, plus petite cette fois, pas moins dépourvue d'appareils électroniques variés. Il se tourna alors vers elles.

- Vous allez être conduites dans deux pièces différentes, vous connaissez le principe. Les capteurs incrustés dans les matériaux vont nous retransmettre leurs signaux sur les écrans d'ici. N'oubliez pas que c'est un test, et agissez naturellement. On se revoit tout à l'heure, termina t'il avec un nouveau sourire éclatant, trop forcé pour être rassurant.

Selma se retrouva poussée dans une immense pièce plongée dans le noir. Elle n'avait même pas eu le temps de glisser un mot à sa sœur, le premier homme dont elle ne connaissait toujours pas le nom, l'avait tiré à sa suite. Il avait refermé la porte derrière elle sans laisser aucune explication à la jeune fille. Selma attendit, se demandant comment allait se dérouler le test. Seulement, rien ne se produisit. Elle commença à s'impatienter et lâchait un soupir excédé.

N'en pouvant plus, elle commença à déambuler dans les ténèbres jusqu'à rencontrer le mur d'en face. Elle lâcha un grognement et se retourna subitement vers la porte.

- Vous allez me laisser là encore longtemps ? explosa la jeune fille. Je commence à douter de l'efficacité de votre stupide test !

Quelques minutes passèrent sans que Selma n'obtienne de réponse. Puis, alors qu'elle se dirigeait rageusement vers la porte de l'étrange salle, la lumière s'alluma, aveuglant l'adolescente. Elle mit ses mains devant ses yeux pour les protéger du trop de clarté. Lorsqu'elle les rouvrit, elle ne put réprimer l'exclamation de surprise.

Elle se trouvait à présent devant un océan qui semblait s'étendre à l'infini. Il avait la couleur du ciel et l'eau était claire tel du cristal. Les rayons du soleil se reflétaient sur le sable doré, créant une mosaïque qui oscillait avec le courant.

Selma s'approcha de l'eau sans crainte, émerveillée par le paysage apaisant. Elle se déchaussa à quelques mètres de l'eau puis s'avança jusqu'à ce que les vagues mourantes lui lèche les pieds. Le vent marin fouettait son visage elle respira à plein poumon l'air iodé du bord de mer. Elle rentra dans l'eau jusqu'aux genoux puis reposa son regard vers l'océan. A quelques mètres d'elles, des poissons aux écailles couleur corail nageaient en cercle autour d'elle. Elle se croyait au plus bel endroit sur terre.

Le vent devint plus fort, plus les minutes passaient, plus les rafales la faisaient chanceler. Elle voulut s'avancer encore plus loin au milieu des flots mais des vagues sorties de nulle part apparurent devant elle. Elle haleta alors que la vague fondait sur elle. Elle ne bougea pas d'un iota, tétanisée, certaine de se faire submergée.

Mais il n'en fut rien. La vague s'écrasa à ses pieds, l'aspergeant d'écume gelée. La mer, chaude lorsque Selma était rentrée dedans, était devenue glacée en l'espace de quelques secondes. Ses réflexes de survie se mettant subitement à fonctionner, la jeune fille se retourna et se précipita vers la rive. Poussée par l'adrénaline, elle se concentra sur son objectif, délaissant le sol. Le sable creusé par endroit par la force du courant eut raison de son équilibre et elle trébucha à un peine un mètre du rivage. Selma n'eut cependant pas le temps de s'affaler dans l'océan qu'une vague venue du large l'emporta avec elle. Submergée par les flots, elle sentit le liquide salé s'insinuer dans sa bouche tandis qu'elle lutait pour retenir sa respiration. Elle finit sa course projetée contre la berge, poussant un gémissement lorsqu'elle heurta violemment le sol dur.

La jeune fille reprit péniblement son souffle, restant prostrée pendant de longues minutes. Elle finit par trouver la force de se relever et serra les poings pour se donner du courage. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque ses doigts se refermèrent sur des touffes d'herbes. Elle se releva brusquement, titubant quelques instants, observant avec une stupeur non feinte l'environnement métamorphosé.

Devant elle se tenait à présent une forêt imposante, d'où lui parvenait le chant d'une multitude d'oiseaux et l'odeur de l'atmosphère humide de la jungle. Car elle en était sûre, pour l'avoir étudiée dans les livres, qu'elle faisait face à une forêt tropicale. L'hébétement laissa progressivement place à l'appréhension. Selma avait également une petite idée des créatures habitant dans ce type de milieu et ce n'était pas pour la rassurer. Elle savait qu'elle allait devoir s'y aventurer, cela faisait parti de l'épreuve mais qui savait sur quoi elle allait tomber ?

Elle prit une profonde inspiration et se décida à tenter sa chance. Plus vite elle s'y engagerait, plus vite elle passerait à l'épreuve suivante. La jeune fille n'eut pas à marcher bien longtemps pour se mesurer à l'élément. Alors qu'elle suivait soigneusement un chemin semblant être tracé par le hasard ou la Nature elle-même, elle se retrouva piégée dans une clairière, entourée d'herbes hautes. Elle se maudit pour s'être laissée bernée et entreprit de regarder autour d'elle la moindre échappatoire. Malheureusement, elle était incapable de voir au dessus de la végétation et comprit rapidement ce qu'elle devait faire.

- Je dois me mettre en hauteur.

Repérant un arbre qui lui paraissait assez solide, elle attrapa la branche la plus basse et se hissa dessus à la force de ses bras. Commença alors une périlleuse ascension jusqu'à ce qu'elle estime avoir une vue suffisamment dégagée sur la jungle. Un essai qui se révéla infructueux à ceci près qu'il n'y avait plus qu'une solution possible : traverser la clairière, ou plutôt la contourner afin d'éviter les serpents. En effet, la jungle semblait interminable si bien qu'aucune direction ne serait meilleure qu'une autre.

Selma descendit rageusement de son arbre, ne comprenant pas où tout cela allait l'emmener. A l'évidence, la sylve ne semblait pas encline à lui fournir son aide. Ce que la jeune fille ignorait, c'était qu'elle venait de passer à la troisième étape, loin d'être la plus facile.

Elle reprit son chemin après avoir arraché une branche moins solide que les autres afin de pouvoir dégager son passage. Les premiers centaines de mètres s'enchainèrent sans entraves. Les ennuis arrivèrent lorsque la jeune fille se rendit compte qu'elle passait devant l'arbre sur lequel elle était montée pour la deuxième fois. Elle s'arrêta brusquement, espérant s'être trompée. Mais non, elle tournait en rond.

Selma lâcha un cri d'exaspération et se tourna de nouveau vers la jungle impénétrable, tapant du pied d'impatience. Un éclat doré attira soudain son attention. Elle scruta l'horizon et écarquilla les yeux de stupéfaction : une fumée grise s'élevait dans l'atmosphère, à moins de cinq cents mètres de sa position.

- Bon sang, un feu de forêt...

Son premier reflex fut de fuir le plus loin possible mais elle se morigéna aussitôt.

- La voilà, la troisième épreuve.

Alors, faisant fit de la peur grandissante qui montait en elle, elle poursuivit sa route, direction l'incendie. Elle ne tarda pas à sentir la température de l'air augmenter fiévreusement ainsi que l'air devenir de plus en plus irrespirable. Elle tentait vainement de se persuader que ce n'était qu'un test, rien n'était réel.

Les flammes surgirent de nulle part, s'imposant à la jeune fille comme une vision de l'enfer. La chaleur suffocante l'empêchait de réfléchir correctement. Elle resta coi devant la puissance du feu. L'élément se déchaînait sur la forêt, brûlant chaque parcelle de la nature laissant derrière lui un sillon de terre calcinée, mise à nue.

Cependant, Selma n'avait pas peur. Elle était en réalité émerveillée devant les langues de flammes qui dansaient devant elle. Au milieu d'un rêve éveillé, elle tendit lentement la main vers le feu, stoppant son geste à quelques centimètres du flambeau ardent. A l'instant où elle esquissa un mouvement, le feu sembla lui obéir. La jeune fille n'avait plus vraiment conscience de ce qu'elle faisait pourtant elle ne put que constater que le feu avait cessé de croitre à sa demande. Elle leva de nouveau son bras et les flammes la suivirent silencieusement.

Puis, la magie prit fin et la nature reprit ses droits. Une rafale de la violence d'un ouragan souffla le feu en un instant, secouant la jungle d'un millier de tremblement. Selma s'effondra sur la terre drue, réalisant avec peine l'exploit qu'elle venait d'accomplir. La quatrième épreuve avait sonné son heure.

Elle se releva prudemment, redoutant une nouvelle salve ventée. Mais rien. Pas un bruit. La jungle était devenue entièrement silencieuse. Selma arqua ses sourcils, perplexe. Pourquoi la tempête ne venait pas ?

- Il ne me reste pourtant bien que l'air à affronter ? fit la jeune fille à voix basse.

La réponse ne se fit pas attendre.

Le hurlement du vent ébranla la forêt, plongeant Selma en plein cauchemars. Elle plaqua ses mains contre ses oreilles, atténuant à peine le vacarme grandissant. Les arbres s'écartèrent pour laisser place à un tourbillon aussi noir que la nuit. La fureur de la nature semblait s'abattre sur elle.

Les yeux écarquillés, elle pria silencieusement un quelconque dieu ou déesse de la sauver. Son salut ne dépendait plus d'elle, il était trop tard. Selma tendit néanmoins le bras, tentant de réitérer son précédent miracle avec le feu mais ce fut vain. A la place, une racine surgit soudain de sous-elle, l'emportant dans les airs. Ainsi soulevée de plusieurs mètres, une issue s'avéra envisageable.

Autant tenter le tout pour le tout, se dit-elle.

Selma bondit sur l'arbre le plus proche, s'agrippant à la branche la plus haute. Elle renouvela son saut d'arbre en arbre, ne perdant pas une seconde. La tornade se rapprochait inexorablement, la suivant où qu'elle aille. La jeune fille réussit pourtant à atteindre son but, une crevasse à peine visible au milieu des feuillages, s'enfonçant d'une dizaine de mètres dans le sol. Elle atterrit au pied de la fissure, hésitant un instant à risquer sa vie dans un saut sûrement mortel. Un regard en direction de l'ouragan qui n'était maintenant qu'à quelques mètres d'elle la convainquit rapidement.

Elle se jeta dans la rainure sans un regard en arrière. Alors qu'elle s'attendait à une chute interminable puis à une réception plus que douloureuse, Selma ne sentit rien. En fait, elle sombra dans les ténèbres avant même d'avoir touché le sol.


Au réveil, la sensation fut plus exquise que tout ce qu'elle pouvait s'imaginer. Selma avait l'impression d'être emmitouflée dans un cocon de coton doux et moelleux. Son esprit aussi était embrumé. Elle mit quelques minutes à s'accommoder à son environnement. Lorsque sa vision fut claire, elle se rendit compte qu'elle se trouvait dans une chambre, confortablement bordée dans un lit aux couleurs chaudes. Le soleil filtrait par les rideaux en voiles, illuminant la pièce d'une agréable lueur rosée, signe que l'astre du jour se couchait.

A l'instant où elle esquissa un mouvement, une ombre jusque là dissimulée dans un recoin, s'avança vers elle. La jeune fille eut un sursaut de surprise puis se redressa rapidement sur son lit.

Le serviteur s'inclina prestement avant de lui demander sur un ton neutre.

- Vous êtes enfin réveillée, madame, le roi s'en verra rassuré.

- C'est une manière de me demander comment je me sens ? s'amusa Selma.

L'homme esquissa un demi-sourire sans pour autant paraître plus concerné.

- Vous avez dormi plusieurs heures, lui apprit-il, il commençait à être urgent que vous mangiez. Je suis là pour ça.

Le majordome désigna une armoire à sa droite.

- Vous y trouverez de quoi vous vêtir, le roi vous attend dans une heure. Je viendrais vous chercher.

Il lui fit une dernière révérence et quitta la pièce sans attendre de réponse. Selma assimila les informations et s'empressa de se lever, suivant son premier désir à son réveil. Elle parcourut la pièce du regard avant de se diriger vers la fenêtre. La vue fut au-delà de toute imagination. La cour intérieure du palais en contrebas était remplie de vie. Des dizaines de personnes s'affairaient à leurs taches respectives, créant un va-et-vient incessant d'un bout à l'autre de la place centrale. Un brouhaha effervescent se propageait jusqu'au ré-de-chaussé du palais.

La jeune fille dut se résoudre à décrocher son regard de l'attroupement pour poursuivre son inspection de lieux. La chambre était bien plus grande qu'elle n'y paraissait. Le lit, pourtant énorme, ne prenait qu'un quart de l'espace au sol. S'ajoutait à ça un bureau, deux commodes et deux armoires comprenant des étagères et une penderie. Poussée par la curiosité, la jeune fille s'approcha d'une des deux portes donnant sur la chambre et l'ouvrit.

Elle resta bouche bée devant ce qu'elle voyait tellement cela lui semblait irréel. Ce qui devait être une salle de bain était en réalité une géante salle carrelée dotée d'une baignoire en marbre deux fois plus grande qu'elle et de plusieurs buffets remplis d'une multitude d'accessoires ou de vêtements en coton.

- Mais comment est-ce possible de posséder tout ça...

Selma n'en revenait pas. Elle se doutait bien que si elle bénéficiait de tout ça, tout les autres invités aussi et quant bien plus les résidents au palais ou encore, le roi lui-même.

Elle fut un peu moins étonnée en découvrant ce qui se cachait derrière l'autre porte mais la richesse des lieux ne lui sauta pas moins aux yeux. Un salon de taille comparable à la pièce à coucher était décoré de dizaines de tentures représentant des paysages variés. Plusieurs canapés et fauteuils recouverts de soie garnissaient le parquet du sol. Un salon qui valait sans doute bien plus cher que l'ensemble des terres que possédaient les gens de son village, lorsqu'elle vivait encore sur terre.

Elle préféra retourner dans la chambre à coucher, d'autant plus que l'heure devait être bien entamée et qu'elle était loin d'être présentable. Selma s'aperçut ainsi que ses vêtements n'étaient plus les mêmes. Elle ne les chercha pas, il lui suffirait de poser la question au roi, mais se préoccupa plutôt de se choisir une tenue.

Selma avait l'embarra du choix : l'armoire était remplie de vêtements de toute sorte allant de l'ensemble en lin à la robe de satin. La palette de couleur n'était pas en reste non plus. La jeune fille porta son dévolu sur une robe simple dans les tons pastel. Le tissu souple et doux cascadait à partir de sa taille jusqu'à ses pieds dans des multiples voiles superposés. Le haut était plus atypique ; les manches s'élargissaient au niveau des avant-bras et deux rabats de tissu étaient attachés ensemble, sur un modèle cache cœur. Des motifs feuillus parsemaient le vêtement et une ceinture de satin enserrait sa taille.

La jeune fille se regarda longuement dans le miroir, partagée. D'un côté elle ne se sentait pas à sa place dans cet endroit et ces habits luxueux et de l'autre, elle craignait que sa tenue soit trop décontractée pour être en présence du roi. Lassée par ces réflexions futiles, elle finit par se laisser tomber dans un des fauteuils, jouant avec une de ses mèches brunes.

Ce ne fut seulement maintenant qu'elle laissa sa raison s'imposer. Un millier de questions l'assaillirent mais la plus importante lui nouait la gorge. Où était sa sœur ? Selma ne la connaissait que depuis peu mais elle était son seul repère dans cet environnement inconnu. L'angoisse commençant à la gagner, elle se mordit nerveusement la lèvre inférieure. La jeune fille se rendait compte qu'elle n'avait aucune idée de ce dans quoi elle avait mit les pieds.

Et qu'est-ce que c'était que ce test ? Elle n'avait pas rêvé, tout ce qui s'était passé n'était pas normal. Des vagues gigantesques de l'océan au mugissement de la tornade, en passant par la fureur des flammes- qu'elle avait d'ailleurs inexplicablement bloqué- et l'hostilité de la jungle : cela ressemblait plus au déchainement des éléments qu'à des aléas climatiques. Mais alors comment cela pouvait-il exister ?

L'évidence s'imposa à elle en même temps que les paroles du roi prirent tout leur sens.

- De la magie...murmura-t-elle, incrédule.

Selma n'eut guère le temps de s'interroger davantage que l'on frappa à la porte.

- J'arrive !

La seconde d'après, elle entendit le battant de bois frotter contre le parquet. Elle se leva vivement et quitta le petit salon pour rejoindre la chambre, où l'attendait le majordome. Elle le salua d'un petit signe de tête et l'homme l'invita à le suivre. Le roi l'avait fait quérir, et on ne faisait pas attendre un monarque, d'autant plus qu'elle était bien décidée à avoir toute les réponses qui lui manquait.


•••

Hello ^^

Heureux de vous revoir xD

J'ai eu vraiment du mal à achever cette partie, l'écriture me prends du temps et de base, je voulais la couper autrement 😅

Ducoup, elle est assez longue et assez descriptive, j'espère que vous ne vous serez pas ennuyé 😕

Un petit peu plus de dialogues la prochaine fois et surtout, enfin un peu de réponses 😁

Si tout se passe bien, vous aurez la suite pendant les vacances de Décembre 😊 (toutes zones confondues xD)

Alors, comment trouvez vous Selma ? Et ce nouveau royaume, votre première impression ? 😉

A la prochaine ! 😆

Jade ~

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