Chapitre 2 Part 3 Avuera
Les heures de sommeil furent courtes mais jamais Selma n'avait dormi dans un lit aussi confortable. Le matelas était aussi moelleux que de la mousse et les draps doux comme du velours. Une femme de chambre vint la réveiller comme prévu et, bien qu'elle profita encore un peu de la literie royale, elle se hâta de se préparer, ne voulant pas être en retard.
La jeune fille se décida à tester la salle de bain, l'idée de prendre une douche attisant son envie. Elle ne fut pas déçue. Les produits aussi bien que le linge de bain à l'odeur d'encens ravirent ses sens. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle essaya les parfums, disposés sur le buffet. Elle regarda un à un, chaque flacon. L'un d'entre eux retint son attention : le liquide odorant était d'un bleu aussi profond que l'océan. Deux lianes en argent ornaient le haut du contenant, en forme de pomme transparente.
La jeune fille s'en saisit délicatement, semblant craindre de le briser d'une pression trop forte. Elle s'en appliqua dans le creux du cou, à la racine de ses cheveux ainsi que sur ses poignets. L'odeur florale et fraiche de la rosée du matin lui monta rapidement au nez, la plongeant en plein rêve. L'odeur ne lui était pas inconnue, elle l'avait déjà sentie. Des bribes de souvenirs resurgirent de sa mémoire. Elle se revoyait, enfant, se jeter dans les bras d'une jeune femme, sans pour autant se rappeler de son visage. La petite fille passait ses petit bras autour de son cou, humant son odeur. Selma reconnut la fragrance du parfum qu'elle tenait entre ses mains.
Il n'y avait pas de doute maintenant, elle venait bien d'ici. Troublée, elle reposa la bouteille d'une main tremblante et s'empressa de sortir de la pièce. Elle attrapa une tenue au hasard dans l'armoire, pressée de quitter sa chambre. Elle revêtit une robe évasée à partir de la taille, aux couleurs de l'aurore, symbole d'Avuera. Le buste brodée de perle blanche, elle se regarda dans la glace avec satisfaction.
– J'ai l'air d'une princesse, s'extasia la jeune fille en faisant voler les voiles de sa robe.
Elle brossa soigneusement ses cheveux auburn, les laissant détachés. Ils retombaient en cascade dans son dos, légèrement ondulés. Selma eut à peine le temps de se poser que le majordome vint la chercher. Il se présenta avec son masque neutre habituel, lui apprenant seulement que le roi les attendaient à la porte Est du palais : la Minas Meltha. Elle ignorait complètement ce que cela pouvait signifier mais elle suivit son guide avec une excitation grandissante. Sa hâte ne fit qu'augmenter lorsqu'elle prêta attention à ce qui l'entourait. Si au début le majordome l'entraîna à travers des couloirs semblant identiques, comme la veille, ils émergèrent bientôt sur un corridor dont un pan était ouvert sur l'extérieur. La jeune fille se rendit alors compte qu'ils se dirigeaient vers l'extérieur du palais.
Le soleil brillait haut dans le ciel et une chaleur humide emplissait l'atmosphère. Selma tentait tant bien que mal de suivre l'allure rapide du majordome, tout en gardant une démarche noble, à l'image des dizaines de personnes qui arpentaient les couloirs. Contrairement à ce qu'elle pensait, le palais était bien agité malgré l'heure matinale. Pour la première fois, elle prêta attention à la tenue des personnes qu'ils croisaient. Elle découvrit qu'elles ressemblaient beaucoup à celles portées sur Terre à quelques détails près, et si on remonte quelques siècles en arrière. Les domestiques, ainsi que plusieurs femmes sûrement de la noblesse, semblaient tout droit sorties du temps des rois de France. En ce qui concernait les hommes, ils portaient presque tous un pantalon et une veste assortis ainsi qu'une chemise plus ou moins brodée, allant du fil d'or au fil de satin. Les couleurs de leurs habits faisaient honneur à la palette de couleur existante mais la plupart arboraient celles d'Avuera.
La jeune fille était encore loin de saisir tous les codes de la société d'Avuera mais elle était déjà capable de distinguer les sujets possédant un certains rang de ceux possédant un travail plus physique, homme ou femme. Elle avait particulièrement croisé des femmes habillées d'un pantalon en cuir, le plus souvent, et de chemisiers ou tuniques de lins. En somme, elles semblaient préférer ce qui était pratique et qui ne gênait pas les mouvements.
Ils débouchèrent finalement dans une salle de taille moyenne au sol de marbre, encore plus bondée de monde. Il y régnait une agitation surprenante par rapport au reste du palais. Le majordome l'entraîna au milieu de la foule, jusqu'à une immense porte sculptée dans une roche blanche. Au-dessus était gravé dans le mur : Minas Meltha.
Selma n'eut pas le temps de s'attarder sur l'imposante construction que son guide passa la porte, une formalité pour lui. Dehors l'attendait un spectacle plus grand encore. Ils débouchèrent sur une immense esplanade. Au centre, une fontaine offrait son eau aux visiteurs les plus assoiffés. Pour le reste, ils circulaient rapidement, rentrant dans le palais par la Minas Meltha ou descendant par les deux escaliers qui délimitaient la terrasse, de chaque côté.
Elle pencha la tête sur le côté, essayant de distinguer ou menait le colimaçon le plus proche mais une traction sur son avant-bras l'en empêcha.
– Le roi nous attend, nous n'avons pas le temps de traîner, lui reprocha son guide d'une œillade sévère.
Selma ravala une remarque cinglante et le suivit en direction de la fontaine, dont ils en firent le tour. Elle aperçut seulement maintenant le roi Jael, accoudé au garde-fou, au bord de l'esplanade. Ils s'avancèrent vers lui sans qu'il ne les remarque. Arrivé à ses côté, le majordome s'inclina respectueusement, attirant son attention.
– Mon roi, salua l'homme.
Le monarque se tourna instantanément vers eux, esquissant un sourire en direction de la jeune fille. Selma s'empressa d'effectuer une révérence, respectant le protocole.
– Je vous remercie de me l'avoir amené, Hedan. Vous pouvez disposer, je vous ferais quérir afin de la raccompagner.
L'homme s'inclina et disparut aussitôt dans la foule, sans ajouter un mot. Décidément, se dit Selma, il n'aime vraiment pas la compagnie humaine. Elle se tourna hâtivement vers son hôte, pressée de découvrir le programme de la matinée. Le roi rigola devant son enthousiasme apparent et une lueur malicieuse prit place dans son regard noisette.
– Nous attendons ta sœur, indiqua-t-il, puis nous commencerons la visite.
Selma comprit qu'elle n'obtiendrait pas plus d'information et se mit alors à scruter la foule, essayant de repérer sa sœur. La cadette ne se fit pas désirer longtemps. Elle arriva quelques minutes plus tard, elle aussi accompagnée par un homme au service du roi.
Ravie de la revoir, Selma l'enlaça fortement, soulagée qu'elle aille bien. Elima éclata de rire et répondit spontanément à son étreinte. Pressée de lui rapporter toute ses découvertes, l'aîné ne lui laissa même pas le temps de dire un mot qu'elle se mit à déverser un flot de parole ininterrompu. Tandis qu'Elima tentait tant bien que mal d'assimiler les diverses informations, le roi les couvait d'un regard bienveillant, attendri.
Au fur et à mesure que Selma retraçait son récit, Elima écarquillait les yeux de stupeur et entrouvrait sa bouche sous le coup de l'émotion. Lorsque sa sœur eut fini, elle tourna fébrilement la tête vers le monarque, cherchant un appui, l'assurance de la véracité de ce qu'elle venait d'apprendre. Le roi Jael hocha la tête en souriant, confirmant les propos de Selma.
Cependant, l'heure tournait et Elima dut prendre sur elle pour intégrer la nouvelle sur l'identité de ses parents rapidement. Le trio réuni, le roi les emmena sans tarder à travers son domaine. Il s'engagea sur un des escaliers bordant la terrasse. Les deux jeunes filles le suivirent dans un silence admiratif. Sous leurs yeux s'étendait une vallée verdoyante de plusieurs kilomètres, au cœur des montagnes.
Le contraste entre l'étendue qu'ils surplombaient et celle par laquelle elles étaient arrivées était saisissant. Ici la nature avait pris ses droits et apportait une atmosphère chaude et humide extrêmement agréable. Elles n'étaient cependant pas au bout de leur surprise.
Le souverain resta silencieux jusqu'au moment où ils mirent pied dans la vallée. Le dallage laissait place à l'herbe soyeuse de la prairie et aux fleurs multicolores qui poussaient sur les parois rocheuses. Là, le roi fit volte-face et désigna la plaine d'un geste de la main.
– Vous avez devant vous la Laîth-Meltha, la plaine des entraînements, déclara-t-il d'un ton solennel. Nous allons nous rendre au bâtiment qui se trouve au fond de cette vallée : il s'agit du Thaèl, l'Académie militaire. Les apprentis s'entraînent ici, dans cette vallée. Vous pourrez d'ailleurs observer des combats lorsque nous approcherons. Il est encore tôt pour que les entraînements remplissent la Laîth-Meltha.
Les deux sœurs acquiescèrent, captivées par le discours de l'homme, fascinées par le fonctionnement du Royaume d'Avuera.
Ils s'engagèrent alors sur un chemin de pierre, à peine visible au milieu de la végétation dense. Au bout de quelques mètres, une immense bâtisse se découpa sur le paysage rocheux. Fait de pierre de taille, deux tours au toit de brique encadraient le cœur du Thaèl, formé de quatre bâtiments rectangulaires disposés en carré. Une porte en bois massif ornée de gravure du symbole d'Avuera sur chaque battant, en gardait l'accès. On devinait de multiples portes plus petites qui donnaient sur la vallée, sûrement pour ne pas encombrer l'accès principal lorsque les apprentis devaient s'entraîner.
Le roi les invita à pénétrer dans l'établissement, amusé par la réaction de ses protégées. Ils se trouvaient à présent dans l'immense hall du Thaèl, dont le plafond en coupole était soutenu par des colonnes de marbres. Un balcon aux enjolivures dorées surplombait la pièce.
- Ici se rassemblent les apprentis lors des discours de l'Orthor, le directeur de cette admirable école. C'est également le lieu d'accueil des visiteurs, comme nous aujourd'hui. D'ordinaire, une visite guidée est offerte mais, aujourd'hui c'est moi qui m'en chargerais.
Selma ne remarqua la présence des deux escaliers encadrant le grand hall que lorsque le monarque s'engagea sur celui de gauche. Tandis qu'ils gravissaient les marches, sa sœur s'intéressa de plus près au lieu solennel.
- Ce hall porte-t-il un nom, lui aussi ?
- Tout à fait, acquiesça leur guide. Peu de gens le connaisse et l'utilise, à vrai dire seulement les membres et apprentis du Thaèl. Nous contournons le Daedh, littéralement « Grand Hall ».
Il laissa aux jeunes filles le temps de mémoriser les nouveaux noms tout en continuant son ascension, avant que Selma ne reprenne la parole. Il fallait dire que l'escalier était particulièrement long.
- J'ai une autre question, pourquoi tous ces noms aux consonances étranges ? Ils viennent d'une autre langue, non ? Alors pourquoi les utilisez-vous ?
Le roi esquissa un sourire satisfait.
- Je m'attendais à ce ça vous perturbe, dit-il finalement, ces mots ne sont pas de notre langue, effectivement. Cependant, ils ont tous leur propre signification. Vous découvrirez dans vos cours d'où ils proviennent, je peux néanmoins vous dire qu'ils sont liés à l'utilisation de notre magie.
Sans donner davantage d'explication, laissant les sœurs perplexes, il les entraîna dans un des couloirs du Thaèl. Plus sombre que l'extérieur de l'édifice, de lourdes tentures pourpres tapissaient les murs, rendant l'atmosphère plus studieuse et solennelle. Le couloir n'était éclairé que par des candélabres disposés à intervalles régulier. Ils le suivirent en silence, à l'image de l'ambiance du lieu.
Puis, le roi les fit descendre par un mécanisme totalement improbable. Des sortes de barques végétales faites de lianes et de mousses étaient reliées à deux tiges visiblement extrêmement solides et coulissaient le long de celles-ci. La présence du dispositif semblait totalement incongrue au milieu du Thaèl, aux apparences moyenâgeuses. Sans doute une nouvelle installation, datant d'une dizaine d'années.
La cabine les conduit à une arène intérieure, le sol sablonneux se soulevant à chaque mouvement des soldats s'y entraînant. Ils se trouvaient sur l'entrée d'un parapet surplombant l'arène en en faisant le tour. Selma avança de quelque pas jusqu'à s'accouder au garde-fou rocheux. La bouche entrouverte, elle fixait avec émerveillement les combats engagés en dessous d'elle.
Huit duos s'affrontaient, occupant chacun un cercle de six mètres de diamètres. Un maitre face à son apprenti. Tandis que les professeurs étaient vêtus d'un habit rouge fendus sur les côtés à partir de la taille- afin de ne pas entraver leurs mouvements-, leurs disciples portaient un vêtement similaire de la couleur du sable. Promenant son regard parmi les combattants, elle remarqua également un affrontement un peu particulier. Un trio composé de deux apprentis contre un maitre. Ce combat captiva toute son attention.
Les deux élèves se battaient à l'épée alors que leur instructeur avait préféré le sabre. Un combat pour le moins surprenant. Les deux jeunes hommes en uniforme crème se complétaient à merveille. Leurs mouvements en parfaite harmonie semblaient totalement naturels ; ils étaient habitués à combattre ensemble. Leur parfaite coordination leur donnait un avantage certain. Pourtant, l'issue du combat n'en paraissait pas plus sûre. Leur adversaire était de taille.
Supposant que l'entraînement était déjà bien avancé à en juger par leur visage perlé de sueur, le maitre n'avait toujours aucune égratignure. Un air impassible accroché sur son visage mur et une respiration nullement irrégulière malgré l'acharnement de ses élèves, il finirait par avoir raison de leur détermination. Il parait chaque coup porté par les lames d'acier sans jamais laisser une ouverture d'attaque. La technique des deux jeunes hommes, bien qu'exactement synchronisée, n'égalait pas encore celle de leur mentor. Trahis par leur respiration hachée, leur fatigue se lisait sur leurs traits crispés et leurs muscles endoloris ne tarderaient pas à les abandonner.
Pourtant, leurs fendants ne perdaient pas en forces, pas plus que leurs déplacements en précision. C'était là que se voyait toute leur endurance ainsi que le fruit de l'enseignement du Thaèl. Fascinés par les ballets aux lames tranchantes dansés à ses pieds, Selma n'avait pas écouté un mot des explications du monarque. Elle admirait le fruit du travail tenace de ses apprentis soldats qui parviendraient bientôt à entailler leurs enseignant, au prix d'encore quelques années de dur labeur pour les moins doués.
- Certains d'entre eux feront partis de notre prochaine promotion, les plus doués. Ils ont du talent, n'est-ce pas ?
Elima réprima un gloussement, amusée par la fierté du roi devant les apprentis, il avait bombé le torse tout en ventant leurs qualités. A l'inverse, Selma n'écoutait que d'une oreille, toujours prise dans l'affrontement qui arriverait bientôt à son terme. Le monarque lui jeta un coup d'œil et, remarquant où se portait l'intérêt de sa protégée, patienta jusqu'à la fin de l'entrainement.
Le trio était à présent le dernier à occuper l'arène, les derniers combattants l'ayant déjà désertée quelques minutes auparavant. Leur résistance, bien qu'admirable, atteignit ses limites et le maitre en profita pour envoyer le premier à terre d'un coup de pommeau dans l'estomac. La jeune fille s'attarda un instant sur les traits de l'apprenti qui n'avait pas pris la peine de se relever, sachant qu'il avait perdu. Ses cheveux couleur soleil, plus long que ceux des autres apprentis et coupés au millimètre près du « trop » long, accentuaient la couleur de ses pupilles.
Le jeune homme tourna aussitôt la tête en direction des visiteurs et planta ses yeux à mi-chemin entre le bleu et le vert dans ceux de Selma. Surprise dans sa contemplation insistante, elle se rendit compte qu'il avait remarqué depuis longtemps qu'elle les fixait. Elle soutint néanmoins son regard moqueur et contint sa gêne, jusqu'à ce que l'élève lui adresse un clin d'œil accompagné d'un sourire rieur.
La jeune fille reporta immédiatement son attention sur le combat, pour découvrir qu'il s'était déjà achevé. Le deuxième apprenti ainsi que le maitre du Thaèl les observaient également. L'enseignant salua le roi et ses disciples firent de même.
Le monarque reprit alors les rênes du petit groupe et les éloigna de l'arène pour les guider dans le couleur à gauche de l'ascenseur végétal. Évidemment, les questions ne manquèrent pas de fuser. Avant que l'une des deux sœurs ne prenne la parole, le roi Jael tempéra leurs ardeurs.
– Une à la fois, prévint le monarque en riant.
Les deux sœurs se concertèrent du regard et Elima prit la parole.
– Comment fonctionne le mécanisme qui nous a fait descendre ? s'enquit la jeune fille, particulièrement intéressée par le sujet.
– Vous le découvrirez bien assez tôt, répondit le roi avec un sourire énigmatique.
Son interlocutrice se renfrogna, vexée de ne pas avoir obtenu de réponse. Selma, elle, profita du nouveau silence pour enchainer.
– Dans l'arène, c'était qui ?
Le regard mystérieux que lui rendit le monarque lui fit croire qu'il s'en tiendrait à la même réponse qu'à sa sœur. Il n'en fut rien, ou presque.
– Vous avez pu observer un entraînement classique entre des maitres et leurs apprentis.
– Mais pourquoi y avait-il un trio ? insista Selma. Les maitres ne sont pas assez nombreux ?
– En aucun cas, la détrompa Jael, ces deux élèves sont simplement habitués à combattre ensemble. Régulièrement, on leur permet d'entretenir leurs aptitudes communes. Je ne me fais pas de soucis quant à votre rencontre prochaine, ajouta-t-il avec un accent moqueur.
Tandis que la jeune fille se demandait ce qu'il entendait par là, il poursuivit son chemin à travers une nouvelle aile, celle-ci éclatait de lumière. Les murs étaient faits d'un côté de verre transparent donnant sur le patio central et de l'autre arboraient une peinture crème. Toute l'aile rectangulaire était organisée autour du patio où des plantes à l'allure exotique voire surnaturelle poussaient en se gorgeant de soleil. Sur les murs se découpaient une dizaine de portes, des salles de cours ou autre.
Le roi s'arrêta à l'entrée de l'aile et désigna l'ensemble avec un sourire.
– C'est ici que vous suivrez vos prochains cours, déclara l'homme d'une voix solennelle.
Les deux sœurs n'en revinrent pas. Pour le peu qu'elles en avaient appris, le Thaèl était la meilleure institution d'Avuera. Étudier ici était un honneur, une ouverture sur les métiers les plus valus du pays. Et elles allaient avoir leur chance, l'opportunité de découvrir cet endroit qui les émerveillait depuis leur arrivée en terre inconnue. Peu importe que ce n'était l'affaire que de quelques jours, et qu'elles en mesuraient à peine les enjeux, ce serait une expérience décisive pour leur avenir ici.
Elles n'obtinrent pas plus d'informations pour leur première matinée « découverte ». Le roi les ramena au palais et les laissa aux soins de son fidèle majordome, non sans avoir précisé certaines règles.
– Vous recevrez votre emploi du temps en début d'après-midi, après votre repas, déclara Jael. Soyez dans votre chambre à midi précise, on viendra vous chercher. Si vous voulez vous occuper en attendant, libre à vous. Je dois m'absenter pour le reste de la journée mais Hedan répondra à vos questions, si vous êtes perdues. Je lui confie également la tache de vous expliquer certaines règles, je l'ai déjà mis au courant.
Selma hocha la tête, légèrement déçue d'être séparée du roi mais néanmoins euphorique à l'idée de visiter le palais.
– Nous nous retrouverons donc pour le diner de ce soir, conclut le monarque en tournant les talons.
A peine eut il disparu de leur champ de vision que les deux sœurs se tournèrent vers leur nouveau guide, des étoiles pleins les yeux. Leur moue enjôleuse lui arracha un petit sourire.
– Vous avez le choix entre un bon nombre d'activité, dit-il néanmoins de sa même voix plate, mais je vous prierais de m'informer de chacune de vos initiatives. Je vous guiderais où vous souhaitez aller, inutile de vous aventurer seules dans le palais. A ce propos, une visite complète vous sera proposée dans peu de temps.
Comprenant qu'elles n'avaient qu'une liberté restreinte, elles se concertèrent du regard. Il leur fallait trouver précisément une activité ou un lieu qui les intéresserait. Ce fut Elima qui s'exclama la première.
– Je voudrais voir les jardins, demanda t'elle poliment. La végétation ici est tellement extraordinaire et je n'ai pas envie d'être enfermée.
Hedan hocha la tête, cela devrait pouvoir se faire. Il posa un regard interrogateur sur Selma, qui hésitait toujours.
– Est-ce qu'il y a une bibliothèque ? s'enquit-elle finalement.
Le majordome parut outré qu'elle ose en douter.
– Bien sûr ! C'est l'une des plus complètes du pays. Une capitale sans sa bibliothèque ne peut porter ce titre.
Son ton se radoucit soudain, sous le regard scrutateur de la jeune fille.
– Elle est en dehors du palais, vous voulez y aller ?
– Oui, affirma Selma avec un sourire ravi.
Si Elima fut déçue qu'elle ne veuille pas l'accompagner, elle n'en montra rien. Elles attendirent patiemment les instructions du majordome. Ce dernier réfléchissait, plissant la peau de son large front.
– Soit, soupira-t-il au bout de quelques minutes, je vais te conduire jusqu'aux Jardins, Elima, et Selma tu seras guidé par Delial, un garde royal. Il me semble que vous vous êtes déjà rencontrés.
Rassurée de ne pas se retrouver avec un inconnu, elle suivit avec hâte le majordome jusqu'à une aile du palais où elle n'avait jamais encore mis les pieds. Les murs gris et nus contrastaient tellement avec la richesse des autres ailes qu'on aurait cru être dans une caserne.
Hedan suivit l'allée principale sur une centaine de mètres avant de bifurquer dans un couloir plus étroit sur leur gauche. Il ouvrit presque aussitôt une porte ornée d'une gravure représentant deux épées croisées. L'insigne fit tiquer Selma.
Elle écarquilla les yeux en se rendant compte de la pièce dans laquelle ils se trouvaient. Une table en bois brut servait de lieu de pause à une dizaine de gardes en uniforme royal.
– Alors, c'est vraiment la caserne ? bafouilla-t-elle à mi-voix.
Hedan lui jeta un coup d'œil mais, n'ayant manifestement pas saisi les propos de la jeune fille, il s'adressa à un homme d'une cinquantaine d'années.
– Je cherche Delial.
Selma ne put s'empêcher de pouffer. Décidément, même avec les autres résidents du palais, Hedan ne s'attardait pas en bavardage. Ce dernier la fusilla du regard, lui intimant le silence. Comme en prévision d'une réaction enflammée, Elima lui donna un coup de coude, captant son attention. D'une œillade appuyée, elle lui fit comprendre l'injonction de leur guide. Il ne voulait sûrement que les soldats fassent attention à elles.
Heureusement, la discussion se poursuivit d'elle-même, l'homme en uniforme semblant négliger l'interaction muette.
– Il est dans la salle d'eau, le soleil est brûlant aux portes de la ville, répondit calmement le garde.
Le majordome soupira, il n'avait visiblement pas envie de traîner ici.
– Peut-être pourriez-vous le héler ? suggéra-t-il avec une pointe d'ironie. J'ai besoin de lui.
D'un coup de menton, l'homme relégua la tâche à son subordonnée, qui s'empressa d'obéir. Quelques minutes plus tard, l'intéressé pénétra dans la salle, ses cheveux encore mouillés, à en juger par le col humide de son uniforme. Il s'adressa à son supérieur, l'air surpris.
– Qu'y a-t-il Capitaine Gal ?
– Cet homme te demande, répondit simplement le capitaine.
Il parut alors seulement remarquer la présence de Hedan et des protégées du roi. Si pendant un instant, un éclair de stupeur passa dans son regard ébène, il afficha aussitôt un sourire avenant.
– Que dois-je faire ? interrogea le jeune homme en glissant son regard sur Selma.
La jeune fille fit rapidement le parallèle avec ce que lui avait dit le roi. Delial faisait partie des quelques personnes de confiance à connaître la devise royale. Il avait sans nul doute fait le rapprochement entre le majordome et son souverain. Si l'ordre venait de lui, il obéirait sans discuter. De plus, Selma était certaine qu'il les avait reconnues, ce qui expliquerait son regard insistant qui devenait embarrassant.
– Suivez-moi, je vous expliquerais.
Sans entrer davantage dans les détails, Hedan tourna les talons et quitta le salon, suivi des deux sœurs et de Delial. Une fois la porte refermée, il se stoppa et se tourna vers le jeune homme.
– Je voudrais que vous guidiez cette jeune fille à la bibliothèque, indiqua le majordome en désignant Selma.
Cette dernière afficha un sourire poli lorsqu'elle croisa de nouveau le regard inquisiteur du garde.
– Entendu, je suppose que je devrais la ramener ensuite au palais ?
– Si cela concorde avec votre emploi du temps, il serait préférable.
– Ce sera fait.
Les deux hommes s'étant mis d'accord, ils partirent chacun de leur côté, emmenant avec eux une des sœurs. Tandis que Hedan se dirigea vers l'aile sud du palais, Delial entraîna Selma vert celle du nord. Elle crut pendant quelques minutes qu'ils se dirigeaient vers l'entrée principale mais le garde la conduisit finalement vers une porte plus à l'ouest.
Au début le trajet se déroula dans le silence le plus absolu, puis finalement, Delial se décida à la questionner, plus par curiosité que pour la percer à jour.
– Alors comme ça, vous venez d'ici toi et ton amie ?
– C'est ma sœur, précisa instinctivement Selma. Et oui, nous sommes nées à Avuera.
Elle se tut, ne sachant pas trop quoi dire. Elle ne le connaissait pas et le roi leur ayant si souvent répéter d'être prudentes, elle ignorait ce qu'elle pouvait lui révéler ou non.
– Comment t'appelles-tu ? demanda alors Delial, ayant perçu sa réticence.
Elle risqua un regard vers son guide et rencontra ses prunelles sombres qui la scrutaient avec gentillesse. Sentant qu'il n'avait aucunes arrières pensées, elle se décida à répondre.
– Selma, et vous êtes Delial, si je n'ai pas oublié ?
Le jeune homme s'esclaffa à l'entente du sous-entendu.
– C'est ça, mais je t'en prie tutoies-moi, on a presque le même âge !
– Entendu, accepta la jeune fille en riant à son tour.
Ils venaient de déboucher à l'extérieur, sur un côté du palais. Ils profitèrent un instant de la chaleur de la matinée, plus douce en altitude qu'aux limites de la Capitale, puis reprirent leur marche pendant laquelle Delial indiqua à Selma où ils se trouvaient.
– La bibliothèque est attenante au palais mais on ne peut y entrer par l'intérieur. Cela permet aux habitants de la Capitale d'y venir quand bon leur semble.
En effet, un bâtiment en pierre blanche se tenait à une centaine de mètres de leur position, accolé au flanc de l'édifice royal. Des colonnes de pierres taillées étaient encastrées dans celles ivoire, à intervalles réguliers.
– Elle est immense, souffla Selma, ébahie.
– Elle ne se trouve pas pour rien à la Capitale, répliqua Delial avec amusement.
Ils comblèrent les quelques mètres les séparant de la bâtisse et le garde poussa un des lourds battants de bois en gardant l'accès. D'un geste de la main, il invita la jeune fille à entrer. Timidement, elle fit quelques pas à l'intérieur et, stupéfaite, s'immobilisa en contemplant les gigantesques étagères qui montaient jusqu'au plafond à plus de cinq mètres au-dessus du sol.
– Mais co-comment..., balbutia-t-elle, hébétée.
Delial éclata d'un rire franc devant l'ahurissement de la jeune fille.
– La magie, lança en lui tirant la langue.
Selma ne répondit pas, trop abasourdie. Néanmoins, elle ne resta pas figée longtemps et avança au milieu des rayons, effleurant les tranches des livres du bout des doigts. Delial la suivit à distance, l'observant en silence.
La jeune fille oublia bientôt sa présence et commença à prêter attention aux titres des ouvrages devant lesquels elle passait. En parcourant plusieurs rayons, elle se rendit compte de la quantité d'informations stockées ici. Il devait y avoir plusieurs milliers de thèmes différents ! Ne sachant vers lequel aller, elle s'immobilisa au bout d'une allée, pensive.
– Oh ! Mais qui voilà ?
L'exclamation la prit par surprise, la faisant sursauter. Elle planta ses prunelles noisettes dans celles de l'inconnu, mi vertes mi...Elle fronça les sourcils, elle s'était déjà faite cette réflexion. La jeune fille détailla les traits de son interlocuteur et le reconnut en une fraction de seconde. L'apprenti du Thaèl !
Ses cheveux blonds suivant les mouvements de son visage, il afficha un grand sourire, teinté de malice. Il s'accouda nonchalamment sur l'étagère en bois et croisa les bras en dardant un regard scrutateur sur Selma, qui ne savait plus où se mettre.
– Il me semble que l'on s'est déjà rencontré, non ? demanda innocemment le garçon, amusé par la gêne de la jeune fille.
– Pas exactement, marmonna Selma, refusant de regarder son interlocuteur dans les yeux.
Ses lèvres s'étirèrent en un sourire ravi, prouvant qu'il avait entendu la réplique de la jeune fille. Il lui tendit la main.
– Alors faisons ça correctement. Je suis Loren.
Selma observa la main tendue sans bouger. Un sourire naquit sur ses fines lèvres quand elle repensa aux paroles du roi Jael. En effet, elle n'avait pas mis longtemps avant de croiser l'apprenti. Elle scruta son regard turquoise, mais alors qu'elle s'attendait à voir ses craintes confirmées, elle n'y vit qu'un intérêt sincère et un brin d'espièglerie.
Haussant les épaules, elle lui serra fermement la main.
•••
Bonjour tout le monde !
Comment allez vous ? 😉
Comme promis 😜 voici la suite 😁
Que dites vous de ces nouvelles rencontres ?
On en découvre davantage sur le royaume et ce qui attend Selma et Elima x)
Il y a également plusieurs noms de lieux où de titres présentés ici et autant vous dire qu'il y en aura d'autres, alors j'ai une question :
Voulez vous que je fasse un lexique en y répertoriant tout ces mots pour que vous puissiez vous y référer ? ^^
Je le mettrais à la fin de ce livre ou au début, dites moi si vous avez une préférence 😉
Sinon, je vais essayer de vous écrire la suite avant la fin du mois mais rien n'est sûr 😅
Donc je vous dis à bientôt et merci d'être toujours là 😘
Jade ~
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