Le Dearlyg rampa loin d'Argo, se servant des petits creux ou bosses du sol pour se déplacer à toute vitesse. Quelques minutes lui suffirent pour atteindre sa destination. Il s'enroula alors sur lui-même et se dressa sur l'avant de son corps aussi imposant que le tronc des pins qui l'entourait. Le symbole, deux losanges entrelacés, entre ses yeux argentés, se mit à briller d'une lumière violette et aveuglante qui l'enveloppa entièrement. Lorsque qu'elle s'estompa, une femme se tenait à la place du Dearlyg. Elle s'étira, levant les bras au ciel, et fit craquer chacun de ses os, du bout de ses doigts jusqu'aux orteils. Prenant encore quelques secondes pour se remettre de sa métamorphose, elle ferma les yeux et effleura les contours de son visage.

Ses esprits pleinement retrouvés, la femme d'un mouvement gracieux esquissa un balayement de la main en direction du sol. Les feuilles, l'herbe et la terre disparurent pour découvrir une trappe en bois qui s'ouvrit à son approche. Elle descendit les marches, se laissant guider par les lumières blanchâtres fixées sur les parois du souterrain. Après un dédale de couloirs, elle poussa une grande porte et avança dans la salle vivement éclairée par des torches jusqu'à atteindre son centre. Les personnes qui s'y trouvaient s'inclinèrent avec respect à son passage. La femme observa un instant la pièce et fut ravi de constater que l'imposante machine aux huit bras de métal avait été récupérée selon ses ordres. L'assemblée était silencieuse, retenant son souffle et attendant les nouvelles. Sans détour la femme déclara :

— Jefferson Stark est mort.

Un brouhaha envahit la salle. Les occupants commencèrent à s'agiter et à poser des questions à tout va, provoquant une cacophonie que la femme fit cesser d'un revers de main :

— Mais ce n'est rien, coupa-t-elle. Nous reviendrons plus forts quand le temps sera venu.

— Les traces de notre passage ont-elles été effacées ? s'écria un homme.

— Oui, affirma la femme. Nous sommes et nous resterons invisibles.