Chapitre 52

Amélia s'était endormie dans ses bras, mais à son réveil le souverain n'était plus là. L'espace d'un instant la panique l'envahit mais se tournant, elle l'aperçut près de la fenêtre. Encore emmitouflée dans les draps, elle admira la silhouette sculptée de son amant. Seulement vêtue d'un sous-vêtement, elle pouvait distinguer chaque muscle de son dos et de ses bras. Puis son regard descendit sur ses fesses et ses joues s'empourprèrent lorsqu'elle repensa à la manière dont elles les avaient empoignées quelques heures plus tôt. Après avoir enfilé la chemise d'Ethan qui reposait sur le sol non loin du lit, elle se dirigea à pas de loup vers la fenêtre.

Malgré sa discrétion, le souverain sentit sa présence et murmura son prénom pour l'en informer. Souriante, Amélia se lova contre son dos, enveloppant son torse de ses bras. Elle posa sa tête sur ses omoplates et ils restèrent dans cette position plusieurs minutes sans bouger. Ethan finit par se détourner de la contemplation du village pour sourire à sa belle. Il l'embrassa tendrement puis passa un bras autour de ses épaules pour la serrer contre lui. De l'étage de l'auberge, on pouvait voir Edora, scintillante dans la nuit. La rue qui ne dormait jamais était encore débordante de monde et de vie malgré l'heure tardive.

— J'aurai tant aimé te présenter ma mère..., murmura soudainement Ethan.

— Et j'aurai été ravi de faire sa connaissance, sourit tendrement Amélia en levant les yeux vers lui.

— Elle t'aurait adoré, continua Ethan en la serrant un peu plus fort. Il l'embrassa sur le dessus de la tête et Amélia sourit.

— Tes parents sont sûrement très fiers de l'homme que tu es devenu. Et aussi du merveilleux roi que tu fais.

Ethan plongea son regard dans le sien alors qu'Amélia se positionnait face à lui.

— Ethan, le grand Roi Dragon, sourit-elle. Mon Roi Dragon.

Elle posa délicatement ses mains sur son torse nu et sans le quitter des yeux, le caressa avec lenteur. Les yeux du souverain prirent alors une teinte rouge.

— On dirait que mon dragon t'aime beaucoup lui aussi et encore plus spécialement dans cette tenue, susurra-t-il.

Glissant ses mains jusqu'à son cou, Amélia se mit sur la pointe des pieds pour effleurer ses lèvres. Il n'en fallut pas plus à Ethan pour succomber. Il la souleva par la taille, l'allongea sur le lit et entreprit de défaire un à un les boutons de sa chemise. Le simple effleurement de ses doigts sur sa peau et cette lenteur volontaire rendit folle Amélia. Elle bascula la tête en arrière en laissant échapper un gémissement de plaisir.



- 14 septembre 2024 - Edora -

Alors que le soleil envahissait déjà la petite chambre, Amélia se réveilla au côté d'Ethan. Elle l'admira quelques instants et comme un papillon attiré par la lumière, elle posa délicatement ses doigts sur son visage. Elle suivit les courbes de sa mâchoire en souriant, n'arrivant pas à réaliser la nuit qu'elle venait de passer. Le souverain finit par ouvrir les yeux et attira la sorcière d'air contre lui pour l'embrasser tendrement.

— Est-ce que ce serait égoïste de ma part de dire que j'aimerai rester dans cette chambre pour toujours, murmura le souverain, la voix encore endormie.

— Je ne sais pas, mais je dois avouer que je serai d'accord avec cette idée, sourit Amélia.

Après de longues minutes à se prélasser dans la douce chaleur des draps et après avoir pris un bon petit déjeuner que leur avaient déposé discrètement devant leur porte l'aubergiste, Amélia et Ethan quittèrent l'auberge.

De retour au palais, la bulle dans laquelle Amélia avait été depuis la veille au soir éclata et la dure réalité la rattrapa brutalement.

— C'est pas trop tôt vous deux ! s'exclama Sidney.

— Que se passe-t-il ? demanda Ethan soudainement inquiet.

Amélia s'assit à côté d'Axel et posa sa main sur la sienne. Son regard était perdu dans le vide tandis que sa sœur faisait les cent pas dans la pièce.

— On a eu des nouvelles des gardes que tu avais envoyés près du château des Stark, répliqua Olivia.

— Je vous écoute, dit gravement le souverain en posant ses deux mains à plat sur la table.

— Il a explosé ! Le château a explosé ! s'exclama Olivia.

— Comment ça ? Et Jefferson ?

— Jefferson se trouvait dans le bâtiment quand il a été détruit, mais nous ne connaissons pas les causes ni les conséquences humaines de cette explosion, continua Adrian.

— C'est pour cela que je propose d'y envoyer une patrouille pour en savoir plus et pour s'assurer de la mort de Jefferson, ajouta Olivia.

— Très bien. Adrian tu resteras ici pour veiller sur le palais au cas où cela serait une ruse. Olivia, Amélia et Castiel vous venez avec moi, nous partons dans deux heures.

Avant d'aller se préparer dans la salle d'armement, Ethan prit les jumeaux à part et tendit une enveloppe à Axel. Lentement l'archer l'ouvrit. Il en sortit un papier plié en quatre. Le voyant hésiter, Amélia s'approcha de lui tandis que Sidney enveloppa ses épaules de son bras. À peine l'avait-il ouvert que ses yeux se mirent à briller. Au fur et à mesure de sa lecture, son corps se mit à trembler sous ses pleurs et il finit par s'effondrer dans les bras de sa sœur. Elle tendit alors la lettre à Amélia qui la lut avec Ethan.


"Lorsque je t'ai vu pour la première fois, j'ai directement su que tu étais mon âme sœur. J'ai alors oublié ma mission et je ne pensais plus qu'à toi. Mais mes engagements m'ont rattrapée et j'ai dû faire des choses horribles. Je m'en excuse et j'emporterai mes remords avec moi dans ma tombe. Je suis désolée de te quitter aujourd'hui, mais je devais le faire. Sache que je t'aime et que je t'aimerai toujours. Je ne veux pas que tu te sentes coupable, rien n'est de ta faute, c'est la mienne...Sois heureux.

Olympe."


C'était bouleversant. Olympe était sûrement à l'origine de l'explosion et tout porte à croire, par ces mots, qu'elle y a sacrifié sa propre vie. Amélia leva les yeux vers Ethan. Son visage était resté neutre, mais elle pouvait voir dans ses yeux de la culpabilité et une colère grandissante. Ce fut ce dernier sentiment qui prit le dessus sur l'autre. Froissant la feuille entre ses mains, il sortit en trombe de la pièce.

— Ethan ! s'écria Amélia.

Le souverain ne se retourna pas. Consciente qu'il avait besoin de temps, d'être seul pour digérer cette information, Amélia décida de ne pas se lancer à sa poursuite. Avec Castiel et Sidney, elle passa les quelques heures qu'ils leur restaient avant le début de la mission à soutenir Axel. Le pauvre n'était plus que l'ombre de lui-même. Les larmes avaient cessé de couler et il s'était enfermé dans une bulle de silence. Il se contentait de fixer ses mains comme si celle d'Olympe allait soudainement apparaître.

Tous se réjouissaient à l'idée de la mort de Jefferson, mais la manière dont Olympe s'était sacrifié pour eux les empêchait de voir cet évènement comme une victoire à part entière. Ce fut seulement à quelques minutes de l'arrivée du sorcier des montagnes qu'Ethan refit son apparition. Le cœur d'Amélia se figea à la vue de ses phalanges rougies, mais elle n'eut pas le temps de lui en parler que le sorcier d'esprit apparut dans la cour du palais, traversant un portail violet.

— Merci encore de ton aide Matt, remercia le souverain d'une voix neutre, comme si rien ne s'était passé.

— Bonne chance, répondit le sorcier en observant la petite équipe. Ses yeux s'attardèrent un peu plus sur Castiel qui ne put s'empêcher de rougir jusqu'aux oreilles.

Une fois de l'autre côté de la matière fluide et miroitante, ils scrutèrent attentivement les alentours. À mesure qu'ils approchaient, Amélia ne put s'empêcher de comparer Argo avec Edora. La végétation dépérissait, seules des ronces semblaient encore arriver à pousser et aucun animal ne peuplait les environs. Un peu plus loin, ils pouvaient distinguer les décombres du château. Il devait être immense avant l'explosion, peut-être même plus que celui d'Edora. Désormais la plupart des murs s'étaient effondrés et étaient carbonisés. Une petite partie seulement semblait ne pas avoir été victime de l'explosion, sûrement trop loin de la salle du trône. De la fumée et une odeur de brûlé s'échappaient encore des ruines.

— Je pense qu'il n'y a plus personne, mais restez tout de même sur vos gardes, demanda Ethan.

Sans que le souverain ou ses camarades ne le remarque, une ombre passa derrière eux pour aller se cacher derrière un pan de toit gisant sur le sol. Un immense serpent aux écailles sombres les observait, sa langue sifflante, imperceptiblement parmi le chant du vent.

— La salle du trône se trouvait par ici, informa Olivia en pointant du doigt la partie la plus endommagée.

Prudemment, ils s'approchèrent et Amélia eut un haut le cœur devant cette scène. Sous les éboulis, elle pouvait distinguer une vingtaine de corps brûlés vif. La jeune femme porta sa main devant sa bouche tentant d'empêcher l'odeur nauséabonde de l'atteindre. Ils découvrirent les vestiges du trône de Jefferson. Sur celui-ci se trouvait un corps brûlé, sûrement celui du tyran.

— Olivia, tu veux bien me donner une pochette s'il te plaît. Je vais récolter des dents pour que Matt les analyse. Il me faut une preuve concrète qu'il est bien mort, demanda Ethan.

Le souverain arracha, sans ménagement, les dents du cadavre et les glissa dans la poche de plastique que lui tendait sa seconde. Incapable d'en supporter plus, Amélia s'écarta et laissa ses compagnons fouiller le reste des décombres. Après avoir soulevé un morceau de bois, provenant de la toiture, le souverain se figea et Amélia retint sa respiration l'espace d'un instant. Il ne bougea pas pendant plusieurs secondes, les muscles de son dos crispés. L'instant d'après, le fragment de bois vola à l'autre bout de la pièce pour venir s'écraser parmi les autres décombres. Castiel et Olivia, surpris, se retournèrent à ce grand fracas, alors qu'Amélia se leva d'un bond. Ethan se retourna subitement dans sa direction, le visage crispé et les poings serrés.

— Pourquoi a-t-elle fait ça ? hurla-t-il.

Ils comprirent alors qu'Ethan venait de découvrir le corps d'Olympe. Alors qu'Olivia s'avançait fébrilement vers son souverain, ce dernier s'effondra à genoux sur le sol. Il n'en fallut pas plus à Amélia pour s'élancer vers lui. Elle l'entoura de ses bras pour le serrer contre elle tandis que les mains tremblantes d'Ethan s'agrippèrent à elle.

— Pourquoi s'est-elle sacrifiée ? Rien de tout ça n'était nécessaire ! J'aurai tué Jefferson, je l'aurai tué Amélia...

Les larmes dévalant silencieusement ses joues, la sorcière d'air caressa les cheveux de son compagnon. La gorge nouée elle lui murmura :

— Je sais, je sais...

Ils restèrent ainsi plusieurs minutes. Le temps nécessaire pour Olivia de couvrir d'un drap blanc la dépouille de son ancienne amie. Les yeux brillants et le teint pâle, elle remit ensuite le collier en titane de la jeune servante à son souverain. Cet objet était la seule chose qu'il restait d'elle. Ethan serra la chaîne entre ses doigts avant de la plonger dans sa poche. Amélia chercha le réconfort de Castiel, alors qu'Ethan enveloppait les épaules de sa seconde. Durant quelques minutes de silence, le petit groupe s'arrêta de chercher, prenant conscience qu'Olympe les avait vraiment quittés.

— Castiel pourrais-tu compter les cadavres se trouvant ici? demanda le souverain, incapable de rester plus longtemps dans cette pièce. Avec Olivia et Amélia nous allons inspecter le reste du palais.

— Pas de problème, accepta l'ange.

Ils parcoururent les moindres recoins du château en ruine, comptant le nombre de morts qu'ils croisaient. Ethan remarqua cependant la disparition de certaines armes et objets, le confortant dans l'idée qu'il y avait eu des survivants.

— La machine de Jefferson n'est pas là, nota le souverain.

— Peut-être n'a-t-elle jamais été ici, proposa Amélia.

— Lili a raison. Il a dû la cacher dans un endroit sûr et secret, ajouta Olivia.

— Vous avez sûrement raison, je ferai envoyer des hommes pour plus de recherches.

La créature, tapis dans l'ombre, avait observé le petit groupe tout du long. Lorsqu'ils quittèrent les ruines, elle disparut elle aussi, comme absorbée par les ténèbres.

De retour au palais, Ethan donna ses directives. Un groupe de gardes avait pour mission de traquer les survivants, un autre d'enterrer les corps et de récupérer tout objet susceptible d'être utile et le dernier groupe devait rechercher la machine de Jefferson. Alors qu'Ethan se préparait à appeler Matt pour lui donner les dents afin qu'il puisse lui confirmer le décès de Jefferson, Amélia se dirigea vers sa chambre. Comme elle s'y attendait, les jumeaux s'y trouvaient. Axel était allongé, la tête posée sur les cuisses de sa sœur. À son arrivée il ouvrit les yeux et se redressa d'un bond pour demander des nouvelles.

— Je suis tellement désolée...

La petite lueur d'espoir disparut des yeux de l'archer et il éclata en sanglots. Les yeux brillants, Sidney et Amélia le prirent dans leurs bras, essayant tant bien que mal de le calmer.

— Je sais que rien de ce que je pourrais te dire maintenant ne te fera te sentir mieux, mais crois-moi la douleur de son absence s'atténuera avec le temps. Il faut que tu continues de te battre et de vivre pour elle, pour son sacrifice, lui dit la sorcière d'air.

— J'aimerais être seul, répondit simplement le jeune homme.

— N'hésite pas si tu as besoin de quelque chose. Nous serons toujours là pour toi, lui dit sa sœur en lui embrassant le front.

Aussi dur que cela était, il fallait accepter de lui laisser du temps.


~


Ethan n'étant pas dans son bureau, Amélia décida de jeter un coup d'œil dans la cour. Elle l'aperçut au loin, assis sous le grand saule pleureur. Son dos était appuyé contre le tronc, ses jambes dépliées devant lui et il fixait le collier d'Olympe dans le creux de sa main. La jeune femme l'observa quelques instants, n'osant pas le déranger. Sentant sa présence, il leva les yeux vers elle et lui demanda d'approcher. Elle s'assit à côté de lui et posa sa tête sur son épaule, glissant sa main dans la sienne.

— C'était son endroit préféré. Elle venait souvent ici pour lire. Je n'osais jamais la déranger, raconta-t-il.

— Elle lisait beaucoup ?

— Oui, des livres romantiques. Elle les trouvait la plupart dans la bibliothèque mais parfois elle aimait se rendre dans une librairie au village. Je l'y avais accompagné un jour. Elle m'avait même choisi un livre.

— Tu as réussi à le lire ?

— Pas vraiment non. J'ai seulement lu quelques pages, avoua-t-il.

— Je me disais aussi, ricana Amélia.

— Qu'est-ce que tu veux insinuer ? s'écria Ethan en levant un sourcil.

— Je ne te vois pas comme un grand lecteur, ria-t-elle.

— J'avoue que tu as raison, sourit-il enfin.

Les deux amoureux se regardèrent pendant un long moment. Ethan prit le visage de sa belle entre ses mains et l'embrassa tendrement.

— Merci, cela m'a fait du bien de te parler d'elle, avoua-t-il.

— Je serai toujours là pour ça.

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