Chapitre 45

À peine Amélia était-elle rentrée au palais qu'elle devait déjà repartir aux côtés d'Ethan et Castiel. Certains blessés comme Lorie et Connor avaient besoin de soins qu'ils n'étaient pas en mesure de leur donner. Ils avaient alors pour mission de demander de l'aide à Victoria, la sorcière folle des montagnes. Elion n'étant pas en état, ce fut Adolina qui les déposa un à un sur la cime de la montagne enneigée, au nord du palais. Le climat y était complètement différent, la neige avait recouvert le sol d'une épaisse couche et un air froid glaçait le sang de la jeune femme.

— C'est par là, indiqua le souverain en pointant du doigt un escalier en bois.

Empruntant les marches qui n'avaient étrangement aucune trace de neige, le petit groupe se dirigea vers le sommet de la montagne. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant une petite cabane en bois. Les murs étaient fendus par endroits et d'après l'état des peintures, la maisonnette ne devait pas avoir été rénovée depuis des années.

— C'est ici ? demanda l'ange en grimaçant.

— Oui, mais vous verrez c'est plus grand à l'intérieur qu'à l'extérieur.

Amélia s'avança pour frapper à la porte, mais celle-ci s'ouvrit avant même que ses doigts ne puissent la toucher. Sur ses gardes, Ethan rentra le premier, mais il n'y avait personne en vue, seulement une vaste pièce à la décoration moderne. Un grand canapé en cuir noir ainsi qu'une table basse en verre se trouvaient au centre. Des centaines de livres couvraient les murs blancs et une moquette grise recouvrait le sol. Tout à coup, un nuage de fumée violette apparut. Lorsqu'il se dissipa, Amélia put apercevoir un homme aux yeux améthyste.

— Qui vient me déranger ? demanda-t-il d'une voix forte en plongeant ses mains dans les poches de son pantalon noir.

— Bonjour, je suis Ethan Namaro, le roi d'Edora...

— Que me vaut le plaisir de votre visite ? interrogea l'homme aux cheveux noirs avec un sourire malicieux.

— Nous cherchons Victoria, répondit calmement Ethan.

— Elle est morte, je suis son fils, le sorcier des montagnes, dit-il le visage soudainement fermé.

— Je suis désolé, lâcha sincèrement Castiel.

Comme remarquant sa présence, le sorcier se tourna vers l'ange. Il le détailla de la tête aux pieds de ses perçants yeux violets. Castiel, quant-à-lui, gêné par cette soudaine attention, se mit à rougir.

— Merci, petit ange, sourit-il finalement.

L'intéressé devint encore plus rouge et détourna le regard.

— La bataille a fait des blessés. Nous n'avons pas les compétences pour les soigner et nous sommes donc là pour vous demander votre aide, continua le roi.

— Quel est votre prix ? rétorqua calmement le sorcier.

— Notre prix ? s'exclama Amélia. Des gens vont mourir, vous seul pouvez nous aider !

— Je ne vois pas ce que je vais gagner en vous aidant.

— Sauver des vies n'a pas de prix, s'écria Castiel en faisant un pas en avant.

— Pourquoi es-tu là petit ange ? demanda-t-il en soulevant un sourcil.

— Je...J'ai moi aussi besoin d'aide, répondit timidement l'angelot.

— Je viendrai demain au palais. Maintenant sortez de chez moi, ordonna le sorcier en regardant Ethan.

— Merci beaucoup, et encore toutes nos condoléances pour votre mère, s'exclama Amélia avec un faible sourire.

Ils s'apprêtaient à sortir lorsque la voix du sorcier les arrêta.

— L'angelot reste ici.

— Hors de question, il est sous ma protection et je ne le laisserai pas aux mains du fils de la sorcière folle, grogna Ethan.

— Je ne suis pas Victoria ! s'énerva-t-il, ses yeux devenant presque noirs.

— Allez-y, je vais rester, ne vous inquiétez pas pour moi, murmura Castiel avant de se diriger vers le sorcier qui semblait s'être adouci.

À peine Amélia et Ethan avaient mis un pied dehors que la porte se referma. Le sorcier des montagnes semblait être une personne dure à cerner, mais la jeune femme n'avait aucun doute sur le fait qu'il ne ressemblait en rien à sa mère. Alors qu'ils rentrèrent au palais, Castiel fit plus ample connaissance avec ce mystérieux sorcier

— Castiel Evans, c'est bien ça ?

— Oui et toi ? Tu ne t'es pas présenté, reprocha l'intéressé.

— Matt. Tu veux boire quelque chose, petit ange ? demanda malicieusement le sorcier.

— Non merci. Peux-tu m'aider ? Pour mes ailes ?

— Oui, je pense pouvoir en être capable.

Castiel sourit faiblement en fixant l'homme. Il le trouvait fascinant. Le sorcier claqua des doigts, laissant une fumée violette s'échapper, et soudain le t-shirt de l'ange disparut. Celui-ci, gêné, croisa les bras sur son torse. En général, il n'était pas pudique mais cet homme lui faisait un drôle d'effet. Avec délicatesse et lenteur, le sorcier s'approcha et posa ses mains sur les avant-bras de l'ange qui frissonna à son contact. D'un simple geste, il lui desserra les bras qui retombèrent le long de son corps. Durant un instant, les yeux du sorcier pétillèrent. Castiel avait du mal à respirer et essaya en vain de ne pas rougir. Voyant sa gêne, Matt se recula d'un pas avec un sourire satisfait.

— Déploie tes ailes, ordonna-t-il doucement.

Sans objection, l'ange s'exécuta avec une grimace de douleur. Une lueur blanche l'entoura et glissa sur son torse. Elle se fit de plus en plus vive et aveuglante, mais le sorcier ne détourna pas le regard. Avec un bruit de frottement, de grandes ailes se déployèrent derrière son dos. Malgré les trous et le sang séché, elles restaient magnifiques.

— Tu as vraiment hérité de la beauté des êtres célestes.

— Tu es sûr de pouvoir m'aider ? l'interrogea Castiel en tentant de garder son sang-froid.

— Je suis le grand sorcier des montagnes, s'exclama-t-il fièrement, mais j'aurais peut-être besoin d'un peu de ton pouvoir angélique, ajouta-t-il comme condition.

— Je ne sais pas trop comment cela fonctionne, mais d'accord.

Le sorcier fit un pas en avant. Désormais, plus que quelques centimètres les séparaient. Castiel se sentait mal à l'aise, son souffle se faisait plus bruyant. Matt lui tendit la main gauche, paume tournée vers le haut. D'abord hésitant, il finit par poser sa main sur celle du sorcier. Un frison, semblable à une décharge électrique, parcouru les corps des deux hommes. Le sorcier ferma les yeux et posa sa main droite sur l'aile de l'ange. Une brume violette enveloppa les plumes ternies. Peu à peu, les trous se rebouchèrent et de nouvelles plumes blanches remplacèrent les anciennes. Épuisé, Matt recula en chancelant. Castiel le rattrapa par la taille et le déposa sur le canapé.

— Merci Matt, ça va aller ?

— Je vais bien, laisse-moi seulement quelques minutes, répliqua le sorcier en passant ses mains dans ses cheveux corbeau.

Le sorcier reprit rapidement des couleurs et il se leva d'un bond sous les regards insistants de Castiel qui ne l'avait pas quitté des yeux depuis plusieurs minutes déjà.

— Ta mère est un démon, c'est bien cela ?

— Oui pourquoi ? demanda Castiel méfiant.

— Je suppose que tu ne l'as jamais vue.

— Je ne vois pas où tu veux en venir...

— Je peux l'invoquer et tu pourrais la voir, lui parler et même la toucher, expliqua Matt.

— Tu peux faire ça ? s'exclama Castiel les yeux brillants.

— Oui, mais en échange d'un petit service. Ma mère Victoria se trouve en enfer elle aussi. Malgré tout ce qu'elle a fait au cours de sa vie, je ne veux pas qu'elle souffre davantage, alors j'aimerais que ta mère la protège.

— C'est d'accord, accepta instantanément l'ange.

— Il me faut seulement son nom et un peu de ton sang sinon elle ne viendra ici que sous forme d'esprit.

— Elle s'appelle Fal.

Sous la demande du sorcier, l'ange déposa quelques gouttes de son sang dans une coupelle. Il suivit ensuite Matt dans une pièce entièrement vide. À l'aide d'une craie blanche, il dessina avec précision un cercle avec de multiples symboles autour. Une fois le dessin terminé, il prit la main de Castiel et lui demanda de répéter après lui des paroles dans un langage qui lui était inconnu. De longues minutes plus tard, le sang de l'ange coagula jusqu'à former une bougie écarlate qui s'alluma brusquement. L'incantation avait affaibli le sorcier, mais il ne voulait rien montrer à Castiel, alors il lui dit le plus normalement possible :

— Lorsque la bougie sera consumée, ta mère repartira. N'oublie pas ta promesse.

Matt quitta la pièce et une odeur de soufre envahit l'ange. Il se tourna vers le cercle et resta bouche bée devant la personne qui se trouvait devant lui. C'était une femme aux longs cheveux noirs et aux yeux de la même couleur. Son visage n'avait rien de méchant ou de démoniaque, elle avait l'air au contraire très douce.

— Maman ? bredouilla Castiel.

— Mon fils, sourit-elle en ouvrant les bras.

Sans attendre, l'ange s'y précipita, encore tremblant. La surprise et la joie se mélangeaient dans son cœur qui battait la chamade. Il était déjà entré en contact avec ses parents, mais il ne les avait jamais vus et encore moins touchés. Sentir la peau de sa mère contre lui et ses cheveux lui chatouiller les joues lui procurait un bonheur immense.

— Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais je suis tellement content de te voir enfin !

— Moi aussi, tu es devenu si beau, lui dit-elle en caressant ses joues.

— Est-ce que tout va bien de ton côté ?

— Oui, ne t'inquiète pas pour moi, sourit-elle. Et toi alors comment vas-tu ? Et Lazar ?

— Nous allons très bien aussi. Je me suis engagé dans la garde d'Edora pour contrer Jefferson Stark. La guerre est bientôt terminée, nous avons perdu des amis, mais nous ne pouvions pas sauver tout le monde...

— Ton père et moi sommes très fiers de toi. On vous aime tellement, ne l'oublie jamais, dit-elle en laissant couler une larme.

— On t'aime aussi maman, répondit Castiel en posant son front contre le sien. Comment as-tu fait pour m'invoquer ? Tu n'as rien fait de dangereux j'espère ? demanda-t-elle après quelques secondes.

— Non non, c'est Matt, le sorcier des montagnes qui m'a aidé en échange d'un petit service de ta part, expliqua-t-il.

— Quel genre de service ? s'inquiéta Fal.

— Sa mère Victoria est en enfer et il a peur pour elle. Il voudrait que tu la protèges.

— Victoria, réfléchit-elle. Oh ! Victoria ! Je pense voir de qui il s'agit, la malheureuse n'a plus sa tête.

— C'est elle oui.

— Je me chargerai d'elle. Elle ne s'est pas fait beaucoup d'amis, mais tu peux dire à ton ami Mattaf qu'elle l'aime énormément, les seules paroles censées qu'elle prononce sont à son propos.

— Merci. Il ne nous reste plus que quelques minutes, dit tristement l'ange en regardant la bougie presque consumée.

— Alors fais-moi un dernier câlin et promets-moi de faire attention à toi et d'être heureux.

Castiel serra fort sa mère dans ses bras jusqu'à sentir sa présence disparaître. Les bras ballants, il resta un moment à pleurer en silence dans cette pièce désormais vide. Lorsque la porte s'ouvrit pour laisser entrer Matt, il essuya rapidement ses larmes d'un revers de la main.

— Ma mère protégera la tienne.

— Bien, acquiesça-t-il le visage neutre.

— Pourquoi ne pas avoir dit ton véritable nom, Mattaf ? demanda Castiel.

Soudain le sorcier l'attrapa par le col du t-shirt et le plaqua contre le mur, le regard noir.

— Ne m'appelle plus jamais comme cela !

— Désolé, j'aimerais juste comprendre, expliqua-t-il.

— C'était le nom de mon géniteur, dit-il en lâchant son vêtement. À ma naissance, il a abandonné ma mère et c'est à ce moment-là qu'elle a commencé à sombrer dans la folie. Tout est de sa faute !

— Je suis sincèrement désolé, murmura Castiel.

— Alors je ne veux rien avoir en commun avec lui et surtout pas son maudit prénom, grogna Matt.

— Je comprends, essaya de le calmer l'ange en posant sa main sur son épaule.

— Je vais aller prendre une douche, fais comme chez toi, dit le sorcier avant de sortir de la pièce pour couper court à toute discussion.

L'ange dormait paisiblement quand soudain un cri le fit sursauter. À l'affût, il scruta la pièce à la recherche d'un danger quelconque. Ses yeux se posèrent sur Matt qui, en sueur, avait le sommeil agité.

— Matt ? s'écria timidement l'ange.

Le sorcier s'assit brusquement sur son lit et ouvrit les yeux. Ses pupilles étaient dilatées et son regard trahissait une grande peur.

— Tout va bien ?

— Oui, rendors-toi, ronchonna Matt en se prenant la tête, remettant par la même occasion ses cheveux corbeaux derrière ses oreilles.

— Tu ne veux pas en parler ? l'interrogea malgré tout Castiel.

— Non, répondit froidement Matt.

— Quand mon frère faisait des cauchemars, je le prenais dans mes bras et après cela il finissait toujours par se rendormir paisiblement, conta l'ange en fixant Matt.

— Je n'ai pas besoin d'aide, protesta le sorcier en tournant la tête vers lui pour ancrer son regard violet dans le brun de ses iris.

— Pourquoi rejettes-tu les gens comme ça ?

— J'ai toujours dû me débrouiller tout seul et je ne vois pas pourquoi cela devrait changer.

— Tu n'as plus besoin d'être seul. Je suis sûr que, si tu le souhaites, tu pourrais venir t'installer au palais.

— Je suis le grand sorcier des montagnes, ma maison est ici et je te répète encore une fois que je ne veux pas de ton aide, ni de celle de personne.

— Que tu le veuilles ou non, tu n'es plus seul.

— Pourquoi t'accroches-tu ainsi, petit ange ?

— Pourquoi me rejettes-tu ? demanda à son tour Castiel, évitant ainsi la question du sorcier à laquelle il n'avait aucune réponse.

— C'est bon maintenant, rendors-toi, acheva Matt en se recouchant, tournant le dos à l'ange.

Sans bruit, Castiel se leva de son lit et s'allongea au côté de Matt. Celui-ci surpris fit volte-face et leurs visages ne furent plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Tout rouge, le sorcier s'écarta brusquement.

— Je t'ai dit que je n'avais pas besoin de toi. Sors de mon lit ou bien je te change en crapaud, menaça Matt l'index levé.

— Tu ne le feras pas, répondit seulement Castiel.

Le sorcier n'eut même pas le temps de protester que l'ange, pris d'un élan de confiance en lui, l'enveloppa de ses bras. Matt avala difficilement sa salive et resta quelques secondes figé, le doigt toujours en l'air. Il finit tout de même par se détendre et fermer les yeux. Castiel, fier de lui, s'endormit le sourire aux lèvres. Cet homme l'intriguait et, sans vraiment savoir pourquoi, il ressentait le besoin de l'aider. Malgré son côté froid et impulsif, l'ange le trouvait terriblement attachant.

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