Chapitre 43
Depuis la fin de la bataille, Amélia semblait être enveloppée dans une brume épaisse l'empêchant de réfléchir correctement. Quand elle pénétra dans le petit bout de forêt ou avait été rassemblé les blessés, Castiel fut le premier qu'elle aperçut. Un soldat de la Garde Royale, lui remettait l'épaule en place alors que ses ailes meurtris traînaient derrière sur le sol comme un poids mort.
— Mon dieu Castiel ! s'exclama Amélia en s'approchant.
L'ange lui offrit un maigre sourire qui se transforma vite en grimace. La jeune femme effleura délicatement le visage douloureux de son ami avant de lui prendre les mains.
— Tes ailes ? demanda-t-elle.
— La douleur est insoutenable, avoua-t-il. Et je ne sais pas comment faire pour les réparer, ajouta-t-il tristement.
— Ces Stark ne sont que des monstres, grogna Amélia.
— Je savais dans quoi je m'engageais Amy, ne t'inquiète pas pour moi. Toi comment ça va ? Tu es blessée ?
— Ça va, la plupart de mes blessures sont superficielles, je suis juste épuisée.
— Moi aussi...souffla Castiel.
Alors que l'ange rétractait péniblement ses ailes, Amélia prit enfin conscience du triste spectacle qui l'entourait. Les blessés étaient nombreux, beaucoup ne pouvait même pas se tenir debout et gémissaient parmi des corps, eux, sans vie. Certains avaient les membres brisés alors que d'autres avaient été sauvagement poignardés. La souffrance de tous ces gens emplissait l'air et frappait de plein fouet ceux encore debout. La tristesse, la douleur et la mort, voilà les vrais aspects d'une guerre et ils n'avaient jamais été autant visibles qu'à ce moment-là.
Submergée par toute cette désolation, elle ouvrit grand la bouche, mais l'air refusa d'entrer dans ses poumons et la panique s'invita alors. Il lui semblait que sa cage thoracique se refermait sur elle-même, écrasant ses organes. Elle fut prise d'une crise d'angoisse. Alors que les larmes lui montèrent et que son visage devint rouge, les yeux bleus d'Ethan entrèrent dans son champ de vision.
— Respire. Peu importe ce que tu vois, tu peux le gérer, tout ira bien, murmura-t-il, sa voix marquée par l'inquiétude.
Il prit son visage entre ses mains et ce simple contact glacial sur ses joues lui permit de reprendre une bouffée d'air. Petit à petit, le regard toujours ancré dans celui du souverain, Amélia retrouva une respiration normale. Ethan replaça une mèche rebelle derrière son oreille avant de rompre son contact et de reculer d'un pas :
— Nous allons bientôt rentrer, tu pourras te reposer, dit-il avant de s'éloigner.
Le corps encore tremblant, Amélia bafouilla un remerciement. Lorsqu'elle releva les yeux, elle aperçut Connor affalé contre le tronc d'un arbre, les yeux clos. Se maudissant de ne pas l'avoir vu plus tôt, elle se précipita vers lui.
— Connor !
Au plus grand soulagement de la jeune femme, le métamorphe ouvrit les yeux.
— Tu vas bien ? demanda-t-il inquiet en levant difficilement sa main vers sa joue.
— Et toi, où as-tu mal ?
— J'ai le droit de dire partout ? dit-il en souriant douloureusement.
— Seulement si tu ne vas pas mourir dans mes bras.
— Alors j'ai mal partout, mais je crois que le pire c'est ma jambe droite.
— Je vais t'aider à te relever, nous devons rentrer.
Les valides aidèrent les blessés et tous ensemble, la garde d'Edora rentra au palais. Durant le trajet, Amélia tenta d'appeler Elion et ne cessa de regarder le ciel dans l'espoir de voir une trace des pégases, ils semblaient avoir disparu. Mais ce n'était pas les seuls à avoir disparu, nombre de leurs alliés et camarades de la garde avaient péri pendant cette bataille. Amélia pensa notamment à Brad, Tara, Mike et Fred qui ne rentreraient jamais chez eux. Une tristesse immense submergeait la jeune femme et si elle n'avait pas été occupée à prendre soin de Connor, elle se serait sûrement effondrée. Dès leur arrivée, ils installèrent les invalides dans l'infirmerie où se trouvaient déjà de nombreux villageois qui s'étaient porté volontaires pour panser leurs blessures
— On s'occupe de lui, va prendre une douche Lili et revient ici ensuite pour que je t'examine, d'accord ?
Amélia acquiesça et laissa Connor entre les mains de sa sœur. Traînant les pieds jusqu'à sa chambre, elle se débarrassa péniblement de ses vêtements, chaque mouvement la faisant souffrir. L'eau froide coulant sur son visage endolori, elle resta là pendant de longues minutes, savourant ce bref moment de calme. Face au miroir, elle ne put s'empêcher de grimacer en voyant l'état de son corps. La plaie à sa cuisse s'était remise à saigner, de nombreuses coupures et bleus recouvraient entièrement son corps et une grande entaille encore ouverte ornait son bras. Après avoir rapidement bandé sa blessure à la jambe, elle s'habilla d'un short et d'un t-shirt ample.
À sa sortie de la salle de bain, Keido l'attendait patiemment sur le tapis de la chambre. En l'observant se lécher tranquillement les pattes avant, Amélia n'en revenait toujours pas de ce qu'il avait fait sur le champ de bataille. Personne ne semblait s'être questionné sur la présence de l'animal après les affrontements et elle seule avait assisté à son exploit. La jeune femme avait toujours cru que la chimère n'avait aucun pouvoir, mais elle s'était lourdement trompée. Tous l'avaient grandement sous-estimé. Keido possédait un don très puissant, celui d'absorber les pouvoirs des autres pour les retourner contre eux. Elle s'accroupit et caressa tendrement la tête de sa chimère en souriant.
— Tu ne cesseras donc jamais de m'étonner toi.
Comme réponse, Keido donna un joyeux coup de langue sur la joue de la jeune femme qui sourit de plus belle. Elle l'enlaça pendant de longues minutes, le remerciant mille fois de l'avoir sauvée. Elle se serait sûrement endormie, cédant à la fatigue générale de son corps, si Keido ne l'avait pas ramené à la réalité d'un coup de museau.
~
Alors qu'elle se dirigeait vers l'infirmerie, elle aperçut de la lumière venant du bureau d'Ethan. La jeune sorcière toqua doucement puis poussa la porte. Le souverain était assis sur son bureau et, à la vue d'Amélia, il abaissa avec hâte son t-shirt. Autour de lui jonchaient des compresses imbibées de sang et le nécessaire pour soigner une blessure.
— Tout va bien ? demanda-t-il.
— Oui, répondit-elle simplement.
Elle s'approcha du bureau, effleura les compresses du bout des doigts puis se tourna vers Ethan qui la regardait avec attention.
— Assieds-toi.
Étonnamment, Ethan obéit et se rassit sur le bureau tout en essayant de cacher une grimace de douleur. Avec douceur, elle attrapa le bas de son t-shirt et le lui enleva. Son torse était, comme celui de l'Élue, couvert de bleus et d'entailles, mais une blessure plus profonde se trouvait sur le bas de son ventre. Amélia saisit d'abord un torchon qu'elle trempa dans de l'eau. Une main sur son épaule, elle passa le tissu blanc avec délicatesse sur l'ensemble de son torse. Une fois tout le sang séché enlevé, elle prit une compresse propre avec du désinfectant. Alors qu'elle s'apprêtait à s'occuper de sa blessure, elle ouvrit enfin la bouche :
— Pourquoi tu n'as rien dit ?
— Je ne voulais pas vous inquiéter. Nous avons des blessés bien plus graves.
— Tu es tout aussi important que les autres, je vais te faire un pansement.
À ces mots, elle posa la compresse sur sa plaie. Ethan tressaillit, mais ne fit aucun commentaire. Amélia posa une nouvelle compresse propre qu'elle scotcha. Alors que sa main était toujours sur son torse, le souverain posa deux doigts sous son menton afin de l'inciter à lever la tête.
— Merci, sourit-il.
La jeune femme lui rendit timidement son sourire avant de commencer à pleurer. La main d'Ethan glissa dans ses cheveux encore humides et il l'attira contre lui. Sans protestation, elle se blottit contre son torse nu et chaud.
— Tout finira par s'arranger, lui dit-il en lui frottant le dos.
— Je suis désolée, je ne sais même pas pourquoi je pleure...
— C'est la tension qui redescend, ne t'excuse pas.
Ils restèrent là quelques minutes encore, enlacés. Le souverain la relâcha finalement à contre cœur et Amélia fit un pas en arrière, les joues rouges. Elle semblait enfin se rendre compte de tout ce qui venait de se passer, des gestes qu'elle avait eus et de sa proximité avec le souverain.
— Tu as été extraordinaire sur le champ de bataille, énonça Amélia. Si tu n'avais pas été là, nos pertes auraient été bien plus importantes.
— Peut-être, avoua Ethan, mais c'est grâce à toi que j'ai osé laisser le dragon sortir de sa cage.
— Et maintenant ? demanda doucement la sorcière d'air.
— Maintenant je ne compte plus cacher cette part de moi-même.
— Tant mieux, acquiesça-t-elle.
— Retournons à l'infirmerie, il faut que tu te fasses examiner, ordonna le souverain en se levant du bureau.
Amélia acquiesça de la tête et commença à se diriger vers la porte tandis qu'il enfilait un t-shirt propre. Alors qu'ils marchaient, tout naturellement, Ethan glissa sa main dans celle de la jeune femme. Surprise, celle-ci s'attendait à ce qu'il se détache d'elle une fois arrivés, mais au contraire, il serra encore plus fort ses doigts. Directement, Amélia aperçut Sidney lui lancer un regard plein de sous-entendus qui eut pour effet de la faire rougir jusqu'aux oreilles.
— Adrian et Kyle, j'aimerais que vous rassembliez quelques hommes en état de vous aider et alliez récupérer nos morts. Demain nous organiserons leurs funérailles.
Le vampire embrassa rapidement le front de Lorie qui dormait, d'un sommeil étrangement paisiblement, puis sortit de la pièce, accompagné de Kyle.
— Je viens d'avoir des nouvelles de Gabe ! La meute est bien rentrée au campement et nous offre encore leurs aides en cas de besoin, annonça Olivia.
— Tu les remercieras de ma part, commença Ethan. Et tu en profiteras pour envoyer des invitations à tous les chefs de clans pour qu'ils viennent eux aussi rendre hommage à leurs hommes, s'il te plait.
— Bien sûr, acquiesça Olivia.
Elle se leva du chevet d'un blessé et quitta, elle aussi, l'infirmerie, après avoir embrassé la joue de sa sœur au passage. Ethan finit par lâcher la main d'Amélia pour passer auprès de ceux qui se trouvaient dans les lits. Ulysse, Sam et Elena n'étaient pas gravement blessés, ils avaient seulement quelques os cassés et une attelle ou un plâtre serait suffisant.
Amélia voulut se rendre au chevet de ses amis, mais une jeune femme, surement missionné par sa sœur, lui demanda de la suivre jusqu'à un lit vide. Sans lui poser de questions, elle s'occupa avec délicatesse de ses blessures. Quelques minutes plus tard, ses plaies étaient désinfectées et sa cuisse ainsi que son bras soigneusement recousus puis bandés.
Une fois pansé, Amélia s'approcha de Castiel qui peinait à remettre son t-shirt à cause de son bras en écharpe. Keido, toujours en pleine forme, monta sur le lit et lécha une des entailles sur le bras de l'ange.
— Comment vas-tu ? demanda-t-elle en grimaçant devant les bleus et les entailles qui parcouraient son visage.
— Ça va, il y a seulement mes ailes qui m'inquiètent, je ne sais pas comment les réparer...
— Elles te font souffrir ? grimaça Amélia.
— Oui, mais ça va aller, je trouverai bien une solution.
— Je chercherai aussi de mon côté, sourit-elle. En attendant, je te laisse Keido, il a l'air de vouloir t'aider à sa manière.
— Il a peut-être une bave qui accélère la guérison qui sait ! s'exclama Castiel en ébouriffant les poils de l'animal.
— Keido est un être surprenant, mais je doute qu'il puisse faire cela, répondit Amélia avec un sourire.
Après quelques minutes en compagnie de Castiel et de la chimère, la jeune sorcière d'air eut le courage de demander.
— Je n'ai pas vu Connor, tu sais où il est ?
L'expression de Castiel lui confirma qu'elle n'aimerait pas la réponse qu'elle était sur le point d'entendre.
— D'après ce que j'ai compris, son état s'est dégradé, sa tension est très faible et il a de la fièvre. Sa blessure à la jambe pourrait en être la cause, mais pour l'instant ils n'en savent pas plus alors ils l'ont transporté dans un endroit plus calme pour pouvoir s'occuper le mieux possible de lui.
— Oh mon dieu, bredouilla Amélia en posant une main tremblante sur sa bouche.
— C'est un battant, je suis sûr qu'il va vite se remettre, tenta de la réconforter l'ange.
— Mais pourquoi sa blessure à la jambe ne guérit pas ? Je croyais que c'était un des pouvoirs des métamorphes, demanda la jeune femme, trop chamboulé pour avoir prêté attention aux paroles de son ami.
— Le processus de guérison accéléré fonctionne seulement sur les blessures faites sous forme humaine, pas sur celles sous forme animale...
Amélia dû faire appel à toutes les forces qu'il lui restait pour ne pas flancher. Elle se persuada que Connor allait s'en sortir, qu'il n'y avait pas d'autres options et que tout rentrerait dans l'ordre.
Après avoir longuement enlacé Castiel, elle se dirigea vers les jumeaux. Les blessures de Sidney étaient déjà propres et bandées. Désormais, elle s'occupait de celles de son frère. Sidney avait récolté comme souvenir de cette bataille, un beau cocard à l'œil droit tandis qu'Axel avaient l'arcade et les lèvres fendues.
— Axel, je suis tellement désolée, murmura Amélia.
— Je n'ai pas envie d'en parler, dit-il, sans émotions.
— Il faudra bien en parler un jour, cela ne peut te faire que du bien, lui répondit-elle doucement.
Brusquement, l'archer se leva, repoussant par la même occasion la main de sa sœur. Il les regarda avec hargne, les yeux rougis :
— Laissez-moi tranquille ! dit-il en sortant rapidement de l'infirmerie.
Sidney s'assit dans un soupir sur le lit désormais vide. Son frère avait besoin de temps et elle ne pouvait qu'être patiente avec lui. Le voir souffrir était encore plus douloureux pour elle que l'annonce de la réelle identité d'Olympe.
— Tu arrives à y croire toi ? finit-elle par demander en levant les yeux vers Amélia.
— Pas vraiment non, avoua-t-elle.
— Ce qu'elle a fait à mon frère est horrible, mais ce qu'elle a fait à Pauline l'est encore plus. Elle a tué une enfant, Amy !
— Je sais..., jamais je n'aurais cru ça d'elle...
— Je me sens tellement impuissante face au chagrin d'Axel...
La sorcière d'air s'approcha de son amie pour la prendre dans ses bras. Elle resserra sa prise sur elle quand elle sentit son corps trembler sous ses pleurs. Les larmes aux yeux, elle caressa avec douceur ses cheveux roux, essayant par la même occasion de se rassurer.
— Je ne voulais pas craquer devant Axel, je suis désolée..., marmonna-t-elle.
— Je comprends, mais maintenant je suis là, laisse-toi aller, la réconforta Amélia.
— Je m'y étais longtemps préparée tu sais, à cette bataille. Je savais que physiquement ce serait dur, mais je ne pensais pas que ce serait aussi dur mentalement, avoua-t-elle.
— Moi non plus...
Les deux jeunes femmes furent interrompues par l'arrivée d'un garde annonçant à Amélia qu'un pégase l'attendait dehors. Sans même le remercier, la jeune femme s'élança hors de l'infirmerie, impatiente d'avoir enfin des nouvelles d'Elion. Cependant, sa joie retomba immédiatement lorsqu'elle découvrit un grand pégase à la robe noire. La créature avait une forte ressemblance avec Adolina, mais Amélia ne l'avait jamais vue auparavant.
— Qui es-tu ? demanda-t-elle en s'approchant prudemment.
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