- Edora - 10 septembre 2024 -

Cette nuit passée hors du palais avait fait le plus grand bien à Amélia. Partager une soirée avec les deux frères jumeaux lui avait permis de se changer les idées. Si Lazar avait d'abord été réticent à la soudaine venue de l'Elue dans sa maison, les deux jeunes gens s'étaient très vite bien entendus. Avec des cheveux bruns et des yeux bleus, Lazar était très différent de son jumeau, mais la jeune femme avait pu reconnaître des traits de caractère similaire. Elle avait aussi pu réfléchir et remettre de l'ordre dans ses idées. Il ne fallait pas que le refus d'Ethan la détourne de son but premier. En venant ici, à Edora, elle s'était promis de tout faire pour aider ce peuple à gagner la guerre. Elle ne pourrait peut-être pas retrouver une relation normale avec le roi, mais cela n'interviendraient pas dans son dévouement pour la cause. À peine quelques minutes après leur retour, Amélia vit le souverain débouler dans la bibliothèque, visiblement en colère. Les discussions cessèrent et les personnes présentes observèrent, surpris, l'échange entre Ethan et Amélia.

— Mais où étais-tu bon sang ? s'exclama Ethan en se postant devant la jeune sorcière d'air.

Le comportement du souverain de la veille encore trop frais dans sa tête, elle ne prit pas la peine de répondre et continua la lecture de son livre. Cela eut pour effet d'accentuer la colère du roi qui finit par perdre son sang-froid :

— Amélia ! Je te parle ! hurla-t-il en lui prenant le livre des mains.

La jeune femme leva lentement les yeux vers lui et se releva tout en le regardant froidement.

— Je ne vois pas en quoi cela te concerne, dit-elle les bras croisés sous sa poitrine.

— J'étais mort d'inquiétude !

— Il fallait y penser avant, le défia-t-elle.

— Ne fais pas l'enfant et dis-moi où tu étais...

Sans même un regard pour le souverain, elle quitta la pièce. Essayant de garder ses esprits, elle marcha d'un pas rapide vers sa chambre sous les cris d'Ethan. Fermant rapidement la porte à double tour, elle sursauta quelques secondes plus tard lorsque le souverain toqua.

— Amélia je suis désolé. Laisse-moi entrer pour qu'on discute, dit-il d'une voix plus calme.

Si elle avait écouté son cœur, la jeune femme aurait ouvert, elle en mourrait d'envie. Elle posa sa main contre la porte et tenta d'étouffer ses larmes.

— J'ai besoin d'être seule. Alors laisse-moi, s'il te plaît, refusa-t-elle d'une voix tremblante.

À ces mots, elle se laissa glisser le long de la porte pour s'asseoir sur le sol. La tête basculée en arrière, elle observait le plafond, son regard rempli de larmes. La promesse qu'elle s'était faite la veille, celle de ne plus laisser le souverain l'atteindre émotionnellement, semblait s'être envolée aussi vite qu'elle lui était venue. De l'autre côté, Ethan posa quelques secondes son front contre le bois. Il ferma les yeux et son visage torturé montrait qu'il menait un combat intérieur dont lui seul avait connaissance.

— Je comprends, finit-il par dire.

Il sembla hésiter un instant, mais finit par partir. Il ne pouvait pas lui offrir ce qu'elle méritait, il lui fallait alors la laisser être heureuse, même si cela devait être sans lui.

Dans la chambre, Amélia retrouva la présence réconfortante de Keido. L'animal, depuis le départ de la jeune femme, n'avait pas quitté la pièce, attendant son retour. Il ne cessait alors de demander de l'attention, comme s'il sentait que la bataille arrivait.

— Quand nous partirons demain matin, je ne veux pas que tu nous suives, d'accord ?

La queue de la chimère s'immobilisa et il fixa sa maîtresse de ses yeux bleu électriques. Amélia savait que Keido était une créature très intelligente et qu'il la comprenait, elle le voyait dans son regard. Après quelques secondes, il finit par donner lui donner un coup de langue sur la joue, et la jeune femme ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire.

— Je te promets de revenir !

À ces mots, elle enlaça Keido et plongea son nez dans sa fourrure noire. Elle ne saurait dire si ses paroles étaient destinées à l'animal ou plutôt à se rassurer elle-même.

Le reste de la journée fut consacré à la préparation de la bataille. Les armes furent affutées et les tenues préparées. Olivia et Adrian vérifièrent les protocoles de sécurité et se chargèrent de nommer les gardes qui resteront au palais en cas d'attaque. Un dernier entraînement eut lieu pour les nouvelles recrues, afin qu'Ethan puisse s'assurer qu'ils étaient prêts pour l'affrontement.

- Edora - 11 septembre 2024 -

Le soleil n'était pas encore levé, que toute la garde était déjà réunie dans la grande salle. À l'expression de chacun, Amélia comprit qu'elle n'était pas la seule à avoir passé une mauvaise nuit. Aujourd'hui était un grand jour, un jour de victoire ou de défaite, un jour qui aurait de lourdes conséquences sur l'avenir de ce monde.

— Amélia !

La jeune femme sursauta et leva les yeux vers Ethan qui la regardait fixement.

— Tu n'as absolument rien écouté de ce que je viens de dire n'est-ce pas ?

Elle tourna la tête autour d'elle et remarqua que tout le monde s'apprêtait à quitter la pièce.

— Amélia, répéta-t-il en lui touchant l'avant-bras.

— Oui, je suis désolée, bafouilla-t-elle.

— Tout va bien se passer, dit-il doucement tout en l'enveloppant de son regard océan. Maintenant, va préparer tes affaires, nous partons dans une heure, continua-t-il.

Au moment de quitter le palais, la jeune femme adressa un dernier regard à l'immense bâtisse qu'était le palais d'Edora. Une vague d'angoisse la submergea et elle espéra de tout son cœur qu'elle pourrait observer ses hautes tours et ses statues en forme de dragon à nouveau. En très peu de temps, cet endroit était devenu son foyer et les gens qui y vivaient étaient sa famille. Quitter ce confort était un crève-cœur pour la jeune femme.

Après quelques minutes de marche, la garde retrouva ses alliés. Chacun avait revêtu sa tenue de combat, même les pégases portaient de fines armures recouvrant leurs flancs et leurs nuques. À la surprise de tous, June n'était pas venue seule. À ses côtés se tenait Zao ainsi qu'une femme et derrière eux une trentaine de vampires. Amélia regarda fixement le chef vampire, se demandant ce qu'il pouvait bien faire ici. Lorsque June avait parlé de réunir d'autres clans à leur cause, elle n'aurait jamais pensé à lui, surtout pas après ce qu'il c'était passé lors de leur première rencontre.

— Je souhaiterais vous présenter mes excuses pour mon comportement. Je m'étais peut-être trop habitué à n'avoir aucune interaction avec le monde extérieur. Mais June a su me ramener à la raison et à l'homme que j'ai été il y a longtemps.

— Nous sommes heureux de vous compter parmi nous Zao, dit Ethan conscient que, malgré l'affront qu'il leur avait fait en attaquant ses hommes, il ne pouvait refuser le soutien d'un si grand chef vampire.

— Je vous présente aussi..., commença June.

— Nora, je suis la maîtresse d'un puissant clan vampire, se présenta la femme au côté de Zao.

— Ma sœur..., finit June dans un murmure.

Nora était au bras de l'immortel et, aux yeux d'Amélia, cette femme était encore plus prétentieuse que Zao. Elle était habillée d'une combinaison intégrale en cuir bordeaux accompagnée de bottes à talons noirs. Ses cheveux blond vénitien étaient la seule chose qu'elle avait en commun avec sa sœur. Si Amélia avait immédiatement eu un bon ressenti envers June, son instinct lui disait de se méfier de cette femme à la voix sensuellement envoutante. Cependant, ce n'était pas le moment de se demander si elles deviendraient amies ou non. L'essentiel était que de nouveaux alliés aussi inattendus que cruciaux venaient de se joindre à eux pour la bataille finale. Ethan s'avança :

— Je n'ai jamais été très doué pour les grands discours, mais je peux vous dire une chose : jamais dans l'histoire autant de peuples ne se sont battus côte à côte. C'est cette alliance qui fera qu'aujourd'hui nous mettrons fin au règne de Jefferson Stark, qu'aujourd'hui nous ramènerons la paix, qu'aujourd'hui nous vaincrons ! Alors mes amis, battons-nous jusqu'à notre dernier souffle ! hurla Ethan en levant son épée.

Dans un même élan, chaque guerrier brandit son arme, poussant des cris pleins de rage de vaincre. La suite se déroula très vite : les archers grimpèrent sur leurs montures et Amélia embrassa une dernière fois ses amis en leur demandant d'être prudents. Elle s'apprêtait à rejoindre Elion lorsqu'on lui saisit l'avant-bras. Elle fut alors soudainement tirée dans les bras de quelqu'un. Il ne lui fallut que quelques secondes pour comprendre qu'il s'agissait d'Ethan. La jeune femme pouvait reconnaître son odeur et ses bras puissants autour d'elle sans même le voir. Savourant ce moment si privilégié, elle posa sa joue contre son torse. Le souverain recula de quelques centimètres, son visage proche de celui de la sorcière d'air. Ses yeux océan firent des allers-retours entre les prunelles grises d'Amélia et ses lèvres. Cette dernière pouvait sentir son souffle chaud contre sa peau. Ils se fixèrent, sans bruit.

— Fais attention à toi, lâcha-t-il simplement en lui tournant le dos afin de rejoindre ses hommes d'un pas décidé.

Amélia resta là, seule. Elle se détestait d'y avoir cru. Soudain elle sentit le bout du nez d'Elion heurter doucement son dos. Elle essuya rapidement ses yeux remplis de larmes d'un revers de main et monta sur son pégase. Toutes les deux, suivies par les autres, s'élevèrent dans le ciel. Arrivés à une certaine altitude, Amélia regarda ce qui se passait en bas. La garde d'Edora et les chefs de clan en tête suivit par les vampires, les elfes, les loups et les sorciers étaient en marche. À l'unisson avec Ethan, Amélia leva le bras pour donner l'ordre de dispersion des troupes.

« On va y arriver, on va survivre à tout ça ! »

« Je ferai tout pour que ce soit le cas. Maintenant, ne pense plus à la victoire ou aux pertes, pense seulement à te battre. »

Pour réponse, Amélia serra un peu plus les crins d'Elion entre ses doigts. Dans quelques minutes, ils arriveraient à l'entrée de la clairière. La jeune femme jeta un coup d'œil à Elwing, chevauchant Céleste. La reine des elfes la regarda avec hargne et arma son arc. Amélia attrapa, elle-aussi, le sien et se prépara à combattre.