Chapitre 35
Elle était d'une beauté époustouflante et, si Amélia avait pensé qu'à première vue elle ne représentait pas une menace, les réactions des autres personnes autour d'elle semblait indiquer le contraire. En l'observant mieux, elle comprit alors que cette femme au teint pâle et aux lèvres de sang était, sans le moindre doute, une guerrière. Elle était vêtue d'une longue robe noire fendue sur les côtés afin de ne pas bloquer ses mouvements. Ses cheveux blond vénitien étaient relevés dans une queue de cheval haute. Rien dans son apparence ne semblait avoir été laissé au hasard. Malgré tout, l'intruse ne fit aucun mouvement et se contenta d'observer les différents occupants de la salle. Finalement, se fut Adrian qui s'avança le premier :
— Que viens-tu faire ici, vampire ? siffla-t-il.
La femme se contenta de sourire, faisant apparaître de longues canines blanches qui ne laissaient aucun doute sur sa nature. Du coin de l'œil, Amélia perçut l'impatience grandissante d'Ethan qui tentait de se contenir. Son poing gauche était serré tandis que sa main droite tressaillait, prête à attraper son arme.
— Je viens vous proposer mon aide, finit-elle par dire.
Un grand silence accueillit cette révélation. Chacun se demandant s'il pouvait croire cette vampire ou non. Seules Elion et Céleste, très calmes, ne semblaient pas considérer cette inconnue comme une menace. Les deux créatures s'étaient retirées dans le fond de la salle et observaient attentivement la situation.
— Qu'est ce qui nous prouve que tu dis la vérité ? Que lorsque nous aurons baissé nos armes, tu ne nous attaqueras pas ? répondit Adrian.
— Zao a refusé notre offre et a essayé de tuer deux de mes hommes. Pourquoi serais-tu différente? rajouta Ethan.
— Je ne fais pas partie du clan de Zao, je dirige mon propre clan et je ne dépends en aucun cas de lui. C'est un vampire très fier qui a été stupide et inconscient de refuser, je ne ferai pas la même erreur.
Sans vraiment savoir pourquoi, il semblait à Amélia qu'elle pouvait faire confiance à la vampire. Elle ne ressemblait en rien à Zao ou aux vampires qu'elle avait pu affronter là-bas. Elle avait l'air plus simple, plus honnête et plus humaine.
— J'ai déjà accepté de m'allier avec ces animaux, dit la reine de façon hautaine en désignant Gabe, je refuse de m'abaisser à nouveau en acceptant des suceurs de sang ! s'exclama-t-elle.
À nouveau, la tension monta et Amélia crut même que si Ethan n'était pas intervenu, l'alpha aurait sauté au cou de l'elfe.
— Ça suffit, gronda le souverain. Je propose que nous nous asseyions tous pour discuter calmement.
Elwing n'eut pas l'air convaincue, mais elle finit tout de même par s'asseoir. Scott et Gabe prirent place le plus loin possible de l'elfe. Et sous les yeux attentifs d'Adrian, la vampire s'avança près de la table.
— Je m'excuse de mon entrée qui est, je le conçois, peu conventionnelle. Je vais peut-être commencer par me présenter pour ceux qui ne me connaissent pas. Je m'appelle June et je suis à la tête d'un clan comportant dix vampires. Reine Elwing, je comprends votre scepticisme, je l'étais au début moi aussi, mais il faut savoir évoluer et aller au-delà de nos rancœurs passées.
Les deux loups semblaient d'accord avec les paroles de la nouvelle arrivée, mais l'alpha ne pouvait pas oublier le comportement de la reine des elfes aussi vite. Il se jura de la tenir à l'œil, si quelqu'un devait les trahir se serait elle, il n'avait aucun doute là-dessus. Contre toute attente, ce fut Elwing qui s'exprima la première :
— Je ne suis pas prête à oublier le passé, mais je devrais pouvoir le mettre de côté jusqu'à la fin de la guerre.
— Nous sommes très heureux d'entendre cela votre Majesté, souffla Ethan visiblement soulagé. Maintenant que June est là, Adrian, pourrais-tu lui faire un bref résumé ?
— Bien sûr. Nous intercepterons les Stark dans deux jours dans cette clairière, commença le vampire en indiquant l'endroit sur la carte. Les meilleurs archers de la Reine Elwing seront sur des pégases et prendront en étaux l'ennemi. Pour accentuer cet effet de surprise, les loups de Gabe avec le renfort de certains elfes passeront par les bois.
— Je ne voudrais pas vous offenser, mais je pense que mes vampires seraient plus à l'aise dans les bois, se risqua June.
— Très bien, accepta, à la surprise de tous, Elwing.
— Est-ce que vous connaîtriez d'autres clans susceptibles de nous prêter main forte ? demanda Amélia.
— Je vais parler à ma sœur Nora et j'essayerais de convaincre d'autres clans, acquiesça June.
— Si nous arrivons à avoir l'effet de surprise escompté, nous disposerons d'un grand avantage. Et avec la puissance des pégases, la précision des elfes, la force des loups, la vitesse des vampires et les pouvoirs de nos sorciers, nous sommes sûrs d'obtenir la victoire, s'exprima Ethan en se levant de sa chaise. Cependant, l'armée de Jefferson est très puissante et possède des armes capables de tous nous blesser. Je vous demanderai alors de faire preuve de la plus grande prudence. Je ne remets en aucun cas vos capacités en doute, mais j'ai déjà combattu contre ces créatures et je peux vous affirmer que ce sont de véritables machines à tuer.
— Je pense que tous ensemble nous pouvons y arriver. Depuis toujours nos peuples sont en conflit, mais je crois sincèrement que cette alliance nous permettra de mettre fin au règne de Jefferson, déclara Gabe.
— Je suis d'accord. Cette alliance, c'est du jamais vu et cela peut fonctionner, affirma calmement June
Elion et Céleste s'avancèrent pour s'incliner légèrement et faire part de leurs remarques à Amélia.
« Je suis plus que surprise que vous ayez réussi à vous entendre » fit remarquer Céleste
« Je le suis moins. Amélia a un don pour réunir les gens.
« Quoi qu'il en soit, nous sommes du même avis.
— Elion et Céleste sont aussi de cet avis, rajouta alors la jeune femme
Seule la reine Elwing ne se prononça pas, mais Ethan prit son absence de critiques comme une victoire. Ils n'avaient pas besoin de devenir de grands amis, juste de se respecter suffisamment pour que cette alliance fonctionne le temps de la bataille. Sans rien ajouter, les dirigeants de chaque peuple partirent chacun de leur côté. Seule June resta quelques instants de plus, retenue par Adrian et, alors que Gabe s'éclipsait avec Olivia, Amélia se retrouva seule avec Ethan
— Cela s'est plutôt bien passé non ? s'exclama la jeune femme.
— Si on oublie quelques échange, je suppose que oui.
— Je n'avais jamais assisté à une telle réunion, c'est vraiment très intense
— C'est la première que je dirige sans mon père et j'avoue que ce n'était pas facile
— Tu t'en es très bien sorti, sourit Amélia.
~
En début d'après-midi avait eu lieu, comme chaque jour, une ronde. Une fois les petits groupes formés, Amélia s'était éloignée du palais en direction de l'est avec sa sœur. La jeune femme, comme depuis le début de la journée, restait pensive et cela ne passa pas inaperçu aux yeux de son aînée.
— Tu n'es pas responsable.
— J'aurais dû comprendre les signes de Keido, renifla Amélia.
— Que veux-tu dire ? s'étonna Olivia en passant un bras autour des épaules de sa sœur.
— Hier soir il ne voulait pas quitter la chambre de Pauline, mais je l'y ai forcé, et le matin il aboyait avant même que l'alarme ne résonne. On aurait dit qu'il savait.
— Peut-être que c'était le cas, c'est vrai. Mais tu ne pouvais pas le deviner, personne ne le pouvait...
La sorcière d'air se contenta de renifler en fixant un point droit devant elle. Elle savait qu'Olivia avait raison, mais elle se promit de faire, dorénavant, plus attention au comportement de Keido. La mort de Pauline était une piqûre de rappel, pour montrer que la guerre existait bel et bien. En observant les alentours, ses yeux se posèrent sur la veste en jean que portait son aînée. La jeune femme fronça d'abord les sourcils puis un petit sourire finit par se dessiner sur ses lèvres.
— C'est la veste de Gabe non ? Que se passe-t-il entre vous ?
— J'attendais que tu me le demande ! s'exclama Olivia.
— Et bien alors ! s'impatienta sa sœur.
— Nous sommes très proches, avoua-t-elle.
Amélia poussa, malgré elle, un petit cri de joie.
— Mais ... coupa Olivia.
La sorcière d'air perdit son sourire et attendit la suite.
— Nous préférons attendre la fin de la guerre pour décider ce que nous ferons. Nous savons tous les deux les enjeux et les risques d'une bataille. Les sentiments ne doivent pas nous détourner de notre but.
— Je ne sais pas comment tu peux y arriver, mais si c'est ce que tu veux.
— Et toi ! Tu es tombée sous le charme d'Ethan n'est-ce-pas ? demanda-t-elle soudainement.
— Quoi ? Mais comment ? bafouilla Amélia maladroitement en rougissant jusqu'aux oreilles.
— Tout le monde est sous le charme du séduisant roi d'Edora, ricana Olivia. Mais toi, tu l'as vraiment dans la peau, non ?
— Je ne sais pas, c'est encore confus...
— Prends bien le temps de comprendre ce que tu ressens, mais si cela peut t'aider, je n'ai jamais vu Ethan aussi prévenant avec quiconque. Tu es spéciale à ses yeux.
— C'est parce que je suis l'Elue et qu'il a besoin de moi.
— Je ne crois pas, sourit Olivia.
Ne sachant quoi répondre, Amélia se contenta de lever les yeux au ciel et les deux sœurs, Les sens à l'affût, ils parcoururent l'étendue de leur zone de ronde d'un pas plus rapide. Lorsqu'elles eurent terminé, sans rien n'avoir aperçu de suspect, elles rentrèrent tranquillement au palais.
~
Assise sur un banc, Amélia fixait le ciel. Elle aurait dû se réjouir de l'issue de la réunion et de l'arrivée des vampires dans leur alliance, pourtant son esprit était ailleurs. L'image de Pauline ne la quittait plus, mais depuis sa discussion avec sa sœur, une nouvelle pensée l'obsédait. Des questions tournaient en boucle sur sa relation si particulière avec le souverain. Alors que la jeune femme était perdue dans ses pensées, une main se posa sur son épaule. La jeune femme se retourna et plongea le regard dans les yeux sombres de Connor qui lui offrit un faible sourire en s'asseyant à ses côtés. Amélia hésita, elle ouvrit la bouche puis la referma aussitôt.
— Je suis désolé de m'être enfui comme ça, commença Connor.
— Non c'est moi qui suis désolée ! s'exclama immédiatement la jeune femme, les sourcils légèrement froncés.
— Tu n'as pas à l'être. C'est moi qui ai mal agi, je n'aurais pas dû faire ça. Je sais que tu ne ressens pas la même chose que moi et ce n'est pas grave. Tu es extraordinaire Amélia et t'avoir comme amie sera déjà une grande chance pour moi.
Amélia, se retenant pour ne pas pleurer, se contenta de hocher la tête en silence.
— La journée a été très intense et je suis là pour toi ? dit-il d'une voix douce.
Un simple « merci » fut la seule chose que la jeune femme réussit à prononcer. Connor était vraiment formidable. Elle était consciente de la peine qu'elle devait lui faire, pourtant il faisait comme si de rien n'était et la soutenait comme avant. D'un coup, le métamorphe sauta sur ses pieds et regarda Amélia avec un air de défi.
— Un p'tit combat ?
— Je ne suis pas trop d'humeur là, ronchonna-t-elle.
— Tu as juste peur de perdre Moustique, la défia-t-il.
Amélia releva les yeux vers lui et ne put s'empêcher de sourire. Non sans soupirer, elle se leva du banc pour se placer face à lui. Il recula une jambe afin de trouver le bon équilibre et monta ses deux bras en parade. Peu enthousiaste, la jeune femme se contenta de l'imiter mollement. Connor fit un pas en avant et, au lieu de reculer, Amélia le défia des yeux et lui envoya un premier coup de poing qu'il esquiva avec facilité. Ce fut ainsi qu'un enchaînement de coups droits et de revers commença. Au bout de quelques minutes, le métamorphe lui attrapa les poignets et l'envoya valser sur l'herbe verte. Le dos de la jeune femme heurta le sol et elle en eut le souffle coupé quelques secondes. Ne se laissant pas abattre pour autant, elle lui saisit la jambe pour le faire tomber lui aussi. Une fois à terre, elle lui sauta dessus et tenta de le frapper au visage, mais Connor para son attaque en échangeant leurs positions. Ils se fixèrent pendant un long moment. Leurs visages à seulement quelques centimètres, le cœur d'Amélia battait à la chamade. Soudain, ils éclatèrent de rire et le métamorphe se laissa tomber à côté de la sorcière d'air. Les deux amis rièrent pendant de longues minutes comme deux fous sortis d'un asile. À vrai dire, ils n'avaient aucune idée de la raison de ce fou rire, mais cela était, sans aucun doute, le meilleur des remèdes pour Amélia. Une fois calmée, elle s'assit dans l'herbe et jeta un coup d'œil à son ami toujours allongé sur le sol.
— Merci pour tout Connor, dit-elle en se relevant.
Le métamorphe lui sourit et se mit lui aussi sur ses pieds. Il approcha doucement sa main du visage de la jeune femme pour enlever un brin d'herbe resté coincé dans ses cheveux.
— Tu devrais aller te regarder dans un miroir. Tu ressembles à une sauvage, ricana-t-il avant de l'abandonner au milieu du jardin.
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