Chapitre 33

Malgré la panique, Amélia avait tout de même réussi à saisir un poignard avant de s'élancer à la suite de Keido dans le couloir. De loin, elle aperçut un attroupement devant la chambre d'Elena et Pauline. Enfin, l'alarme cessa. Sans bruit, la jeune femme s'approcha, poussa deux gardes et pénétra dans la pièce. Horrifiée, elle laissa tomber son couteau sur le sol dont le bruit aigu résonna, brisant le silence mortuaire. Amélia ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Elle resta là, pétrifiée, les yeux embrumés de larmes. Sur le lit juste en face d'elle se trouvait Pauline, les yeux clos et le corps sans vie. Deux hommes recouvraient son pauvre petit corps d'un drap blanc. Dans un élan de lucidité Amélia poussa un cri de désespoir et s'élança vers l'enfant, mais deux bras puissants s'enroulèrent autour de sa taille, l'empêchant d'approcher. Elle se débattit énergiquement tout en criant et pleurant des paroles incompréhensibles. Folle de rage, elle se retourna sur elle-même. Ethan la tenait toujours par les hanches, la regardant avec un mélange de douceur et de tristesse. Submergée par ses émotions Amélia frappa avec hargne le torse du souverain, mais il ne sembla rien ressentir et ne bougea pas d'un cil. Epuisée, elle finit par s'arrêter et le roi la fit basculer contre lui. Les bras ballants et les joues ravagées de larmes, elle se laissa aller.

— Ethan, nous devons parler de choses importantes, s'exclama Adrian de son éternelle voix froide.

Lentement, le souverain lâcha Amélia et demanda à Castiel de prendre le relais. Sans bouger, elle se laissa guider dans les bras de l'ange. Les heures qui suivirent furent très floues pour la jeune sorcière d'air. Pour gérer le choc, son esprit s'était retiré dans un espace reculé de son cerveau et elle n'était plus qu'une coquille vide. Il lui semblait être comme plongée dans un bain de coton et les voix autour d'elle n'étaient que des murmures incompréhensibles.


~


Malgré l'événement d'hier soir, ce fut Connor qui se proposa d'accompagner Amélia, lorsqu'elle revint à elle, dans le bureau du roi. Avec la terrible nouvelle, ils n'avaient pas eu le temps de parler du baiser de la veille, mais sa présence était tout de même très réconfortante pour la jeune femme.

— Comment te sens-tu ? l'interrogea Ethan en posant un regard inquiet sur la sorcière d'air.

Amélia répondit vaguement au souverain et prit place sur un des sièges installés autour du bureau. Connor se posta derrière elle et posa une main sur son épaule, lui montrant son soutien. Ce fut Adrian qui prit la parole en premier afin d'expliquer la situation. Comme à son habitude sa voix était sans expression. Il semblait vidé de toutes émotions, tel un parfait vampire au cœur de pierre. Pourtant, depuis l'enterrement de Natasha, Amélia savait que cela était faux. Alors la jeune femme ne cessait de se demander comment il faisait pour garder son sang-froid en toutes circonstances. Comment luttait-il contre la peur, la haine et la tristesse ? Elle aimerait tant le savoir. L'Elue se sentait, aujourd'hui plus que jamais, vulnérable et prisonnière de ses émotions qui la submergeaient sans pitié ni repos. Elle ressentait tant de colère et de peur en ce moment même qu'elle n'arrivait même plus à en savoir les causes de chacune. Un tourbillon d'émotions se déchaînait en elle. Amélia fixa Adrian et ne put s'empêcher de l'envier.

— Il ne fait aucun doute que Pauline a été assassinée par l'espionne qu'elle était sur le point de dénoncer. L'heure de sa mort a été estimée aux alentours de trois heures du matin. C'est Sidney qui a découvert son corps ce matin à six heures en trouvant la porte de sa chambre ouverte. Elle est morte par asphyxie, finit le vampire.

— Je voudrais bien vous promettre de trouver la responsable, mais malheureusement il n'y avait aucun indice, Elena n'a rien entendu ou vu et il y a beaucoup trop de suspectes. Je crains qu'il ne faille attendre la fin de la guerre avant d'obtenir justice pour cette pauvre enfant, continua Ethan.

— Alors on va juste attendre et vivre sous le même toit qu'une meurtrière ? s'exclama Amélia hors d'elle.

— Amélia, je suis désolé, mais il n'y a...

— Je refuse que sa mort soit impunie ! Elle faisait partie de notre famille et vous ne semblez même pas vous attrister de sa mort, s'emporta-t-elle en fixant le roi et son second.

— Nous obtiendrons justice, je te le promets. Mais pas maintenant, nous sommes des soldats et nous sommes en guerre. Il ne faut pas sombrer sous la tristesse des pertes, il y en aura d'autres et nous ne pouvons pas nous permettre de les pleurer, l'ennemi en tirerait un trop grand avantage, expliqua Ethan d'une voix calme.

Amélia ne sut pas quoi répondre et se tassa dans son siège, serrant fort la main que Connor avait posée sur son épaule.

— Adrian et Connor, j'aimerais que vous emmeniez les nouvelles recrues faire un entraînement.

— On ne devrait pas les laisser digérer un peu la nouvelle ? protesta Connor.

— Je pense que pour la plupart, se battre leur fera le plus grand bien, expliqua le vampire en soutien à son roi.

— Vous pouvez disposer, ordonna Ethan. Amélia peux-tu rester quelques minutes, j'aimerais te parler.

Sans ouvrir la bouche, la jeune femme hocha la tête. Connor lui embrassa le sommet du crâne avant de sortir, fermant la porte derrière lui. Lorsque la jeune femme se retourna, Ethan se tenait à seulement quelques centimètres d'elle. Elle sursauta, mais ne dit rien pour autant.

— Je ne voulais pas te faire peur, excuse-moi.

— Ce n'est rien. De quoi voulais-tu me parler ? demanda-t-elle d'une voix sèche qui la surpris elle-même.

— Je voulais savoir comment tu allais.

— Je vais bien, dit-elle simplement.

— Amélia, s'attrista-t-il en se baissant devant son siège.

Il posa un genou à terre et leva les yeux vers la jeune femme, son regard la sonda, la suppliant de lui dire la vérité. Sans pouvoir s'en empêcher, une vague de tristesse la submergea et une larme coula le long de sa joue.

— J'en ai marre de pleurer, d'avoir peur et d'être faible comme ça, se lamenta-t-elle en essuyant vivement une larme.

Mais au moment de reposer sa main sur sa cuisse, Ethan l'enveloppa de ses doigts et la maintint sur sa joue.

— Tu n'as pas à avoir honte de pleurer, cela ne signifie pas être faible. Tout cela est nouveau pour toi et c'est normal d'être déboussolé et de se sentir dépassé par les événements. Mais nous sommes tous là pour t'aider à surmonter ça, lui murmura-t-il.

— Est-ce que tu arriverais à faire disparaître toutes mes émotions ? demanda-t-elle en ravalant ses larmes.

— Les faire disparaître n'est pas la bonne solution. Les émotions sont ce qui définit ton âme. Cependant, je peux peut-être t'aider à vivre avec. Que ta peur et ta haine ne soient pas un fardeau, mais le moteur de tes actions. Si tu sais bien les utiliser elles te rendront plus forte.

— Je veux apprendre, marmonna-t-elle.

— Je te propose que tu me retrouves ici en fin d'après-midi. Il va bientôt être dix heures et la réunion va commencer.

— Bien sûr, il faut que j'aille me changer, dit-elle en reniflant.

— D'abord viens-là, lui ordonna doucement Ethan en la prenant dans ses bras.

Comme à chaque contact, un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale et une sensation de bien-être et de sécurité l'enveloppa. Elle passa ses bras autour de son cou et plongea son visage dans ses cheveux, s'imprégnant de son odeur. Les mains du souverain vinrent se poser sur ses hanches puis glissèrent jusqu'à se nicher dans le creux de son dos. Amélia n'aurait su dire combien de temps ils étaient restés ainsi, mais une chose était sûre : quand elle ouvrit à nouveau les yeux, la jeune femme se sentait étonnement mieux. Ethan se releva avec sa grâce habituelle pour se diriger vers la porte. Après un léger temps de réaction, Amélia se leva elle aussi et quitta la pièce après un dernier regard en direction du roi.

« Amélia ? Est-ce que tu vas bien ? Que s'est-il passé ? » demanda subitement Elion.

Il fallut quelques instants à la jeune femme pour répondre. Il lui semblait que si elle prononçait ces mots alors ils prendraient sens.

« Pauline est morte »

« Je suis terriblement désolée. Qu'est ce qui est arrivé ? »

« Elle a été assassinée »

« Qui a bien pu faire ça, vous avez une idée ? »

« Non aucune...»

« Je suis sûre que vous trouverez la responsable, mais en attendant reste prudente d'accord ? »

« Je le suis toujours »

« Et ne te sens pas coupable, ce n'est pas de ta faute »

Amélia ferma les yeux et une larme roula le long de sa joue. Il lui était maintenant impossible de nier l'évidence. Pauline avait été assassinée. Ce fut brutal et inattendu, mais ce n'en était pas moins réel. L'ensemble de la garde et du palais été accablé, bien que certains l'aient montré plus que d'autres. Soudain la jeune femme se rappela de Keido et de son comportement bizarre la veille. Elle s'élança à travers les couloirs pour finir par atterrir devant la chambre désormais vide de la défunte. L'animal était là, couché sur le lit de la fillette. Ses oreilles étaient baissées, sa mine triste et ses cornes d'une couleur sombre. Amélia s'approcha, prit la chimère dans ses bras et éclata en sanglots.

— Je suis tellement désolée. Je n'ai pas compris ce que tu essayais de me dire, j'aurais dû t'écouter, j'aurais dû te faire confiance, pleura-t-elle.

Elle resta là, pendant de longues minutes, le dos courbé et le corps parcouru de tremblements. Ses mains se crispaient sur les poils de Keido tandis que des torrents de larmes dévalaient ses joues.

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