Chapitre 28
Qui aurait cru que l'avenir pouvait s'écrire aussi vite ? Pourtant la preuve était bien là : l'inscription avait changé. Alors qu'Ethan semblait ne pas réagir et restait de marbre, Amélia blêmit, elle eut le souffle coupé tandis que ses yeux se remplirent de larmes. Elle ouvrit enfin la bouche pour prononcer dans un gémissement :
— Ethan...
Le souverain approcha pour poser une main sur son épaule. Il était si proche que sa chaleur envahit la jeune femme. L'espace d'un instant, Amélia ferma les yeux, laissant une larme rouler le long de sa joue et ne pensa plus qu'à cette sensation. La terrible réalité revenant à elle, elle se retourna pour lever les yeux vers lui. Son visage légèrement incliné vers le sien, Ethan observait avec tendresse la sorcière d'air. Soudain la tristesse de la jeune femme se changea en colère et elle demanda :
— Je veux savoir qui.
— Je ne peux pas te le dire. Tu le sais très bien, protesta le roi.
— Comment peux-tu rester là, sans rien faire, sans rien ressentir, alors que tu sais qui de tes compagnons d'armes vont mourir ? s'exclama-t-elle. Bon sang, cinq de ces volontaires sont destinés à y rester !
Amélia avait l'impression que son corps tout entier brûlait de l'intérieur. Elle ne pouvait plus rester ici en sa présence, elle étouffait. Posant alors brusquement ses mains sur le torse d'Ethan pour le bousculer, elle s'élança vers la sortie. Le souverain l'attrapa par le bras mais elle lui échappa sans lui jeter le moindre coup d'œil. La jeune femme était tellement en colère, contre Ethan, contre cette guerre, contre elle. Cette liste la faisait se remettre en question. N'était-elle pas censée être l'Élue, la sauveuse ? Le front appuyé contre le mur du couloir, Amélia repensa à son père. Il avait, depuis toujours, été un exemple de courage et de force pour elle, la poussant à devenir la meilleure. Et, après tout, si elle était ici aujourd'hui c'était aussi pour lui. Pour le remercier de tous les sacrifices qu'il avait dû faire pour elle. Abandonner maintenant serait un trop grand affront à sa mémoire, il lui fallait continuer. Séchant ses larmes, la jeune femme prit une grande inspiration et retourna à l'intérieur de la bibliothèque. Ethan, toujours à la même place, fixait le mur des prophéties. Sentant la présence d'Amélia il se retourna et leurs regards se croisèrent. Le souverain ouvrit la bouche, prêt à s'excuser mais la jeune femme ne lui en laissa pas le temps, elle s'empara d'un stylo et d'une feuille vierge puis quitta la pièce en claquant la porte derrière elle.
~
Fred n'avait pas eu besoin de beaucoup de conseils, le jeune homme semblait maîtriser à la perfection son pouvoir. Son père, possédant le même don, l'avait entraîné depuis sa plus tendre enfance et lui avait appris à vivre avec le courant électrique permanent qui parcourait son corps. Lorie leva la main et fit apparaître des centaines de bulles d'eau bougeant à toute allure dans le ciel. Ce fut sans grande difficulté que Fred les éclata toutes, une par une. Des étincelles bleutées sortirent de ses mains et, telles les balles d'un revolver, elles transpercèrent leur cible. Ces projectiles d'énergie n'étaient peut-être pas nécessairement mortels mais, bien placés, ils pouvaient tout de même provoquer de gros dégâts. Au contraire de Fred qui semblait se ravir de cet entraînement, Elena ronchonnait. Les pouvoirs de terre demandaient beaucoup de maîtrise et d'acharnement afin d'obtenir un résultat pouvant être utile lors d'une guerre. Les plus puissants étaient en effet capables de fissurer la terre sous les pieds de leurs ennemis, de les ensevelir vivants ou bien même de provoquer de petits tremblements de terre. Elena n'était cependant pas encore capable de faire ça et elle ne le pourrait certainement pas en trois jours.
— Écoute, on va essayer quelque chose, je crois que j'ai une idée, s'exclama Malik en lui offrant un petit sourire réconfortant.
Sans grande conviction, Elena suivit à la lettre les recommandations de son instructeur. Elle se positionna face à un mannequin. D'un coup de main, elle rejeta ses cheveux de jais dans son dos et se redressa. La jeune femme prit une grande inspiration et sans même qu'elle n'eut à bouger, ne serait-ce que le petit doigt, une forte magie s'échappa d'elle. En un clin d'œil, le mannequin se retrouva entièrement recouvert d'un épais lierre. Vert et robuste, il était sorti du sol pour s'enrouler et se fixer sur la moindre parcelle de ce corps. Suite à cette performance, Malik décida qu'Elena ne pourrait pas survivre sur le champ de bataille mais serait, au contraire, d'une grande aide sur un pégase. Avec de l'entraînement, la jeune sorcière sera capable d'exécuter le même tour à une distance plus grande et pourrait ainsi neutraliser ou aider des frères d'armes en difficulté sans se mettre en danger.
~
Alors que Sam s'entraînait au maniement de l'épée en effectuant divers mouvements sur un mannequin de bois, Ulysse testait sa précision au fouet sur différentes cibles mouvantes. Axel et Brad, quant-à-eux, se faisaient face, des épées en bois dans les mains. Brad fit un pas en avant et son adversaire l'imita. Axel brandit son arme et s'en servit pour repousser la lame du nouveau garde avant de porter un coup horizontal en travers de son torse. Il ne parvient cependant pas à le toucher, son adversaire fit un bond en arrière. À l'inverse de ce qu'on aurait pu croire, Brad était aussi agile que fort. Soudain il fondit sur Axel, l'assenant d'un coup vertical. L'archer le bloqua, mais l'impact fit trembler ses bras. Alors que Brad se jetait sur lui, Axel se baissa pour balayer ses jambes d'un coup de pied circulaire. Le nouveau garde s'écroula, mais se remit rapidement sur ses pieds. Il asséna alors un nouveau coup tranchant en avançant d'un pas pour donner plus de puissance à son geste. Axel tourna sur lui-même à la dernière seconde et sa lame passa si près de son visage qu'il en sentit le souffle. L'archer profita de l'élan de sa pirouette : il flanqua un coup de pied dans la jambe de son adversaire qui dû mettre un genou à terre. Axel en profita pour lui passer l'épée sous la gorge et mettre fin à l'affrontement. Plus loin dans la salle d'entraînement avait lieu un autre combat. Castiel s'élança le premier en donnant un coup de pied en croissant qu'Adrian contra d'une main. Celui-ci répliqua par un coup de poing qui aurait dû percuter le ventre de l'ange si ce dernier n'avait pas bondis en arrière. Castiel se battait avec grâce, souplesse et force alors que le vampire misait tout sur la vitesse. Avec une rapidité telle que ses mouvements se fondaient les uns avec les autres. Aucunement découragé, l'ange se lança dans une série de coups de pied et de coups de poing qui leur fit parcourir la moitié de la salle. Finalement, Adrian attrapa les poignets de Castiel, pour lui faire comprendre que l'entraînement était terminé.
— Tu te débrouilles plutôt bien au combat au corps à corps, mais as-tu d'autres capacités ? lui demanda Adrian.
L'ange s'écarta d'un pas et leva les bras, paumes vers le vampire. Soudain, une douce lumière blanche enveloppa ses mains. Si l'immortel était surpris, il n'en montrait rien, comme d'habitude. Castiel cru cependant bon de lui donner une explication.
— Si je reste suffisamment en contact avec le cœur de quelqu'un je suis capable de le faire arrêter de battre.
Cette fois-ci Adrian ne put cacher sa surprise. Il écarquilla les yeux en haussant les sourcils.
— Je n'avais jamais vu un tel pouvoir, admit-il. Il peut être aussi utile que dangereux. Arriver à rester la main sur la poitrine de son adversaire, ne serait-ce que quelques secondes, pourrait s'avérer mortel.
— J'en suis conscient. Je me sers de ce pouvoir qu'en cas de dernier recours. Sentir la vie de quelqu'un couler entre ses doigts n'est pas une sensation très agréable je dois l'avouer.
— Alors tu n'as rien d'autre pour te battre ?
— J'ai aussi des ailes pour voler et je possède ça.
Castiel trottina vers son sac à dos et en revint avec une petite dague en métal argenté scintillant. Il la tendit à Adrian qui la fit tourner entre ses doigts, l'observant sous toutes les coutures.
— C'est une arme très étonnamment légère, constata le vampire. Quelles sont ses particularités ?
— C'est un cadeau de mes parents, commença l'ange. Elle est faite d'un alliage pouvant infliger des blessures à n'importe quelle créature magique.
— Tu n'en aurais pas plusieurs par hasard ? demanda Adrian.
— Non, c'est bien la seule dans ce monde, sourit Castiel.
~
Son travail finit, Amélia avait rejoint sa sœur et Pauline dans la chambre de cette dernière. Les deux filles étaient assises en tailleur sur le lit, l'une en face de l'autre. Les yeux de la plus jeune étaient clos, ses sourcils froncés et ses lèvres pincées montraient qu'elle était en pleine concentration. Olivia, après avoir mis son index devant sa bouche pour lui indiquer de ne pas faire de bruit, fit signe à sa cadette de s'asseoir.
— Je n'y arrive pas.., lâcha la fillette au bout de plusieurs minutes.
— On peut faire quelque chose pour t'aider ? demanda Olivia en lui saisissant les mains.
— Il me faudrait un objet appartenant à la famille Namaro, expliqua Pauline.
— Je vais aller voir Ethan, accepta la sorcière de feu en commençant à se lever.
— Attends ! intervint Amélia.
La jeune femme sortit alors le collier à la pierre écarlate de son t-shirt. En l'observant, elle se souvint alors de tout ce qu'elle avait pu vivre en si peu de temps avec le souverain. Les événements, les rondes et les propositions d'alliance s'étaient si vite enchaînés qu'elle n'avait même pas eu le temps de réfléchir à sa relation avec Ethan. À vrai dire, elle ne savait toujours pas quoi en penser. Les doigts froids de Pauline sur sa main la firent revenir à elle.
— Je pense que cela fera l'affaire, merci Amy.
La fillette ferma les yeux, la pierre serrée contre son cœur... Soudain son visage s'illumina, comme si elle venait de comprendre quelque chose de merveilleux et elle regarda sa jeune sœur avec un sourire complice. Amélia se contenta de lever les yeux au ciel en secouant la tête. Il ne fallut pas longtemps à Pauline pour ouvrir les yeux à nouveau. Son regard chocolat si doux d'ordinaire s'était rempli de peur et de surprise. Elle lâcha brusquement le collier comme si celui-ci lui avait brûlé les mains et Amélia se précipita pour lui demander ce qui n'allait pas.
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