- Edora – 8 septembre 2024 -

Cette nuit avec Elion avait été pour Amélia comme un nouveau souffle. Non seulement son lien avec la pégase en était ressorti renforcé, mais elle avait aussi pu se ressourcer et s'évader le temps d'une soirée de l'ambiance pesante du palais. Après avoir admiré les montagnes jusqu'à ce que le ciel s'assombrisse, les deux amies s'étaient allongées dans l'herbe. Elion l'avait alors enveloppé de son aile et se fut bien au chaud que la jeune femme s'endormit.

Le matin, au palais, avait lieu une grande réunion. La garde avait trouvé chez les elfes et les pégases de redoutables alliés. Grâce à Elion et Amélia, trente pégases prendront part, pour la première fois depuis des siècles, à un conflit. La faction de l'esprit sera un atout considérable pour infiltrer et neutraliser l'ennemi de par les airs alors que celle de la force affrontera les Stark sur le sol. Les quelques pégases guérisseurs resteront en retrait et apporteront leur aide aux blessés. Enfin, les cascadeurs porteront les archers. Une position aussi haute et mobile prendra l'armée de Jefferson par surprise et fera, sans aucun doute, la différence. Les elfes, possédant les meilleurs archers de ce monde, seront par ailleurs les cavaliers de cette faction tandis que le reste de leurs guerriers combattront à terre au côté de la garde. Durant toute la réunion, Amélia trouva le comportement d'Ethan étrange. Le roi semblait plus déterminé que jamais. Sous le petit sourire malicieux de la jeune femme, il prit même l'initiative de vouloir se rendre en personne au village afin de recruter de nouveaux volontaires pour rejoindre la garde. Amélia avait, depuis un moment déjà, posé sa joue contre sa main et observait avec attention le souverain motiver les troupes. Elle fut cependant sortie de sa contemplation par un petit coup de coude de la part de Sidney.

— Tu as entendu Amélia ? Tu m'accompagnes au village, répéta Ethan qui tentait de l'interpeller pour la troisième fois.

— Oh oui, désolée. Je vais me préparer, bafouilla-t-elle.

~

Sur la place du village était rassemblé une centaine de villageois dans un brouhaha ambiant. Ethan et Amélia montèrent sur l'estrade en bois afin de leur faire face. Soudain, alors que la jeune femme pensait ne pas avoir été remarquée par les habitants trop occupés à discuter, Ethan leva la main et un silence total s'installa.

— Mes amis ! L'heure est grave, je ne vous le cache pas. Après cette période de calme, la bataille finale approche et nous avons déjà beaucoup perdu. Mais je vous demande de garder espoir, car moi je l'ai toujours. J'ai désormais à mes côtés le soutien des elfes et des pégases ainsi que la présence d'Amélia Stacy, l'Élue.

À ces derniers mots, un tonnerre d'applaudissements envahit la place. Amélia ne savait plus où se mettre et se contenta d'esquisser un petit geste de la main, les joues en feu. Les lèvres d'Ethan s'étirèrent en un petit sourire et lorsqu'il reprit la parole, les villageois lui prêtèrent, à nouveau, une totale attention.

— Pour gagner cette dernière bataille, Edora va aussi avoir besoin de vous. Alors je vous le demande : Y a-t-il des volontaires pour se battre à nos côtés, recevoir un entraînement et intégrer la Garde Royale ?

— Que ceux qui le souhaitent s'avancent sur l'estrade, ajouta Amélia.

S'en suivirent alors un moment d'hésitation pour certains et beaucoup de chuchotements pour les autres. Enfin les volontaires sortirent de la foule et s'avancèrent sur l'estrade.

— Peuple d'Edora, nous avons trouvé neuf recrues très prometteuses. C'est ensemble que nous gagnerons cette guerre ! s'exclama le roi en se tournant vers son peuple.

— Edora ! Edora ! hurlèrent-ils en cœur à plusieurs reprises.

— Vous pouvez disposer maintenant, merci de votre attention mes amis, continua Ethan.

Après de courts adieux, ils se mirent en route pour le palais. En tête de groupe se chamaillaient trois jeunes hommes. Sam, le plus turbulent, se jeta sur le dos de Brad. Le plus âgé se contenta de repousser gentiment son ami avant de réajuster son épée dans son dos. L'hyperactif se désintéressa vite et s'amusa ensuite à ébouriffer les cheveux blonds d'Ulysse. Le plus jeune était un jeune homme maigrichon qui avait pour particularité de se battre avec un fouet fait d'un alliage aussi tranchant que robuste. Ulysse rigola en tentant d'attraper les joues grassouillettes de son ami. Bras dessus, bras dessous avançait tranquillement le couple de guerriers. Mike, maniant l'épée, était un homme plein de sang-froid et de maîtrise de lui-même. Amélia ne l'avait toujours pas vu décrocher, ne serait-ce que l'esquisse d'un sourire. Alors que sa compagne, Tara, semblait pleine de joie de vivre. La jolie brune aux yeux bleus pétillants faisait tourner l'une de ses dagues entre ses doigts tout en observant, amusée, le trio devant eux. À peine Keido avait-il remarqué la fillette qu'il s'était jeté à ses pieds pour lui quémander des caresses. Pauline s'était alors accroupie pour passer ses petites mains dans la fourrure noire de l'animal. Suivant ensuite la courbe de ses cornes, qui s'illuminèrent à son contact, elle murmura :

— Gauche

Amélia n'y avait pas prêté attention, mais la chimère, elle, leva les yeux vers la petite fille et sembla acquiescer. Un petit sourire aux lèvres, Pauline se releva, épousseta sa robe brune et trottina jusqu'à rattraper le groupe. La fillette, de tout juste dix ans, n'avait, pour Amélia, rien à faire au milieu d'une guerre. Ethan n'était cependant pas de cet avis. Ses pouvoirs étaient trop grands et puissants pour être mis de côté. Grâce à elle, la garde pourrait avoir un coup d'avance sur les Stark et déjouer leurs plans d'espionnage. Pauline avait la capacité de voir des fragments de l'avenir. Certains lui apparaissaient la nuit, comme des rêves, mais elle avait aussi appris à les déclencher en touchant des objets ou individus. Au début de la guerre, Jefferson avait traqué et tué les personnes possédant ce don, ainsi cette fillette était pour Ethan une survivante. Sous les yeux attentifs d'Amélia, Pauline glissa sa main dans celle d'Elena. La sorcière de Terre aux longs cheveux noirs l'avait directement pris sous son aile. C'était une jeune femme douce et timide qui s'engageait dans cette guerre seulement pour offrir un avenir meilleur à sa petite sœur Zoey, restée au village. À ses côtés se trouvait Fred avec qui elle discutait. Maigre et élancé, il ne devait pas avoir plus de dix-sept ans. Ses cheveux blond platine étaient coiffés en une grande crête sur son crâne et ses yeux bleus pétillaient d'excitation. Comme Pauline, le jeune homme possédait un pouvoir très rare, celui de produire et maîtriser l'électricité. Il était aussi bien capable d'allumer une simple lampe que de lancer un éclair d'énergie.

Amélia pensait enfin avoir tout découvert de ce monde, mais elle avait tort. Elle le sut instantanément en le voyant. La jeune femme n'avait aucune idée de qui il était ou de ce qu'il était à ce moment-là, mais elle savait qu'il ne ressemblait à personne qu'elle avait pu rencontrer auparavant. Elle ne pouvait l'expliquer, elle le sentait. Ce jeune homme aux cheveux blonds en bataille et aux yeux chocolat d'apparence si banale dégageait pourtant quelque chose de pur, de céleste. Encore maintenant, elle le regardait marcher, les mains nonchalamment enfoncées dans les poches de son jean et n'arrivait pas à réaliser. Deux autres mondes existaient. Des mondes opposés en tous points, l'un abritant les plus viles créatures et démons, l'autre des êtres célestes à la beauté inégalable. Castiel représentait l'union improbable de ces deux mondes. Castiel était un ange, né d'une mère démone et d'un père angélique.

— Est-ce que ça va ? lui demanda Ethan, la sortant de ses pensées.

— Oui oui, on a de bons éléments non ?

— J'espère seulement qu'ils seront à la hauteur de leurs aptitudes. La bataille est dans seulement trois jours d'après nos éclaireurs, ils ne pourront pas bénéficier d'un entraînement complet.

— Comment arrives-tu à demander à ces gens de prendre part à cette guerre en sachant que tous n'en ressortiront peut-être pas vivants ? demanda Amélia en balayant du regard la petite troupe.

— Une guerre sans victimes ne serait pas une guerre. Ils sont conscients des risques et mon devoir est seulement de réduire ce risque au minimum.

La jeune femme se contenta de hocher la tête. Malheureusement, il avait raison. Et, elle aussi, elle ferait tout pour ne perdre personne. Alors qu'Ethan prenait la tête du groupe, Castiel se rapprocha doucement d'Amélia. Cette dernière, qui ne l'avait pas entendu arriver, sursauta lorsqu'il posa sa main sur son épaule.

— Désolé, s'excusa-t-il, je ne voulais pas te faire peur, je voulais juste te demander, d'où tu venais ?

— Qu'est-ce qui te fais dire que je ne suis pas d'ici ? sourit Amélia.

— Tu avais vraiment l'air surprise par mon côté angélique, ricana Castiel en se passant la main dans les cheveux.

— Parce que d'habitude les gens ne le sont pas ? s'étonna-t-elle.

— Si bien sûr, mais moins, répondit-il.

— Je me demandais, si tu étais le seul ange ici ?

— Ange oui, mais j'ai un frère jumeau, Lazar. Alors que moi j'ai hérité des gênes angéliques de notre père, lui tient de notre mère, expliqua-t-il.

La jeune femme observa Castiel, se repassant en boucle cette révélation : il avait pour frère jumeau un démon. Amélia sera éternellement surprise par ce monde. Elle discuta avec l'ange durant la fin du trajet jusqu'au palais, apprenant à le connaître. Hormis ces origines, Castiel était un jeune homme tout à fait normal et très amical.

Après avoir installé les nouveaux arrivants dans leur chambre respective, Ethan forma les groupes pour l'après-midi. Exécutant les ordres du souverain, les membres de la garde sortirent de la pièce. Amélia, n'ayant toujours pas reçu d'instruction, resta assise.

— J'aimerais que tu donnes rendez-vous à nos alliés demain à dix heures au palais. Ensuite, lorsque Gabe sera revenu de sa ronde, tu l'accompagneras avec ta sœur au camp des rebelles lycanthropes.

— Mais je croyais qu'ils étaient tous morts ?

— Non, quelques-uns s'étaient cachés et mis en sécurité dans une forêt pas très loin d'ici, Gabe t'expliquera en chemin.

Après avoir donné ses instructions, Ethan se leva de sa chaise. La jeune femme regarda sa silhouette s'éloigner, ne pouvant s'empêcher de laisser son regard glisser le long de son dos. Soudain, il se retourna et ancra son regard azur dans celui de la sorcière.

— Tu veux que je t'accompagne à la bibliothèque ?

— Comment sais-tu que je.., commença-t-elle.

— Je te comprends Amélia, mieux que tu ne le penses, susurra-t-il.