Chapitre 25

À l'approche du palais, Amélia distingua sa sœur accourir vers elle. Elle n'eut pas le temps de prononcer un seul mot qu'Olivia se précipita dans ses bras pour une brève étreinte.

— Lili ! Ne me refais plus jamais une frayeur pareille ! s'exclama Olivia en caressant le visage de sa sœur à la recherche de la moindre égratignure.

— Je vais bien, ne t'inquiète pas, la rassura Amélia en dégageant les mains de son aînée de ses joues.

— Mais non, regarde ta jambe ! s'horrifia-t-elle.

Keido qui devançait Ethan, se frotta à sa maîtresse avant de lécher, à grands coups de langue, sa blessure. Amélia rassura une nouvelle fois sa sœur puis s'accroupit pour passer ses doigts dans le doux poil de la chimère.

— Où étiez-vous ? demanda sévèrement le souverain.

— Chez un clan vampire, répondit Adrian.

— Je te demande pardon Adrian, peux-tu répéter ? demanda le roi d'un ton ferme.

Amélia se releva et se tourna vers Adrian. Son regard était fixé sur Ethan, son visage exprimant une inquiétude aussi profonde que l'était la colère de son roi.

— Nous...

— C'est ma faute, c'est moi qui ai eu l'idée d'y aller, s'interposa la jeune femme à la place du vampire.

— Olivia, Adrian, rentrez, ordonna Ethan.

L'immortel était sur le point de répliquer, mais son roi l'en dissuada :

— Nous en discuterons plus tard Adrian, rentrez ! répéta-t-il.

Après un petit moment d'hésitation, ils finirent par obéir. Olivia lança un regard compatissant à sa sœur qui d'un petit signe demanda à Keido de suivre ses amis. Ethan les regarda s'éloigner avant d'attraper le bras d'Amélia pour la traîner vers un coin isolé de la cour. Le roi ne semblait pas se rendre compte de sa force, mais la jeune femme pouvait sentir ses doigts s'enfoncer dans sa peau, lui provocant une sensation de brûlure.

— Tu me fais mal, se plaignit-elle en se tortillant.

Sans excuses, le souverain la lâcha. Ses iris bleus exprimaient une telle colère qu'Amélia avait du mal à soutenir son regard.

— Mais qu'est-ce qui t'as pris bon sang ? s'écria-t-il.

C'était la première fois, qu'Amélia le voyait perdre son sang-froid. Devant cet homme qu'elle ne reconnaissait plus, des frissons lui parcoururent l'ensemble du corps. Ne pouvant le regarder dans les yeux, elle fixa un point imaginaire dans l'herbe afin de tenter de se calmer. Quelques inspirations suffirent et elle leva à nouveau les yeux vers lui :

— Je voulais juste aider, répondit-elle sans hausser la voix.

— Tu aurais pu te faire tuer ! s'énerva-t-il encore plus.

— Mais je vais bien ! s'écria-t-elle à son tour.

— Peu importe, je t'ordonne de ne plus jamais faire quelque chose d'aussi stupide !

— Je ne suis pas à tes ordres, répliqua Amélia.

— Tu es dans mon royaume, pas dans ton monde d'humains tout rose, hurla-t-il.

— Tu ne connais rien de mon monde, ni de ce que j'ai vécu ! Et puis ton royaume ? Dis-moi ce que tu as fait pour lui ? Je voulais juste bien faire et essayer de convaincre les vampires, pour faire la différence. Mais toi, le grand roi d'Edora, n'a même pas daigné bouger le petit doigt pour demander de l'aide à quiconque. Parce que tu es trop fier, bien sûr ! s'emporta Amélia.

Ils se fixèrent, ahuri. La jeune femme respirait bruyamment et était, elle-même, surprise de ses propos. Les mots étaient sortis tout seul et avaient dépassé sa pensée. Les yeux écarquillés, Amélia porta sa main à sa bouche encore ouverte, comme si cela pouvait effacer les horreurs qui en étaient sorties. Sans prévenir, Ethan se retourna et se dirigea d'un pas rapide vers le palais. Amélia n'avait pas pu observer sa réaction, mais elle pouvait distinguer, à mesure qu'il s'éloignait, ses poings serrés le long de son corps tendu. Elle ne chercha pas à le retenir. Réalisant qu'elle y avait été trop forte dans ses propos, elle se laissa glisser contre un arbre jusqu'à s'asseoir sur le sol.


~


Déambulant dans les somptueux couloirs du palais, Amélia était perdue dans ses pensées. Ses pieds se soulevaient l'un après l'autre, machinalement. La coupure de sa cuisse avait été bandée d'un tissu blanc et la jeune femme ne ressentait qu'un léger picotement en bougeant. Bien que superficielle, cette blessure était là et prouvait la dangerosité de son acte. Plus elle y pensait, plus elle se rendait compte qu'Ethan avait raison et que sa colère cachait seulement une peur de perdre ses proches. Ce fut sans s'en rendre compte qu'Amélia arriva au salon. En distinguant la mine triste de la sorcière d'air, Gabe quitta le salon pour laisser Sidney et Olivia seules avec elle. Amélia s'assit entre les deux filles, qui passèrent chacune un bras autour de ses épaules. Sur le canapé d'en face, Keido dormait si profondément qu'il ne remarqua même pas la présence de sa maîtresse. Sa tête enfouie dans ses pattes avant, seules ses cornes dépassaient de cette boule de poil noire.

— Comment va ta jambe ?

— Bien, c'était juste superficiel. J'ai nettoyé et mis un bandage avant de venir ici, répondit machinalement Amélia.

— Alors pourquoi fais-tu cette tête ? demanda Sidney.

Jouant nerveusement avec ses doigts, la jeune femme leur raconta brièvement sa dispute avec Ethan. En parler à voix haute la rendait encore plus honteuse.

— Je connais Ethan et il n'a jamais été très doué pour exprimer ses sentiments. Pour moi, sa colère cachait juste de la peur car il sait que les vampires peuvent être très agressifs, justifia Olivia.

—Peut-être, mais je suis vivante et puis Adrian était avec moi, déclara Amélia.

— Que lui as-tu répondu ? interrogea Sidney.

— Qu'il n'avait pas d'ordre à me donner, qu'il ne connaissait rien à ma vie et qu'il était un mauvais roi car il n'avait jamais demandé de l'aide...Si vous saviez comme je m'en veux. Je ne le pensais pas, se lamenta la jeune sorcière.

— Comment a-t-il réagi ? demanda Olivia après une petite hésitation.

— Il est parti sans rien dire, soupira Amélia.

— Ne t'inquiète pas, je suis sûre qu'il ne t'en veut pas, rassura son aînée en lui caressant les cheveux.

— J'ai tout de même une question, moi. Pourquoi Ethan n'a-t-il jamais demandé de l'aide ? rétorqua Sidney.

Amélia, se posant la même question, se redressa et tourna son visage vers sa sœur.

— Son père avait déjà essayé avant lui, mais, à l'époque, tout le monde l'avait rejeté. Certains pensaient même qu'il valait mieux se fier à Jefferson plutôt qu'à un Dragon impulsif, expliqua-t-elle. Et après la nuit de la récolte, Ethan a toujours pensé renvoyer la même image.

— C'est n'importe quoi et puis regarde, les elfes sont de notre côté maintenant, fit remarquer Sidney.

— C'est vrai. Peut-être est-ce parce que quelqu'un venant de l'extérieur leur a demandé. Je pense que tu as beaucoup joué dans cet accord Lili et si Ethan a trop de fierté pour te le dire alors moi je te dis merci. Merci pour Edora, sourit Olivia.


~


Avant de se préparer pour l'enterrement de Natasha, Amélia décida d'aller s'excuser auprès du souverain. N'obtenant aucune réponse à la porte, elle entra prudemment. Le bureau avait été entièrement refait après l'attaque, mais il n'y avait aucune trace du roi.

— Ethan ? demanda timidement la jeune femme.

Le silence accueillit son appel. Elle s'apprêtait à repartir lorsqu'elle entendit les bruits sourds d'une lutte. Faisant volte-face, Amélia aperçut une ouverture derrière une plante verte. Ne se posant pas plus de questions sur cette porte secrète, elle s'y précipita. À l'intérieur de la pièce faiblement éclairée, elle y trouva le souverain, torse nu, frappant avec rage sur un sac de sable.

— Ethan ? répéta la jeune femme.

Ce dernier s'arrêta net et se tourna vers Amélia. Le cœur de la jeune femme se serra en voyant les yeux rougis du souverain. Elle ne pensait pas l'avoir autant blessé. Hésitante, elle s'approcha lentement, tout en essayant de rester concentrée sur son visage et non sur son torse musclé et en sueur.

— Je suis désolée pour ce que je t'ai dit. Je ne le pensais pas...

— Non. Tu avais raison, je suis un mauvais roi. Je suis un monstre, déclara-t-il en baissant la tête.

— C'est à cause de la nuit de la récolte n'est-ce pas ?

La lueur de tristesse qui traversa le regard océan d'Ethan confirma son intuition.

— Le peuple t'a pardonné pour cette nuit-là et maintenant il est tant que tu te pardonnes à toi-même. Avoir ce dragon en toi est une force que, je suis persuadée, tu peux maîtriser. Il faut que tu arrêtes de te regarder à travers cet excès de rage et que tu vois plutôt tout le bien que tu as fait, toutes les personnes que tu as sauvé. La vérité c'est que si tu n'as pas confiance en toi tu ne pourras pas réussir à gagner. Les gens qui n'ont pas confiance finissent toujours par abandonner à un moment ou à un autre. Ils arrêtent de se battre pour la simple raison qu'ils pensent ne pas mériter leur place ou parce qu'ils pensent qu'il y a d'autres personnes plus douées, plus fortes ou plus courageuses dans le monde. La vérité, c'est que tu as été choisi. C'est à toi que revient cette lourde tâche. Celle de gagner une guerre. Les gens ont confiance en toi, alors laisse-toi porter par leur espoir.

Soudain, le souverain entoura Amélia de ses bras et posa sa joue contre le dessus de sa tête. D'abord étonnée, puis gênée, la jeune femme finit par se détendre et poser ses mains dans le dos d'Ethan. À son contact, ce dernier frissonna, mais ne rompit pas pour autant l'étreinte. Blottie contre le roi, la jeune femme sourit.

— Merci, souffla-t-il en la délivrant de ses bras. Tes discours sont toujours extraordinaires. Tu ferais une merveilleuse reine tu sais, dit-il avec un petit sourire en coin.

Le cœur d'Amélia s'accéléra et ses joues prirent une belle teinte rosée. Ethan continua de fixer la sorcière avec intensité. Succombant à la gêne, elle détourna le regard et bredouilla des remerciements.

— Il faut que tu ailles te préparer et moi aussi, changea-t-il de sujet en sortant de la petite pièce.

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