Chapitre 22
- Edora – 7 septembre 2024 -
La douce lumière du jour lui chatouillait les narines, elle se retourna sur elle-même et enfonça sa tête dans l'oreiller. Quelques minutes plus tard, Amélia sentit les pattes de Keido effleurer son dos. Elle se décida alors à se redresser pour caresser l'animal, appréciant ce moment de tendresse. Aujourd'hui serait encore une dure journée, elle allait devoir apprendre à maîtriser ses pouvoirs tout en surmontant le deuil qui pesait sur le palais. Il était dix heures et demie et la chambre était déjà vide. Amélia écarta le drap blanc et s'assit sur le bord du lit. Keido, quant à lui, bailla longuement avant de se recoucher. La jeune femme sourit tendrement devant ce tableau et aurait aimé avoir l'inconscience de son compagnon. Elle se frotta le visage, balança ses cheveux en arrière et se décida à enfin se lever.
~
— Prête pour ton premier entraînement ? l'interrogea une voix.
Amélia se tourna pour observer Malik se diriger vers elle. Il était habillé d'un jogging noir ainsi que d'un t-shirt vert kaki. Ses mains étaient nonchalamment fourrées dans ses poches. Le sorcier voulait paraître décontracté et calme, mais en réalité, son visage trahissait une grande fatigue et tristesse.
— Je suis prête oui, affirma-t-elle.
— Très bien. Asseyons-nous en tailleur.
Alors qu'Amélia s'asseyait sur le sol, Malik s'éclipsa quelques secondes pour revenir avec deux grosses bougies rouges.
— Comment va Lorie ? osa demander la jeune femme.
— Elle se repose, elle n'a pas pu fermer l'œil de la nuit, répondit tristement le sorcier.
— Ça doit-être horrible à vivre pour elle...
— Ça l'est pour tout le monde, répliqua-t-il.
Malik s'assit en face d'elle et posa les deux cierges entre eux. D'un geste de la main, il les alluma.
— On peut commencer ? demanda-t-il.
— Oui, désolée.
— Regarde-moi et ensuite tu essayeras de faire pareil, d'accord ?
— Oui d'accord.
Malik inspira longuement avant de laisser tomber ses bras le long de son corps. Il ferma les yeux et les traits de son visage se détendirent. Amélia le regarda, attentive, s'attendant à toute sorte de réaction. Les secondes passèrent et elle commença à s'impatienter.
— Regarde la flamme, lui ordonna le sorcier d'une voix suave.
La jeune femme obéit et fixa attentivement la flamme de la bougie. Tout à coup, elle s'éteignit. Elle fronça les sourcils, déviant son regard vers Malik qui n'avait pas bougé d'un pouce. Il ouvrit les yeux.
— Comme tu l'as remarqué, pour un sorcier d'air il n'est pas forcément nécessaire de faire des gestes pour accomplir quelque chose. Il suffit que tu vides ton esprit et concentre ton attention sur ton objectif. Dans ce cas-là, éteindre la bougie. Tout est une question de concentration.
— Ça a l'air compliqué, marmonna-t-elle.
— Je suis sûr que tu vas très vite apprendre, Ethan m'a raconté ton exploit lors du rite des elfes. Maintenant, à toi, essaye.
Sans rien ajouter de plus, Amélia tenta de reproduire les gestes de Malik. Elle se concentra sur l'image d'une flamme qui s'éteint, mais elle ne sentit aucune magie la parcourir. Déçue, elle ouvrit les yeux.
— Je n'y arrive pas...
— Tu dois te concentrer et trouver la magie qui coule en toi. Ce n'est pas en quelques secondes que tu y arriveras.
— Pourtant c'était le cas la dernière fois, objecta-t-elle.
— La dernière fois tu étais sous l'emprise de l'adrénaline alors ta magie bouillait en toi. Aujourd'hui, il va falloir que tu la trouves.
Amélia opina, Malik avait raison. Elle inspira longuement et ferma les paupières. Elle tenta de prendre une respiration plus calme et régulière. Après plusieurs minutes de méditation, la jeune femme ressentit des picotements, d'abord dans son ventre puis dans tout son corps. Elle visualisa la bougie et laissa couler son pouvoir hors d'elle pour l'éteindre.
— Ouvre les yeux, murmura Malik.
Elle s'exécuta et sourit en voyant qu'elle avait réussi. Après avoir réitéré plusieurs fois l'exercice, Malik lui proposa d'apprendre, désormais, à matérialiser son pouvoir. Pour cela, ils se mirent debout et le sorcier fit apparaître une petite tornade au creux de sa main. Il était chose facile de visualiser quelque chose qui existait déjà, mais il était beaucoup plus compliqué d'imaginer entièrement un objet. Après plusieurs essais, Amélia commençait à perdre patience. Elle tendit la main, paume vers le haut et hurla son objectif dans son esprit. Soudain, un énorme cyclone apparut entre Malik et la jeune femme. Elle poussa un cri de surprise en reculant. Le tourbillon d'air se rapprochait dangereusement d'elle, et elle n'avait aucune idée de la manière dont elle pouvait l'arrêter. Ce fut Malik, qui d'un claquement de doigt, le fit disparaître.
— Tu devrais faire plus attention. Tes pouvoirs sont immenses, il faut que tu arrives à les doser, lui dit-il.
— Je suis désolée, je vais réessayer plus calmement.
Amélia inspira, expira, puis tendit le bras. Elle ancra son regard sur sa main et se concentra, cette fois-ci, sur l'image d'une toute petite tornade. La douce chaleur, caractéristique de l'apparition de ses pouvoirs, l'envahit. Elle fit en sorte que sa magie se concentre dans sa paume et enfin un petit cyclone se matérialisa. Elle sourit, victorieuse. Malik la félicita et lui demanda maintenant de le faire disparaître, comme pour la flamme. Elle répéta les gestes du premier exercice et réussit à dissiper la tornade sans même fermer les yeux.
— Tu apprends vraiment vite ! Voyons comment tu vas te débrouiller avec ça.
Malik plaça alors un mannequin devant lui et d'un geste rapide de la main la pauvre marionnette s'écrasa contre le mur.
— Je peux faire ça moi aussi ? demanda Amélia, étonnée.
— Sans aucun problème. Maintenant que tu ressens la magie en toi, tu peux utiliser l'air autour de toi à ta guise.
Malik remit en place le mannequin et s'éloigna. Amélia tendit brusquement les bras dans sa direction et l'homme en plastique se retrouva projeté contre le mur avec une telle violence qu'il vola en mille morceaux. La jeune sorcière esquissa une grimace en se retournant vers son instructeur.
— Je crois que j'y suis allée un peu fort, s'excusa-t-elle en haussant innocemment les épaules.
— Ce n'est pas grave. Ta force est incroyable, je n'aurais jamais cru que tu puisses l'avoir dès le début. Je pense que tu n'as plus besoin de moi, le reste viendra naturellement, sourit-il en lui donnant une tape amicale dans le dos.
Amélia le remercia grandement pour ses conseils et il quitta la pièce.
— Bravo ! s'exclama une voix accompagnée d'applaudissements.
Elle tourna la tête et aperçut Connor, appuyé nonchalamment contre l'encadrement de la porte, vêtu d'un simple jean bleu ainsi que d'un t-shirt noir.
— Depuis combien de temps es-tu là ? sourit-elle en s'avançant vers lui.
— Je dirais depuis la géante tornade, dit-il malicieusement.
— Tu vas bien ? l'interrogea plus sérieusement Amélia.
— On fait avec, et toi ?
— On fait avec, dit-elle à son tour, j'ai une question, je peux ?
— Si je dis non, tu la poseras quand même...Alors vas-y moustique, renchérit-il avec son air moqueur habituel.
— La guerre, tu penses qu'on va la gagner ?
— Au début je n'en étais pas sûr, mais maintenant que tu es là, que tu as convaincu les elfes et Elion, je suis persuadé qu'on va mettre une bonne raclée à ces pourris de Stark.
— J'espère que tu as raison, sourit-elle.
~
Amélia ne s'était jamais sentie aussi frustrée de toute sa vie. Elle avait toujours eu de grandes facilités d'apprentissage, comme elle l'avait prouvé plus tôt dans la journée avec Malik et ne pas arriver à décoller du sol lui faisait perdre patience. Elle comprit alors qu'apprendre à voler ne serait pas aussi simple que de déclencher ses pouvoirs d'air. Elion l'avait emmené dans une petite clairière. Entourées par de grands sapins, elles étaient au calme et à l'abri des regards indiscrets. Les rayons du soleil passaient à travers les fines épines et venaient l'éclairer d'une douce lumière. Si Amélia n'avait pas été aussi agacée par ses tentatives ratées, elle aurait sûrement été émerveillée par ce petit coin de paradis.
« Ça suffit Amélia, cela ne sert à rien de continuer comme ça. Monte, nous allons essayer une autre manière »
Contente de faire une pause, la jeune femme passa une main de chaque côté de l'encolure d'Elion et, s'agrippant à ses crins, elle se hissa sur son dos. Avec douceur, Elion s'éleva dans les airs pour se stabiliser à environ une quinzaine de mètres du sol. À cette hauteur, Amélia pouvait voir au-delà des sapins et admirer les plaines verdoyantes qui s'étendaient à perte de vue. Elle fut cependant sortie de sa brève contemplation par Elion :
« Je vais maintenant te demander de sauter »
La respiration d'Amélia se bloqua, son teint pâlit et d'une voix hésitante elle demanda à Elion de répéter.
« Tes pouvoirs se sont déclenchés quand ta vie était en danger. Si tu sautes, je pense qu'ils se manifesteront à nouveau »
— Et si ce n'est pas le cas ? déglutit Amélia.
« Je serais là pour te rattraper, ne t'inquiète pas »
Amélia fut d'abord incapable de répondre, puis elle finit par accepter. Elle avait une confiance aveugle en Elion, mais cela ne l'empêchait pas d'être terrorisée. La jeune femme n'avait jamais eu peur du vide, mais sauter de quinze mètres était autre chose. Fébrile, elle passa ses deux jambes du même côté et évalua une nouvelle fois la hauteur. Elle ferma les yeux pour essayer de réguler les battements de son cœur qui ne faisaient que s'accélérer. Après une grande inspiration, elle lâcha la crinière d'Elion et se laissa glisser dans le vide. Alors qu'elle hurlait, le vent glissait sur sa peau et faisait voler ses cheveux dans tous les sens. La chute semblait durer une éternité. Malgré tous ses efforts, la seule chose qu'Amélia pouvait sentir était la panique et la peur. Toute magie semblait l'avoir quittée. Apercevant le sol qui se rapprochait dangereusement, elle se mit à battre frénétiquement des bras tentant désespérément de lutter contre la gravité. Son teint était devenu blême et submergée par la terreur, elle était incapable de réfléchir. Ses pensées se succédaient à toute vitesse si bien qu'elle en perdait le fil. La jeune femme ne faisait que tomber, telle une pierre. Le cœur battant, elle ferma les yeux et se prépara à l'impact. Soudain, une vive douleur envahit son ventre, lui coupant net la respiration.
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