Chapitre 18
Malgré qu'Amélia soit morte de peur, elle ne voulut pas décevoir Ethan. La jeune femme prit alors une grande inspiration et sauta les yeux fermés dans le trou. La chute fut brève et des bras puissants la réceptionnèrent, telle une princesse. Elle ouvrit les yeux et tomba nez à nez avec le visage d'Ethan, la fixant de son regard océan. Amélia ne put s'empêcher de rougir face à cette soudaine proximité. Elle était si près qu'elle remarqua même un petit grain de beauté sur le côté droit de sa mâchoire.
— Je crois que tu peux me poser maintenant.
La jeune femme se félicita intérieurement d'avoir réussi à prononcer cette phrase d'une voix détachée, et d'avoir ainsi dissimulé sa gêne.
— Oui, excuse-moi, bafouilla-t-il en la reposant au sol.
Son expression mal à l'aise eut pour effet de détendre légèrement Amélia. Elle leva la tête et tourna sur elle-même pour observer son environnement. Ils avaient atterri dans une petite pièce, vide et sombre. Amélia n'avait jamais eu peur des espaces clos, mais elle ne put s'empêcher de se sentir oppressée dans cette salle souterraine. De par les deux torches sur les murs, l'air était étouffant et chaud. Alors, quand elle aperçut une grande porte en métal gris, elle s'en approcha vivement. La jeune femme fronça les sourcils en essayant de décrypter l'inscription qui était gravée sur une pierre. Ethan s'avança, jusqu'à ce que son torse ne soit plus qu'à quelques centimètres du dos d'Amélia et regarda par-dessus son épaule.
— Seuls de vrais guerriers survivront, traduit-il.
— Très rassurant, marmonna Amélia.
Ethan ne répondit pas et poussa la porte. Derrière, tout était noir. Voyant l'hésitation d'Amélia, le souverain lui prit la main et lui murmura :
— Ça va aller Amélia, je suis là.
Lorsqu'ils pénétrèrent dans la salle, les lanternes sur les murs s'enflammèrent, dévoilant au centre de la pièce un soldat en armure noire. Tout autour de lui se trouvaient de nombreuses armes en tout genre : haches, sabres, couteaux ou même massues. La peur qu'avait ressentie Amélia s'effaça rapidement lorsqu'elle s'aperçut que l'armure n'avait pas l'air d'être animée. Ethan l'interpella pour lui montrer l'anneau qui scintillait au fond de la pièce et elle s'en approcha prudemment.
— Fais attention, la mit en garde le roi.
Mais à peine avait-elle touché l'anneau que le soldat ouvrit les yeux d'un bleu électrique. Par réflexe, la jeune femme prit un sabre qui gisait sur le sol, prête à se défendre. L'armure fonça alors anormalement vite vers Amélia. Elle commença à lui asséner des coups de lame, mais rien ne semblait le ralentir ou le blesser.
— Ethan ! hurla-t-elle lorsque son dos rencontra la dure paroi de la grotte.
Le roi prit une hache et bondit en visant la tête, mais l'armure ne cilla pas. Amélia en profita pour se faufiler loin du mur. Les yeux du roi devinrent rouges et il fondit avec rage sur l'adversaire, une hache dans chaque main. L'armure esquiva l'attaque d'Ethan et riposta en lui lançant son bras de métal. Le bout de ses gants, acérés comme des couteaux, érafla le bras du roi, déchirant le tissu sur une dizaine de centimètres. Sur sa peau s'étira une estafilade rouge qui dégagea dans l'air un parfum musqué de sang.
— Hé ! appela Amélia.
L'armure tourna la tête vers elle, Amélia bondit en faisant tournoyer son sabre et toucha avec rage le flanc du soldat. La jeune femme eu l'impression de s'attaquer à un bloc de béton. Sa lame n'avait même pas fait le moindre dégât. Elle se déporta pour éviter une nouvelle attaque et se plaça aux côtés d'Ethan.
— Il est invincible ! hurla-t-elle avec effroi.
Soudain, Ethan fut propulsé à l'autre bout de la pièce par un violent coup droit. Son dos heurta la paroi et il hurla de douleur en s'écrasant au sol. La peur se lut dans les yeux d'Amelia et ses poils se dressèrent sur ses bras. Le soldat approcha, de sa démarche saccadée, et Amélia dut reculer jusqu'à que son dos se retrouve à nouveau collé au mur. Ses méninges fonctionnèrent à toute allure, il lui fallait trouver une solution et vite. Quand elle s'était emparée de l'anneau, le soldat avait ouvert les yeux, mais il n'avait commencé à bouger que lorsqu'elle s'était saisie de l'arme.
— Une épreuve de courage, murmura-t-elle en écarquillant les yeux.
Dans un dernier espoir, elle laissa tomber son épée et ferma les yeux, le corps tremblant. Elle les rouvrit quand elle n'entendit plus le soldat bougeait, ses yeux avaient retrouvé leur expression vide. Amélia se précipita alors vers Ethan qui se tordait de douleur.
— Est-ce que ça va ? l'interrogea-t-elle doucement en posant sa main sur la sienne.
Il leva les yeux et elle remarqua qu'ils avaient repris leur couleur bleu océan qu'elle aimait tant. Ethan hocha la tête avant de se redresser dans un grognement.
— Tu es sûr de pouvoir continuer ? demanda la jeune femme, inquiète.
— Je vais bien, aide-moi juste à me lever, affirma-t-il. Comment as-tu réussi à arrêter l'armure ?
— J'ai réalisé que le courage c'était d'affronter son adversaire sans arme, expliqua-t-elle.
— C'est très ingénieux, lui répondit Ethan, tu as l'anneau ?
— Oui, sourit-elle en lui montrant la bague dorée autour de son doigt.
— Passons à la suite alors.
Amélia remarqua qu'une porte venait d'apparaître à leur droite, Ethan l'ouvrit et, suivi d'Amélia, il y entra. C'était maintenant le tour de l'épreuve de sagesse. À l'ouverture de la nouvelle pièce un courant d'air froid les envahit et la jeune femme poussa un cri de surprise lorsque ses pieds rentrèrent en contact avec un liquide glacial.
— Il doit y avoir au moins cinquante centimètres d'eau et ça a l'air d'augmenter, fit remarquer Ethan.
Amélia inspecta rapidement la pièce jusqu'à apercevoir le dessin d'une porte avec une inscription au plafond. La panique commença à monter en elle, comme l'eau le faisait. La chair de poule recouvrait ses bras et son corps se raidit.
— Regarde, dit-elle d'une voix étranglée en montrant sa découverte à Ethan. Qu'est-ce que ça veut dire ?
— Les apparences sont souvent trompeuses, lut-il. Qu'est-ce que ça signifie ?
Le souverain gardait un calme olympien, alors qu'Amélia tentait de réfléchir, le corps tremblant de peur et de froid. L'eau était maintenant tellement haute qu'ils devaient nager pour ne pas couler. Elle n'arrivait même plus à penser tant la panique l'envahissait.
— Amélia, calme-toi et réfléchissons, lui dit calmement Ethan en s'approchant pour la soutenir.
— La porte n'est pas une porte...marmonna-t-elle. Mais oui bien sûr ! La porte n'est pas une porte car les apparences sont souvent trompeuses ! Et si le sol n'était pas vraiment un sol ? s'exclama Amélia, pleine d'espoir.
— Je vais plonger pour aller voir. Garde la tête hors de l'eau, d'accord ?
Sans attendre une seconde, Ethan plongea. Le dessus du crâne d'Amélia touchait presque le plafond et bientôt elle serait submergée. Elle s'étonna de ne pas avoir peur pour sa vie, mais pour celle d'Ethan qui n'était toujours pas remonté. Tout à coup, l'eau disparut et Amélia tomba lourdement sur le sol. Elle poussa un gémissement en se relevant vivement. Ethan, déjà debout, lui tendit fièrement un anneau.
— Tu avais encore raison.
Il prit la main de la jeune femme et lui passa la bague bleutée autour du doigt, là où se trouvait déjà la première. Les joues d'Amélia prirent une teinte rosée et elle tenta de cacher sa gêne en demandant :
— Quelle est l'épreuve suivante ?
— La rapidité, dit-il, continuons ! Plus vite on aura fini, mieux ce sera !
Amélia approuva et descendit la première par la petite échelle, se trouvant désormais dans le trou au sol. Elle arriva dans une pièce entièrement vide et froide. Ethan s'approcha du mur où était inscrit un petit texte.
— En appuyant sur le symbole, un arc et six flèches apparaîtront. Vous devrez alors tuer les ennemis qui se présenteront à vous. Vous ne disposerez que d'une seule flèche par adversaire.
— Je suppose que c'est à moi que revient cette tâche, s'exclama Amélia.
— Adrian m'a dit que tu étais un incroyable archer, tu vas y arriver, j'ai confiance en toi.
— Alors c'est parti, dit-elle en appuyant sur le symbole.
En une fraction de seconde, un arc en bois et un carquois apparurent au centre de la pièce. Mettant de côté son anxiété, Amélia prit l'arc et encocha la première flèche. Aussitôt, une ombre à forme humaine apparut, sans hésiter elle lui tira dessus et celle-ci disparut.
— Facile, s'écria Amélia.
Mais, avant même qu'elle n'eut le temps de préparer sa seconde flèche, un autre hologramme fonça dans sa direction. À partir de cet instant, tout se passa très vite. Elle pouvait sentir le regard d'Ethan sur elle. Gardant son sang-froid, elle transperça la forme qui venait d'apparaître pour vite tirer sur la troisième puis la quatrième. Le souverain détailla le profil de la jeune femme et son cœur rata un battement. Il ne pouvait s'empêcher de la trouver magnifique, arc et muscles bandés. Ses mouvements étaient précis et ses yeux gris à l'affût de ses prochaines cibles. Ethan était alors incapable de la quitter des yeux. Les cinquièmes et sixièmes hologrammes apparurent ensemble. Les ombres semblaient de plus en plus rapides et de plus en plus difficile à atteindre, slalomant jusqu'à la jeune femme. Elle réussit à toucher la première, mais la seconde arrivait trop vite. Paniquée, elle avait du mal à trouver sa flèche. Le visage d'Ethan blêmit et il se maudit d'être incapable de l'aider. Alors que le souverain était prêt à intervenir en écartant la jeune femme du chemin de l'ombre, Amélia parvint à tirer sur la cible finale. Elle souffla, soulagée. Il s'en était fallu de quelques mètres... Avant même d'avoir pu faire un pas, une main se posa sur son épaule, elle tourna la tête vers Ethan qui, victorieux, brandissait l'anneau.
— C'était spectaculaire, la félicita le roi, les yeux pétillants d'admiration.
— Merci, rougit-elle.
~
Dans la pièce suivante se trouvait une énorme montagne de pierres noires. Sur leurs gardes, Ethan et Amélia avancèrent doucement, s'attendant à une attaque ou à un piège. Cependant, rien ne se passa et le souverain commença alors à lire l'inscription gravée sur le sol.
— Soulevez chaque pierre pour atteindre l'anneau.
— Cela n'a pas l'air trop compliqué ! s'exclama Amélia.
À ces mots, elle posa ses mains de chaque côté d'une pierre et tenta de la soulever, en vain. Elle n'en avait jamais vue d'aussi lourde.
— J'ai une force de métamorphe, laisse-moi faire.
— D'ailleurs pourquoi tu n'as jamais rien dis sur le fait que tu étais un métamorphe ?
— Je crois que ce n'est pas le moment...
— Pourquoi éviter le sujet comme ça ?
— Car pour une fois, je voulais seulement être Ethan Namaro et ne pas être vu comme le monstre que je suis, avoua-t-il en baissant la tête.
— Ethan...Je ne te verrai jamais comme un monstre, murmura-t-elle.
Elle posa une main sur son épaule et ils se fixèrent quelques instants. Amélia pouvait voir en lui, il avait réellement peur de ce qu'elle pensait. Se prenait-il vraiment pour un monstre ? Cette question accentuait encore plus la curiosité d'Amélia sur la nature de sa transformation. Elle repensa alors à la reine des Elfes, elle l'avait appelé « Urulókë ».
— Qu'est-ce que l'Urulókë ? se risqua-t-elle de demander.
— Ma nature, ce en quoi je me transforme.
— C'est un mot elfique n'est-ce-pas ? Qu'est-ce que ça signifie ?
— Je n'ai pas envie d'en parler maintenant, ce n'est pas le moment, répéta-t-il.
— Tu as raison, je suis désolée, admit Amélia.
Sans plus de bavardages, Ethan commença l'épreuve. En forçant pour extirper une roche noire, ses yeux passèrent du bleu azur au rouge vif. Les muscles de ses bras se contractèrent et la pierre se souleva avec aisance. Amélia l'encouragea et, une par une, Ethan dégagea les pierres du tas. Le souverain commençait à fatiguer et sa blessure au ventre le faisait souffrir, mais il refusait d'abandonner. Étant à bout de forces, la dernière roche lui donnait du fil à retordre, il arrivait à peine à la soulever de quelques millimètres.
— Je n'y arriverai pas, avoua-t-il déçu et essoufflé.
— Tu en as déjà assez fait ! Je vais essayer d'utiliser mes pouvoirs.
Depuis leur découverte, elle ne les avait pas utilisées à nouveau. La jeune femme n'était pas effrayée par sa magie, au contraire elle trépignait d'impatience de la sentir à nouveau couler en elle. N'ayant pas la moindre idée sur la manière dont elle devait procéder, elle se contenta de tendre le bras et de faire un balayage de la main, mais rien ne se passa. Déçue, elle soupira.
— Concentre-toi sur le pouvoir qui coule dans tes veines et imagine la pierre qui se soulève, lui conseilla Ethan.
Elle prit d'abord une grande inspiration puis ferma les paupières. En imaginant l'image d'une pierre en train de se soulever, elle sentit des picotements dans tout son corps pour enfin converger dans ses mains. La sensation était moindre en comparaison de celle qu'elle avait ressentie plus tôt dans la journée, mais elle pouvait sentir la magie frémir en elle comme le crépitement du feu dans une cheminée. Amélia recommença son geste et ouvrit les yeux lorsqu'elle sentit la magie s'estomper. Elle fut étonnée de voir que la pierre n'était plus à sa place, mais quelques mètres plus loin. Elle s'accroupit pour ramasser le bel anneau pourpre qui scintillait sur le sol.
— Bravo, tu as été incroyable !
— Toi aussi, bafouilla-t-elle.
— Allons passer cette dernière épreuve, continua-t-il en lui pressant l'épaule.
Apercevant une échelle qui semblait remonter à la surface, Amélia se précipita dans la dernière pièce.
— Amélia !
Elle se retourna vivement. Ethan accourra vers elle, mais fut stoppé net par une barrière invisible. Le regard plein d'incompréhension, Amélia et le souverain tentèrent de la briser en frappant dessus, provocant seulement des vibrations bleutées.
— Ethan ! s'écria Amélia, complètement paniquée.
— Reste calme, on va trouver une solution, essaya-t-il de la rassurer.
Chacun de leur côté, ils cherchèrent activement un interrupteur, une inscription, n'importe quoi, qui aurait pu désactiver le champ de force. Soudain les murs se mirent à trembler et d'énormes pointes de fer en sortirent. Le cœur d'Amélia s'accéléra en comprenant que les parois se refermaient sur eux.
— Va-t'en ! ordonna Ethan.
— Je ne te laisserai pas ! hurla Amélia en frappant plus fort le bouclier sans pouvoir s'arrêter.
La porte par laquelle ils étaient entrés avait disparu derrière eux, ainsi, Ethan n'avait aucune échappatoire.
— Amélia !
La jeune femme ne l'écoutait plus. Elle continuait de s'acharner, les yeux brillants et les membres tremblants.
— Ça ne sert à rien. Tu peux t'en sortir, alors va-t'en !
Ses yeux s'embrumèrent de larmes. Elle se refusa d'arrêter et de l'abandonner.
— Amélia ! S'il te plaît, part..., la supplia Ethan en posant une main sur la paroi bleutée qui les séparait.
Amélia sortit de sa transe et fixa la main du souverain.
— Je ne veux pas te laisser, pleura-t-elle en joignant sa main à la sienne.
Ils se fixèrent pendant ce qui avait semblé être une éternité pour Amélia, mais qui n'était en réalité que quelques secondes. Elle se perdit dans ses yeux où elle pouvait lire une multitude d'émotions : de la peur, de la haine, de la tristesse, mais aussi un sentiment qu'elle n'avait jamais aperçu dans ses iris. La jeune femme ne saurait mettre des mots dessus, cependant elle sut qu'il était bon et pur. À mesure que les parois se rapprochaient, les pleurs et la peur d'Amélia augmentaient.
— Je t'en prie, ne meurs pas pour moi. Edora a besoin de toi, s'exclama Ethan d'une voix qui se voulait rassurante.
— Quoi que tu dises Ethan, je ne te laisserai pas ici. Tu es un roi remarquable et si nous devons sortir d'ici ce sera ensemble, sanglota-t-elle.
Une larme roula le long de la mâchoire du souverain. Il n'y avait plus aucune échappatoire. Amélia ferma les yeux. Elle repensa à toutes les personnes qu'elle aimait, se mit à regretter toutes les questions qu'elle n'avait jamais pu poser, mais surtout elle se sentit coupable de ne pas avoir été à la hauteur de son rôle.
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