Chapitre 1

- Northern Hardwood forest – 19 juin 2024 -

Amélia courait aussi rapidement que ses muscles épuisés le lui permettaient, et ce depuis des jours. Exténuée, elle ralentit en entendant un ruisseau chantonner. Là, entre les pierres recouvertes de mousse verte, se trouvait un cour d'eau. À bout de souffle, elle se laissa tomber sur les galets, y plongea les mains et but. La fraîcheur de l'eau la calma un instant. Des petites ondes se répandaient à sa surface reflétant une image qui la fit grimacer. Son visage était pâle et sa frange aplatie lui paraissait plus longue, si bien qu'elle cachait ses yeux gris fatigués.

Lorsqu'elle se releva, elle fut prise de vertiges. Son corps était à bout de forces, mais la peur viscérale qu'elle ressentait lui permettait de continuer d'avancer dans cette forêt. Elle regarda autour d'elle : des buissons, des arbres, de la verdure, il n'y avait que cela. Elle aurait dû retrouver la route il y a longtemps déjà, mais elle s'était perdue.

La fugitive s'apprêtait à sauter le petit ruisseau quand un coup de feu retentit. La terreur s'empara d'elle, elle recula, ses pieds s'emmêlèrent dans des racines et elle tomba dans un gémissement. C'est à ce moment-là qu'elle comprit que ses maigres chances de survie venaient de s'envoler.

Incapable de s'orienter dans cette maudite forêt, elle se contentait de fuir, ignorant la douleur provoquée par la chute et écartant violemment les branchages sur son passage. Après ce qui lui semblait une éternité, elle s'arrêta, à bout de souffle. Le dos courbé, elle tenta de reprendre sa respiration. Serrant les dents de douleur, elle leva la tête et prit peur en voyant cette immense falaise qui se dressait devant elle. Comment avait-elle pu ne pas la voir ? Elle était dans une impasse. Les pierres étaient bien trop pointues et son genou la faisait bien trop souffrir pour qu'elle puisse l'escalader. Alors qu'elle commençait à rebrousser chemin, une voix rauque la fit s'arrêter net :

— Bonjour, ma chérie...

Les yeux d'Amélia se remplirent de terreur et ses membres tremblèrent devant cet homme qui tenait une arme dans sa main droite. Il ressemblait à une personne banale, de corpulence moyenne avec les cheveux bruns. Cependant, son sourire en coin, ainsi que ses yeux et ses joues rougies reflétaient son addiction à l'alcool. Il s'approcha dangereusement de la fugueuse, un sourire satisfait et pervers sur les lèvres. Elle recula jusqu'à sentir le froid des pierres contre son dos. Les larmes coulaient le long de ses joues mais aucun son n'arrivait à sortir sous l'effet de la peur.

— On rentre à la maison, maintenant, dit-il simplement.

Comme réponse, elle secoua vivement la tête tout en se recroquevillant sur elle-même. Il leva la main gauche et la malheureuse ferma les yeux, prête à encaisser le coup.

Un hennissement se fit brusquement entendre.

L'homme, lui aussi étonné, se retourna et Amélia en profita pour s'éloigner. Une grande jument blanche se cabra devant l'assaillant. Mais ce n'était pas n'importe quel cheval. Aussi bizarre que cela puisse être, cette magnifique créature possédait deux grandes ailes blanches. La jeune fille n'en croyait pas ses yeux et pensait même être victime d'une hallucination due à la fatigue. Ce fut seulement quand le pégase frappa de son sabot son agresseur, le faisant tomber violemment au sol, qu'elle sut qu'elle ne rêvait pas. Son sauveur se tourna vers elle et la détailla de ses prunelles dorées. Du coin de l'œil, la jeune femme aperçut l'homme qui se relevait et pointait son arme sur la créature. Sans aucune hésitation, elle courut et se jeta devant l'animal fabuleux.

La balle se ficha dans son ventre et elle s'effondra par terre, crispée de douleur. Elle n'avait jamais ressenti une telle souffrance. Sa respiration devenait difficile. Elle essayait de reprendre son souffle et de garder les yeux ouverts, mais malgré elle, ses paupières se fermèrent et elle se sentit partir.



- Nouveau-Mexique, Hobbs - 19 juin 2024 -

Lentement, Amélia ouvrit les yeux. La douleur avait disparu comme par miracle. En observant autour d'elle, elle découvrit qu'elle n'était plus dans la forêt, mais dans une vaste pièce avec une grande vitre au plafond permettant de voir le ciel. À cause d'une lourde aile posée sur elle, la jeune femme ne parvint pas à se relever. Elle se retourna sur elle-même et tomba nez à nez avec le pégase qui l'avait sauvée. La créature était magnifique. Comme hypnotisée, Amélia tendit la main et effleura sa joue. Ses yeux s'ouvrirent brusquement. La jeune femme ne savait pas comment réagir, alors elle se contenta de la fixer, se sentant comme attirée par cette merveille vivante. Ce moment lui paraissait si irréel.

« Bonjour, Amélia Stacy »

Elle sursauta à l'écoute de son nom et parcourut la pièce des yeux pour déterminer d'où pouvait provenir cette voix, mais il n'y avait personne. Personne, à part cet animal. La jeune femme fronça les sourcils, ne pouvant croire à la seule explication qui s'offrait à elle.

— C'est impossible, marmonna-t-elle.

« Si, je suis bien réelle »

— Je suis en train de devenir folle !

« Amélia. Tu n'es pas folle. Je m'appelle Elion et tu es la seule à pouvoir m'entendre »

— Comment ?

Ce fut la seule chose qu'elle réussit à articuler.

« Nous sommes liées »

— Je ne comprends pas, murmura-t-elle.

— Ah, tu es enfin réveillée ! s'exclama une voix différente de la première, plus humaine.

L'aile qui la retenait prisonnière se souleva et elle put se redresser pour apercevoir une jeune femme d'une vingtaine d'année. Elle était grande et élancée. Ses longs cheveux roux tombaient en cascade sur son dos, seules quelques mèches encadraient son visage. Un visage légèrement rond et parsemé de petites taches de rousseur qui lui donnaient un air d'ange. Cependant, on pouvait voir dans ses yeux verts, qu'elle se méfiait d'Amélia et qu'elle était attentive à ses moindres faits et gestes. Sa posture, les pieds bien ancrés dans le sol et écartés, montrait aussi sa vigilance.

— Pourrais-tu te lever pour qu'on discute, s'il te plaît ?

Tremblante et méfiante, Amélia s'avança, les jambes engourdies vers cette inconnue.

— Que s'est-il passé ? demanda la jeune femme en pointant le trou et le sang séché sur sa robe.

Elle se rappela soudain du coup de feu et de la douleur insoutenable qui l'avait désormais miraculeusement quittée. C'était impossible ! Elle toucha frénétiquement son ventre, il n'y avait plus aucune trace de blessure.

— C'est toi qui as fait ça ? demanda-t-elle en continuant de tâter son ventre, surprise.

— Fais quoi ? dit la rousse en haussant un sourcil.

— C'est toi qui m'as soignée ?

— Je ne t'ai pas touchée. Quand je suis arrivée, vous étiez là. J'ai essayé d'approcher, mais elle ne m'a pas laissé faire.

Amélia se tourna vers le pégase. C'était bien elle qui l'avait guérie ? Une multitude de questions se bousculèrent dans sa tête.

— Où sommes-nous ?

— Au Nouveau Mexique, dans mon sanctuaire.

Elle prit alors conscience de la grandeur de la pièce et surtout de ce qu'il y avait à l'intérieur. Près des murs, des barrières de verre emprisonnaient des créatures extraordinaires. Il y avait un renard aux yeux de sang et à la queue de feu, ainsi qu'un petit chien avec des cornes de bouc et bien d'autres.

— Maintenant dis-moi qui tu es et ce que tu fais ici ?

— Je suis Amélia Stacy et je ne sais pas pourquoi je suis ici, avoua-t-elle.

— Tu viens d'arriver sur le dos d'un pégase comme par hasard dans mon sanctuaire, tu sais forcément quelque chose !

— Je te dis que je n'en sais rien ! cria Amélia à son tour. D'ailleurs, je veux partir, tout de suite, articula-t-elle.

— Tu n'iras nulle part, dit la maîtresse des lieux sur le qui-vive.

— Ça suffit les filles ! On se calme.

Amélia porta son regard sur le nouvel arrivant. C'était un jeune homme brun, bien bâti et habillé d'une blouse blanche. Ses cheveux en bataille contrastaient avec la vive lueur d'intelligence qui animait son regard. À l'inverse de la jeune femme, il paraissait plus détendu et quand il se mit à côtés d'elle, Amélia distingua la couleur de ses yeux, un vert émeraude semblable à celui de la maîtresse de maison.

— Tout va bien se passer, tu ne crains plus rien ici. Je crois qu'on a tous besoin de discuter calmement et de comprendre la situation. Je suis Axel et elle s'est Sidney, ma sœur, dit-il pour essayer de calmer la situation. Regarde-la Sid, elle n'est au courant de rien, ajouta-t-il à l'intention de sa sœur.

— De quoi devrais-je être au courant ? Et puis c'est quoi ce délire ? Comment c'est possible que toutes ses créatures existent ? Maintenant vous allez me dire que vous êtes des aliens ? commença à s'emporter Amélia.

— Non, nous sommes humains, nous, répondit Sidney naturellement.

— Bon Sid n'en rajoute pas, grogna Axel devant le manque de tact de sa sœur. Allons-nous asseoir.

Avec les années, il avait appris à garder son calme en toutes circonstances pour pallier le caractère explosif de sa sœur. Depuis leur plus jeune âge, c'était une bagarreuse qui préférait agir avant de parler. Axel, lui, avait plus le caractère d'un médiateur.

— Avant de commencer, sache que tout ce qu'on va te révéler n'est que la stricte vérité et que même si c'est dur à admettre au début, tout est réel, commença le brun une fois assis. Comment formuler ça ? se demanda-t-il à lui-même.

— Il existe un autre monde, un monde caché, lâcha alors Sidney à sa place.

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