D'hôpital et de beaux discours

Artémis souleva doucement ses paupières. La blancheur éclatante des murs et du plafond lui agressa la pupille. Elle cligna plusieurs fois des yeux pour les ouvrir complètement. Elle analysa alors la chambre. Tout était blanc, y compris les nombreuses machines. Chacune d'elles émettaient des séries de bips en continu. Une chaise était posée à côté de son lit. L'unique fenêtre donnait sur un arbre. Elle leva la tête au moment où une infirmière brune déboula dans la salle.

– Bon dieu, tu es réveillée, s'exclama-t-elle.

– Qu'est ce qui s'est passée? demanda la rousse.

– Accident de voiture. Piéton contre voiture, c'est toujours la voiture qui gagne.

– Je ne m'en souviens plus. Qui m'a amenée ici?

– Ton petit ami.

– Quel petit ami? J'ai pas de petit ami.

Si Artémis ne se souvenait plus de l'accident, elle se rappelait très bien que Marc l'avait larguée.

– Et ça fait combien de temps que je suis là?

– Depuis plus de quatre mois, lui dit l'infirmière.

– Quoi? Non, non, c'est impossible. C'est un cauchemar, je vais me réveiller, partir d'ici et offrir mes cadeaux de Noël à Alexianne et à ma sœur.

Artémis tenta de se lever pour partir mais ses jambes refusèrent de lui obéir. L'infirmière la repoussa gentiment sur son lit puis lui expliqua:

– Ecoute, je suis désolée de te l'annoncer comme ça mais tu as perdu l'usage de tes jambes au cours de l'accident, en plus d'un léger traumatisme crânien. Tu vas devoir te déplacer en fauteuil roulant. Ça aurait pu être bien pire, tu aurais pu perdre l'usage de tes bras également et même mourir.

Mais Artémis n'écoutait plus. Plus de jambes. Plus de jambes. Sans jambes, elle ne pouvait plus être bibliothécaire, elle ne pouvait pas courir, elle ne pouvait pas monter les marches. En résumé, sa vie était fichue.

– Je sais que tu penses que ta vie est fichue et je comprends...

– Non, vous ne comprenez pas, vous pouvez à la limite essayer de comprendre, mais vous ne pouvez comprendre tant que vous ne l'avez pas vécu, Daphné, dit calmement Artémis après avoir lu le nom de l'infirmière sur son badge. Je sais pas vous, mais moi quand j'étais au collège et que je voyais des collégiens en béquilles, je rêvais d'essayer, ça avait l'air génial. Et puis un jour, je me fais une entorse à la cheville et j'en ai eu. Et les béquilles que j'avais toujours rêvé d'essayer se sont révélées bien décevantes. Les béquilles, ça fait mal aux mains, ça glisse sur le linoléum mouillé et c'est l'horreur pour monter les marches du bus. Et là, c'est pareil pour vous.

> Je pense que vous avez déjà vu des tas de personnes dans mon cas, et c'est pourquoi je déteste votre métier, mais vous n'avez jamais été à ma place. Vous avez beaucoup essayé de décrypter nos émotions car vous auriez probablement aimé faire psychologue, mais vous ne pouvez pas les ressentir. Et vous ne pourrez jamais tant qu'il ne vous arrivera pas un accident dans le style. Et je ne vous le souhaite vraiment pas. Mais surtout, ne vous apitoyer pas sur mon sort, c'est la vie. Vous êtes trop préoccupée par vos patients pour penser à vous.

Daphné acquiesça et partit de la salle en silence. Honnêtement, la rousse aurait aimé être applaudie après son discours mais cela ne paraissait pas être courant ici. Perdue dans ses pensées, la jeune femme n'entendit pas le jeune homme entré dans la pièce.

– Bien le bonjour miss!

– Mahé, qu'est-ce que je suis contente de te revoir! s'exclama Artémis.

– Un peu de vie sur ton visage fait plaisir à voir.

– Mais je comprends pas pourquoi t'es là. Je veux dire, ça ne me dérange pas, au contraire, mais tu as une vie et on s'est juste parlé une fois, et j'étais un peu bourrée. Tu veux bien m'expliquer?

– Dès que je t'ai vu, j'ai eu le truc. T'avais un peu trop bu mais tu gardais la tête bien droite. Et puis notre discussion a été très intéressante et j'espère en avoir à nouveau avec toi. En plus, je me sentais entièrement responsable, je t'ai demandé de courir, j'ai traversé n'importe où et tu m'as suivi.

> Je me suis beaucoup méprisé ces derniers mois et quand les médecins m'ont dit que ton état s'était stabilisé, j'ai essayé de me persuader que je n'avais rien fait, que je ne t'avais pas dit 'vas-y, jette-toi sous les roues de la voiture', ce que j'aurais regretté toute ma vie. Mais j'arrivais pas à me convaincre. Alors, depuis deux mois, je viens te voir tous les jours entre 18 et 19 heures. J'ai été largué à cause de ça, d'ailleurs. Je t'ai beaucoup parlé de moi, je n'ai fait que ça à vrai dire, mais j'imagine que je vais devoir recommencer, dit Mahé avant de ricaner. Je n'abandonne pas ma grande sœur comme ça. Oui, le truc, c'était un déclic fraternel. Parce que j'ai été plaqué par un gars, finit-il, un peu gêné.

Artémis applaudi, car son discours était quand même pas mal, puis dit:

– Je vais te répondre dans l'ordre. D'abord, c'est pas ta faute, c'est moi qui courait, pas toi, et c'est pas toi qui conduisait la voiture, je me trompe? Après, c'est super gentil d'être venu me voir aussi régulièrement, ça me fait très plaisir. Et pour finir, c'est vrai? Parce que j'adore vraiment les gays, tu sais que t'es mon premier copain gay? s'enthousiasma Artémis.

– Chut, pas si fort. Je te le dis parce que j'ai confiance en toi, pas pour que tu le dises à tout le monde. Mes parents sont les seuls au courant, à part toi et mon ex.

– Ah désolé. Tu sais quand je peux sortir de l'hôpital? Je m'ennuie.

– Excuse-moi Artémis, mais tu viens de te réveiller de ton coma et tu as ce... problème avec tes jambes, donc c'est pas pour maintenant. Tu vas devoir rester ici encore deux mois je pense. Mais je suis pas médecin, il faudrait lui demander. Tu veux que j'aille le chercher?

– Oui, je veux bien, marmonna Artémis, déçue de ne pas sortir tout de suite.

Mahé sortit de la salle, la laissant seule avec les 'bips' des machines. Le jeune homme était très content d'avoir tout dit à sa sœur et que celle-ci soit de nouveau capable de parler et de bouger, enfin que le haut de son corps. Il alla donc trouver le médecin, Jean Pierre, ou Pierrot plus simplement, car il le connaissait bien maintenant. Il lui expliqua la situation et Pierrot l'accompagna. Artémis tenta de se redresser quand le médecin arriva, mais elle n'y arriva pas. Elle se rallongea, découragée.

– Essaye de ne pas trop solliciter ton corps, Artémis. C'est normal que ce soit difficile pour toi. Tu vas avoir besoin d'aide pour t'asseoir, aller de ton lit jusqu'à ton fauteuil, et tout ce que tu vas entreprendre pour l'instant. C'est pourquoi tu vas devoir rester au minimum trois mois ici, pour que tu puisses récupérer un peu de... d'habilité pour dire ça simplement, et quand tu sortiras, tu devras certainement venir nous voir deux fois par semaine.

– C'est long! Vous ne pouvez pas mobiliser plus de troupes pour me soigner plus rapidement? Ce serait sympa, vous savez.

– Sœurette, arrête de parler comme si t'étais à l'armée. Ici, c'est des infirmières ou des médecins, pas de 'troupes'.

– Oui, ça va, on peut plus rigoler? Mahé la fusilla du regard et la rousse dit: Quoi? Va falloir t'y habituer tu sais. Il y a des moments où je suis pire tu sais. Des fois, je rigole pendant un quart d'heure à la blague de Paf le chien.

– Qu'est-ce qu'on va faire de toi? Tu m'aideras à la supporter, hein Pierrot?

Mais Pierrot était parti. Artémis se mit à rire devant la mine déconfite de Mahé.

– Tu... Tu avais pas remarqué que... qu'il était parti, dit difficilement Artémis au milieu de deux éclats de rire. Il t'a même dit au revoir.

Artémis rigola encore plus fort et Mahé bredouilla des excuses pitoyables, ce qui ne fit qu'accentuer le fou rire de la jeune femme. 5 minutes plus tard, Artémis s'arrêta enfin.

– C'est pas trop tôt, ça devenait vraiment vexant.

– Tu rigoles, c'était un des moments les plus drôles de toute ma vie, si on compte le jour où j'ai cramé les cheveux de ma voisine populaire en chimie avec le bec Bunsen. Ça sentait le cramé, mais c'était extrêmement drôle. J'ai été envoyé chez le proviseur et quand je lui ai raconté, elle a rigolé aussi.

– J'en reviens pas, t'as fait brûler les cheveux de ta voisine en cours? Et t'as pas été puni?

– Si, j'ai eu droit à un petit séjour dans la benne à ordure du collège, mais rien de bien grave.

– On te jetait dans une poubelle?

– Ouais, tout le temps. Cette fois ci, c'était monsieur beau-gosse, petit ami de la demoiselle dont j'avais malencontreusement cramé les cheveux. Mais vu que j'avais l'habitude et que je rigolais encore, l'heure est passée rapidement.

– Tu es restée une heure dans une poubelle?

– Arrête de dire poubelle, c'était une benne à ordure et oui, une fois, j'y ai passé une journée avant que le concierge vienne me chercher.

– Et t'as gardé l'odeur depuis tout ce temps, donc.

– J'ai pas compris. Eh mais c'était méchant en fait, fit le jeune femme après un temps.

Mahé pouffa et Artémis ronchonna. L'hôpital allait devoir s'y habituer.


( Hey hey! Comment allez vous? J'ai fini le prochain chapitre donc je poste celui ci! J'espère qu'il vous a plu. Je vous fais plein de bisous et vous dis à bientôt. 

- C'était moi )

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