Chapitre 6 - Darvin
Stalhfarn, Quais.
Il faisait un froid phénoménal dehors malgré tout l'alcool ingéré cet après-midi. Carth ne cillait pas tandis que son regard se portait vers l'immense navire en bois qui nous séparait de la Mer de Glace. Nalia, elle, les yeux illuminés, se tenait là, cachant ses oreilles sous une capuche en fourrure qui devait l'aider à supporter ce froid abominable, et la protéger des fermés d'esprit. Elle était belle sous les flocons qui lui rougissait le nez et les joues. Carth, lui, semblait avoir les cheveux blancs à cause de la neige immiscée dans ces longs cheveux noirs de jais. D'un brun encore plus foncé que les miens, marrons. Des perles blanches parsemaient le ciel sombre du Nord. Les masses s'agglutinaient devant le quai 3 où devait embarquer les gens en direction des Îles Gelées. Un bois sombre, des voiles blanches, usées par l'âge et surtout, un capitaine à la barbe mi-blanche, mi-jaune, une pipe à la main, ridé et tremblant qui fit signe aux marins de larguer l'ancre et d'accueillir les nouveaux passagers du navire.
- Bienvenue sur l'Artila !
Et tout le monde se rua à son bord. Les femmes et enfants, surtout des elfes expatriés en Batria, passaient en priorité. Mais je ne voyais pas Erik. Rapidement, Carth, Nalia et moi posions le pied dans ce foutu navire. Des jours que nous attendions ce moment. C'était enfin la consécration de nos efforts. Je payais l'un des marins pour pouvoir faire la traversée et on m'attribua une chambre. Une fois tout le monde à bord, le navire partit vers la mer de Glace, direction Port Stein. J'entrais alors dans ma cabine après avoir quitté mes amis, eux aussi partis pour leur chambre, avec une note sur la porte : « Darvin, je t'ai loué la meilleure cabine du navire. Sers t'en comme bon te semble. J'ai laissé d'autres notes dans les chambres de Carth et Nalia.
Ne vous faites pas tuer. »
Signé d'un « I ». Je devinais alors sans mal qu'il s'agissait de notre bon ami Ilmaris, sans qui cette traversée n'aurait jamais été possible pour nous. Je posais alors mon fourreau, toujours armé, et me déshabilla, ne gardant que mes chausses. Je m'allongeais alors lentement, profitant du moelleux du matelas et de la fraîcheur de son parfum. Mais d'un coup, trois légers coups à ma porte m'arrachèrent de mon sommeil. Je ne pris pas le temps de me rhabiller et me leva. La porte s'ouvrit, laissant entrer le corps gracieux de Nalia, habillée décontractée, une chemise blanche entrouverte, un pantalon proche de ses formes ainsi qu'une paire de bottes s'arrêtant à ses genoux.
- Je ne te dérange pas ? me demanda-t-elle d'une voix douce.
- Pas du tout. fis-je en souriant.
Elle s'assit sur le lit à mes côtés.
- Puis-je te poser une question ?
Je levais le sourcil, pris de curiosité.
- Dis-moi Darvin... Ta femme te manque-t-elle ?
Je mis du temps avant de répondre. Tout comme la question qu'elle m'avait posée à Clos-Blanc, je devais ressasser des souvenirs d'une époque maintenant morte à jamais.
- Chaque jour de ma vie. Alfina était tout pour moi. Nous nous étions rencontrés lors de la fête du village à Haben. Elle m'avait renversé un plateau de pintes dessus. Je n'oublierai jamais ces yeux. Noirs, d'un noir duquel on ne ressort jamais. D'une profondeur si grande que l'on s'y perdrait. Depuis cette fête, nous nous croisions souvent et discutions de plus en plus. Puis un beau jour, elle est venue en pleurs chez moi, des bleus partout sur les bras et les yeux gonflés par les larmes. Elle venait du Sud et les tensions entre les deux Royaumes s'intensifiaient. Les lynchages se faisaient de plus en plus fréquents et sa peau cuivre ne laissait aucun doute quant à son origine du Sud. La moitié du village l'avait brutalisée et insultée. Elle a eu le confort qu'elle souhaitait. Elle a eu un confident, quelqu'un sur qui compter. Puis régulièrement, elle me rendait visite avant d'enfin emménager avec moi. Depuis ce jour, nous ne nous quittions plus. Puis un beau jour, elle m'annonça être enceinte. Ce fut alors le début d'une vie si parfaite. La petite Lilia était le fruit d'un amour qui ne cesserai jamais. Mais la Guerre débuta et je dus les quitter pour combattre. Après avoir vu toutes les horreurs que l'Homme pouvait commettre, je rentrais au pays, heureux de pouvoir revoir cette famille que je n'ai pu voir depuis des années... Tu connais la suite.
- Pendues pour avoir refusé d'aider les soldats.
- ...
Elle me prit alors dans ses bras. Malheureusement pour mon égo, ses souvenirs firent monter des larmes à mes yeux sans cesse. Elle me prit les épaules, plongea ses grands yeux dans les miens pendant plusieurs secondes. Ils semblaient si profonds, si parfaits, me rappelant ceux de ma défunte femme. Ses pupilles brillantes, semblables aux étoiles du ciel d'en dehors la cabine, son sourire si apaisant, tout me faisait penser à Alfina, jusqu'à ce que ces lèvres embrassent les miennes, soudainement. A ce moment là, je ny pensais plus. Cette sensation si agréable n'avait, contrairement au reste, rien à voir avec Alfina. Chaque baiser était unique, révélant en moi un sentiment que je n'avais plus ressenti depuis des années : l'amour.
La nuit se poursuivit alors que nos corps se mêlèrent l'un à l'autre, sans que chacun ne ferme l'œil, répandant son parfum exquis mêlé au mien dans toute la chambre, y compris sur ce matelas qui semblait sentir si bon avant elle mais qui maintenant relèvait du divin, d'une sensation ne pouvant que nous transporter vers les étoiles de cette nuit glaciale, pourtant si ardente dans ces draps.
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