Geôles Royales Batriennes, Palais du Roi.

  Ma petite lucarne n'éclairait plus. La nuit arrivait et l'elfe avec elle je l'espère.

" Messire ! " me chuchota un homme de l'autre côté de la grille.

  Il était enfin là ! Je lui disais de se presser mais une nouvelle inquiétante retentit : Carth et Nalia s'étaient fait emprisonner en même temps que moi. Il fallait donc faire un petit détour pour leur rendre visite. L'elfe ouvra doucement la grille de ma cellule lorsqu'un garde approcha :

" Halte-là ! Vous n'êtes pas autorisé à faire ceci sans confirmation du geôlier !

  Ilmaris leva les yeux au ciel tout en soupirant.

-J'en ai reçu l'ordre soldat, rompez."

  Alors que l'homme en armure, assez jeune, s'en allait chercher son supérieur, l'elfe sylvain dégaina un poignard et le lui planta dans la jambe.

" Je ne pense pas que vous préviendrai quelqu'un d'accord ? Vous direz à vos supérieurs que le maître Ilmaris Nerprun a fait quérir ce bon messire Endhäver pour affaires personnelles. Compris ? " lui lança-t-il d'un ton calme et posé.
Le petit soldat haletant acquiesçait et suppliait Neprun de le laisser en vie.

" Il est temps de partir Darvin, me lança-t-il en faisant volte face vers moi.

  Il me détacha et me guida vers les cellules de Nalia et Carth. Nous nous faufilions de couloirs en couloirs et de lucarnes en lucarnes. Au fur et à mesure que nous avancions, les cris désespérés des prisonniers s'intensifiaient. Une fois arrivés, Ilmaris s'approcha de deux cellules et les ouvrit avec une clé lentement dégainée de son trousseau pour ne pas les faire retentir. Cette fois pas de gardes, par chance. Je demandais à Ilmaris où il avait trouvé les clés :

" Les gardes font la fête ce soir, c'est l'anniversaire du geôlier supérieur. Alors j'en ai profité pour les prendre pendant qu'ils étaient absents. "

  Il souriait. Une fois nous trois libérés, nous suivions l'elfe. Après dix minutes de marche où les gardes patrouillaient aussi bien que des aveugles, nous arrivions devant notre issue de secours : Une grande fenêtre menant à la Larina, le plus grand lac de Batria.

" Sautez ! nous conseilla l'elfe.

- Pardon ?

- Tu m'as très bien entendu Darvin.

- C'est un coup à se rompre le cou imbécile, lui dis-je en un chuchotement tout juste assez bas pour rester discret.

Il ne disait rien et me regardait fixement, sans rompre le regard.

J'inspirais un bon coup.

-Bon... "

  Je grimpai sur le rebord de la fenêtre inspira et me pencha doucement en avant.

  Le silence. Cette parenthèse aérienne semblait irréelle. Mon esprit se vida complètement. A mesure que je fendais l'air tel une flèche, mes pensées ne se tournaient plus que sur Nalia. Vers son regard émeraude et ses mains de velours. Pas un instant je ne pensais à Alfina.  Mais cette pause s'acheva en un fracas. Celui de mon corps pénétrant l'eau. Les deux autres firent de même. Ensemble nous avions survécu, mais nous n'étions pas encore sauvés. Il nous fallait nager jusqu'à la rive Ouest de la Larina.

  Mes forces m'échappaient peu à peu mais je tenais, j'avais fait un si long chemin, je ne pouvais pas le finir ainsi. Et puis je me disais cela :

  Que peu importe le nombre de coups que je prends, je dois protéger ceux que j'aime et ne pas échouer de nouveau.