Batria, deux jours plus tard.

« Tu sais tout maintenant.

- Tu as réussi à tous les avoir ? Sans aide, avec seules armes tes poings et ta répartie ?

- Tu me connais, fis-je en buvant une gorgée de cette bière infecte que Carth a préparée.

- Justement Darvin je te connais... tu mens comme tu respires. Me dit-il en ricanant.

- Tu connaissais ces mercenaires ? Leur chef m'a dit que tu bossais pour eux.

- Ce « chauve » est Lars. Il se pensait plus malin que moi et a essayé de me dénoncer à mes créanciers. Alors je suis parti de moi-même au lieu d'attendre de me faire trancher la gorge. Je voulais que ses hommes m'aident à trouver la Lame.

- Et après c'est moi le menteur... »

Après un long silence, Carth ria de plus en plus fort, et je le suivais. Cet enfoiré m'avait manqué. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas vu un visage familier. Il me proposa de sortir un peu voir la ville, tous deux vêtus de nos capuchons et de nos capes, même si en presque quarante ans de vie, je connaissais ces rues sur le bout des doigts.

Batria...la capitale du malheur. La route était sûre mais une fois à l'intérieur on ne faisait attention qu'à sa vie. Les ruelles sombres de la nuit pouvaient causer bien des torts à ceux qui osaient s'y aventurer. J'étais arrivé il y a une heure dans la ville. Trouver Carth n'était pas une mince affaire depuis que les plus gros poissons de la ville le recherchaient pour qu'il puisse enfin payer ses dettes. Mais j'ai réussi à avoir quelques renseignements de la part de ses "collaborateurs". C'est-à-dire des gens grassement payés pour la boucler.

« Alors ? Pourquoi tu me cherches ? Ton travail n'a pas abouti à Syrios ?

- Syrios était une bonne piste mais... il n'y avait pas assez d'offres. C'est comme si les monstres, les loups et les bandits avaient décidés d'épargner les habitants. Je suis venu pour demander ton aide. Je viens pour un contrat.

- Tu vas me tuer ? dit-il d'un ton sarcastique.

- Toi non mais un homme que tu connais oui...

- Qui ça ?

- L'endroit est sûr ? Tu sais que Batria ne rigole pas.

- L'endroit est sûr. »

Il y a quelques semaines, j'étais sur la route. Cherchant des primes et des contrats près de Syrios, un village modeste mais les gens y gagnent bien leur vie. Ça marche assez bien parfois mais les contrats ne m'intéressaient guère. C'étaient surtout des emplois du genre : « Cherche chariot à louer », « Argent pour mon mariage ». Jusqu'à celui-ci « Chasseur à employer ». Ce contrat était anonyme évidemment. J'ai rendu visite à l'annonceur en rejoignant une adresse notée au dos de l'affiche qui me fit comprendre sa requête. Il habitait loin du village, presque comme un paria. Cet homme était très méticuleux. Et discret. C'était un vieillard à qui il manquait plusieurs dents. Sa barbe était longue et plusieurs couleurs s'y mélangeaient : blanc, jaune, rouge. Ce ne devait pas être une mince affaire. Je devais tuer. Rien d'anormal jusque-là pour un contrat de Chasseur. Mais la cible que je devais éliminer n'était autre que l'un des seigneurs de Batria, un des proches du Roi. La couronne n'est pas vue d'un très bon œil ces temps-ci.

J'ai donc rassemblé mes forces, demandé des renseignements, économisé assez pour soudoyer les gardes du roi et ceux de son conseiller. Tout était prêt.

J'expliquais tout ça à Carth avant de lui demander...

" Alors ? Tu viens ? "

Sa réponse ne m'étonnait pas. Une fois le prix donné, il accepta sans hésiter. Mais il fallait que je fasse appel à un vieil ami. Un elfe, proche de la cour du Roi, qui pourrait faire diversion par exemple, ou éloigner le conseiller. Ilmaris l'elfe sylvestre était indispensable pour cette mission. Nous l'avons rencontré il y a quelques années dans un bordel pas loin de la frontière avec le Royaume des elfes, Lindra. Il y cherchait des mercenaires. Il est tombé sur un Chasseur et un voleur. C'était le seul, depuis longtemps, qui ne me regardait pas avec un air grave. Il était le seul à respecter qui j'étais.

Qui je suis.