Chapitre 17 - Darvin

Haben, périphérie de Batria.

  Après plusieurs jours en direction du village, j'aperçus enfin les cabanes en bois moisi et le sol aussi fertile que de la roche propres à Haben. J'étais chez moi. Au loin, je voyais une silhouette danser, tournoyer munie d'un long bâton. Ces formes étaient celles de Nalia, plus agile que jamais, usant parfaitement de ce bout de bois long de deux mètres, au bas mot. En me voyant approcher d'elle, elle stoppa net ses gestes gracieux et fonça tête baissée vers moi. Je descendais de Tamara après l'avoir attachée à un piquet en bois pourri. L'elfe me prit dans ses bras une fois mes pieds à terre. J'étais étonné de cela, elle ne semblait pas être une sentimentale. Malgré toutes mes questions, je lui rendais l'embrassade et posa mes paumes sur son dos fin. On pouvait facilement deviner ses courbes sous son corset brun et sa chemise verte. J'avais beau essayer de lutter, je ne puis m'empêcher de lui dire qu'elle m'avait manquée. Elle plongea ses grands yeux verts dans les miens et souria, montrant l'intégralité de sa dentition. Elle regarda par dessus mon épaule, couverte de ma cape verte, et fronça les sourcils.

- Carth n'est pas avec toi ?

- J'ai dû partir plus tôt que prévu, il nous rejoindra sous peu, lui répondis-je en déchargeant mon paquetage.

  Je restais néanmoins inquiet pour Carth. Il avait beau avoir plusieurs cordes à son arc, il restait seul en terrain ennemi. Haral est un impulsif, je l'avais bien vu. Un mot de travers et c'est la corde au cou garantie. Et mon ami avait la langue bien pendue...

  J'entrais dans la petite maison après Nalia, qui m'aidait à porter le reste de mes affaires. Elle essayait tant bien que mal de garder son champ de vision libre mais les sacs, les fourreaux et les couvertures s'élevaient bien plus haut que ses yeux. Elle trébucha une ou deux fois dans les escaliers avant de finalement poser toutes les affaires sur mon lit. Je fis de même une fois arrivé dans ma chambre. Nalia se retourna brusquement vers moi et me proposa de jeter un œil à ma plaie causée par la lame elfique du garde de la prison de Lindra. C'était il y a longtemps mais l'homme qui m'a soigné disait qu'un suivi régulier m'épargnerai de tout problèmes. J'acceptai sans hésiter et retira mon pourpoint de cuir, ainsi que ma chemise. D'autres nombreuses cicatrices apparurent, vestiges d'anciennes batailles livrées à divers adversaires. Elle se tourna face à mon dos tout en frôlant mon flanc du bout de ses mains.

- Je n'avais jamais fait attention au détails de ton tatouage.

- Tu l'aimes ?

- Il est magnifique ! Tout ce travail sur les formes, les plumes qui parcourent l'arrière de tes bras, le bec qui se termine en haut de ta nuque. Je ne comprends pas pourquoi on vous hais à cause de cela.

- Si seulement c'était aussi simple, soupirais-je. Les Chasseurs sont dépréciés pour d'autres raisons...

  Elle me coupa dans ma phrase en me proposant d'aller m'installer dans un bain. C'est vrai qu'il m'en fallait un, j'empestais au point où l'on pouvait deviner l'âge, le sexe et la robe de ma monture aisément. J'acquiesçai une nouvelle fois et me levai vers la salle de bain. Je pris un baquet d'eau propre et versai le contenu dans une grande baignoire en bois. Nalia y plongea sa main et l'enflamma légèrement pour faire monter la température. Cela devait être pratique d'avoir des pouvoirs magiques. Elle détourna son regard le temps pour moi d'ôter le reste de mes vêtements. Je m'engouffrais dans l'eau chaude en lâchant un soupir de détente. L'elfe se munit d'un linge propre et le trempa dans l'eau avant de me le passer sur le dos.

- Je t'en prie, continue ton récit, me dit-elle au creux de l'oreille, tout cela m'intrigue.

- Les Chasseurs sont haïs pour d'autres raisons que leurs tatouages. Les premières leçons données aux apprentis Chasseurs sont à propos du contrôle de ses émotions. On nous apprend à paraître insensible, à abandonner toutes preuves de nos ressentis. Voilà pourquoi nous sommes traités de Sans-Cœurs. Ce qui fait un homme, ce sont ses émotions, ses ressentis mais également ses souvenirs. Des souvenirs, nous tirons des apprentissages mais là encore, il nous faut les oublier. Chose que je n'ai jamais réussi à faire. Ce qui fait un homme, ce sont ses émotions, ses ressentis mais ce qui fait un Chasseur, ce sont ses sens et son savoir de la Nature, de la Faune et de la Flore. Ce sont des besoins essentiels pour lui, ce qui le maintient en vie. Nous sommes détestés car nous abandonnons le monde des hommes pour rejoindre celui des Chasseurs.

  Nalia continuait à me frotter le dos et à me démêler les cheveux après les avoir lavés. Ses petites attentions me rendaient heureux, mais là encore, je ne le montrais pas. Elle prit ma main dans la sienne avant de me dire :

- Tu sais, une fois qu'on apprend à connaître la personne, un Chasseur n'est rien de plus qu'un homme brisé.

- Si seulement le monde réfléchissait comme toi.

Elle souriait, toute fière du compliment et posa le torchon sur une petite étagère. Elle me remercia pour temps passé avec elle et quitta la salle de bain. Je sortis difficilement de l'eau tiède et me rhabilla avec de nouveaux vêtements : une chemise blanche lacée au col, un pantalon de chasse brun et deux bottes noires qui me couvraient la jambe jusqu'à la moitié du tibia. Je sortais de la pièce avec mes affaires sales dans les mains lorsque la porte d'entrée s'ouvrit en un fracas brusque.

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