Chapitre 37
"Verba volant, scripta manent"
Les paroles s'envolent, les écrits restent
La pile administrative qui était devant moi ne désemplissait pas. Je n'arrivais pas à me concentrer sur les mots qui étaient marqués, toutes mes pensées n'étaient tournées que vers une seule et même personne, Mizuki. Déjà depuis deux jours, elle avait été admise à l'hôpital suite à de très fortes contractions, bien que cela ne faisait que huit mois qu'elle était enceinte. Yukio avait bien sûr tenu à être près d'elle tant qu'elle serait là-bas, ce que je comprenais parfaitement.
Mes ongles étaient le témoignage de mon stress, ces derniers depuis deux jours ne cessaient de se raccourcir au fur et à mesure des pauvres nouvelles que je recevais de mon amie. Dans un énième soupirement, je me levais vers la machine à café pour la dixième fois de la journée. Aussi paradoxale que cela puisse paraître, la caféine était la seule chose qui me permettait de rester calme et de ne pas rester à faire les cent pas devant l'hôpital. Le pas de ma porte passé, je pus voir quelques regards curieux de mes collègues, sûrement devaient-ils se demander ce que je trafiquotais à faire tant d'aller-retour depuis le début de la semaine. Mais aucun n'avait vraiment eu le courage de formuler cette pensée à voix haute de peur de me froisser. Il fallait dire que je m'étais construite une certaine réputation entre les altercations avec mes « collègues » ou entre mes nombreuses prises de risque lors de mes missions. Seuls les remarques des Inspecteurs Tanaka et Ueno se faisaient entendre de temps à autre mais bien moins virulentes et moins souvent qu'au début. J'étais presque persuadée maintenant qu'ils en faisaient juste pour se maintenir en forme et pour voir si je conservais mon répondant. C'était une sorte de salutation entre nous.
Le café de la machine était mauvais, et plus j'en buvais plus je me faisais ce constat. Des grains de mauvaise qualité, mal torréfiés et juste mélangés avec de l'eau du robinet. Mais l'odeur de chaussette qu'il dégageait était réconfortante et permettait d'oublier l'espace d'un instant mes soucis. L'inspecteur Tsukauchi avait souri quand il m'avait vu me servir plusieurs tasses à la suite.
- Ce jus de chaussette est bu par les meilleurs inspecteurs du service. Je savais que vous ne tarderez pas à vous aussi le consommer, avait-il plaisanté avant de s'en aller un léger sourire aux lèvres.
Je repensais souvent à cette phrase. J'étais maintenant considérée par tous comme un « bon » inspecteur. Une personne à qui on pouvait faire confiance et qui représentait dignement la police au Japon.
La première gorgée me brûla quelque peu la langue et me fis légèrement grimacer, cependant je ne parvins pas à m'habituer puisque mon téléphone sonna. Sans même prendre la peine de regarder qui m'appelait, je décrochais directement.
- Inspecteur, renifla en pleurs mon assistant, ça y est... le bébé est arrivé.
Le temps sembla s'arrêter l'espace d'une seconde, tandis que l'information était assimilée par mon cerveau. Un bébé, Mizuki et Yukio parents, deux personnes au comble du bonheur. J'étais fière, tellement fière d'eux.
- J'arrive, dis-je tandis que des larmes d'émotion menacèrent de couler sur mon visage.
L'odeur de javel et des médicaments agressèrent mon odorat dès l'entrée. Je détestais cette senteur, me rappelant continuellement de mauvais souvenirs, mais aujourd'hui, j'étais presque heureuse d'être ici. La dame à l'accueil avait pris peur à mon arrivée et m'avait bafouillé à mi mot le numéro de chambre de mon amie, sûrement interloquée par mon look, celui d'une jeune femme transpirante et haletante après sa longue course et des cernes aussi noires que la couleur de ses cheveux. Je pris quand même le temps de la remercier poliment avant de reprendre ma course effrénée.
- Inspecteur, voulez-vous un verre d'eau ?
En haut des escaliers, je levais mon regard vers la voix que j'entendais quasiment quotidiennement. Yukio me tendait un verre d'eau comme s'il m'attendait tranquillement depuis son coup de fil. Ses yeux étaient rougis et des traces de larmes étaient encore présentes sur ses joues.
- Mizuki m'a dit de vous attendre avec un verre d'eau. Elle semblait savoir que vous alliez venir ici en courant.... Me raconta-t-il tout simplement.
- Comment vont-ils ? demandais-je comme s'il n'y avait plus que ça qui comptait.
Un grand sourire apparut sur les lèvres du nouveau père et ses yeux se mirent à briller d'amour.
- Ils vont bien. Tous les deux sont en pleine forme.
Son expression me soulagea d'un coup et je pris le verre d'eau tendu depuis tout ce temps avant de le boire d'une traite. Une fois fait, et sans attendre plus longtemps je me dirigeais vers la chambre de mon amie.
Cette dernière, couchée sur son lit, regardait les informations. La voix du présentateur exposait les nouvelles du monde entier brisant ainsi quelques peu les divers bruits du couloir.
« Après la mort de Cynthia Polizzi, il y a deux mois, son héritière Sixtine Polizzi ne cesse d'avoir tous les regards tournés vers elle. Après avoir renégocier une partie de la redistribution de céréales produite en France, la voilà en train de construire une nouvelle usine de fabrication au Japon. Ou cette jeune femme s'arrêtera ? Arrivera-t-elle à dépasser l'empire qu'avait créé sa grand-mère ? »
- Bien sûr qu'elle va réussir. Notre grand-mère serait capable de revenir d'entre les morts si elle commettait la moindre erreur. Plaisantais-je pour couper le visionnage de Mizuki.
Cette dernière me regarda surprise avant de me sourire.
- J'avais parié à Yukio que tu serais arrivée avant nos familles, on dirait que j'ai gagné.
- Comment te sens-tu ?
- Bizarrement je vais très bien. Tout s'est très bien passé, on m'a remis il y a une heure dans la chambre avec la petite, dirigea-t-elle amoureusement son regard vers le berceau de l'autre côté de son lit.
C'était intriguée que je m'y dirigeais à petits pas, je ne voulais pas faire plus de bruit que ce que j'en avais déjà fait. Au fur et à mesure, je pouvais distinguer une forme emmitouflée dans des couvertures, juste la tête dépassant du paquetage. Les yeux toujours fermés et aucun cheveu sur la tête, le bébé dormait tranquillement, pas le moindre du monde dérangé par les sons autour de lui. Il semblait si calme, si serein.
- Prends le dans tes bras, Kuro, m'invita mon amie.
Je tendis les bras vers le petit être avant de le sentir remuer contre mes mains.
- N'aies pas peur.
Alors je l'attrapais timidement avant de le porter et de le coller contre mon torse, repositionnant mes mains pour en mettre une sous la tête et l'autre sous ses fesses, avant de l'observer attentivement.
Il était encore tout fripé, pas très beau à voir, mais l'innocence qu'il dégageait était magnifique et me coupait la voix. Un son de surprise qui sortit de la bouche de Mizuki me ramena à la réalité. Elle et Yukio regardaient derrière moi, une expression de surprise et d'amusement sur le visage. Le bébé toujours dans les bras, je me retournais délicatement pour voir ce qui se passait.
Le visage collé à la fenêtre et les ailes intégralement déployées, le héros numéro deux nous observait. Son expression était indéchiffrable puisque totalement déformée par la grimace que provoquait la vitre mais une lueur brillait au fond de ses yeux. Pour ne pas le laisser trop longtemps dehors, Yukio se dépêcha de lui ouvrir la fenêtre et de l'inviter à entrer dans la petite chambre d'hôpital.
- Félicitations aux nouveaux parents. C'est un charmant bébé que voilà ! prononça-t-il tout guilleret avant de se retourner vers moi. Quant à toi, tu peux m'expliquer pourquoi tu ne m'as pas prévenu ? Tu aurais pu m'appeler dès que tu as eu la nouvelle ?
- J'avais des choses plus importantes à penser que de t'appeler. Et puis regarde, tu es là finalement.
- Seulement grâce à Yukio qui a bien voulu m'appeler. Franchement, et moi qui pensais être le centre de ton monde, m'en voilà bien triste.
- Ce n'est pas de ma faute si tu te fais des illusions tout seul. Mon monde n'a pas de centre, tu devrais le savoir depuis le temps.
Alors que Keigo allait surenchérir un petit couinement suivi de pleurs nous coupa dans notre dispute et nous fit paniquer.
- Hors de la chambre, tous les deux ! Avec vos bêtises vous l'avez réveillé ! Allez zou, je vous rappellerai quand je serai certaine que vous vous serez calmés. Nous disputa Mizuki tandis que ce pauvre Yukio récupérait son enfant de mes bras.
Sans même que nous ayons le moindre mot à dire nous nous étions retrouvés dans le couloir, la porte de la chambre maintenant fermée, entendant juste des pleurs qui s'en échappaient.
- Tu veux qu'on aille boire un café ? me proposa mon compagnon.
- Je ne vais pas pouvoir venir, j'ai encore beaucoup de papiers à trier comme je n'ai pas pu avancer depuis deux jours.
Le héros hocha la tête avant de continuer :
- Je te raccompagne au bureau. J'ai dit à Tsukoyomi que c'était important donc si je rentre maintenant il se moquera de moi.
Un soupir suivi de quelques rires s'échappa de ma bouche. Son stagiaire était sûrement une des personnes les plus patientes que je connaissais et je le plaignais quelque peu d'avoir Hawks comme tuteur.
Le héros volant à mes côtés parlant de tout et de rien, et tandis que je répondais de temps à autre, perdu dans mes pensées, nous rentrions vers l'immeuble principal de la police. J'avais l'impression d'avoir oublié quelque chose d'important mais je ne savais pas quoi. Cette impression m'était venue au moment où j'étais sortie de l'hôpital et depuis cette impression ne me quittait plus.
- Kuro ? Quelque chose ne va pas ?
- Que viens-tu de dire ?
- Kuro ? Quelque chose ne va pas ? s'inquiéta mon compagnon.
J'avais bizarrement bloqué sur la phrase avant de comprendre ce qui me chiffonnait depuis le début.
- On a oublié de demander le prénom du bébé....
Dès que nous nous étions rendus compte de notre erreur, nous avions appelé ce pauvre Yukio en boucle jusqu'à ce qu'il daigne nous répondre sur le nom du nouveau-né.
Inochi
La vie
Un prénom magnifique qui portait un message d'amour. Je ne doutais pas un instant que cette jeune fille ferait briller la vie de ceux qui la côtoieront.
Le reste de la journée s'était passé sans aucun problème et j'avais enfin pu descendre de quelques centimètres la pile de dossiers qui jonchait mon bureau. De nombreux vilains se cachaient encore et restaient à attraper, des problèmes mineurs de pertes d'objet, de chat coincé ou des plaintes de victimes à prendre et à transférer aux héros compétents pour les traiter, tout cela constituait mon quotidien et cela me convenait très bien. J'adorais mon travail et je me sentais m'épanouir dedans.
A mon retour dans mon appartement, Keigo m'attendait déjà. Il avait décidé d'élire cet endroit en tant que son domicile principal. « C'est plus grand et plus spacieux », avait-il argumenté tandis que je râlais pour la forme de sa énième visite surprise. Il regardait un vieil épisode de la série « Gang Orca contre les vilains » allongé sur le canapé, lui qui s'était tant moqué de moi était maintenant accro. Après un léger baiser sur ses lèvres, je m'allongeais à ses côtés pour moi aussi me plonger dans la scène d'attaque des choux-marins lancée par le docteur Phoque.
- Kuro ?
- Mmh ?
- Je repense à cet après-midi, au bébé de Mizuki et de Yukio.
- Ah Inochi ? C'est vrai qu'elle était très mignonne. Je pense qu'on pourra la revoir dès que Mizuki sortira de l'hôpital.
- Non je pensais plutôt au moment où je l'ai vu dans tes bras. Tu semblais si heureuse, si épanouie, si...belle. (Il avait hésité sur le dernier adjectif qu'il avait employé). Du coup toutl'après-midi je ne cessais de m'imaginer quelque chose. Le ton de sa voix ne cessait de diminuer au fur et à mesure de sa phrase, perdant de son éternel aplomb.
- Qu'est ce que tu as imaginé ? Une part de moi savait d'avance ce qu'il avait pu penser ayant également eu des bribes d'imagination cet après-midi, mais je voulais l'entendre prononcer ses mots.
- Toi, moi et un bébé, notre bébé.
Un long silence seulement coupé par le bruit de la télé s'installa avant que je ne reprenne la parole.
- C'est vrai que je te vois bien en papa poule.
Keigo riait doucement avant de me prendre dans ses bras et de souffler au creux de mon oreille.
- Je t'aime Kuro Nekota.
- Je t'aime Keigo Takami.
L'écran devant nous montrait la fin de l'épisode. Gang Orca victorieux du méchant, levant le poing en l'air pour montrer toute l'étendue de sa force et la satisfaction de sa victoire.
xxx
Oof ! Je suis si mélancolique en voyant tout le chemin qu'on parcouru Kuro et Keigo...
J'espère que ce chapitre vous aura plu ! L'épilogue sortira dans 2 semaines pour ne pas créer trop d'attente !!
Merci mille fois à ceux qui sont arrivés jusqu'à ce chapitre et pour tout le bonheur apporté !
Voici même un dessin de Kuro fait par la toute mignonne ellamatyas
Merci beaucoup pour ce beau dessin <3
Avant de vous quitter, j'ai sortie deux nouvel OS (un Livai x reader et un Hawks x Dabi). N'hésitez pas à y faire un tour si le cœur vous en dit.
A très bientôt~
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