VENDREDI 20 / 10 HEURES
Elle entendit son colocataire avant même de le voir apparaître. Il avait le pas lourd, et baissait la poignée de sa chambre de manière bourrue. En plus, il s'était mouché dans le couloir, offrant à l'appartement un concert de cuivre de bon matin. Il avait une sale tête dans l'encadrement, les yeux bouffis, l'air hagard, la bouche à moitié-ouverte pour mieux respirer. Ninon sourit avec discrétion, se moquant un peu. Elle s'était levé aux aurores pour jouer. Elle avait un personnage tout mignon et une île reposante. Tom Nook lui demandait déjà de l'argent.
─ Ça va mieux ? demanda-t-elle à Louis.
Il se moucha de nouveau pour seule réponse. Elle avait fait du café, alors il s'en servit une belle tasse. Il ne mangeait plus le matin, elle l'avait remarqué. Et mine de rien, ses quelques jours à la diète l'avaient bien émacié. Ses pommettes et sa mâchoire étaient plus saillantes, ses joues et les poches sous ses yeux creuses. Il toussa comme un fumeur au lever du lit, et parvint à articuler d'une voix rocailleuse.
─ Plus trop de fièvre, mais je crois que j'ai chopé un rhume dans la nuit.
─ Ah, bah tiens !
─ Oh, c'est bon, hein. Ça a fait du bien, quand même.
Ninon opina. Le souvenir de leur escapade devenait déjà flou, enveloppé dans sa mémoire d'un brouillard rêveur. En se réveillant, elle avait même eu le sentiment que ce n'était pas arrivé, qu'elle avait vécu l'aventure dans le confort de son lit. La nuit passée était épaisse, sombre, voluptueuse. On aurait dit un de ses souvenirs de jeunesse qui refaisaient soudain surface. On ne savait plus trop comment ça s'était passé, mais on retenait l'ambiance, les émotions, les sensations. Ça faisait le même effet. Elle n'avait plus conscience de ce qui s'était dit, mais elle se rappelait de l'effet apaisant de leurs confidences.
Louis s'installa dans le canapé, et piqua son plaid laissé sur l'accoudoir. Ninon le scruta du coin de l'œil. Elle n'aimait pas trop ça, elle devrait le passer en machine. Mais elle retint son commentaire, complaisante. Il était malade. Puis, le plaid était sale, de toute manière. Il sirotait son café, l'œil attiré par le personnage sur l'écran, qui longeait les rivières à la recherche de poissons.
─ Tu t'es quand même vite remis, remarqua Ninon. T'as été vraiment malade quoi, deux, trois jours.
─ J'ai un bon système immunitaire.
─ Ce doit être grâce à tous les nitrites que tu ne manges pas.
Il rit, avec son nez bouché, c'était moins cristallin, plus brut de décoffrage.
─ Ça doit être pour ça.
─ Tu veux refaire un jeu ? proposa Ninon.
Il parut surpris, et haussa les épaules.
─ Tu veux pas continuer avec ton bonhomme, là ? dit-il en désignant l'écran. Les couleurs sont bien, ça détend.
─ J'y suis depuis 8 heures, je voudrais un peu limiter mon temps d'écran.
─ Oh, OK. Tu veux faire quoi ?
─ J'ai un Monopoly dans ma chambre.
Louis acquiesça, et Ninon éteignit la télévision avant de se lever. Elle allait s'engouffrer dans le couloir quand il l'interpella :
─ Ça te dérange que je prenne le plaid ?
─ Un peu, avoua-t-elle.
─ Désolé.
─ C'est bon, pas grave.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top