VENDREDI 10 / 12 HEURES
Lola appelait ça la houle, pour désigner ces relations amoureuses qui n'aboutissaient jamais.
Ces rendez-vous Tinder sans suite, alors qu'on était persuadé que la personne était l'amour de notre vie après des nuits à discuter. Ces amis de longue date avec qui la situation avait toujours été ambiguë, sans que l'un ou l'autre n'ose faire le premier pas sans ; le lycée se terminait, on se perdait de vue, ne restaient que les bons souvenirs et les questions : « Et si on avait dit ce que l'on ressentait ? ». Ces baisers échangés dans une soirée trop arrosée qui ne signifiaient plus rien le lendemain ; le temps passait, on ne se reparlait plus jamais.
Toutes ces histoires qui avaient un commencement, une fin, mais rien entre les deux.
C'était la houle. Ce mouvement balancier, agité mais régulier, qui n'éclatait jamais. La houle, ce n'était pas la vague. Cela pouvait y mener, mais pas tout le temps. La houle, c'était la danse de deux individus, qui se tournaient autour sans se mouiller, avec les hauts, les bas, mais pas de pics. La houle, c'était toutes ces sentimentalités qu'on entretenait au fond de nous, ces affections qu'on ne rendait pas et ces films qu'on tournait dans notre esprit avec l'espoir qu'ils se réalisent un jour. Mais ils ne se réalisaient pas, c'était la caractéristique de la houle. Le mouvement se devait de rester balancier, agité mais régulier, jusqu'à ce que le beau temps revienne, que la mer se calme et que la menace de la tempête s'estompe. Alors, dans la vraie vie, les gens passaient à autre chose, sortaient au soleil, et finissait par ne plus se rappeler à quoi ressemblait la houle, avant qu'il ne la croise à nouveau.
Lola appelait ça la houle. Ces belles histoires mortes dans l'œuf, avortées on ne savait pas pourquoi. Le destin, le manque de volonté, la faute à pas de chance. Lola avait de belles métaphores, peut-être aussi car elle était ridiculement malheureuse en amour, et que des houles, elle en avait connues par centaines.
Ninon avait été une houle, une de plus sur la longue liste des déboires de Louis. Pourtant, au moment où il était avec elle, il était persuadé que tout serait différent. Ce ne l'était pas, et c'était le plus difficile avec les houles. Quand on était à l'intérieur, on ne se rendait pas compte que de loin, le mouvement était inoffensif, on était persuadé d'être dans le cœur de la tempête. Ce n'était qu'une fois la houle apaisée que l'on réalisait que ce n'était pas si terrible qu'on l'avait cru. Alors, il fallait faire le deuil de notre peur irrationnelle, et de la personne avec qui il ne s'était jamais rien passé. C'était le pire genre de rupture, d'avoir le cœur brisé par quelqu'un qui ne comptait même pas prendre votre cœur au départ.
Louis s'en était remis, comme toutes les houles. Mais parfois, la nuit dans son lit quand il ne parvenait pas à dormir, il y repensait. Et si les choses avaient différentes ? Si Ninon n'était pas rentré ? S'il avait un peu forcé pour entretenir la relation ? S'il lui avait proposé de se revoir ? Il ne saurait jamais. On ne saura jamais comment l'histoire aurait pu se terminer. Tout ce qu'il restait, c'était apprendre à vivre avec.
C'était comme ça que la houle fonctionnait. Elle remuait, elle vous faisait craindre pour votre avenir, pour votre futur, et elle se calmait. Ne restaient alors que les souvenirs dans le creux de votre ventre, et cet affreux sentiment de « Tout ça pour ça ».
fin.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top