MERCREDI 25 / 17 HEURES


Louis sortait pour la première fois depuis... mince, il ne s'en souvenait même plus. Ce n'était pas une longue promenade, c'était juste histoire de se dégourdir les jambes. Il avait proposé à Ninon de l'accompagner, mais elle avait refusé, traumatisée par son amende.

Le monde lui semblait nouveau, il redécouvrait la ville pendant les beaux jours, le ciel bleu radiant et les pavés colorés au sol. Il y avait du monde, tout de même. Plus que ce qu'il n'aurait cru. Beaucoup de joggeurs, et des parents qui promenaient des poussettes. Les gens gardaient leurs distances, changeant de trottoir en croisant quelqu'un et tournant la tête s'ils devaient passer à côté. Louis avait mis un masque, au cas où, et dans n'importe quelle autre situation, il se serait senti bête, mais là, c'était l'inverse. Il était puissant. Ceux qui en portaient un lui adressait un regard entendu, et ceux qui n'en avaient pas se demandaient où il se l'était procuré. Étrange comment un minuscule virus pouvait avoir autant d'impact sur le monde, et la manière dont il tournait.

Louis fit le tour du quartier, passa devant une multitude de boutiques fermées, devant la supérette et la pharmacie où les gens attendaient à l'extérieur avec discipline, gardant plus du mètre recommandé entre. On n'est jamais trop prudent. Là, encore, c'était inimaginable de voir les gens si dociles, eux qui d'habitude poussaient dans les files d'attente et grattaient chaque centimètre sur le tapis roulant à la caisse. On assistait à une révolution des normes sociales, et Louis se demandait, après, quand tout reviendrait à la normale... que resterait-il ?

Il remonta à l'appartement, et s'attendait à trouver Ninon en train de jouer à la console. Plutôt, elle lui sauta dessus dès qu'il abaissa la poignée.

─ Est-ce que tu as du linge sale ?

Louis eut la mauvaise impression d'entendre sa mère, il bégaya un pourquoi, Ninon expliqua :

─ Je veux faire une lessive mais comme je n'ai que mes pyjamas à laver, il n'y a pas assez pour remplir la machine. Alors est-ce que toi tu as aussi des pyjamas à laver ?

Il acquiesça, et se retira dans sa chambre pour ramasser les quelques vêtements éparpillés au sol, un malaise lui tenaillant le ventre. C'était bête, mais parfois, il regrettait d'être en colocation avec elle, car il n'y avait plus de mystère. Les moments quotidiens ennuyants étaient routiniers, et donnaient l'impression qu'ils étaient un vieux couple. Ah ! Pourquoi pensait-il ça ? N'importe quoi ! En plus, quelques auparavant, il se réjouissait de cette banalité de leur relation, ça donnait encore plus de valeur à leurs interactions. Puis, Ninon n'était pas intéressée, il avait retenu la leçon. Alors pourquoi son esprit continuait de se poser des questions ?

Tout de même, il n'aimait pas trop le ton maternel qu'elle avait adopté... Sans savoir pourquoi, par ailleurs.

Il la rejoignit dans la salle de bain, où elle enfonçait de manière bourrue son linge sale dans la machine. Louis n'avait toujours pas retiré son masque, un coup d'œil dans le miroir le lui rappelant. Il l'ôta avant de le jeter dans la poubelle, c'était le dernier.

─ C'était bien ? demanda Ninon.

─ C'était sympa. Tu aurais dû venir.

Elle ne rétorqua pas à sa remarque, en revanche, elle lui demanda :

─ File ton linge.

─ Non, c'est bon, lui assura-t-il, je vais le faire.

─ Pourquoi ? Tu as des caleçons à motifs que tu ne veux pas me montrer ? J'en ai vu d'autres.

─ Tu as vu d'autres de mes caleçons à motifs ?

Elle roula les yeux dans un sourire, elle le faisait tellement que Louis pouvait se le figurer même quand elle n'était pas loin. Il aimait bien ce tic, cette mimique qui exprimait un sentiment bien précis : « T'es bête, mais t'es drôle ». Il poussa Ninon gentiment pour mettre sa grosse boule de linge sale dans le tambour. Un caleçon lui tomba des mains, c'était un caleçon à motifs, avec des sucettes de toutes les couleurs. Les yeux de Ninon se posèrent sur le sous-vêtement, mais elle se garda de tout commentaire, Louis se sentit obligé de se justifier.

─ C'est un caleçon de pyjama, c'est comme les culottes de règles pour les meufs.

─ J'ai rien dit, affirma Ninon.

─ Tu m'as jugé si fort dans ta tête que je l'ai entendu.

─ J'ai rien dit.

Il s'empressa de mettre le caleçon échoué dans la machine, et claqua le hublot, avant de se hisser pour prendre la lessive perchée sur une étagère.

─ Comment tu sais pour les culottes de règles ? s'enquit Ninon.

─ Vous êtes au courant que nous, les mecs, on n'est pas si débiles que vous le pensez.

─ Quand même un peu.

─ Allez, c'est bon, s'agaça-t-il faussement. Dégage.

Ninon ne bougeait pas, alors il la poussa de nouveau pour la faire sortir de la salle de bain, elle résista un peu en riant, mais finit par se laisser faire et disparut. Pendant qu'il versait le liquide dans le compartiment de la machine, Louis se surprit à rougir. Depuis peu, il avait remarqué qu'elle acceptait mieux les contacts physiques. Le massage des mains, lundi, et la confiance qu'elle lui avait accordée la veille dans la cave.

Ce n'était pas bon, car Louis avait fini par se convaincre que c'était mort avec sa colocataire, qu'elle n'envisagerait jamais rien de plus. Mais il avait des doutes à présent. Avec n'importe quelle autre fille, il n'en aurait rien pensé. Rien de plus insignifiant que de se taquiner en se poussant ou de prendre la main de l'autre. Bon... En fait, peut-être que si, même avec les autres filles, c'était déjà révélateur. Mais avec Ninon, encore plus ! Elle ne se badigeonnait plus de gel dès qu'il l'effleurait sans faire exprès, et Louis était sûr que ça n'avait pas juste à voir avec le fait qu'il n'était plus malade. Elle lui faisait plus confiance, elle n'avait plus peur de le toucher.

Ce n'était pas bon, ça ne l'aidait pas à passer à autre chose. Pire, ça le questionnait encore plus. 

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