VII. Pluie d'espoir
Je me sentais vite coincée, avec mon bras raide, et de plus en plus souvent l'envie de me mettre dans le jardin, ou de marcher à l'extérieur me prenait. Aujourd'hui, il pleuvait, mais cela ne me dérangeait pas : j'aimais la pluie car elle absorbait ce qui me restait de tristesse en pleurant à ma place. En déambulant dans une allée bordée de saules, je mis mes écouteurs et commençai à marcher, ou plutôt sautiller au rythme de la musique. Depuis un moment, je passais en boucle les deux derniers albums de Bring Me The Horizon, That's The Spirit et Sempiternal. J'étais devenue raide dingue de ces opus, qui évoquaient exactement l'état dans lequel j'étais. J'avais l'impression de m'identifier à chacune de leurs chansons.
Les branches ainsi que les feuilles des saules filtraient l'averse, qui faisait remonter un arôme de terre dans l'air. Je n'étais que très peu mouillée par la pluie. À la fin de la chanson, j'avais tellement tourbillonné que ma tête tournait, alors je m'arrêtai face à la pluie, et regardai les nuages. Une goutte d'eau tomba au coin de mon œil, comme une larme du ciel sur ma peau.
Je souris. Au lieu de me morfondre sur mon état, je préférais le chanter au ciel gris, pour faire comprendre au destin que même s'il m'avait mis des bâtons dans les roues, je pouvais continuer à avancer.
Avec un sourire encore plus large, je battis la mesure de la chanson suivante, And The Snake Start To Sing. Je me surpris à aimer chanter à pleine voix, pour moi ou pour personne. J'aimais sentir mes cordes vocales vibrer au passage de l'air dans ma gorge. J'aimais chanter mon désespoir, ma haine, mais aussi mon amour et mon bonheur jusqu'à ne plus avoir de voix. Cela m'enlevait un poids, et desserrait la boule de nerfs nichée dans mon ventre.
Les paroles de la chanson prenaient tout leur sens désormais. Oui, j'avais perdu une partie de moi. Oui, mon âme de harpiste était désormais morte. Mais tout cela n'était qu'une étape à surmonter pour aller de l'avant, et découvrir un nouvel aspect de la musique. Le classique avait une fragrance particulière, et le rock un autre. C'était désormais cette dernière qui me réchauffait le cœur, c'était celle dans laquelle je me réfugiais.
Pendant une bonne demi-heure, je chantai encore et encore, jusqu'à être tellement trempée que m'égosiller ne me réchauffait plus. Je revins sous les saules, m'essorai les cheveux, et me dirigeai sur le chemin de ma maison. Le temps avait décidé de me mettre des bâtons dans les roues, car un véritable déluge mêlé à de la grêle s'abattit sur la petite ville dans laquelle je vivais. Même à travers les arbres, je m'en prenais plein la figure, alors je décidai de me réfugier dans le café-concert bordant l'allée.
J'appréciais cet endroit pour plusieurs raisons : on y faisait d'excellents chocolats chauds, et de nombreux musiciens cherchant à se faire connaître se produisaient ici. C'était agréable de découvrir sans cesse de nouveaux talents, de nouveaux styles, de nouvelles voix.
Je m'installai à une table avec une bonne vue sur la petite scène, et commandai un chocolat, avant de reporter mon attention sur le groupe qui jouait : quatre garçons qui devaient avoir une bonne vingtaine d'années. Leur musique était splendide, exactement du genre que j'écouterais tous les jours, mais manquait cruellement de paroles. Il y avait un batteur, un pianiste, et deux guitaristes, mais aucun n'était au micro.
En buvant mon chocolat qu'un serveur avait déposé à ma table, je sortis un stylo ainsi qu'un carnet que je gardais toujours dans ma poche, et commençai à griffonner des mots sur leur musique.
Une heure plus tard, ils descendirent de scène, et je rassemblai mes affaires, allai payer ma consommation, et demandai au barman si le groupe reviendrait jouer. Il me répondit que oui, tous les soirs, pendant deux semaines.
Je revins ainsi tous les soirs, vers dix-huit heures, et améliorai mes textes, les retravaillai, et essayai même de les chanter tout bas pour voir s'ils collaient bien avec la mélodie. Ce soir, la salle du café était vide, j'étais la seule à écouter leur musique qui me fascinait plus que je ne voulais l'admettre.
Le groupe descendit de scène, et s'approcha de ma table.
« Qu'est-ce que tu écris ? »
Surprise qu'ils aient prêté attention à ce que je faisais, j'hésitai, avant de répondre.
« Des paroles pour vos morceaux.
– Je peux voir ? »
Un des guitaristes lut les mots que j'avais assemblés, puis montra mon carnet aux autres membres de son groupe. Ils discutèrent quelques minutes, tandis que j'attendais, nerveuse, avant qu'ils se tournent tous les quatre vers moi.
« C'est génial ce que tu as écrit ! reprit le guitariste qui m'avait abordée. Il faudrait qu'on t'entende chanter avant, bien sûr, mais voudrais-tu rejoindre notre groupe, Nightspleen ? »
La musique ne m'avait peut-être pas tourné le dos, finalement...
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