1er Décembre - Chapitre 1
Aujourd'hui, 1er décembre, nous inaugurons notre Guirlande de l'Avent avec un premier texte écrit par Weacko
Installez-vous, prenez une tasse de chocolat chaud et quelques petits gâteaux, et laissez vous entraîner par sa plume.
Raphaël n'aimait pas Noël.
Le jeune homme se renfrogna dans son long manteau noir et recula de quelques pas, afin que l'abri de bus le protège de la pluie. La pluie, elle, semblait adorer Noël. Elle était arrivée ce matin, autour de cinq heures, alors que l'étudiant sortait de chez lui - un appartement mal isolé et maladroitement arrangé dans un quartier mal famé du centre-ville.
Il n'était pas dérangé par la pluie. Ce qui dérange les gens avec la pluie, ce sont deux choses: elle les trempe, et elle les refroidit. Lui s'embarrassait d'un long manteau qui, bien que perméable, était assez épais pour garder les couches subjacentes sèches, et pour ce qui est du froid... Et bien le froid et lui cohabitaient même à l'intérieur de son habitat.
Il entamait sa quatrième année de douches froides et de repas à base de ce qu'il pouvait trouver sur le chemin du retour de la faculté.
"Ce qu'il pouvait trouver sur le chemin" comprenait en réalité à peu près toute chose comestible qu'il pouvait dérober et cacher dans ses longues manches, dans son ample manteau truffé de poches intérieures qu'il avait lui-même cousues, ou dans sa discrète sacoche de cuir sombre - qu'il avait d'ailleurs volée aussi.
Les remords étaient le plus gros de ses obstacles, lors des premiers mois de précarité. Il n'avait jamais enfreint la loi auparavant, et ses parents lui avaient toujours appris à "ne jamais faire subir à autrui ce que l'on n'aimerait pas subir soi-même". Il s'était toujours tenu à ses principes, sans jamais déborder. Ça lui avait d'abord coûté d'être affublé de toutes sortes de surnoms moqueurs, lors du collège puis du lycée : "le sage", "le noble" ; "le gentil" puis "le rabat-joie", "l'idiot" ; mais aussi, de se faire trop peu d'amis, toujours freiné par son excessive retenue.
Son entrée en faculté de physique arriva en même temps que la mort de ses parents. Tués comme on tue tant d'être humains : un accident de voiture. Quelque chose de banal. Pas de caméra ou de journaliste pour commenter le tout, juste une notice dans le journal local et des arrière-grand-oncles qui viennent sonner à une porte - qui n'était plus vraiment la sienne - pour présenter des excuses, dont le contenu différait rarement de l'habituel "On est désolés. Si on peut faire quelque chose pour toi..."
Le véritable problème ne résidait pas réellement dans les pseudo-condoléances de cousins éloignés. Non, le véritable problème était que, Raphaël étant majeur, il devait assumer la charge de l'héritage de ses parents, seul. Beaucoup l'avait envié, en se remémorant la grande maison qui l'avait vu grandir, enfant unique et adoré. Beaucoup moins se doutait qu'il devait s'acquitter de la moitié de la valeur de tous les biens de ses parents, avant de pouvoir en toucher quoi que ce soit.
Et ainsi, il vendu la grande maison, que sa famille avait acheté il y a des siècles, et la confortable voiture familiale que son père chérissait, pendant son peu de temps libre. Il emporta une photo de lui et son père, en train de construire un château de sable, et une autre de ses deux parents, riant devant un plat exotique, lors d'un de leurs voyages en Asie, avant sa naissance. Il envoya le reste aux enchères, s'acquitta de la plus grande partie de sa dette, et loua le minuscule studio miteux dans lequel il vivait actuellement.
Le bus crachota une dense fumée noire, en s'arrêtant en un vrombissement devant lui. Les autres personnes sous l'abri s'empressèrent d'y monter, grimaçant d'avoir à passer une seconde sous la pluie, mais impatients de retrouver leurs familles pour le réveillon de ce soir. Raphaël leur emboîta le pas, sans grimacer, sans impatience. Il subtilisa, avec agilité et finesse, le portefeuille qui dépassait de la poche d'une jeune femme devant lui, avant de s'asseoir au fond du bus.
Les remords étaient le plus gros de ses obstacles, lors des premiers mois de précarité. Ils n'en étaient plus un. Il volait pour vivre, pour manger à sa faim. Il était, en quelque sorte, son propre Robin des Bois. Un Oliver Twist en faculté de physique, un hors-la-loi qu'on n'oserait jamais accuser.
Le bus se remit en marche en tremblotant.
Raphaël n'aimait pas Noël.
A suivre... le 2 décembre !
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