21 décembre

Il ne reste plus que quelques jours avant Noël, et pour ce jour du solstice d'hiver, c'est le tour de Perlemu  de poursuivre l'histoire ! Bonne lecture !

La voix de Skygge me perce les tympans, s’insère dans mon esprit et me surprend à me vriller le cerveau. Ma tête tourne et je me sens chuter dans la neige dense, d’abord à genoux, puis de tout mon long.

— Oublier…

Mes mains sur mes oreilles, j’essaye d’échapper à son emprise, sans succès.

— Tu as oublié, Elena !

— Non ! hurlé-je.

Je reprends ma respiration et l’air froid entre par ma gorge, je me sens suffoquer une fois encore. Une ombre s’abat sur mes yeux…

— Tu as oublié, Elena ! déclare le tendre baryton d’Adam.

La surprise me redresse la tête. Skygge, la neige, le pôle nord, tout a disparu au profit d’un salon en bois lustré, d’un feu de cheminée agréable et d’une décoration de Noël blanche et bleue magnifique. Au sol, un tapis blanc cotonneux me rappelle d’où je viens. Mais cette ambiance n’est rien à côté du visage souriant de mon petit-ami qui me regarde avec amour.

— Elena, tu vas bien, chérie ? s’inquiète-t-il.

— Où sommes-nous ? murmurent mes lèvres malgré moi.

    Bien sûr, la question m’échappe, mes pensées s’imaginent déjà victime de Skygge. Quelle odieuse torture que celle-là ! Me faire apercevoir un futur pareil, qui semble m’échapper un peu plus à chaque instant !

— Laisse tomber, tu n’es pas réel ! Rien ici ne l’est ! Inutile de me leurrer, Skygge, je sais que c’est toi ! crié-je à plein poumons.

— Cette blague n’est pas drôle, chérie, réplique Adam, pâle comme la mort.

    Mon regard furieux se fixe dans le sien, toujours aussi magnifique et franc. Il ressemble tellement à celui que j’aime que cette vision me fait mal ! Et je n’en déteste cette ombre que davantage…

— Arrête ça tout de suite, Skygge ! m’époumoné-je.

    Je suffoque à moitié après ce coup d’éclat, juste assez pour sentir l’air glacial et me conforter dans l’idée qu’il ne s’agit que d’une illusion. Au même instant, je sens un liquide chaud glisser dans ma gorge malgré moi. Et tout se mélange…

    Adam me force à boire quelque chose…

    Skygge qui disparaît…

    Apolline penchée sur moi…

    Caleb aussi…

Tout mon corps groggy par le froid se réveille et la douleur me fait hurler. Je sens juste mes amis à mes côtés, sans parvenir à comprendre leurs paroles. Il me faut un long moment pour émerger de mon cauchemar.

— Tout va bien, c’est fini, déclare Caleb d’un ton rassurant.

— Il faut que tu émerges, Elena, allez, souviens-toi de notre mission ! plaide Apolline de son côté.

Mes mains engourdies essayent tant bien que mal de se lever afin de rejoindre les leurs, sans succès. Mes bras sont aussi lourd que des troncs d’arbres morts. Heureusement, ils comprennent tous deux mon gestes et viennent me réchauffer les doigts.

— Ne force pas, nous t’avions cru perdue !

— A … Adam…

Ma voix rocailleuse ne ressemble à rien, leur silence m’inquiète. Je parviens à les observer tous les deux et ils s’échangent un regard lourd de sous-entendus. Après un long moment rempli d’incertitudes, le blond finit par me répondre, mal assuré :

— Non, Elena, c’est Skygge qui t’a capturée…

— Non… Adam… Je l’ai vu…

Qu’importe qu’il s’agisse de l’illusion de Skygge, mon coeur était gonflé d’espoir après l’avoir contemplé. Je voulais tellement y croire ! Espérer qu’il aille bien, quelque part…

— Elle délire encore ? murmure Apolline.

— Non, mais nous ne savons pas ce qu’il lui a fait, réplique Caleb d’un ton inquiet.

Peu à peu, je reprends conscience de la réalité : une sorte de grotte sombre, un feu dans un coin, mes amis… Une impression de douce chaleur m’entoure, et pourtant… Tout cela me paraît soudain factice, artificiel…

— Encore une illusion ? chuchoté-je à moi-même.

J’entends leurs voix se mélanger, mes yeux se ferment. Le voix m’imprègne toujours, ce feu n’existe pas. Seul un sentiment de bien-être demeure. Le souvenir d’Adam m’imprègne. Sa vision me rappelle pourquoi je suis là : le retrouver.

L’élément qui me manquait saute alors à mes yeux : Skygge a déjà rencontré mon petit-ami ! Sinon comment aurait-il réussi à prendre son apparence ?

    Cette vérité déchire le voile de ma réalité…

Pour la seconde fois, j’ouvre les yeux avec la sensation d’un corps alourdi. Cette fois, je comprends vite la cause : des menottes larges enserrent mes poignets et mes chevilles, liées à de lourdes chaînes. Clouée à un mur, dans la pénombre, je contemple ma cellule étroite.

    Où suis-je ?

    Où sont Apolline et Caleb ?

    Et… Adam ?

Le son caractéristique d’une porte en métal racle sur de la pierre. Le doux frottement d’un élément léger s’ensuit. Je m’attends presque à tout, lorsque le museau blanc d’un lapin fait son apparition derrière ma grille.

Bien habillé d’une sorte de costume rouge, il n’en porte pas moins un large collier de fer autour de son cou maigrelet. Ses oreilles basses et son regard affolé viennent compléter mes craintes : nous étions tous deux prisonniers.

Lorsqu’il remarque enfin mes yeux ouverts, il se précipite sur moi, un peu ragaillardi. Ses deux mains chaudes se posent sur mes joues glacées ; un soupir de réconfort m’échappe.

— Comment vous appelez-vous ? couine sa voix fluette.

— E… Ele...na, grince la mienne.

Avec une pointe d’amusement, je remarque son petit nez se trémousser. Il ne ressemble pas du tout à celui que nous avons vu, avec mes amis…

— Elena, vous avez réussi à briser le sort de Skygge ! Pour une Humaine, c’est incroyable ! Quelqu’un vous a aidé ?

Mon esprit repense immédiatement à Adam, même si c’est impossible. Après tout, il n’était qu’une illusion, non ? 

— Peu importe, reprend mon invité. Nous devons nous dépêcher, sans quoi la magie va définitivement disparaître de ce monde ! Il nous reste très peu de temps ! Je vais devoir aller chercher les clefs, sans quoi vous risquez de succomber à nouveau au sort imprégné dans ces chaînes… Attendez-moi là !

    Il va repartir. Il me faut pourtant des réponses…

— Atten… Attendez !

    Le Lapin de Pâques — il ne peut s’agir que du bon, cette fois — se fige sur le pas de ma cellule. Son buste pivote vers moi et ses petits yeux sombres me fixent à nouveau.

— Le temps presse !

— Prouvez-moi… que vous… n’êtes pas… une autre illusion...de… Skygge !

    Sa bouille adorable se déforme juste assez pour me faire penser à un sourire. Étrange pour un lapin. Il me répond néanmoins juste après, une lueur malicieuse dans son regard.

— Rien ne prouve non plus que vous n’en êtes pas une. Mais si vous ne croyez pas en moi, je vais cesser d’exister, comme tous les Mythes… comme la Magie… Pourtant je suis encore là… Alors j’ai décidé de croire en vous.

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