18 décembre

Aujourd'hui, nous lisons les mots d'une autre finaliste de The Book 2020, à savoir  @Phanto_om !

Je relève la tête vers le marchand de sable. Je le détaille un instant mais je sais bien que le pressentiment d'Apolline est le bon. Notre hôte a perdu son sourire bienveillant de faiseur de sommeil.

— Bordel mais quand finira ce cauchemar, siffle Caleb.

Je prends une grande inspiration pour tenter de me ressaisir mais mon nez commence à me chatouiller de manière désagréable. Derrière moi, mon amie pousse un petit cri. De minimes grains de sable se mettent à tomber du plafond du temple.

Le pseudo mythe, assis ou bout de sa table, nous fixe un instant avant d'écarter les bras. La pluie de pierres fines se fait alors plus drue et bientôt nous sentons nos pieds se recouvrir.

— Courrez, crié-je en m'élançant vers la porte de la salle.

Les particules viennent nous piquer les yeux, nous gratter sous nos vêtements, s'infiltrent jusque nos poumons. Je tente de m'accrocher à la maigre silhouette d'Apolline qui a pris de l'avance et que je parviens encore à deviner. J'ai une pensée pour les soirées passées sur la plage avec Adam. Sauf que là, quand on courait dans le sable, c'était un peu plus romantique.

Je remonte le col de mon pull sur le bout de mon nez et mets ma main en visière pour protéger du mieux que je le peux ma vue.

— Vous êtes sûrs que la porte est par là ?

J'ignore sa question pour éviter que du sable ne s'engouffre dans ma bouche mais devine au son de sa voix que Caleb est sur mes talons. Nous nous en remettons donc à notre amie pour nous mener vers la sortie. Elle semble savoir ce qu'elle fait. Soudain, mon épaule heurte quelque chose de dur. Je trébuche, vite relevée par Caleb, mais je comprends que nous n'allons pas dans la bonne direction. C'était le mur. Et si l'on est près du mur latéral, la porte doit encore être loin.

Au moins nous avons une direction et si nous étions en train de tourner en rond, ce n'est plus le cas. Mes doigts glissent le long du mur pour garder le cap. Ils effleurent de petites colonnes et je me souviens des coursives qui se trouvaient sur les côtés de la salle lorsque nous y sommes entrés.

Apolline pousse un cri. Je devine sa silhouette tirée par-dessus la rambarde. Mon ventre se serre et alors que je m'apprête à saisir le haut du parapet, une main saisit la mienne et me hisse dans le couloir. Mes yeux s'arrondissent à son contact. Elle est bien trop douce pour être humaine. Ma panique se volatilise et j'aimerais qu'elle continue de serrer ma paume pour toujours mais je sais qu'il reste Caleb à secourir. Ici, il ne pleut plus des trombes de sable. Je me frotte les mieux de longs instants pour en dégager tous les grains. Pas loin, j'entends mon amie éternuer à de nombreuses reprises. Je sens une large silhouette se pencher au-dessus de nous, sûrement celui qui nous a sauvés. Malheureusement ma vision est brouillée de larmes et de particules et je ne peux pas deviner les traits de son visage.

— Je sais bien que je n'aurais pas dû me montrer ici, commence une voix chaude, il a déjà eu tous les autres. Mais je crois bien que vous êtes notre dernier espoir alors il fallait bien que je vous sauve. Je n'ai plus de nouvelles du jeune homme qui vous a précédé. Il avait pourtant promis de nous protéger.

Mon esprit, aussi confus que mes sens, ne comprend pas vraiment ce qu'il nous raconte. Et avant que je n'aie pu poser la moindre question, la silhouette salvatrice semble déjà avoir disparue.

Enfin, je peux mieux visualiser ce qui nous entoure. Nous sommes bien dans un couloir du temple d'été. Mes deux compagnons semblent également se remettre doucement de notre course à travers le sable.

— Par là, s'écrie Caleb en désignant l'une des fenêtres grandes ouvertes qui se trouvent sur le mur opposé, sortons d'ici.

— C'était qui ? demande Apolline en enjambant le rebord.

— Tout ce que j'en sais c'est qu'il avait les mains douces.

Nous rions tous les trois, laissant le temple derrière nous. Je soupire de soulagement, la pression retombe enfin. Nous nous retrouvons à suivre un petit chemin de terre entouré de larges talus. A pas pressés, nous laissons le repère du marchand de sable derrière nous.

— Quelqu'un a compris ce qu'il a dit, celui qui nous a sauvé ?

— Pas vraiment, répond mon amie, mais j'ai l'impression qu'il parlait de Skygge.

Je m'arrête net devant un terrier creusé sur le bord du sentier.

— La main ! La main, mais bordel pourquoi j'ai pas compris avant, c'est évident que c'était le lapin, c'est lui qui nous a aidé. Ça colle avec le poème.

— Si c'est lui, on a un gros problème, dit mon compagnon de route, parce que c'est la fin du poème. On a tout trouvé.

Nous viendrons à vous
Pour ramener la magie au monde.

— Et je ne vois rien qui vienne à nous, termine Apolline, et puis c'est pas pour être pessimiste mais il a pas dit des trucs franchement rassurants. Vous pensez qu'il parlait des autres mythes.

— Skygge aurait, je sais pas, fait disparaître les autres ? C'est de ça qu'il parlait ?

Je hausse les épaules avant de tiquer à propos d'une des autres paroles du lapin.

— Et le jeune homme ? Putain si c'est Adam...

Je mords l'intérieur de ma lèvre et me remets à marcher, peut-être légèrement plus vite que lorsque nous venions de quitter le temple. Notre soulagement n'aura été que de courte durée. Je sens mes partenaires de route aussi tendus que moi.

Nous marchons une petite heure en silence, jusqu'à ce que la nuit tombe. Le chemin que nous empruntons n'a jusqu'ici montré aucune bifurcation, aucun virage. Nous nous hissons donc sur le talus pour nous asseoir sous un vieux chêne. Autour, des prairies nous entourent mais aucune habitation ne semble interrompre ce paysage idyllique.

Caleb s'allonge dans l'herbe haute et nous le rejoignons bientôt. Personne n'ose briser le silence. Nous nous étendons, perdus dans nos pensées respectives.

— Vous en faîtes pas, dit Apolline d'une voix peut-être un peu trop aiguë pour que l'on croit ce qu'elle va raconter, le père Noël passe pendant la nuit non ?

Je retiens un soupir devant son optimisme que je trouve vain puis glisse lentement vers les bras de Morphée.

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