17 décembre
Le Temple de l’été est magnifique.
Sa beauté est simple, différente des décorations fastes du Palais de Glace. Il n’y a pas de d’orfèvreries excessives, de salles plus grandes les unes que les autres, de reine mirifique et envoûtante. C’est la réplique parfaite des temples antiques, parsemée d’éclats de soleil et de sables chauds. La couleur or, loin d’être tape-à-l’œil, me donne une douce sensation de bien-être.
La vision d’un endroit aussi simple m’apaise. Le temple semble aspirer mes craintes, les effacer, ne laissant que des souvenirs brillants. Peut-être… peut-être qu’Adam se trouve à l’intérieur ?
— Pas trop tôt !
L’exclamation de Caleb me fait sursauter. À mes côtés, Apolline se mord les lèvres, tentant visiblement de retenir un fou-rire. Il faut dire que, depuis sa rencontre avec la Reine des Glaces, Caleb a perdu toute son aura imposante. Son visage est blafard, parsemé de taches de rousseurs qui semblent virer à l’orange douteux. Des tremblements le traversent de temps en temps, et son nez rouge annonce l’arrivée imminente d’un rhume. Cela fait plusieurs fois qu’il tente de retenir ses éternuements, sans succès. Sa manche droite est toujours gelée après sa rencontre avec la reine des glaces. Il ne semble pas l’avoir remarqué, mais de petits bouts de glace se détachent de temps en temps et s’écrasent sur le sol avec un bruit mat.
Je croise le regard d’Apolline et esquisse un sourire.
C’est la goutte de trop. Apolline éclate de rire, s’attirant un regard noir de Caleb. Je ne peux m’empêcher de rire, moi aussi. Caleb soupire.
— Puisque personne ne me prend au sérieux, je me dévoue pour aller voir ce que cache le temple.
Sans attendre de réponse, il s’engage vers le Temple en bougonnant. Je devrais sans doute le retenir, mais je sais qu’il me serait impossible de l’interpeller sans éclater de rire. À la place, j’inspire profondément, et tente de réfléchir de façon pragmatique.
Théoriquement, il y a beaucoup de chances de trouver Adam, ici. S’il recherchait les mythes, cet endroit est parfait, à la croisée d’une infinité de folklores et des légendes les plus folles. Il est peut-être là. Non, il devrait être là.
Cependant, une chose me perturbe.
— C’est quand même étrange, de trouver le temple de l’été en plein hiver, tu ne trouves pas ?
Apolline hausse les épaules.
— Après la Reine des Glaces, je pense que je m’attends à tout, maintenant.
Elle n’a pas complétement tort. J’avoue que la présence de l’été me surprend moins qu’une ombre immense capable d’imiter les mythes de mon enfance.
Sans plus s’étonner, Apolline s’avance vers l’entrée. Sa capacité d’adaptation est tout de même formidable : totalement hystérique après un accident de voiture, elle n’a jamais semblé aussi sereine que devant le temple de l’été. Tant mieux, d’une certaine façon. j’ai déjà du mal à me gérer moi-même, alors m’occuper d’elle aurait été trop difficile.
Nous entrons à notre tour dans le temple mordoré, des étoiles dans les yeux. Il faut dire que le temple ne ressemble en rien à ce que je connais. C’est une sorte de hall géant, faisant la taille du bâtiment, uniquement traversé par un escalier transparent. De multiples baies vitrées entourent la pièce, donnant une allure irréelle à la scène. La lumière extérieure est douce, mais se reflète en différentes nuances dorées, donnant l’impression d’une véritable explosion de lumière.
— Est-ce que ce serait pas le moment de dire que ce bâtiment me réchauffe le cœur ?
Apolline se retourne vers moi avec un grand sourire au lèvre, beaucoup trop fière de sa blague.
— Super drôle, marmonne Caleb.
Je m’apprête à répliquer qu’entre un rabat-joie et une blagueuse à répétition, on ne risque pas d’aller bien loin, quand un rire cristallin m'interrompt.
— Excellent, excellent ! Venez donc, que nous puissions parler !
Je fronce les sourcils. La voix est assourdie et semble provenir d’une autre pièce du bâtiment. C’est étrange. Seules de grandes fenêtres bordent le temple, et l’allée dans laquelle nous sommes ne possède aucune autre porte menant à des salles cachées.
— Qui a dit ça ? Comment vous trouver ?
— En prenant l’escalier ?
Bien sûr qu’il faut prendre l’escalier. J’aurais dû y penser. Caleb lâche un sourire amusé, et c’est à mon tour de bougonner en montant les marches une à une.
Jusqu’à ce que j’arrive en haut.
La première chose que je vois, c’est l’immense festin qui nous attend sur la table. Derrière se trouve un jeune homme à l’âge indéfinissable, les cheveux aussi blonds que les couchers de soleil. À vue d’œil, il ne fait pas plus de vingt-cinq ans, mais ses yeux semblent renfermer une connaissance millénaire que rien ne pourrait effacer.
— Bonjour, bonjour ! Je vous attendais, installez vous donc !
Sa voix est douce et chaude comme le sable du désert. Il s’en sert comme d’autres joueraient d’un instrument de musique, tonalité majeure, parfaitement maîtrisée. C’est une voix bienveillante, qui semble presque me bercer, chuchotant doucement que tout ira bien.
— Ne me dis pas qu’on va prendre un troisième repas de Noël, soupire Caleb.
Comme d’habitude, le renfrogné de service est insensible à la beauté des paroles de l’homme. L’homme, justement, esquisse un sourire et ajoute un clin d’œil.
— Qui de mieux que le marchand de sable, pour vous inviter à sa table ?
Mon cœur loupe un battement. Le poème ! Adam serait-il déjà passé par ici ? Mes mains sont prises de tremblements incontrôlés. J’ai l’impression que je ne parviendrai jamais à parler. J’inspire profondément.
— Le poème ! C’est le poème de… enfin, connaissez-vous… ou, avez-vous rencontré un homme de mon âge qui…
— Allons allons, où avais-je la tête ? Comment puis-je vous laisser parler tous les trois, alors que je ne vous ai même pas proposé de sièges ? Asseyez-vous, que l’on puisse discuter confortablement.
Ma voix est fébrile, mes paupières papillonnent. Je m’apprête à m’asseoir quand j’entends mon prénom murmuré par Apolline. À mes côtés, Caleb n’a pas bougé.
Je devrais probablement me retourner pour écouter ce qu’Apolline veut dire, mais je ne parviens pas à détacher mes yeux du jeune homme au bout de la table. J’ai trop peur qu’il disparaisse, exactement comme Adam, et avec lui la dernière chance d’espérer le revoir un jour.
Derrière moi, Apolline murmure :
— Dites, vous pensez que c’est le vrai marchand de sable, ou… encore une illusion de Skygge ?
— J’ai entendu ! crie le pseudo marchand de sable.
Je sens le sang quitter mon visage. À mes côtés, Apolline devient livide.
Par le caleçon du père Noël, faites que ce ne soit pas une illusion !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top