13 décembre
Nous poursuivons cette aventure avec le chapitre 13 écrit par LucasGHermes ! Bonne lecture !
— Il n’aurait jamais dû t’apprendre ce poème ! s’emporte Aaron.
Il fait volte-face et s’affale dans un gros fauteuil, avant de se prendre la tête dans les mains. Tout comme Apolline et Caleb, je le regarde avec étonnement. Nous prenons chacun une chaise et nous nous asseyons en face de cet homme toujours trop mystérieux à mon goût.
— Calme-toi, dit Caleb d’une voix douce.
Un ton qui dénote avec l’ambiance générale.
— Ce n’est qu’un poème, rétorque Apolline.
Je vois qu’elle est vexée et agacée par l’attitude d’Aaron. Je le suis aussi, mais je ne dis rien pour l’instant. De toute façon, je n’ai pas le temps de réagir que le principal intéressé se lève, s’avance vers Apolline et la fixe dans les yeux.
La scène est particulière. D’une part, cette fille perdue et innocente, assise, ses yeux défiant Aaron, d’autre part, qui la surplombe de toute sa taille, le visage crispé sous sa barbe brillante. Il a beau être grand, pourtant, je ne peux m’empêcher de l’imaginer en enfant terrifié. Une pauvre âme tentant d’oublier ce qu’il ne veut pas nous dévoiler. Je le sens, j’en suis sûre, il cache encore des secrets.
Il s’agenouille lentement, pour se mettre enfin à la hauteur d’Apolline. Je perçois la colère qui monte en lui, qu’il essaie de maîtriser avec difficulté.
— Ce n’est pas qu’un poème. C’est une prophétie.
Je pouffe de rire, je ne peux pas me retenir. Toute cette tension, la fatigue et le stress ont raison de moi. Aaron se retourne vers moi, des éclairs dans les yeux.
— Vous voulez savoir ce qui est arrivé à Adam ? Et bien je vais vous le dire ! Il a été assez idiot pour croire qu’il pourrait résoudre seul les énigmes de cette prophétie. Et vous savez ce qui s’est passé ? Non ? Et bien moi non plus, figurez vous ! Il a disparu du jour au lendemain. Avec Caleb, on l’a cherché pendant des jours entiers, et au bout de quatre mois, on a abandonné.
Apolline se lève subitement à son tour, elle aussi.
— Tu ne traites plus jamais mon frère d’idiot ! Et puis vous deux, qu’est-ce que vous avez fait de plus ? Avez-vous essayé de déchiffrer cette prophétie ?
— Je ne suis pas fou … La magie, ça n’existe pas.
Silence de mort pendant quelques secondes. Je ne peux m'empêcher de réagir.
— Tu mens, Aaron. Depuis le début tu n’es pas honnête et je le vois bien. Qu’est-ce que tu nous caches encore ?
Mais il ne répond pas, comme à son habitude.
Caleb vient s’interposer.
— Je crois qu’on a tous besoin d’une bonne nuit de sommeil. Nous pourrons peut-être reprendre cette discussion demain. Et avec un peu de chance, le temps se sera calmé, comme nous tous.
Je me rends compte qu’Apolline ne veut pas lâcher le morceau non plus. Mais après un court temps de réflexion, je me dis qu’il a sans doute raison. Un peu de temps calme me ferait du bien. Ma tête commence à tambouriner.
Je fais signe à Apolline et nous nous dirigeons toutes les deux vers une chambre, à l’étage. Aaron avait disposé deux matelas de fortune sur le sol. J’espère que nous ne passerons pas plus d’une nuit dans ce chalet. Les murs grincent, le vent souffle et j'entend Axel pousser de petits couinements, endormi dans la pièce voisine.
Je m’apprête à me rendre à nouveau dans la salle de bain. Je perçois des murmures au rez-de-chaussée. Je me penche pour mieux comprendre ce qui se dit. Un jour, je le sais, ma curiosité me perdra.
Aaron et Caleb discutent encore.
— Si elles veulent le retrouver, on pourrait leur expliquer ce qu’on sait, suggère Caleb. Ce n’est pas comme si elles allaient réussir. Elles ont l’air tellement fragiles, elles ne tiendront pas plus d’une minute face à eux. Face aux mythes.
— Je ne sais … Je n’ai pas vraiment envie d’avoir leur disparition à elles aussi sur la conscience. On ne sait pas ce qui se trouve derrière cette porte. Et je refuse de la franchir, comme je refuse que tu y ailles.
— Je sais bien. Mais si grâce à elles je réussis à parvenir jusqu’au bout, imagine ce que nous allons pouvoir en tirer. Un scoop pareil ne se refuse pas !
— Je ne veux pas te perdre, comme je l’ai perdu lui.
— Ça n'arrivera pas, je te le promets.
Un craquement retentit. Je recule brusquement et me rends compte que j’avais appuyé trop fort sur la balustrade. Cachée dans la pénombre, je reste immobile. Aucun des deux hommes ne me voit, mais je retiens tout de même ma respiration.
Une fois certaine de pouvoir me retourner, je rejoins la chambre en marchant délicatement. Je raconte à Apolline la discussion que je viens de surprendre.
— Je ne fais pas confiance à ce Caleb, me dit-elle.
— Moi non plus … je ne sais pas ce qu’on devrait faire.
— Pour l’instant, dormir ! Je n’en peux plus.
Mais comment dormir quand nos pensées si fortes nous empêchent de fermer les yeux ? Pourtant, quelques heures plus tard, je sombre. Je ne saurais dire combien de temps de sommeil j’ai eu, mais quand je me réveille alors qu’il fait encore nuit. Aaron est là, devant moi, à me secouer. Apolline est déjà debout.
— Qu’est ce qu’il se passe ? gémit-elle en baillant.
— Vous devez partir maintenant.
— Quoi ?
Je n’y crois pas. Il nous met à la porte dans la nuit noire ?
— Rejoignez moi dans la cuisine, je vais vous expliquer.
Peu de temps après, nous descendons et le retrouvons à nouveau avec Caleb.
— Vous êtes prêts j’espère. Vous allez vous lancer à la poursuite d’Adam.
Perplexe, je regarde Apolline avec étonnement. De son regard, elle me signifie qu’elle est aussi perdue que moi.
— Vous suivrez l'étoile du Nord.
Comme sur un bateau, irez sur la terre de bord à tribord.
Il venait de citer un passage du poème.
— Regardez par cette fenêtre. Voici l'étoile du Nord, aussi appelée l’étoile polaire, ou encore Alpha Ursae Minoris. C’est elle que suivait ton frère.
En regardant Apolline, il se mit à pointer du doigt un point légèrement lumineux dans le ciel si sombre.
— À cause de la tempête, elle est un peu moins visible. Mais vous ne devrez pas la lâcher des yeux.
— Attends … tu veux dire qu’on va aller dehors sous ces bourrasques de l’enfer ?
— Oui. C’est le seul moyen.
— Et si on ne réussit pas ?
— Vous pourrez revenir ici, au chaud. Je vous le promet.
Je regarde à nouveau Apolline, Elle avait ce regard, comme pour dire “Pourquoi pas”. Je me dis aussi que, foutues pour foutues, autant accepter sans rechigner.
C’est donc ainsi que nous partons, accompagnées de Caleb, sous une neige infernale et un vent glacial.
Les secondes ressemblent à des heures, les minutes à des éternités de désespoir, dans ce désert blanc. Dans ce brasier immaculé, le froid commence à me brûler, ma vue s'obstrue. Je n’arrive même pas à pleurer tellement je tremble, tellement mon visage est sec et craquelé. Je me demande quelle folie m’a poussée à accepter ce périple. Je ne sais même pas où nous allons, et je sais qu’aucun des deux autres ne le sait non plus.
L’étoile disparaît presque. Dans un ultime désespoir, je tombe à genoux dans le manteau gelé qui recouvre le sol. Je suis au bord du gouffre. Je me demande si mon fiancé a connu cette même souffrance. Sûrement.
Je m’apprête à basculer dans la neige, quand le vent s’arrête soudainement. Les flocons se dispersent et laissent entrevoir au loin … une porte.
Seule, posée au milieu de nulle part, elle se tient là. Apolline m’aide à me relever et nous nous approchons tous les trois de cette curiosité. Elle est rouge et recouverte de dorures brillantes.
Nous sommes hésitants. Aucun de nous ne veut prendre la responsabilité de faire une erreur.
— A trois ? propose Caleb.
Nous acquiesçons de la tête.
— Un ... deux … trois !
Ma main pousse le panneau de bois. Je sens mon corps se soulever. Je suis si légère. D’un coup, tout me paraît futile et je suis apaisée. Une chaleur se répand en moi. Mon être tout entier se renverse. Il fait bon, il fait doux. Une odeur de pâtisserie parvient à mes narines. Le haut devient le bas, le ciel devient un sol carrelé étincelant.
Nous sommes encore tous les trois côte à côte. La pièce est immense, le fond est imperceptible. Une masse se dirige vers nous, mais toute crainte a quitté mon esprit. Je plisse les yeux pour tenter de distinguer ce qui vient.
Du rouge.
Un homme. Vieux et massif.
Il nous salue d’un geste de la main. Un sourire bienveillant s’affiche sur son visage. Il me semble étrangement familier.
Et quand il est assez proche, il lance d’un ton joyeux ;
— Oh oh oh ! Bienvenue au Pôle Nord !
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