12 décembre
Je tourne et retourne le badge entre mes doigts tremblants.
Qu'est-ce que c'est que ça? Qu'est-ce que je tiens là?
Je l'examine sous toutes les coutures, espérant prouver, me prouver, que ce n'est pas le badge d'Adam. Que ce n'est pas du sang.
Malheureusement, ses initiales sont bien là, elles ne mentent pas.
Malheureusement, au vu de la croûte formée, la touche rouge est bel et bien du sang.
La porte s'ouvre d'un coup et Aaron entre en pestant.
— Elena, nous vous attend-...
Sa voix s'arrête et ses yeux fige mes doigts, où repose le badge.
Je le voit pâlir, perdre peu à peu ses couleurs.
Je siffle, la voix tremblante:
— Qu'est-ce que c'est que ça? Hein? Vous pouvez m'expliquer?
L'homme lève les bras, dans un geste apaisant, et cherche ses mots.
— Elena, calme-toi. Ce ... C'est celui de Caleb, il l'a mis dans la salle de bain pour le nettoyer après l'avoir fait tomber dans une pizza. Donne-moi ça, je vais le ranger. Merci beaucoup de l'avoir retrouvé, il sera fou de joie.
Il tend lentement une main vers moi, pour que j'y dépose le badge.
Je plisse les yeux, pas convaincue par son explication.
Sans lui laisser le temps de réagir, je sors de la pièce à toute vitesse et court jusqu'au salon.
Cachant le badge dans mon dos, je demande d'une voix douce:
— Caleb, serais-tu, à tout hasard, allé à l'Université des Arts et des Sciences de Dijon?
Le jeune homme hausse un sourcil étonné.
— Heu... non, pourquoi?
Au même moment, Aaron déboule dans le salon et s'écrit:
— Oui ! Il y est allé !
Je les fixe tour à tour et grogne:
— Bon, c'est oui ou c'est non?
Caleb croise les bras et s'appuie nonchalamment contre un mur.
— Pourquoi tu veux savoir ça Elana? En quoi ça te concerne? Et pourquoi tu n'as pas la mallette pour Apolline?
— Parce que là, Apolline, je m'en contre-fiche! Ce que je veux savoir, c'est pourquoi j'ai trouvé le badge de mon fiancé taché de sang dans la salle de bain!
J'ai hurlé et tendu la main vers lui.
Il avance d'un pas et je recule en refermant les doigts. Je me pique sur l'aiguille et une goutte de sang perle sur ma peau.
Ça fera une tache rouge de plus sur le beige du badge.
Les deux hommes me fixent, semblant en profonde réflexion et le petit Alex, assis à une chaise à table, à l'air totalement éberlué.
— Va te coucher Alex.
— Mais...
—Va te coucher. Il faut que l'on discute entre grands. Viens Elena.
Tout en parlant, Aaron s'avance vers la table et s'assied lourdement, l'air soudainement extrêmement fatigué, pendant que Caleb me tire une chaise.
Je la décline, évidemment, préférant rester debout, et il hausse les épaules puis s'y installe à l'envers, en me fixant.
Après un instant de silence assez malaisant, Aaron prend la parole d'une voix lasse.
— Écoute Elena. Nous ne t'avons pas tout dit...
Je l'interromps, sarcastique:
— Non, vraiment ? Je ne l'avais pas remarqué.
—Cessez de le couper, siffle Caleb, où vous n'aurez jamais le fin mot de l'histoire!
Furieuse, je pince les lèvres et reporte mon attention sur Aaron, en attendant qu'il s'explique.
Alors qu'il ouvre la bouche, une toux rauque l'interrompt.
Alex étant monté, cela ne peut être que Apolline.
Je me tourne vers elle. Elle est réveillée.
En un bond, Caleb est debout. Il lui apporte un verre d'eau, l'aide à se mettre assise et la fait boire doucement.
— Ça va mieux, princesse ?
Elle a l'air un peu surprise de ce nouveau surnom et rougit légèrement, en hochant la tête.
Elle tourne son regard vers moi et me sourit doucement. Puis ses yeux tombent sur ma main et le badge et elle pâlit.
Elle tente de se lever mais Caleb la retient doucement en passant un bras autour de sa taille.
— Si tu te lèves, tu vas tomber.
Elle se dégage et siffle.
— Je m'en fiche ! Je m'en fiche complètement ! Où as- tu trouvé ça Elena ?
— Dans la salle de bain. Et Aaron allait tout m'expliquer avant que tu ne te réveille.
Je ne voulais pas paraître méchante ou blessante mais je voulais savoir ce que le vieil homme avait à me raconter. C'était peut-être la solution à la disparition d'Adam !
— C'est le badge de mon frère et... il y a du ... du sang? s'étrangle-t-elle.
Je roule des yeux, excédée.
— Whaou, bravo Sherlock ! Tu veux un bon point ? Maintenant tu aurais des remarques intelligentes à faire ? Ou tu as décidé de continuer à briller par tes observations inutiles ?
— Ne lui parle pas comme ça, siffle Caleb !
Bizarrement, sa remarque me rend encore plus furieuse, sans que je sache pourquoi.
—Je sais pas à quoi tu joues, Caleb, mais si tu espères la séduire comme ça, vas voir ailleurs si nous y sommes, on a plus important à régler ! Et si cette gamine nous gêne, je me ferais un plaisir de la mettre dehors !
Il se lève d'un bond, furieux. Il s'approche de moi et me fixe droit dans les yeux, les siens luisants de rage.
— Apolline est une personne adorable, alors je t'interdis de recommencer à user de ses termes pour la désigner, compris ?
Alors que je m'apprêtais à sortir une réponse cinglante, Aaron nous interrompt :
— Stop ! Que tout le monde se calme ! La colère ne nous mènera à rien. Elena et Caleb, calmez-vous et retournez vous asseoir ! Je vais tout vous expliquer, promis.
De mauvaise grâce, je prends une chaise et Caleb retourne à côté d'Apolline. Il passe doucement un bras autour de sa taille et l'attire vers lui. Elle se laisse faire et pose la tête sur son épaule.
Elle doit être sonnée par son malaise, je ne vois que ça.
Aaron reprend la parole d'une voix calme mais tremblante.
—Il faut savoir qu'Adam est arrivé ici à la suite d'un accident de voiture. Il cherchait quelque chose dans la région. Nous l'avons accueilli et tout le temps qu'il a passé chez nous, il poursuivait cette chose. Lorsqu'il a trouvé une piste, il est reparti. Il nous a laissé ce badge en nous disant ceci... "Lorsque vous en aurez vraiment besoin, faites briller le rouge de mon sang au-dessus de la cheminée d'un couple heureux". Et il est parti. Nous ne l'avons plus jamais revu.
J'écoute attentivement tout le long, très intéressée. Bizarrement, il a l'air sincère. Peut-être trop sincère pour dire la vérité ? Je demande :
—Quelle était cette chose après laquelle il courait ?
Il y a un long silence pesant avant que Caleb ne déclare :
—Les mythes. Il courait après les mythes.
— Les mythes?
Je suis surprise. Qu'est-ce que c'est que cette histoire?
Il hoche la tête.
—Les six mythes originels: le père Noël, la petite souris, la reine des neiges, le lapin de pâques, les fées de l'été et le marchand de sable.
— C'est ridicule. Dites moi la vérité!
—Je... Je pense que c'est la vérité Elena.
Apolline parle d'une voix douce, toujours dans les bras de Caleb.
— Mon frère a toujours couru après les mythes. Quelques jours avant de partir, il m'avait fait apprendre par cœur un poème. Un poème sur ces mythes. C'est peut-être ça?
Je la fixe, incrédule, pour soupire et marmonne :
— Si tu le connais encore, vas-y, ça mènera peut-être à quelque chose.
Elle hoche lentement la tête et commence à réciter:
"Lorsque la technologie remplacera peu à peu la magie
Viendra l'aube des temps gris
Alors vous devrez venir nous trouver.
Après avoir maints périls affrontés.
Vous suivrez l'étoile du nord.
Comme sur un bateau, irez sur la terre de bord à tribord.
En passant par mon pays
Puis en buvant le thé avec la petite souris.
La reine des neiges a l'air glaciale
Mais si vous parlez au grand cheval
Il vous indiquera son palais,
Non loin du temple de l'été où travaillent les fées.
Qui de mieux que le marchand de sable?
Pour vous inviter à sa table?
Et qui de mieux que le lapin?
Pour venir vous serrer la main?
Trouvez l'étoile
Le bord
Le thé
Le cheval
Le palais
La table
Et la main.
Nous viendrons à vous
Pour ramener la magie au monde.
Le père Noël."
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