Chapitre 2
Le soleil brillait haut lorsque, deux jours plus tard, nous franchîmes les portes de la citadelle. Ardanelle s'élevait à perte de vue, scintillante sous la lumière brute qui se reflétait sur ses murs en calcaire sculpté. Objectivement, la ville était magnifique. Sa localisation à flanc de montagne, à quelque six mille mètres d'altitude, lui offrait une défense naturelle telle qu'on avait privilégié une architecture d'ornement à des constructions militaires. Colonnades et mosaïques, jardins et fontaines, rues pavées et places ouvragées... tout était pensé dans le seul but d'offrir un cadre de vie spectaculaire et confortable, surplombant un panorama à couper le souffle. Culminant au-dessus du dédale de maisons blanches, les immenses tours d'ivoire du palais royal se dressaient, prêtes à toucher le ciel, comme une passerelle entre nous et notre Protecteur.
Si les gardes nous reconnurent sans difficulté, le reste des habitants ne nous prêta aucune attention tandis que nous remontions l'artère principale, juchées sur nos montures. Comme à l'accoutumée, la ville grouillait d'une effervescence guindée ; bien que très peuplée, seul un léger brouhaha animait les rues, recouvert par le cahot de carrioles et le bruit des sabots, mais le trafic était fluide, les piétons déambulaient serrés le long des façades, tenant les enfants par la main et s'assurant de ne déranger personne. Cette retenue manifeste m'avait toujours fascinée autant qu'elle me mettait mal à l'aise. Tout cela manquait cruellement de spontanéité et d'émotions. Pourtant, les gardes étaient loin de se montrer violents ou de réprimander à tout bout de champ, les Ardanellois étaient simplement... extrêmement ordonnés.
Bientôt, nous arrivâmes sur la place principale. Une fontaine impressionnante en occupait le centre, représentant l'Oiseau-Tonnerre en plein vol. Deux topazes représentaient les yeux bleu foudre propre à la lignée royale, au-dessus de son bec ouvert en un cri victorieux. Des cristaux scintillants étaient suspendus à ses ailes tendues, symbolisant la pluie invoquée par leur battement, et quelques jets d'eau, bien réelle, achevaient la représentation. Derrière le bassin, la façade immaculée du palais royal, avec son immense porte d'ivoire et son horloge météorologique ouvragée, baignait la place d'une ombre agréable et, sur son seuil, se tenait la silhouette familière de l'intendant, dans sa livrée bleue impeccable. Comme à chaque fois que je me tenais là, mon estomac se serra d'appréhension. Néanmoins, je dissimulai mon malaise derrière un sourire et sautai de ma monture. Un palefrenier s'avança récupérer la bête pendant que l'intendant s'inclinait respectueusement devant moi.
̶ Votre Altesse, le roi a été informé de votre arrivée. Il vous recevra ce soir, lors du dîner familial. En attendant, vous pouvez vous reposer dans vos appartements, la route a dû être harassante.
Je le remerciai gentiment, me retenant difficilement de grincer des dents. Habituellement, lors de mes séjours, je n'étais conviée qu'à un ou deux repas de famille, par pure politesse. Je m'arrangeai généralement pour éviter ces rassemblements auxquels personne ne prenait plaisir ; nous mangions généralement en silence, échangions quelques banalités lorsque le bruit des couverts devenait insupportable et chacun soupirait d'aise lorsqu'enfin, les assiettes à dessert étaient débarrassées, pressé de quitter la table. Mais il fallait maintenir les apparences alors nous nous forcions toujours à honorer au moins un dîner tous ensemble, pour faire plaisir au roi. Je ne pensais simplement pas subir cette rencontre, à peine arrivée...
Lucy prit la tête pour nous guider à travers le palais. Spacieux et lumineux, ses longs couloirs étaient recouverts d'un tapis bleu nuit et d'imposants chandeliers, suspendus à une hauteur vertigineuse, éclairaient le passage à espace régulier. Après plusieurs embranchements et quelques escaliers, nous parvînmes enfin devant la porte familière de mes appartements. Ma suite, bien que plutôt petite et modeste, demeurait confortable et pratique. Son mobilier rustique s'harmonisait avec les teintes pastel des tentures et dépassait largement mes besoins ; un lit immense, une penderie tout aussi grande, deux commodes, un scriban et un coquet petit salon. Et je disposais de ma propre salle de bain, luxe non négligeable en comparaison des douches communes du campement militaire.
Une domestique m'y attendait déjà.
̶ Votre Altesse, s'inclina-t-elle. Sa Majesté la Reine Livie m'a expressément demandé de vous préparer pour l'occasion de ce soir.
Je soupirai d'avance. Sous une fausse apparence de belle-maman bienveillante, la reine prenait un malin plaisir à « corriger mes manières », « améliorer mon apparence », et toute autre tâche éducative qui donnait l'impression qu'elle prenait soin de moi. En réalité, elle savait combien je détestais ça et ne manquait pas une occasion de pousser le vice en me forçant à porter des tenues à froufrous extravagantes, des chapeaux ridicules et des chaussures inconfortables, sous prétexte d'être vêtue à la dernière mode pour ne pas faire honte à notre famille. Personnellement, je trouvais que j'avais bien souvent l'air d'une poule foudroyée, mais mon père n'avait jamais toléré la moindre plainte de ma part à ce sujet. Il était convaincu que son épouse n'agissait que dans mon intérêt et que c'était sa manière à elle d'essayer de se rapprocher de moi. Contrainte et forcée, je m'étais résignée...
Comme pour confirmer mes inquiétudes, la domestique sortit une robe aux mille couleurs criardes, serties de pierres précieuses, de dentelles et de quelques perles, ainsi que la coiffe exagérément fleurie qui allait avec. J'allais ressembler à une tarte aux fruits qu'on aurait trop secouée...
Quelques heures plus tard, dans ma parfaite imitation de coloriage raté, je pénétrai l'imposante salle à manger privée du palais. Une large table en bois clair en occupait la majeure partie et une farandole de plats en tout genre — bien trop pour seulement cinq convives — s'étendait d'un bout à l'autre du meuble. Mon père, bien droit dans le siège du fond, m'aperçut en premier. Un sourire tendre illumina son regard, mais il ne bougea pas davantage. À sa droite, la reine, dans une délicate robe de soie sombre, une simple broche dorée pour tenir son chignon élégant, darda sur moi une moue moqueuse. Quant au prince et à la princesse, le premier exprimait clairement son dégoût tandis que la deuxième, plus modérée, se contentait d'un sourire pincé.
̶ Aria ! salua mon père, m'invitant à m'asseoir d'un geste de la main. Merci d'être venue aussi vite. La route n'a pas été trop difficile ?
Nous échangeâmes ainsi quelques banalités creuses pendant que les serviteurs apportaient le premier plat. Endossant mon rôle de parfaite belle-fille, j'interrogeai un à un les membres de ma famille, écoutant leurs histoires de cour guère passionnantes avec un intérêt feint, les félicitant et complimentant pour un oui ou pour un non, sans cesser de paraître impressionnée, et captivée. Aucun d'eux ne me questionna en retour, mais cela n'avait rien de surprenant. À leurs yeux, je n'étais qu'une guerrière sauvageonne. Ils pensaient certainement que je n'aurais à leur rapporter que des récits sanglants peu appropriés à table.
Arriva le dessert. En dépit de la profusion de plat, j'avais à peine touché à mon assiette, trop focalisée sur ma prestation de courtoise hypocrisie pour penser à me nourrir. De plus, mon père, habituellement le principal acteur de nos conversations, se tenait étrangement en retrait depuis le début du repas. Seuls quelques hochements de tête approbateurs, de légers sourires et de rares froncements de sourcils avaient témoigné de son écoute. Il semblait préoccupé, arborant son air absent de stratège, et cela n'augurait jamais rien de bon. Le Roi Aquatique était-il parvenu à ouvrir une brèche sur nos terres ? Les armées incandescentes avaient-elles regagné du terrain ? Ou bien s'agissait-il d'un tout autre problème ? Lui-même ne s'était guère alimenté pendant le dîner. Était-il malade ?
Il surprit mon regard inquiet et secoua imperceptiblement la tête. Quel que soit le souci, je devrais attendre. Il était rare que nous abordions les questions sérieuses pendant nos repas de famille. Si cela concernait l'armée, il en discutait avec moi tard le soir dans son bureau. S'il s'agissait de la cour, il s'entretenait avec la reine. Et si cela relevait du gouvernement, il convoquait ses conseillers et son fils pour trancher. Seule Alizée restait souvent sur la touche dans la gestion du royaume.
La reine épiloguait sur la conduite scandaleuse d'un noble qui avait conduit à un mariage forcé lorsque le roi soupira. Aussitôt, tout le monde se tut. Les yeux bleus du roi semblaient las, tandis qu'ils passaient d'Alizée, à la reine, à moi. Pourtant, il demeurait silencieux, visiblement en proie aux doutes. Son poing se serrait sur sa serviette blanche. La reine tendit la main pour attraper la sienne.
̶ Tout va bien, mon amour ? s'enquit-elle, tendue.
Le roi lui répondit par un sourire contrit.
̶ Je crains que non, ma douce, avoua-t-il. Je suis face à un impossible dilemme.
Nous attendîmes patiemment qu'il développe, mais il n'ajouta rien, le visage grave. Zéphyr encouragea sa mère d'un hochement de tête subtil. Celle-ci reprit :
̶ Et quel est-il ? Peut-être pourrions-nous vous aider...
Son époux lui sourit tendrement, mais le cœur n'y était pas.
̶ Je risque fort de vous décevoir...
Il inspira profondément.
̶ J'ai reçu une lettre, il y a quelques jours, avoua-t-il finalement. Elle venait de la Reine Incandescente.
Un murmure de surprise se répandit dans la pièce. Les communications avec le Royaume de Flammes avaient cessé depuis des années, seules circulaient encore entre nos deux pays les listes des soldats tombés sur les terres ennemies, et les demandes pour récupérer les corps. Bien sûr, rien n'interdisait aux souverains de s'écrire... les échanges s'étaient simplement arrêtés. Après des décennies et des décennies de négociations stériles et d'insultes à peine dissimulées, le courrier avait semblé vain alors les dirigeants avaient laissé tomber. Même l'annonce de la mort du Roi Incandescent, quelques mois plus tôt, n'avait pas justifié un envoi personnel, pourtant de coutume, à l'adresse de mon père.
̶ Et que voulait-elle ? demanda Zéphyr.
Il repoussa une mèche dorée qui lui tombait devant les yeux.
̶ Elle a eu vent des difficultés que nous rencontrons avec le Royaume d'Écumes, expliqua notre père. Il semblerait qu'eux aussi subissent une hostilité particulière venant du Royaume de Glaise. Selon nos espions, il se pourrait même que les deux royaumes se soient finalement alliés pour une raison qui nous échappe.
̶ Une alliance ? s'étonna la reine. C'est impossible ! Cela fait des siècles que cette guerre dure, et jamais personne n'a jamais consenti la moindre alliance !
̶ Je le sais bien, approuva le roi, mais le rapport que j'ai reçu est formel ; le Roi Aquatique et le Roi Terrestre agissent ensemble.
Ce disant, il darda sur moi un regard lourd de sous-entendus. La Reine Livie, Zéphyr et Alizée pouvaient peut-être remettre en question cette affirmation, doutant des capacités de nos espions, je savais ce qu'il en était. J'ignorais qui précisément avait signé ce rapport, mais il émanait de la Volière. Son sérieux n'admettait aucun doute. Le Roi Terrestre croyait-il également à l'existence des sceaux ? Ou se contentait-il de profiter de l'occasion pour essayer d'asservir les Incandescents ? Le rapport mentionnait-il d'ailleurs la recherche de l'artéfact du Kelpie ou mon père ignorait encore ce fait ?
̶ La Reine Edana suspecte également l'existence d'une telle alliance depuis quelque temps, poursuivit le roi, indifférent aux protestations familiales. Si nous ne faisons rien, nous nous ferons écraser, aussi propose-t-elle... de suivre leur exemple et de nous allier également.
Zéphyr éclata d'un rire tonitruant.
̶ Nous allier ? La bonne blague ! pouffait-il à s'en tenir les côtes. Et puis quoi encore ?! Comme si on allait faire confiance à ces lézards carbonisés ! C'est trop drôle...
Sa réaction était un brin excessive, mais je partageais globalement son avis. Les soldats incandescents nous harcelaient depuis des années dans le seul but de glaner quelques mètres supplémentaires à leur frontière. La haine réciproque de nos deux nations s'avérait si enracinée dans notre ADN que cela frisait la tradition. Il ne suffirait pas d'un gentil courrier pour enterrer des siècles de violences et de rancœurs...
Néanmoins, le visage grave de notre père me faisait douter de la « plaisanterie ». Il semblait parfaitement sérieux.
̶ Cela peut sembler fou, tempéra-t-il, mais je crois que c'est là notre seule chance.
Le silence abasourdi qui lui répondit lui arracha un sourire.
̶ Ne soyez pas si ahuris ! tenta-t-il de se justifier. Que l'Écume et la Glaise se soient alliés ou non, cela pourrait nous mener vers une nouvelle ère. Rappeler à tous les habitants de ce continent qu'une entente est possible.
̶ Ou bien cela opposera simplement deux camps à la place de quatre... relevai-je.
Mon père soupira.
̶ Peut-être bien. Mais la situation n'a que trop duré. Les autres souverains et moi-même rejetons systématiquement les propositions des autres. La guerre dure depuis des siècles et pourtant, rien n'a changé, rien n'a avancé. La Reine Edana tente quelque chose de nouveau en nous tendant la main... Si elle a le courage de le faire, au risque de se mettre tout son royaume à dos, dans l'espoir d'obtenir la paix, ne devrions-nous pas en faire de même ?
Nous échangeâmes des regards incertains. Le projet était louable, mais s'avérait-il viable ? Ou même sincère ? Rien ne nous garantissait que la Reine Incandescente ne cherchait pas à nous endormir afin de mieux nous trahir... J'exprimai à haute voix mes réserves.
̶ Je la crois honnête, m'affirma mon père. Elle ne propose pas simplement une alliance militaire...
Je fronçai les sourcils. Si elle n'envisageait pas seulement une collaboration de nos troupes... ?
̶ Elle souhaite nous rassembler par le mariage, confirma-t-il mes soupçons. La Reine Edana est prête à unir le prince héritier à Alizée, consentant ainsi à faire d'une Princesse Céleste la future Reine Incandescente.
̶ Quoi ? s'insurgea la reine Livie. C'est tout bonnement hors de question ! Pas ma fille ! Tu n'as qu'à leur livrer Ariana si tu y tiens !
Hébétée par le tournant de la conversation, je ne sus que répondre à ce projet. Par chance, mon père secouait déjà la tête.
̶ Egan est le prince héritier. Aria est ma bâtarde. Suggérer de faire d'elle son épouse serait considéré comme un profond manque de respect. Alizée est le seul choix possible.
Par l'Oiseau-Tonnerre, merci ! Je n'avais jamais été aussi heureuse d'être l'enfant illégitime... Néanmoins, une pointe de culpabilité me tenailla. Mon regard se porta naturellement sur ma demi-sœur. Le teint blême, les yeux brillants, elle semblait sur le point de suffoquer. Elle triturait nerveusement sa longue tresse d'un blond épi de blé, la tête baissée. J'eus soudain de la peine pour elle. Notre père n'avait jamais caché son opinion sur elle. Alizée était une princesse parfaite, belle, gracieuse, appréciée de tous. Mais le roi ne savait comment agir avec elle. Ils étaient bien trop différents. La seule utilité qu'il ne lui avait jamais accordée, c'était le mariage qu'elle pourrait faire. Alizée le savait, mais elle avait toujours cru qu'elle disposerait tout de même du choix de son époux. Cette décision lui était à présent enlevée, et voilà qu'on l'envoyait au loin, bâtir une alliance utopiste dans un royaume ennemi.
̶ C'est de la folie ! protesta la reine avec véhémence. Je ne te laisserai pas livrer notre fille à nos ennemis ! Qu'est-ce qui nous garantit que ce mariage aura bien lieu ? Que se passera-t-il s'ils décident plutôt d'en faire une otage ? Et s'ils la traitaient mal ? Le Prince Egan est connu pour être un combattant violent ! Je ne lui laisserai pas ma fille !
Le Prince Egan ? Un combattant violent ? Doux euphémisme... C'était une véritable machine de guerre, aussi redoutable avec son épée qu'avec le feu du dragon qui coulait dans ses veines. Nous étions tombés sur lui totalement par hasard, une fois, Thameron, les jumeaux Gale et Glen, et moi, dans un petit village frontalier. Lorsqu'il avait reconnu nos uniformes, il avait dégainé sans sourciller, prêt à engager le combat contre quatre soldats surentraînés. Nous nous en étions finalement sortis in extremis en prenant la fuite et Gale avait été lourdement touché par ses flammes.
Néanmoins, pour une raison obscure, je ne le croyais pas capable de s'en prendre à une jeune fille sans défense. Aussi mortel fût-il, il m'avait toujours semblé un homme d'honneur. Il avait toujours tenu parole lors des trêves, n'avait jamais tenté d'entourloupe lors de pourparlers et avait toujours pris grand soin d'achever ses prisonniers rapidement plutôt que les laisser agoniser indéfiniment.
̶ J'en ai bien conscience, approuva pourtant le roi. C'est pourquoi Aria et son escadron l'accompagneront.
Pardon ?
Mais il poursuivait déjà l'énoncé de son plan :
̶ Officiellement, Aria ne sera que sa chaperonne. Ses capacités militaires devront rester secrètes afin de conserver un effet de surprise si les intentions de leurs hôtes ne s'avèrent finalement pas aussi louables qu'ils le prétendent.
Puis il tendit la main pour rassurer sa bien-aimée :
̶ Rien ne pourra arriver à Alizée sous la protection d'Aria, je te le promets.
Dans d'autres circonstances, j'aurais été flattée. Mais dans ce contexte, ce n'était que pure folie. Il fallait impérativement mettre la main sur le conteur d'histoires qui avait mis le Roi Aquatique à la recherche de l'artéfact. Cela impliquait une mission d'infiltration aussi vitale que périlleuse. Je ne pouvais pas perdre de temps à baby-sitter ma demi-sœur ! Encore moins avec l'ensemble de la Volière stationné au Palais Incandescent !
La Reine protester encore, mais le roi refusa d'un signe la tête. Contrit, il s'excusa, mais affirma que sa décision était prise. Il ajouta ensuite qu'il devait encore s'entretenir avec moi pour discuter des détails, avant d'inviter les autres à quitter la table. J'attendis patiemment que tous aient franchi la porte avant de me tourner vers mon père. Je m'apprêtais à parler lorsqu'il me coupa :
̶ Si c'est pour te récrier, toi aussi, ce n'est pas la peine.
Surprise, je gardais la bouche ouverte un instant avant de me reprendre.
̶ Je reconnais les enjeux que représente ce mariage, père, mais il y a d'autres facteurs à prendre en compte qui vous sont encore peut-être étrangers...
Et j'enchaînais en lui rapportant toute ma conversation avec Ive Lancelot. Malgré sa détermination à mener son projet à terme, il m'écouta attentivement sans m'interrompre, me demandant quelques précisions de temps à autre.
̶ Je vois... admit-il finalement. Tu as raison, cette piste n'est pas négligeable. Toutefois, je ne reviendrai pas sur le rôle que tu auras à jouer dans les prochains jours. Je ne serai pas tranquille à savoir Alizée livrée à elle-même chez nos ennemis, et je ne peux pas risquer ta vie dans cette aussi dangereuse mission.
̶ Mais...
̶ Répartis la Volière comme tu le sens. Envoie quelqu'un au Royaume Aquatique avec quelques soldats prêts à tenter une mission d'exfiltration pour le sortir d'affaire en cas de problème. Les autres t'accompagneront à Volkerez.
N'ayant d'autres choix, je m'inclinai légèrement. Le roi avait parlé et je devais obéir. Il m'offrit néanmoins un sourire désolé. Sur le pas de la porte, il me héla une dernière fois. Je me retournai et croisai ses iris bleus emplis de gravité.
̶ Ta découverte est essentielle, Aria. Mais ne sous-estime pas toutes les informations que tu pourrais découvrir chez les Incandescents s'ils décidaient de nous trahir...
Je hochai la tête et sortis de la salle à manger, le cerveau déjà en ébullition. Mon père avait raison : chaperonner ma demi-sœur ne m'enthousiasmait peut-être pas, il n'en restait pas moins qu'on me servait sur un plateau d'argent la possibilité de découvrir tous les secrets de nos ennemis ancestraux... Une opportunité que je comptais bien saisir.
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