Chapitre 20
« Mes petits ! Mes petits... Rendez-moi mes petits... »
Cœur de Rose pleurait sans discontinuer. Ses chatons avaient disparu depuis plusieurs heures, et personne ne les avait trouvé. Seul indice : une tache de sang immense diluée par la pluie dont on n'avait pas osé s'approcher.
La fraîcheur de la nuit avait balayé toute odeur.
Nuage de Pollen était perdue au milieu de tous ces chats appelant les petits. Cinq chatons disparus. Beaucoup. Vraiment beaucoup. L'avenir de ce clan peu nombreux s'effondrait. Le vent ébouriffait son pelage. Les roseaux pliés par la bourrasque lui frappaient les flancs. Elle replia ses oreilles sur sa tête. Autour d'elle, presque tout le monde appelait les chatons. La plupart étaient dans la forêt, mais Cœur de Mousse avait préféré rester ici pour réconforter la reine au pelage roux, et quelques guerriers restaient pour s'occuper du camp. Un tronc de saule vacillait et menacer de s'effondrer... Tache Noire, Aile de Bourdon, Aile de Libellule et Museau Aplati s'en occupaient, ainsi que Joli Pétale et Étoile de Silex.
L'apprentie ne savait pas quoi faire. Elle n'osait pas aller dormir, et elle avait peur de sortir du camp. Elle n'aurait pas su aider les autres à supporter l'arbre qui menaçais d'écraser la tanière des guerriers.
Bref : je suis totalement inutile.
La femelle poussa un long soupir et donna un coup de patte rageur dans une flaque de boue. Elle grogna quand la vase éclaboussa son pelage orangé. Tandis que la jeune chatte se donnait quelques coups de langue en grimaçant, elle observa les félins tenter de protéger le camp de l'arbre. Ils avaient l'air d'avoir quelques difficultés...
Et c'est pas une petite apprentie qui va les aider.
Elle secoua la tête. Que c'était ennuyeux d'être la seule novice du clan ! Mais elle tenta aussitôt de penser à autre chose. Il ne fallait pas qu'elle songe à ses frères...
Elle décida de chercher quelqu'un pour lui tenir compagnie.
Pas de guerriers inactifs à l'horizon. Les chatons restants devaient dormir, et les anciens aussi... elle tenta tout de même sa chance auprès des vieux chats, mais ne trouva qu'un Cœur de Belette assoupi et une Lune Brisée dont le flanc se gonflait avant que l'air ne sorte de ses poumons.
J'aurais du m'en douter...
Elle tourna les talons.
Mais, une fois dans la clairière, elle ne fut pas plus avancée. Évidemment.
Et je veux pas sortir du camp... je suis trop crevée...
Elle soupira et rentra dans la tanière des apprentis. Sa tanière rien qu'à elle. L'apprentie soupira et s'écroula dans l'unique nid de mousse.
Tant pis si on pense que je me fiche de tout ça...
Elle ferma les yeux, et, malgré le froid, le vent et la pluie, s'endormit presque aussitôt.
Ta faute... tout est de ta faute... ta faute à toi seule... ta faute...
Nuage de Pollen se réveilla en gémissant. C'était bien Nuage de Foudre qui lui avait parlé comme ça. Elle revoyait sa mort défiler devant ses yeux. Le blaireau... le sang... et son frère qui fonçait entre les griffes mortelles de l'animal... Encore et encore... elle ferma les yeux de toutes ses forces et replia ses oreilles sur son crâne. Les larmes coulaient sur son visage.
Ta faute... tout est de ta faute...
« Nuage de Foudre... chuchota-t-elle. Je suis... je suis désolée je... »
Elle ne savait pas quoi dire. Ses paroles étaient vides de sens. Son cœur battait à toute vitesse. L'apprentie couina.
« Laisse-moi ! Laisse-moi, Nuage de Foudre ! Je ne veux pas de toi ! Dégage de ma vie ! hurla-t-elle. »
Elle voulait criait de toutes ses forces. Mais aucun son ne sortait de sa gueule. Comme si elle était en plein rêve.
Non. En plein cauchemar.
« Nuage de Foudre ! tenta-t-elle de hurler, en vain. Je... »
Mais avant qu'elle ai pu finir sa phrase, un lourd poids s'abattit sur elle. Elle se débattit. En vain. Alors qu'elle étouffait sous la masse de fourrure, elle rouvrit les yeux.
Son agresseur était roux...
« Nuage de Pollen... réveille-toi ! »
L'apprentie ouvrit les paupières. Elle cligna des yeux, sonnée.
« Aile de Libellule ? Qu'est-ce que tu me veux ? grogna-t-elle. »
Tandis qu'elle se relevait, elle se remémora soudain son agression.
« C'était toi ! hurla-t-elle. »
Elle leva la patte et tenta de frapper son ancienne amie, mais celle-ci esquiva.
« De quoi parle-tu, petite ?! s'énerva l'autre. Je...
- Arrête de faire semblant ! Tu as tenté de me tuer ! s'époumona la rouquine. Tu as voulu m'étouffer ! Je le sais ! »
La jeune guerrière grogna.
« Et puis quoi, encore ? J'étais en train d'essayer de soutenir le saule... je... »
Le regard fuyant, elle continua :
« Nous avons échoué. L'arbre est... il... il s'est écrasé sur... »
L'apprentie lui lança un regard interloquée, et un peu effrayé. La femelle grise déglutit.
« Sur Museau Aplati. »
Nuage de Pollen poussa un cri.
« Il... il est... il est vivant ?! »
Ses pattes tremblait.
Je ne veux pas qu'il meure...
Aile de Libellule lui lança un regard triste, ou la novice lu même de la compassion.
« Entre la vie et la mort. Il... il m'a demandé d'aller te chercher. »
Aussitôt, la rouquine détala hors de la tanière, laissant la guerrière en plant. La clairière était vide. Le cœur battant à toute allure, Nuage de Pollen courut aussitôt jusque dans le gîte de Moustache Courte, le souffle court.
Pourvu qu'il soit encore en vie, pourvu qu'il soit encore en vie...
« Museau Aplati ! couina-t-elle, quelques secondes avant même d'être dans la tanière. Je...
- Chut. »
Le guérisseur s'était retourné, furibond.
« Fais moins de bruit, il ne faut pas lui faire peur... aller, approche. »
Plus qu'inquiète, l'apprentie fit quelques pas, la truffe chatouillée par l'odeur âcre du sang. Alors, elle aperçut son mentor.
Elle poussa une longue plainte.
Le doux visage du mâle était presque entièrement invisible sous les toiles d'araignée, la mousse et le sang séché. Ses pattes n'était pas en meilleur état. Elle voyait sa peau rose, couvertes de cicatrices sanglantes. Ses côtes devaient être brisées. Réprimant une grimace et un hoquet de terreur, la femelle accourut auprès de Museau Aplati et se colla à lui, malgré les protestations de Moustache Courte. Elle frémit. Le contact avec la fourrure en bataille et pleines de bouts d'écorces de son mentor était glacé.
« Museau Aplati... je suis là... je suis là...
Alors il ouvrit les yeux.
Ses yeux verts.
Ses beaux yeux verts. Tout simples. Tout doux.
Ils étaient en sang.
Nuage de Pollen couina de joie, malgré les nombreuses blessures du mâle.
« Museau Aplati ! Tu es vivant ! Oh, Museau Aplati... Mais... Tes... tes yeux... ils sont...»
Il sourit un peu et ouvrit légèrement la gueule, dont s'échappa un filet de sang rouge vif.
« Nu...age d...e...P...Pollen... articula-t-il. N...N...Nu...Nuage...de...Pol...le...n... »
Elle se colla un peu plus à lui, les larmes aux yeux.
« Oui. C'est moi. »
L'apprentie ne savait pas quoi dire d'autre. Elle voulait le réchauffer, faire tout ce qu'elle pouvait... et le sauver ?
« N...uage... de... Polle...n... répéta Museau Aplati, les yeux vides sous les couches de sang les recouvrant. Nua...ge... de... Pol...len... »
Cette dernière laissa couler les larmes. Bientôt, le pelage du blessé en fut imbibé. Il ressemblai à un mort. Il était à demi-mort. Il arrivait à peine a parler.
« Nu...age... de... Poll...en... continuait-t-il à souffler. N...uage de... de Pollen... »
La novice couina et pleura plus fort encore. Moustache Courte les regardait, l'air impassible, tandis que mentor et apprentie continuaient leur spectacle si émouvant.
« Museau Aplati... chuchota la chatte rousse. Je... je tiens à toi... ne part pas... tu... »
Elle éclata dans un nouveau sanglot, alors que son professeur répétait son nom sans discontinuer. Il ne comprenait sûrement même pas le sens de ce qu'il disait.
« Pourquoi toi...? Museau Aplati...gémit-elle, la voix brisée.
- Nua...ge... Poll...en... Nu...age... Pollen... de... Nuage... P...ollen... »
La femelle cria et se tourna vers Moustache Courte en pleurant.
« Soigne-le ! gémit-elle. Tu vois bien que ses yeux vont sûrement devenir aveugles si tu fous rien ! Aller ! hurla-t-elle. Fais ton travail, soigne-le ! sanglota l'apprentie d'une voix brisée. Aller... »
Le matou soupira.
« La seule chose que je peux faire, c'est lui appliquer de la mousse humide pour retirer le sang de ses yeux, mais ça le fait hurler. »
Ça ne me pose pas de problèmes, mais le faire devant sa petite amie... a coup sûr cette petite peste m'accuserai de lui faire du mal volontairement !
Nuage de Pollen pleura de plus belle.
« Trouve une solution ! couina-t-elle, désespérée. Si tu arrive a sauver des chats qui ont combattu tout un clan, tu doit bien pouvoir en sauver un seul ! »
La novice, le visage en feu, du s'écarter de Museau Aplati pour ne pas lui transmettre la chaleur brûlante qui la transperçait. Celui-ci commença à pousser des miaulement inquiets, tel un nouveau-né cherchant le ventre de sa mère.
Le guérisseur montra les crocs, furieux.
« Je fais tout ça pour toi, petite. Et toi, tu...
- Et Museau Aplati, alors ?! Mon mentor ne compte-t-il pas, pour toi ?! cracha l'apprenti, tout en se rapprochant un peu du blessé pour rassurer celui-ci. Ton boulot, c'est de soigner ! De soigner n'importe qui ! Je ne vois pas pourquoi tu aiderais Rose, qui ne vient même pas de ce clan, à assurer la sécurité de ses chatons, alors que tu veux laisser mon professeur crever ! cria-t-elle, la voix aigue. »
Le mâle crème ne répondit pas, la couvrant d'un regard noir, le pelage hérissé.
Il se fout de moi ?! Il ose même pas me parler en face, ce chat galeux ? Il veux laisser mourir Museau Aplati ? Je vais faire bouffer sa queue à ce chat galeux !
« Moustache Courte... gronda la rouquine. Qu'est-ce qu'il te prend ?! Tu veux le laisser mourir comme ça ! Alors que c'est le chat le plus adorable de la Forêt ! Tu ne mérite pas d'être guérisseur ! »
Le matou grogna.
« Je t'épargne de le voir souffrir. Il serait mieux chez nos ancêtres. »
Nuage de Pollen, furieuse, se jeta sur lui et voulu lui griffer les yeux.
Comme ça, il comprendra ce que ça fait, de ne pas être soigné quand il le faut !
Mais le chat aux yeux jaunes grogna et lui attrapa les pattes de justesse. L'apprentie commença à se débattre
« Sale folle. Tu crois que c'est en voulant me blesser que je soignerai ton chéri ?
- Parce que tu as déjà fait quelque chose pour lui, avant que j'arrive ?! s'époumona la femelle. Non ! Tu lui a juste mis tes toiles d'araignée inutiles ! Et ce n'est pas mon chéri ! C'est comme un père ! Et je ne veux pas me retrouver seule a nouveau ! Soigne-le !
- Je ne veux pas me retrouver seule ! Fait-ci ! Fait-ça ! Pas comme ça ! Gnagnagna ! C'est mon papa ! l'imita le soigneur. Il faut m'obéir parce que je suis la seule apprentie ! »
Nuage de Pollen feula et se débattit de plus belle. Elle finit pas tomber au sol la tête la première. Elle se releva aussitôt et accouru vers Museau Aplati, qui poussait des cris de peur.
« Calme-toi... tout va bien...
- Nuage... de... Pollen... je.. »
La rouquine se colla à lui.
« Ne t'inquiète pas... ça va aller...
- Je... Nuage... de Po... llen... je... »
Elle se pencha à son oreille.
« Repose-toi...
- Non ! couina le mâle gris. Nuage... Pollen... Je... »
La novice frissonna de joie. Il comprenait ce qu'elle disait !
« Bon, dégage d'ici ! gronda Moustache Courte. »
Nuage de Pollen lui lança un regard furibond.
« Tu veux que je dise ce que tu fais à Étoile de Silex, peut-être ?! »
Le matou crème cracha, tandis que Museau Aplati s'agitait.
« Je lui dirai ce que toi tu fait ! »
Et il détala.
Sonnée, la chatte au pelage roux ne comprenait pas.
Qu'est-ce que je fait ? Il est tellement c... bête.
Elle se colla encore un peu plus à son mentor.
« Museau Aplati... est-ce que tu m'entends...?
- Nuage...de...Pollen... je t... je... je t'aime. »
Et voilà ! Museau Aplati avoue tout... je suis vraiment désolée pour le retard de ce chapitre j'avais pas trop de temps avec la rentrée TwT
J'espère que ce chapitre vous aura quand même plu :3 !
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