Chapitre 18


« Nuage de Pollen ?

La jeune chatte soupira. Elle s'était réveillée depuis quelques heures déjà, mais était toujours fatiguée, et aurait rêvé de pouvoir se rendormir. Elle avait rêvé de sa famille, enfin réunie. Elle aurait tant voulu pouvoir retourner dans le monde du sommeil, mais ses efforts était vains : ses paupières ne voulaient pas se fermer... l'air sombre, elle se tourna vers son interlocuteur.

« Oui ? fit-elle d'une voix lasse »

Museau Aplati baissa les oreilles et s'approcha d'elle à pas lents. Il lui lécha l'oreille.

« Pourquoi tu fais cette tête ? Tu as l'air toute triste... »

Elle poussa un long soupir.

« Rien, rien, tout va bien... »

Le matou lui frotta la truffe de la sienne.

« Ça se voit, tu me ment. Et puis peu importe ce que tu pourrais me dire, je l'aurais compris. Depuis la bataille, tu n'est la petite Nuage de Pollen que j'ai connu...

- Alors je suis qui ? rétorqua-t-elle, glaciale. Moi je ne vois aucun changement. »

Museau Aplati se redressa, l'air doux.

« Tu as changé. Mais... »

Il se mordit la babine inférieure.

« Mais ? répéta la femelle en le défiant du regard. »

Le chat gris perle soupira.

« Mais en bien... enfin je pense. »

Elle leva un sourcil, curieuse et un peu vexée.

« Comment ça, tu penses ? Bien sûr que j'ai changé en bien ! »

Il sourit, amusé.

« Quelle crâneuse...

- Ça fait partie de mon charme incroyable, le taquina-t-elle. »

Il lui donna un petit coup de patte à l'oreille, rieur.

« En attendant, je suis un guerrier. Et pas toi, la nargua-t-il. »

Elle fut piquée au vif par cette remarque.

« Ouais ben je serai déjà guerrière si j'avais pas eu ma... ma dépression... »

Voyant qu'elle avait des larmes au coin des yeux, il tenta de continuer la plaisanterie.

« Détrompe-toi ! Tu as encore beaucoup à apprendre, petit scarabée. »

Nuage de Pollen esquissa un sourire.

« On va voir ça ! De toute façon, on m'a dit que j'allais reprendre l'entraînement, et c'est pas un petit malaise qui va m'en empêcher ! s'exclama-t-elle, déterminée. »

Il se fendit un rictus à son tour.

« On te manque trop, moi et mes entraînements fabuleux, n'est-ce pas ?

- Même pas en rêve ! protesta-t-elle en riant toujours. »

Il l'imita, et bientôt, ils furent tout deux tordus de rire sur le sol de la tanière de Moustache Courte, sous les yeux ahuris de ce dernier, qui décida de sortir pour s'éloigner de ces deux fous.

Museau Aplati ricanait. Il l'avait plaquée au sol, et elle tentait de se libérer, vainement.

« Capitule, et je te laisserais la vie sauve ! plaisanta-t-il. »

Elle lui donna des coups de pattes au ventre dans l'espoir de se dégager de son emprise.

« C'est ça, et puis quoi encore ?! souffla-t-elle. Je vais t'avoir... »

Mais elle ne l'eu pas. Bientôt, elle dû supplier son mentor de se relever. Ce dernier accepta mais seulement après qu'elle l'ai proclamé « plus grand guerrier de tous les temps ».

« J'ai le pelage tout poussiéreux, maintenant ! gémit-elle. »

Il sourit.

« Trop flemmarde pour se nettoyer ?

- Non, mais... »

Elle ne termina pas sa phrase : le guerrier avait réponse à tout, de toute façon. Celui-ci s'approcha d'elle tandis qu'elle retirait méticuleusement la saleté de son pelage roux.

« Besoin d'aide ? ronronna-t-il. »

La femelle rougit. Elle était capable de se nettoyer seule, quand même !

« Non. »

Il haussa les épaules, ses yeux verts pétillants de malice.

« Comme tu veux... »

Elle soutint son regard, l'air faussement hautain.

« Justement, je ne veux pas ! »

Le matou sourit.

« Dommage pour toi... »

Il se leva, s'ébroua, puis miaula, toujours sur le ton de la plaisanterie :

« Bon, alors je sors, puisque apparemment on ne respecte pas les guerriers ici ! »

Elle pouffa de rire.

« Effectivement ! »

Le mâle quitta la tanière, tout sourire, après avoir adressé un clin d'œil à la novice. Elle avait le don de le détendre...

« Quel dommage qu'elle soit si déprimée, parfois... murmura-t-il. »

Mais il était trop éloigné d'elle pour que Nuage de Pollen ne puisse l'entendre. Celle-ci regardait autour d'elle.

Bon bah je ferais peut-être mieux de sortir, moi...

Après avoir jeté un dernier regard ennuyé au gîte, elle sortit. En sentant l'air frais de l'extérieur, elle sourit en levant la tête, tout en fermant les yeux. Pour une fois, elle se sentait bien. En quittant la tanière, elle avait quitté les ténèbres. Et entrait pleinement dans la lumière du jour.

Plus rien ne pourra m'empêcher de vivre ma vie comme je l'entend.

L'apprentie rouvrit doucement ses paupières. La lumière du soleil passant dans les branchages des arbres formaient un paysage fabuleux.

Lune Claire, Nuage de Foudre... je vous promet d'être la meilleure des guerrières ! À toi aussi, Nuage de Trèfle. 

Elle agrandit son sourire. Elle allait reprendre sa vie en patte. Et retourner dans la lumière.

Si seulement...

Si seulement ses ancêtres étaient du même avis.



« Bravo ! Tu t'es très bien débrouillée ! »

Nuage de Pollen sautillait de joie. Elle avait passé une évaluation ! Et elle l'avait réussie ! Bien sûr, ce n'était pas celle de son baptême, mais elle était tout de même fière. Alors que la saison des feuilles mortes débutait, elle avait réussi à attraper deux grives et un rat d'eau ! Elle sentait que Museau Aplati rayonnait de fierté, ce qui la rendait plus heureuse encore. Et dire que le matin même elle jouait à se bagarrer avec lui... ils étaient vraiment devenus complices !

J'apporte de l'avenir au Clan de la Rivière... 

Quand elle y songeait, elle se sentait forte, prête à affronter le Clan du Tonnerre tout entier. D'ailleurs, c'était bientôt l'Assemblée. Dans quelques jours, elle reverrait peut-être Nuage Sombre. C'était une amie à elle du Clan du Vent. 

L'apprentie se rendit alors compte que depuis la bataille, trois lune plus tôt, elle n'était allée à aucune des réunions inter-claniques.

Comment ça se fait ?

D'ailleurs, il lui semblait bien qu'Aile de Libellule et ses frères non plus. C'était étrange...

« Museau Aplati ? miaula-t-elle à l'intention de son mentor. »

Celui-ci, qui contemplait les proies attrapées par son élève, tourna la tête vers elle, les oreilles dressées en signe d'intérêt.

« Oui ? fit-il, enjoué. »

Elle sourit. La clairière qu'il lui avait montré plus tôt était vraiment superbe pour les entraînements. Et son professeur avait décidé de lui faire une évaluation ici, pour voir ou en était son niveau après un si long temps sans entraînement. Finalement, elle n'avait pas oublié grand chose, bien qu'il préféra lui faire un peu revoir les bases. Ça ne lui posait pas vraiment de problème. Il fallait bien qu'elle sache chasser et combattre correctement pour être guerrière. Sinon, bonjour le ridicule ! Surtout qu'elle ne s'était jamais bien battue, et qu'elle préférait de loin détecter les proies ou distinguer les poissons dans les cours d'eau. L'odeur humide, les rayons de soleil, sa fierté lorsqu'elle remontait une piste jusqu'à trouver du gibier pour nourrir son clan... elle pourrait passer sa journée à chasser. D'ailleurs, quand elle serait guerrière, c'est ce qu'elle comptait faire, à chaque fois que l'occasion se présenterait. Et de temps en temps, elle le ferait avec son mentor... elle était sûre que, même lorsqu'elle ne serait plus sa novice, il garderait leur complicité. Un père pour elle, une fille pour lui. Mieux que de l'amitié améliorée. Mieux que de l'amour. La famille. Feuille de Fougère et lui, eux, ne l'avaient jamais laissée tomber. Ils avaient toujours été là pour elle, dans les meilleurs moments comme dans les pires. D'ailleurs, les deux chats était très amis. Ils passaient beaucoup de temps ensemble... et avec Aile de Bourdon. Dommage, sinon elle aurait passé beaucoup de temps avec son père et Museau Aplati. Enfin bon... elle arrivait quand même à passer du temps avec eux... mais pas les deux en même temps. En fait, ça ne la dérangeait pas trop, car elle se serait senti gênée entre les deux guerriers, bien qu'ils soient ses deux seuls proches. Perdue dans ses pensées, elle oublia de répondre à Museau Aplati. Celui-ci en profita pour plaisanter.

« Alors ? On veut juste entendre le son de ma voix ? »

Elle plissa les yeux, amusée.

« Non, non, sourit-elle. J'ai juste une question.

Il dressa les oreilles, un peu plus sérieux.

« Je t'écoute. »

Nuage de Pollen se lécha la patte pour paraître détendue. Bon, aussi, elle était loin d'être stressée...

« Bah en fait j'ai remarqué un truc... depuis la bataille, Aile de Libellule, mes frères et moi, on n'est allés à aucune Assemblée... tu sais pourquoi ? »

Le matou pencha la tête sur le côté.

« Non, mais c'est vrai que c'est plutôt étrange... en plus, elles étaient normales. On était un peu stressés à cause du Clan du Tonnerre mais sinon c'était des réunions ordinaires. »

Elle reposa sa patte au sol.

« Tu peux m'en dire plus ? »

Il soupira, l'air ennuyé.

« Il n'y a vraiment rien d'interessant. Quelques portées, des guerriers rejoignant les anciens... la seule chose hors du commun c'était la disparition de... de ton frère. »

La femelle tenta de garder le sourire, mais l'image de Nuage de Trèfle était imprimée dans sa mémoire, et elle ne pouvait pas se le sortir de la tête. Les babines tremblantes, elle miaula, autant pour se rassurer que pour répondre :

« Il est heureux, en tant que chat domestique... peut-être qu'il a d'autres personnes dans son nid de Bipèdes, et qu'il s'est fait des amis... »

Museau Aplati afficha un sourire compatissant et s'assit à côté d'elle.

« Tu es forte, se contenta-t-il de dire. »

La jeune chatte baissa les yeux. Elle ne savait pas trop quoi dire, et se contenta de contempler les belles iris du mâle pour se rassurer. Elle finit par murmurer dans un souffle :

« Merci d'avoir été là... je n'aurais pas pu, sans toi... ni sans Feuille de Fougère. »

Il commença à ronronner et se roula en boule au sol. Heureuse, elle s'allongea à son tour et posa sa tête sur le ventre de son mentor. Alors que les yeux de l'apprentie se fermaient, il murmura :

« Merci à toi... »

Et ils s'endormirent, l'un contre l'autre, dans cette clairière qu'eux seuls connaissaient.



L'odeur du poisson-moustache réveilla la novice. Celle-ci esquissa un sourire, les yeux toujours clos. Quelques minutes plus tard, elle décida de ses lever, appâtée par l'odeur du poisson. Elle leva les yeux. Le soleil était presque couché. La femelle au pelage fourni jeta un regard autour d'elle. Un peu plus loin, Museau Aplati dévorait un poisson énorme près d'un jeune saule. Il lui tournait le dos. Elle s'approcha de lui à pas de loup, puis, décidant de lui faire une farce, elle lui bondit sur le dos.

« Rend-toi, s'exclama-t-elle, et donne moi ton butin, sinon tu vas tâter de mes griffes ! »

Surpris, le matou hérissa son pelage, dressa la queue et lui donna un coup de griffes à la joue. Elle poussa un couinement et sauta au sol.

« Aïe... articula-t-elle malgré sa joue blessée. »

Le chat gris, en voyant ce qu'il avait fait, s'empressa de la rejoindre.

« Je suis désolé ! gémit-il. Je ne voulais pas te faire mal ! »

En voyant qu'il semblait apeuré, elle sourit légèrement du côté ou elle y arrivait et se releva.

« Ne... t'in...iètes... pas... e vais.. ien... »

Sauf que j'ai mal à la joue !

Elle se dirigea vers l'arbre et gratta la mousse. Elle en mit un bout sur sa plaie.

En fait, j'ai toujours aussi mal...

Museau Aplati avait l'air vraiment désolé.

« Je suis... commença-t-il.

- Ne. T'inqu... iètes. Pas, articula-t-elle. »

Il s'approcha quand même d'elle.

« Retire la mousse, je vais te nettoyer. »

Elle s'exécuta tandis que le mâle lui léchait la joue pour en retirer le sang. En voyant sa langue rougie qui devait avoir un gout atroce, elle grimaça.

« Je t'ai fais mal ? s'inquiéta-t-il. »

Elle agita négativement la tête pour le rassurer. Soulagé, le mâle continua son œuvre. Ça ne semblait pas lui poser de problème...

Bon, aussi, c'est lui qui m'a fait mal... mais c'est de ma faute !

Elle laissa le mâle s'activer en silence, les yeux fermés. Elle sentait son ventre gargouiller, et l'odeur de poisson-moustaches n'arrangeait rien, mais elle prit son mal en patience. Bientôt son mentor déclara, l'air satisfait :

« Et voilà ! Ne t'inquiètes pas, ça va bientôt cicatriser... et encore désolé ! »

Elle sourit. Bien sûr, elle eu aussitôt une douleur à la joue. Elle réprima une grimace qui ne lui aurait fait que plus mal.

« T'inquiètes... je suis solide... »

Il agita les oreilles, l'air rassuré.

« D'accord... »

Puis il décida de jouer la carte de la taquinerie.

« Pas trop mal pour manger un poisson-moustaches ? »

L'apprentie ronronna.

« Nan ! Donne ! »



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