Chapitre 35 : Joie

Goutte de Pluie

La brise fraîche de l'aube balaie ma fourrure tandis que je progresse en silence dans les bois. Ce matin, j'ai été choisi par Fumée Opaque pour mener la patrouille de chasse. Je mène la patrouille de chasse ce matin, et mes sens sont en alerte. 

À mes côtés, le lieutenant couleur fumée avance. Il s'est désigné lui-même pour m'accompagner car tous les autres membres du Clan étaient occupés à autre chose.

Nous avançons d'un même pas sur la terre sèche de la forêt. Tous nos sens sont en alerte. 

Soudain, un bruissement dans les jeunes pousses de fougères attire mon attention. Je me fige, bloquant ma respiration. Une souris. Son odeur musquée me parvient, j'en salive d'avance.

J'adopte la posture du chasseur, les muscles tendus, prêt à bondir sur ma proie. 

Alors que j'allais passer à l'action, une voix familière m'appelle, faisant fuir la souris.

— Goutte de Pluie, tu es là ?

Je sers les crocs, frustré. Je m'apprête à montrer mon mécontentement au chat qui vient de faire fuir mon repas mais, quand je vois ma compagne s'avancer vers moi, toute ma colère s'envole. 

Mon cœur bondit dans ma poitrine à sa vue. Elle est si belle...  Ses yeux brillent comme des étoiles... 

Elle s'arrête près de moi, haletante. Elle a dû courir pour me rejoindre ici...

Fumée Opaque, dont j'avais presque oublié la présence, prend la parole :

— Lueur d'Espoir, qu'est-ce que tu fais ici ? Je t'ai dis de rester au camp, tu avais l'air malade... 

Elle hésite, ses yeux attirés par le sol. Puis, elle lève la tête et plonge son beau regard dans le mien.

— J'avais vraiment besoin de parler à Goutte de Pluie. Je ne peux pas attendre, c'est important.

Je m'approche, intrigué et confus. Qu'a-t-elle de si important à me dire ? Fumée Opaque soupire et lève les yeux au ciel mais s'éloigne légèrement pour respecter notre intimité. 

Lueur d'Espoir inspire une grande bouffée d'air avant de lâcher :

— Goutte de Pluie, j'attends des chatons... tes chatons.

Autour de moi, j'ai l'impression que le temps s'est figé. Le vent ne souffle plus, ne faisant plus frémir les arbres, les oiseaux se sont tuent... 

Les mots de ma compagne résonnent dans ma tête en boucle. Elle porte mes chatons. Je vais être père...

— Tu... tu en es sûre ?

Elle hoche la tête. Je n'en reviens pas. Je vais vraiment être père ! Je vais fonder une famille avec la chatte que j'aime ! Mon cœur déborde alors de joie et je frotte ma joue contre celle de Lueur d'Espoir en ronronnant.

— C'est la meilleure nouvelle que j'aie entendue. Je suis si heureux de vivre ça avec toi, Lueur d'Espoir.

Elle se met à ronronner à son tour en murmurant :

— Je t'aime, Goutte de Pluie.

— Je t'aime aussi.

Nous restons encore quelques instants joue contre joue avant que Fumée Opaque ne revienne :

— Euh... Ça m'embête un peu de vous couper mais les proies ne vont pas se chasser toute seule, n'est-ce pas ?

Je m'écarte de ma compagne, le moment de tendresse est terminé, le devoir m'appelle.

— Je peux vous accompagner maintenant que je suis là ? demande Lueur d'Espoir.

— Je n'y vois pas d'inconvénient, sauf si tu déconcentres Goutte de Pluie évidemment. répond le lieutenant.

— Hum, il me semble que c'est moi le meneur de cette patrouille, non ? Alors j'accepte que tu nous accompagnes, Lueur d'Espoir !

Fumée Opaque lève les yeux au ciel mais je vois ses moustaches qui frémissent, signe qu'il est plus amusé qu'ennuyé.

— Bon, allons-y !

Nous avançons dans la forêt, silencieusement, à pas feutrés. Sans prévenir, Fumée Opaque bondit et attrape sans difficulté un mulot qui dégustait une graine. Il l'enterre en remerciant le Clan de l'Au-Delà et nous repartons à la chasse.

C'est alors que nous arrivons près de la combe d'entrainement. J'entends les bruits d'un combat ainsi qu'une voix encourageante :

— Très bien, Nuage de Pétale, c'est parfait !

C'est la voix de Rosée du Matin. Elle fait passer à Nuage de Pétale son évaluation finale.

Je m'approche un peu plus, les deux autres me suivent. J'arrive près de ma mère juste au moment où Nuage de Pétale se tapit au sol. Les yeux de la jeune chatte sont rivés sur une souris qui prend le soleil à quelques longueurs de queue.

L'apprenti blanche bondit envoyant de la poussière autour d'elle. Quelques secondes plus tard, la souris est morte dans sa gueule.

— Belle prise ! s'exclame Fumée Opaque.

— Elle se débrouille bien, hein ? répond Rosée du Matin.

Nous hochons tous la tête, admiratifs. Je n'ai aucun doute pour dire que Nuage de Pétale deviendra une excellente guerrière. 

Avant que je n'ai pu dire quoi que ce soit, Rosée du Matin pose sa queue sur mon épaule, le regard indéchiffrable.

— J'ai quelque chose à te dire, Goutte de Pluie.

J'entends Fumée Opaque soupirer tandis que je plisse les yeux, surpris. Ma mère semble nerveuse. Elle ouvre la gueule et la referme plusieurs fois sans rien dire ce qui me rend nerveux à mon tour. Finalement, elle lâche sa bombe : 

— Tu vas avoir des frères et sœurs. J'attends des chatons.

Je reste gueule bée, les yeux écarquillés. Cette matinée est décidément pleine de surprises ! Je sens une nouvelle vague de bonheur m'envahir. Des frères et sœurs. Je vais avoir des frères et sœurs comme je l'ai toujours rêvé ! 

Je m'imagine déjà jouer avec eux et leur présenter mes propres chatons.

— C'est incroyable. je murmure, la voix tremblante d'émotion. 

Rosée du Matin me sourit, une lueur de joie et de fierté brillant dans ses yeux. Mais j'y aperçois aussi une légère tristesse et je me rends compte que ces chatons seront comme moi, orphelins de père.

Je me sers alors contre elle et plonge ma tête dans le pelage de son cou sans rien dire. Les mots sont inutiles. Nous avons toujours été là l'un pour l'autre et ça ne changera pas, elle le sait. 

Lueur d'Espoir, Fumée Opaque et Nuage de Pétale, qui sont restés en retrait, s'avancent. Ils posent tous leur queue sur les épaules de la futur mère pour la soutenir dans son épreuve. 

Quand Rosée du Matin relève la tête, plus aucune tristesse ne brille dans son regard, seulement de la joie pure.

— Je suis tellement heureuse !

Mon cœur se réchauffe et, alors que nous nous regroupons, une certitude s'impose à moi : la vie continue, malgré la mort de nos camarades, et celle-ci est pleine de surprises et de promesses d'espoir. 

Et, en ce moment, entouré de ma famille et de mes camarades, je ne pourrais pas être plus heureux.





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