Prologue


    La forêt du Clan du Tonnerre bruissait de milliers de bruits, tous différents les uns des autres. Que ce soient les écureuils qui grattaient leurs nids avant de s'endormir, ou bien le ruisseau, à la frontière du Clan du Vent, dont s'échappait un clapotis relaxant... c'étaient des bruits qui se répétaient chaque nuit, quotidiennement, prouvant que la vie continuait malgré tout ce qu'il pouvait arriver. Les morts, les batailles... tout ça, finalement, n'avait aucun impact sur la forêt. Les arbres, la terre, l'herbe, perduraient. Seuls les yeux qui les observaient, sûrement à la recherche d'une proie ou d'une fleur aromatique, changeaient. Et leurs couleurs n'étaient jamais les mêmes. Chaque bleu, chaque vert, chaque jaune avait ses nuances, et ses étincelles. Chaque regard était unique.

    Cependant, parmi ces bruits forestiers, l'un d'eux n'était pas habituel. Des craquements de brindilles et de feuilles mortes, des pattes frappant le sol, une respiration saccadée... 

    Un chat courait dans la forêt. Sautant par dessus les troncs d'arbres avachis, esquivant les buissons de ronces, slalomant entre les aulnes... Sur son passage, les quelques chouettes présentes sur les branches des chênes et des bouleaux s'envolaient jusqu'à la cime de leurs arbres respectifs, se mêlant dans une trainée argentée. Mais le félin ne s'arrêtait pas pour autant, comme si la fatigue le pourchassait sans jamais réussir à l'attraper, comme si il courait pour distancer la mort. Malgré ses dérapages fréquents sur les feuilles mortes, il continuait à avancer à un rythme régulier.

    De longues minutes passèrent, et le chat finit par enfin ralentir. Essoufflé après sa course, il marchait pourtant d'un pas pressé, respirant toujours aussi bruyamment. Des feuilles rousses et brunes se soulevaient doucement au rythme de ses pas, avant de retomber délicatement sur le sol et de se mêler à la couche de végétaux. La gueule entrouverte, il jetait parfois un coup d'œil autour de lui avant de continuer son chemin, les sens aux aguets. Il descendait prudemment vers le lac tandis que, peu à peu, les arbres laissaient place à des galets et à une fine couche de sable. Bientôt, il se retrouva devant l'immense étendue d'eau noire. Ses pattes se retrouvaient plongées dans les grains minuscules, tandis que les empreintes de ses pas s'étaient imprimées contre le sol. Elles laissaient deviner des griffes acérées, au vu des petits points devant chaque  trace de pas.

    Le matou tendit le cou vers le ciel nocturne. Ses yeux, d'une couleur semblable à ce dernier, brillaient d'une lueur incertaine. Son iris de jais prenait une couleur pâle à chaque reflet de lune que les yeux du félin croisaient. Au vu de son expression anxieuse, on aurait pu croire qu'il ne savait pas lui-même où il se trouvait. 

    Il finit par baisser le museau vers l'eau, les moustaches frétillantes, et lapa quelques gouttes gelées. Puis, brusquement, il se retourna vers la gauche, envoyant quelques gouttes autour de lui. Tout près de lui se trouvait un ruisseau, le séparant de la lande. Le territoire du Clan du Vent... Son pelage se hérissa lorsqu'il se remit en route dans cette direction. Sa queue touffue battait l'air.

    Pourtant, le vent qui lui fouettait le pelage maintenant qu'il n'était plus protégé par les arbres n'était pas la cause de ses frissons.

    Le félin marchait vite vers la rivière, ses pattes s'enfonçant de moins en moins dans le sol sablonneux à mesure qu'il retrouvait la douceur de l'herbe fraîche. Le clair de lune s'arrêtait parfois sur son pelage, comme pour montrer à tous qu'il fallait lui prêter attention, qu'il s'apprêtait a enfreindre le Code du Guerrier en pénétrant sur un territoire qui n'était pas le sien.

    C'est alors qu'il se stoppa brusquement. 

    Devant lui, le cours d'eau argenté qui constituait la frontière entre son clan et celui du Vent lui bloquait le passage. Il s'étendait comme une immense rayure brillante sur le pelage d'un chat. À quelques queues de renard seulement s'étendait la lande, aussi scintillante que la rivière qui s'agitait sous ses yeux. Il lui aurait suffit de savoir sauter un tout petit peu plus loin, et ça aurait été parfait, il aurait franchi la frontière sans problèmes, sans se mouiller... mais malheureusement, il en était incapable.

    Le matou s'arrêta plusieurs minutes, entourant ses pattes de sa queue ébouriffée tandis qu'il s'asseyait. Il réfléchissait sans nul doute à une manière de traverser sans se mouiller. Il tremblait de tout son corps, comme prit de convulsions. Et le temps ne le rassurait en rien... Le vent le fouettait sans aucune pitié, si bien qu'il se sentait plus son museau qu'il avait fait l'erreur de ne pas nettoyer. L'eau qui s'y trouvait encore lui gelait la truffe... À plusieurs reprises, le félin jeta des coups d'œil furtifs en arrière, comme tenté de retourner chez lui. Après tout, pourquoi voulait-il tant franchir cette rivière ? Pourquoi voulait-il obstinément avancer ? Et pourtant, malgré son esprit qui lui miaulait de rentrer au camp, il n'en fit rien. Sans bouger les pattes d'un poil de souris, le mâle dressa à nouveau le cou vers la Toison Argentée. Dans son regard dansait une flamme pleine de tracas et de regrets.

    Il sembla trouver conseil parmi les astres, car, au prix de nombreux efforts, il finit par oser plonger une patte dans l'eau qui lui inspirait tant d'inquiétude. Il lui fallut beaucoup de courage pour ne pas la retirer directement, tant elle était froide. Elle le brûlait violemment, une douleur cuisante s'insinuant dans cette toute petite partie de son corps. La vague fraîcheur qu'il ressentait au niveau du museau quelques battements de cœur auparavant n'était plus rien à côté de cela... Qu'arriverait-il lorsqu'il devrait y plonger tout entier ? C'était une question à laquelle il n'aurait surtout pas voulu connaître la réponse avant de pouvoir l'apprendre par lui-même.

    Le félin ne sentait déjà plus ses griffes, et il prit un très long moment avant de plonger son autre patte avant dans l'eau. Il avait l'impression que ses coussinets s'étaient détachés de ses pattes, il ne sentait plus rien sous lui... 

    Le matou prit une grande inspiration avant de mettre ses pattes arrières dans l'eau, puis, en miaulant de douleur, tout le reste de son corps. Bientôt, on ne voyait plus que sa tête qui dépassait de la rivière. Le liquide était si froid qu'il lui brûlait le ventre, lui donnant presque envie de couler pour ne plus ressentir cette douleur... Même son visage, qu'il n'avait pourtant mit sous l'eau que quelques instants avant de remonter la tête à la surface, lui donnait envie de s'arracher les poils. Il avait l'impression de recevoir des centaines et des centaines de morsures en même temps sur les joues, le museau, la truffe... Essayant tant bien que mal d'avancer dans le ruisseau pour atteindre la rive opposée, ses pattes battant l'eau désespérément, le matou semblait à la frontière entre un chat et une bête. Il crachait, feulait, criait à l'aide... mais seul le hululement d'un hibou répondit à ses appels désespérés.

    Après des minutes entières de hurlements et de gémissements de douleurs, ponctuées par le bruit de l'eau qui éclaboussait la rive, le mâle finit par poser une patte sur cette dernière en criant sa joie. Il poussa un long miaulement de bonheur pur et se dépêcha de poser une autre patte sur le bout de terre herbu, puis de sortir ses frêles épaules de l'eau. Il s'appuya de toutes ses forces sur la rive, sentant le bas de son corps le lâcher tandis que le froid s'insinuait en lui...

    Heureusement, il finit par sortir intact de l'horrible rivière. Mais intact n'était pas un mot approprié pour le définir en cet instant. Ses yeux étaient si exorbités et rougis qu'on aurait pu croire à une maladie, et son pelage gris et blanc était méconnaissable. Tout comme lui-même, finalement... 

    S'affalant contre le sol, son corps entier secoué de spasmes nerveux, il commença à respirer tout son soûl. Son flanc se soulevait rapidement, avant de s'affaisser plusieurs secondes, et ainsi de suite, tandis qu'une grimace affreuse déformais son visage fin. On aurait cru à un mourant. 

    Le félin sentait à nouveau le vent glacial et l'herbe mouillée contre lui, qui le gelaient presque autant que l'eau de laquelle il venait de s'échapper. Le félin sentait le désespoir s'insinuer en lui à mesure qu'il prenait conscience de la situation dans laquelle il venait de se mettre.

« Pourquoi ai-je fait ça...? Pourquoi ? » haleta-t-il.

    Il ne savait même pas ce qui l'avait guidé ici. Il ne l'avait jamais su. Il n'avait fait que suivre son instinct et, désormais, était au plus mal, seul, sur un territoire ennemi. En pleine nuit. Il se sentait faible, inconscient, mais surtout stupide.

    Lorsqu'il leva les yeux vers le ciel, il lui apparut soudain bien plus hostile qu'auparavant. La lumière des étoiles était elle vraiment un guide ? La lune ne le narguait-elle pas ? Sa froide blancheur brillait au dessus de sa tête, comme pour l'inciter à plonger à nouveau dans l'affreuse rivière... 

    Si le matou voulait rentrer chez lui, il lui faudrait obligatoire passer par cette dernière.

    Cette réalité violente le frappa, lui provoquant une douleur pire encore que celle qu'on ressent lorsqu'on nous mord à la gorge. Il venait de s'en rendre compte, mais déjà il avait envie de dormir, de tout arrêter, de tout oublier... rien qu'à la perspective de retraverser l'affreux cours d'eau, il sentait son cœur se serrer. Ses oreilles s'étaient plaquées contre son crâne sans même qu'il ne s'en rende compte, mais ça ne l'étonnait même plus.

    Un très long moment passa. Le félin avait perdu la notion du temps lorsqu'il se releva. Il faisait encore nuit, remarqua-t-il. Avait-il passé des jours, des lunes ici ? Quoi qu'il en soit, il était toujours trempé jusqu'aux os. Et il avait toujours aussi froid, voire plus... heureusement, il arrivait à le supporter à présent. C'était déjà ça. Il jeta un regard soucieux à son poil, dont la couleur, malgré la lumière de la lune, n'était plus du tout grise et blanche. Au contraire, l'eau qui s'était insinuée en lui avait rendu son pelage gris sombre, presque noir... Le matou gémit doucement, mais sans y croire. Il sentait peu à peu ses forces lui revenir, et l'emprise de ses pattes contre le sol s'était raffermie. Après tout son instinct ne l'avait jamais desservi, il devait croire en lui.

    Le ciel s'était éclairci, jusqu'à prendre une teinte d'un blanc laiteux. Cela rappelait au félin la teinte du pelage de son père... « Oreille d'Eau... tu me vois, de là-haut ? » 

    Les étoiles brillaient plus que jamais, comme pour lui répondre, et le mâle pommelé sentit soudain le besoin de suivre leur volonté, plus que jamais. Comme si le moment était venu, qu'il ne pourrait jamais être aussi dévoué à ses ancêtres... Alors, les membres trémulants, il fit un pas, puis un autre. Ses pattes faisaient un petit bruit spongieux lorsqu'il les levait du sol, encore imbibées de l'eau de la rivière. 

    Bientôt, il arrivait à marcher normalement parmi l'ajonc et la bruyère, ayant presque assez de force pour courir. Il aurait très bien pu, tout se serait terminé plus vite, il aurait enfin connu son véritable objectif... Cependant, le fait d'être en territoire ennemi l'en dissuadait. Si on le voyait, il serait à coup sûr amené à Étoile de Sable. Le chat pommelé n'osait même pas imaginer sa réaction en le trouvant sur son territoire en pleine nuit, trempé jusqu'aux os... Et l'idée de retraverser la rivière pour le faire souffrir à nouveau ne pouvait que le repousser. C'est pour cette raison qu'il comptait prendre tout son temps.

    Le félin jeta un œil au lac, à un endroit se trouvant un peu plus loin que le territoire des Chevaux. L'île où se déroulaient les Assemblées était bien visible malgré l'obscurité. Seule, isolée dans le lac, ses contours de dessinaient clairement contre le ciel piqueté de blanc. 

    Il avait fait le plus dur, il n'était plus très loin de son objectif. Il allait bientôt savoir où ses ancêtres le guidaient, et dans quel but, il le sentait... Ses pattes le picotaient, et ce du bout des griffes jusqu'à ses cuisses.

    Le matou arriva enfin devant le territoire des Chevaux. Juste à côté de lui se tenait un pont qui s'arrêtait brusquement, brisé. Son ombre contre le lac lui donnait l'impression qu'une silhouette de chat l'observait, les yeux éternellement ouverts afin de le jauger... 

    Il frissonna d'excitation, ses pattes le picotant de plus en plus vivement. Il avait peut-être peur, mais il avait surtout hâte d'en finir avec tout ça et d'enfin pouvoir retourner chez lui. L'idée de son nid de mousse l'attendant sagement s'imposa dans son esprit, l'incitant à revenir sur ses pas pour laisser tomber et s'endormir enfin, après une si longue nuit... Le mâle se rendit soudainement compte que la fatigue s'emparait peu à peu de lui, et il sentit un bâillement monter dans sa gorge. Il le retint aussitôt, secouant la tête et les oreilles pour se ragaillardir. Ce n'était pas le moment de lâcher prise, il était si proche du but ! Il traversa à toute vitesse le territoire des Chevaux, comme pour réveiller ses muscles qui commençaient à s'engourdir. Et enfin, il pénétra sur le territoire du Clan de la Rivière. Ce n'était plus qu'une question de temps, ses pattes le chatouillaient doucement...

    Il rejoint enfin le tronc effrité qui permettait l'accès à l'île, reprenant son souffle après une course effrénée. L'écorce humide de l'arbre semblait prête à s'effriter sous ses pas, mais le félin ne s'en inquiétait pas trop. Certes, il détestait l'eau (et la mésaventure de cette nuit n'avait pas amélioré la situation), mais il avait fait ce chemin tant de fois qu'il n'avait plus peur de tomber. Il était habitué à traverser pour retrouver ses amis, effectuer le Partage, écouter son cher chef... 

    Une patte devant l'autre, ses coussinets s'imprimant dans la mousse empreinte des parfums nocturnes, il finit par arriver sur l'île et ronronna doucement. Ses pattes ne le picotaient plus, il se sentait même étrangement calme. Cependant, après seulement quelques secondes, il se figea. Son poil humide s'était hérissé d'un coup, et sa queue battait l'air violemment. Sa truffe avait décelé une odeur forte, récente, qui n'avait rien à faire là cette nuit... il retint un gémissement en la reconnaissant, sentant la panique se propager dans chaque parcelle de son corps. L'odeur du Clan de l'Ombre !

    Il eut à peine le temps de voir une paire d'yeux vert pâle dans les fourrés avant de sentir un poids l'écraser et des griffes s'enfoncer dans son dos. Il hoqueta, autant de douleur que de surprise, et se cabra dans la panique. Le cœur battant, il aperçut le chat valdinguer jusque dans un buisson. Mais son agresseur était déterminé, et il se releva presque directement avant de sauter sur lui. Le félin gris et blanc n'eut que le temps de le mordre à l'épaule avant d'être éjecté à une demie queue de renard du sol. Lorsqu'il comprit ce qui allait se passer, il était déjà trop tard. Son museau venait de plonger dans l'eau, suivi de tout son corps.

    Cette fois-ci, il hurla de toutes ses forces, sans retenue. Mais seules des bulles s'échappèrent se sa gueule grande ouverte, figée dans une expression d'horreur... Il était tout simplement terrifié en sentant de l'eau entrer cette même gueule, lui engourdir la langue et lui glacer à nouveau la peau... à mesure qu'il se débattait pour garder la tête à l'air libre, il sentait son corps le lâcher. Lentement mais sûrement. Comme lorsqu'il avait traversé le tronc pour ne pas tomber dans cette même eau qui l'engloutissait peu à peu... Il eut tout juste le temps de voir à nouveau ces yeux verts si pâles, avant de laisser tomber. Il sentait son corps s'éteindre peu à peu, sombrer sous la surface noire et cruelle du lac. Et pourtant, il décela une trace d'hésitation dans les prunelles de son ennemi. Ça devait être dû au froid qui lui montait à la tête...

    Et tout à coup, il se rendit compte de la réalité cruelle qui l'attendait, comme un vent qui lui balayait soudainement le pelage. Cependant, la douleur était celles de centaines de mâchoires se refermant sur sa gorge, de milliers de griffes lui écorchant la peau...

    Il allait finir comme ça, en ne sachant même pas qui lui avait arraché la vie. Son cœur était si serré, sa gorge si noué, qu'il se sentait étouffer de plus en plus. L'eau montait...

    Le matou sentait celle-ci inonder jusqu'à l'intérieur de son corps. Comme si il n'était qu'une vulgaire plage de sable contre laquelle s'écrasaient les paresseuses vagues, le recouvrant d'écume... et c'est alors qu'il sentit quelque chose le frôler. 

    Les yeux mi-clos, il put voir seulement une grande tache blanche juste devant lui. Mais il ne put pas réfléchir ou même mieux l'observer, ses paupières se fermaient déjà, affaiblies par le sommeil... 

    Les battements de son cœur ralentissaient... Sa peau était comme couverte de glace... Le félin ne sentait plus les membres de son propre corps...

    Il ne se rendit même pas compte qu'une paire de crocs s'était enfoncée dans sa nuque. Il ne se rendit même pas compte qu'on le tirait vers l'extérieur. Il ne voyait que de la lumière, et l'opacité de l'eau n'aurait rien pu y changer. De la lumière... sa lumière. Celle qui annonçait sa fin ?

    Alors qu'il ne sentait plus que le froid et la douleur dans chaque parcelle de son corps, cette lumière si chaleureuse fut remplacée par une brume floue. Cependant, elle ne resta pas longtemps dans cette état et se matérialisa sous la forme d'un chat. Puis d'un autre... un autre... et encore un autre... en seulement quelques secondes, le brouillard s'était métamorphosé en bribes de souvenirs. Devant lui, des chats...  il reconnut immédiatement sa famille. Les images devenaient de plus en plus claires et il distingua très vite un mâle blanc, dont les yeux bleu nuit détonnaient sur son pelage de neige. Il avait les mêmes prunelles que lui... c'était donc son père. Il était en train de se frotter à une femelle grise, au doux yeux dorés cette fois. Comme du miel. Comme de la sève. Comme deux soleils d'amour. Comme... le matou divaguait, mais il aimait ça. Repenser à sa mère lui gonflait le cœur de joie, lui offrait un nouveau souffle...

    Et puis entre Oreille d'Eau et sa compagne aux yeux de soleil, il y avait deux chatons. 

    L'un d'eux était son frère. Cœur d'Écume, alors qu'il n'était encore qu'un chaton. Son frère avait toujours été beau. Impeccable grâce aux bons soins de sa mère, il exposait à la vue un pelage gris perle, moucheté de blanc... comme des flocons... ou des petites plumes...

    Et puis, il y avait lui. Envol de Chouette. Ses yeux étaient déjà les mêmes que ceux de son père, semblables à la nuit... quand à son pelage, il était plus lisse qu'il ne l'avait jamais été. Et qu'il ne le serait jamais...

    Le souvenir que son esprit avait donc gardé en mémoire comme le plus important était celui-ci. Sa famille, de nombreuses lunes auparavant, le jour de son baptême d'apprenti. Avant que ses parents ne meurent. Avant que lui, ne meure... Oreille d'Eau, son père au pelage de glace, Perle de Miel, sa mère aux yeux de soleil... mais surtout, Petite Écume et Petite Chouette. Les deux petits chatons au pelage de cendre. Mais son pelage à lui, il n'était pas que de cendre... il était aussi de neige... comme son père.

    C'était une belle famille... c'était sa famille. Il n'y avait pas plus beau souvenir pour lui. Puis, un autre souvenir lui vint. 

    Devant lui se trouvait un mâle au long pelage roux et blanc. Un pelage de feu et de givre... se dit le félin, le regard de plus en plus flou. Ses yeux dorés étaient rivés sur un chat au pelage de neige et de cendre, qui avait déjà bien grandi... c'était Étoile de Tornade qui le considérait ainsi. C'était son chef, son héros. « J'espère avoir été digne de tes espérances. J'espère ne pas t'avoir déçu. Au revoir, Cœur d'Écume. Je t'aime plus que tout, je n'aurait pas pu imaginer meilleur frère. Au revoir, Étoile de Tornade. Je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu as fait pour moi... »

    Envol de Chouette ouvrit imperceptiblement les yeux. La mort, sa mort, approchait. Est-ce que c'était dur, de mourir ? Est-ce que ça faisait peur ? Est-ce qu'il serait un peu comme endormi ? C'est ce qu'il voulait, oui. Paraître endormi. Comme si il était dans un état entre la vie et la mort, dans un endroit à part. Et ce serait le sien.

    Pourtant, alors qu'il sentait la vie le quitter pour de bon, le matou sentit une grande bouffée d'air envahir sa gorge. Il avait toujours froid, mais... ce n'était pas la même chose.

    Il poussa une espèce de gémissement entre la douleur, la surprise et la joie. Et il se souvint tout à coup. Alors qu'il avait ouvert les yeux pour voir la forêt une dernière fois, il n'avait pas vu de l'eau... il avait vu un visage. Puis à l'instant suivant le ciel, suivi de la terre. Puis l'herbe, qu'il sentait désormais contre son flanc trempé...

    Il n'était donc pas mort...? Il ne comprenait plus rien, sauf le froid, et la douleur. Si on lui parlait d'autre chose à l'instant, il ne le comprendrait pas, c'était une évidence pour lui. Sa vision se brouillait, il sentait de l'eau s'écouler de chaque partie de son corps pour tremper le sol autour de lui.

    Mais si il sentait tout ça, alors... ça voulait dire qu'il était vivant ? Ses oreilles, gelées, bourdonnaient, lui donnant un mal de crâne intense. Juste devant lui, il voyait un chat blanc se détacher contre le ciel nocturne. Son long pelage immaculé était trempé. Était-ce lui, son agresseur ? Il se dépêcha de vérifier ses yeux, soudain en proie à une terrible inquiétude. Il avait recommencé à trembler, craignant une nouvelle attaque. Mais, à son grand soulagement, ses prunelles n'étaient pas vert pâle. Elle étaient ambrées. Une couleur qui, après une baignade aussi glaciale, lui semblait bien chaude, douce, mais surtout rassurante... Le félin figea son regard sur le matou, n'arrivant pas à débiter le moindre mot. Celui qui était donc sûrement son sauveur s'en rendit très vite compte.

« Tu es vivant. » miaula-t-il doucement. « Je t'ai sorti de l'eau. Ne t'inquiète pas, je ne te veux aucun mal. »

    Envol de Chouette, stupéfait d'entendre à nouveau des voix, et surtout aussi rassurantes, cligna des yeux lentement. Disait-il la vérité, au moins ? Il pouvait s'agir d'un allié de son agresseur, après tout... Cependant, lorsque l'autre commença à ronronner et lui fit un petit brin de toilette pour le sécher, sa crainte s'évapora. Il était trop fatigué pour envisager cette éventualité plus longtemps, et voulait seulement fermer les yeux...

« Je suis Saut de Feu, du Clan de la Rivière. » finit par expliquer le mystérieux félin. « Ton odeur me dit quelque chose. On s'est déjà croisés à une Assemblée, non ? Tu dois être... Nuage d'Écume ? Ou alors Nuage de Chouette ? »

    Le guerrier cligna à nouveau des yeux, ne sachant pas quoi répondre. Et s'est alors qu'il se rendit compte qu'un chat était caché dans l'ombre, à seulement une longueur de queue de renard d'eux. Il laissa échapper un cri, mais il fut aussitôt interrompu par une puissante quinte de toux due à toute l'eau qu'il avait avalée. C'était le chat aux yeux verts, celui qui avait failli le tuer ! 

    Reculant brusquement, le félin donna accidentellement un coup de patte à Saut de Feu tandis que son propre flanc heurtait le sol. Il gémit alors que la pression lui faisait recracher de l'eau, lui trempant le museau et le poitrail. Saut de Feu, les yeux brillant de surprise, se redressa. Il attendait qu'il se calme. Visiblement, il n'avait pas assisté à la bagarre et ne s'était même pas rendu compte de la présence du chat.

« Derrière ! » crachota Envol de Chouette en envoyant des gouttes d'eau sur sa propre truffe.

    Saut de Feu se retourna, son visage passant d'une expression surprise à une bien plus inquiète en seulement un instant. Il aperçut enfin le matou aux yeux verts, et son poil déjà long doubla de volume. Cette grande tache immaculée faisait penser à un cygne au plumage ébouriffé, et Envol de Chouette ne put s'empêcher de le trouver plutôt impressionnant. Il se leva avec difficulté et le rejoint, le cœur battant à la chamade. Le matou allait-il essayer de les noyer tout les deux ? Cette question résonnait en boucle dans l'esprit du félin, amplifiant son inquiétude.

    Le chat de l'Ombre, en les voyant approcher, avait hérissé le pelage. Et pourtant, même gonflé, ce dernier ne faisait même pas le même volume que celui de Saut de Feu en temps normal. Mais il réussit quand même à faire grimacer le mâle pommelé lorsque ses griffes étincelèrent sous les rayons lunaires.

« Qu'est-ce que vous faites ici ? » gronda le chat, qui se révélait beaucoup plus grand qu'Envol de Chouette.

    Son ombre immense s'étalait contre le sol, comme infinie, jusqu'à être arrêtée par celle d'un saule. Plus noire que le ciel au dessus de leur tête, elle avait de quoi apeurer.

« On pourrait te retourner la question. » rétorqua Saut de Feu, qui restait relativement calme. « Mais soit. Je suis venu ici guidé par le Clan des Étoiles. J'en avait parfaitement le droit, et je suis resté sur mon territoire tout le long du trajet. Contrairement à vous deux, n'est-ce pas ? Ce lieu n'appartient à personne. Et toi, que fais-tu ici ? »

    Le mâle aux yeux pâles sembla se détendre un peu. Sa fourrure retomba en place et il s'assit, enroulant sa queue autour de ses pattes fines. Mais pourtant, elle restait hérissée... le félin restait sur ses gardes. Saut de Feu l'imita, et Envol de Chouette suivit le mouvement. Seul son pelage restait gonflé, mais plus par peur qu'autre chose.

« La même chose... mon instinct. » marmonna-t-il avant de se retourner vers Envol de Chouette, qui trembla légèrement en sentant son regard pâle se poser sur lui. Je suis désolé, je t'avais pris pour un danger. Je n'ai pas fait exprès de te pousser à l'eau. Et... je ne sais pas nager... ajouta-t-il dans un murmure.

- Ce n'est pas grave. » s'empressa de miauler le félin gris et blanc pour ne pas se le mettre à dos, bien qu'il lui en veuille encore d'avoir tout de même failli le tuer.

    Il resta silencieux une dizaine de secondes avant de comprendre que les deux autres voulaient s'assurer qu'il était là pour la même raison qu'eux. Il leur jeta un regard gêné.

« Ah ! Hum, je... je suis venu guidé par les ancêtres. Enfin, mon instinct... un peu des deux. Surtout mon instinct... enfin, voilà. Comme vous. »

    Saut de Feu acquiesça, compatissant pour sa timidité. Malgré qu'il paraisse toujours aussi serein, Envol de Chouette remarqua qu'il s'était un peu écarté du chat de l'Ombre, et il décida de faire de même. Le Clan de l'Ombre était connu pour être agressif, il ne faisait donc pas totalement confiance à ses membres.

« Je m'appelle Poil de Lichen. » déclara le matou au yeux verts avant de changer aussitôt de sujet. « Puisque nous sommes des clans de l'Ombre, du Tonnerre et de la Rivière, un chat du Clan du Vent devrait arriver, non ? » supposa-t-il, et Envol de Chouette fut surpris qu'il ait déjà pensé à tout ça. « À moins que, et c'est très peu probable, tout ça ne soit qu'un hasard...? »

    Saut de Feu acquiesça, aussi désorienté qu'Envol de Chouette, et jeta une œillade vague vers la lande. Cependant, à cause de l'obscurité et la distance, il était impossible de voir le moindre chat, aussi massif qu'il pouvait l'être. Envol de Chouette l'imita pour ne pas se retrouver à ne rien faire, un peu troublé. Était-il vraiment en train de parler avec des chats qui n'étaient pas de son clan, de façon paisible ? Et puis, pourquoi avaient-ils tous été poussés à se rendre ici ? Poil de Lichen sembla se poser la même interrogation, car il demanda d'une voix mélangeant le miaulement et le grognement :

« Qu'est-ce que vous faites ici, au juste ? »

    Saut de Feu se retourna et lui lança un regard amusé, les moustaches frétillantes. Envol de Chouette baissa les yeux.

« La même chose que vous, j'imagine. On est un peu perdus, j'ai l'impression. » ronronna le chat au long poil blanc.

- Ce n'est pas vraiment une situation drôle... » fit remarquer Poil de Lichen en levant les yeux au ciel, avant de pointer le museau vers l'entrée de l'île, son expression changeant du tout au tout. « Il y a quelqu'un  ! »

    Saut de Feu et Envol de Chouette l'avaient senti eux aussi. Poil de Lichen leur désigna des buissons du bout de la queue et les trois guerriers se faufilèrent dedans. Envol de Chouette, tapi dans les fourrés juste en face du félin inconnu voyait seulement ses pattes, sombres et fines. À ses côtés Saut de Feu plissait les yeux, comme deux fentes enflammées.

« Je la connais. » souffla-t-il tout doucement. « Course de Tigresse ! » appela-t-il en se relevant, sa voix reprenant un ton normal.

    Envol de Chouette vit les pattes se crisper et il attendit quelques secondes avant de sortir du buisson à la suite de Saut de Feu. On ne savait jamais, il valait mieux éviter de se prendre un coup de griffes... Quand il s'assit à côté du buisson, il aperçut Saut de Feu face à une femelle brune tigrée de noir. Cette dernière semblait terrorisée, si bien qu'Envol de Chouette douta qu'elle connaisse vraiment le guerrier blanc.

« Ne t'inquiète pas, Course de Tigresse » tentait de la rassurer Saut de Feu tandis que la guerrière dévisageait Envol de Chouette et Poil de Lichen, qui s'était redressé d'un buisson plus lointain.

    Les yeux jaunes de la femelle semblaient presque blancs quand ils étaient éclairés par la lune. Ça aurait pu être très joli, mais l'inquiétude grandissante qui naissait dans son regard rendait ce dernier presque effrayant. Envol de Chouette tenta de prendre l'air le plus inoffensif possible, mais rien à faire : la femelle ressemblait à une bête prise au piège.

« Saut de Feu ? » chuchota-t-elle d'une voix blanche, recroquevillée sur elle-même.

- Oui, c'est moi ! Tu peux sentir mon odeur. Je suis Saut de Feu, n'ai pas peur. Mes... hum... amis, ne sont pas méchants, tu n'as pas à t'en faire. Je te présente quelque chose Chouette... ou Écume ? Et Poil de Lichen. »

    La chatte tigrée sembla se calmer un peu. Du moins, elle cessa de trembler et son pelage se remit en place. Cependant, la lueur dans ses yeux restait la même.

« Qu'est-ce que vous faites ici ? » demanda-t-elle.

- Je vais tout t'expliquer. » la rassura Saut de Feu en l'invitant à s'asseoir.

    Lorsqu'il eut expliqué tout ce que les trois savaient déjà à Course de Tigresse, cette dernière semblait déjà beaucoup plus à l'aise. Ses yeux étaient redevenus normaux, et elle leur expliqua qu'il s'était passé exactement la même chose pour elle. Elle ajouta aussi qu'elle avait senti l'odeur d'Envol de Chouette sur leur territoire. Ce dernier senti son sang se glacer en entendant ça, imaginant déjà toutes les situations pires les unes que les autres qui pourraient avoir lieu, mais Course de Tigresse lui promit qu'elle ne le dirait à personne. Elle lui jura même qu'elle ferait tout pour effacer son odeur.

« Maintenant que nous sommes tous là, j'imagine qu'on devrait aller au centre de l'île ? Pour écouter le Clan des Étoiles. » supposa Saut de Feu. « Regardez, la lumière de la lune éclaire le centre de l'île depuis que nous sommes là. »

    En effet, la lumière opaline qui jouait d'habitude avec la couleur des pelages et de l'herbe semblait désormais concentrer toute sa force sur l'arbre où se perchaient habituellement les chefs de clan lors des Assemblées. 

    Poil de Lichen acquiesça et, avant même que Course de Tigresse et Envol de Chouette aient pu donner leur avis, il se précipita entre les buissons et les fougères sèches. Saut de Feu le suivit d'un air surpris, puis Envol de Chouette leur emboita le pas. Course de Tigresse, après plusieurs secondes d'hébétude totale, suivit les trois mâles. Les deux derniers chats n'étaient visiblement pas très rassurés.

    Lorsqu'Envol de Chouette fut arrivé au centre de l'île, il y trouva Poil de Lichen juste au pied du Grand Chêne, comme si il était déjà prêt à y monter. Envol de Chouette ne put s'empêcher de penser qu'il avait prit la place des lieutenants... mais il repoussa vite cette pensée.

Même Saut de Feu n'eut pas son mot à dire : le matou du Clan de l'Ombre prit la parole aussitôt que tout le monde fut réuni :

« Il me parait évident de monter là-haut. » fit-il en désignant du menton l'arbre au pied duquel il était assis. « J'ai bien réfléchi, et je suis presque sûr que nous faisons partie d'une prophétie. Après tout, nous avons Saut de Feu et Course de Tigresse avec nous. Le Feu et le Tigre ! »

    Saut de Feu le dévisagea quelques secondes, abasourdi, tout comme Course de Tigresse dont la mâchoire semblait s'être décrochée. Même Envol de Chouette, qui ne semblait pas concerné par la théorie de Poil de Lichen, était stupéfait.

« Je ne suis pas comme Étoile du Tigre... » protesta faiblement Course de Tigresse, cette lueur étrange revenue dans ses yeux.

- Et je suis loin d'être un héros. » compléta Saut de Feu. « Juste un chat un peu avide de justice... Nos noms ne veulent rien dire, crois-tu que nos parents étaient au courant de quoi que ce soit en nous les donnant ? Surtout que, si nous suivions ton raisonnement, qui serait... quelque chose de Chouette ou d'Écume... qui serait notre ami du Clan du Tonnerre ? Tu t'appelles...? Envol de Chouette, très bien. Qui serait Envol de Chouette ? » finit-il par demander. Étoile de la Chouette ? Je ne pense pas, il n'a aucun rapport avec Étoile du Tigre et Étoile de Feu. Et toi alors ? Poil de Lichen ? Connais-tu un Étoile de Lichen, où un quelconque chat portant un nom dans cette veine-là ? Ça ne tient pas debout, ton histoire. Vous ne pouvez pas être importants mais exclus comme ça. C'est stupide. » conclut le matou du Clan de la Rivière en se léchant les pattes.

    Envol de Chouette, encore abasourdi par ces raisonnements, crut entendre Poil de Lichen feuler tout doucement. Cependant, si c'était le cas, il fut très discret car personne ne sembla rien remarquer. Tout de suite, le félin aux yeux verts agita les oreilles pour montrer son accord avec Saut de Feu.

« Tu as raison... mais en attendant, nous sommes au centre de l'île et n'avons reçu aucun message. Il me parait évident de monter là-haut ! » répéta-t-il en désignant l'arbre des chefs.

    Saut de Feu soupira mais finit par agita sa queue touffue pour montrer son accord.

« J'imagine que nous y sommes obligés, si nous voulons avoir le fin mot de cette histoire. »

    Envol de Chouette vit les yeux pâles de Poil de Lichen scintiller dans l'obscurité. Aussitôt après que Saut de Feu ait donné son avis, le matou du Clan de l'Ombre s'accrocha à l'écorce du chêne et commença à grimper. Saut de Feu l'imita en sautant de branches en branches puis Envol de Chouette prit son courage à deux pattes et grimpa à la suite de Poil de Lichen. Il jeta un regard à Course de Tigresse qui regardait l'arbre, hésitante.

« Mais... c'est mal de faire ça... » soupira-t-elle avant de sauter sur la branche la plus basse.

    Envol de Chouette sentait ses griffes lui faire mal à chaque fois qu'il montait un peu plus haut sur l'arbre, et les planter dans l'écorce devenait presque une punition pour avoir osé monter sur cet arbre réservé aux quatre meneurs. Lorsqu'il aperçut une branche où se trouvait déjà Poil de Lichen, il se dépêcha de s'asseoir sur une autre juste à côté pour stopper sa douleur. Saut de Feu arriva très bientôt à leur hauteur, suivi de près par Course de Tigresse qui affichait une mine inquiète.

    Quand il put enfin se tourner vers le lac, quelque chose d'extraordinaire arriva alors.

   Quatre chats aux pelages étoilés venaient d'apparaître en face d'eux, leurs pattes avançant dans le vide. Leurs prunelles blanches étaient vides, mais brillaient tant que ce n'était pas effrayant... au contraire. Des étincelles de joie jaillissaient de chaque parcelle de leur être.

    Le matou pommelé en eut le souffle coupé lorsqu'il reconnut enfin les ancêtres qui se tenaient face à lui. Étoile Crochue, Étoile de Châtaigne, Étoile de Corneille et Étoile Aquatique... Les prédécesseurs de leurs chefs actuels. Les Clans du Tonnerre, du Vent, de la Rivière et de l'Ombre résumés en quatre chats seulement. 

    Les yeux grands ouverts, exorbités même, il vit l'un de ces chats s'approcher de lui. Étoile Crochue, l'ancien chef du Clan du Tonnerre ! Il fut prit de tremblements violents en revoyant l'ancien chef. Il l'avait connu... le matou était mort, mais Envol de Chouette pouvait le revoir. Lui parler... Le félin sentait son sang battre dans ses tempes et tout son corps trembler. Cependant, le chat étoile qui se tenait face à lui le calma en le caressant du bout de la queue ! Le félin eut un hoquet de surprise et croisa le regard d'Étoile Crochue. Les deux chats se regardaient droits dans les yeux, comme des égaux.

« Envol de Chouette... » dit enfin l'ancien meneur d'un air grave, ce qui fit frissonner son interlocuteur. « Il faut que tu calmes tes peurs, car le Clan des Étoiles a une mission très importante pour toi ; je dirai même cruciale. Écoute moi bien. Les clans sont au plus mal. Le Clan de l'Ombre, qui se détruit de l'intérieur, tu l'as vu toi-même ! Le Clan du Vent, qui... hum... Chacun des chats, de chaque clan, court un grave danger, Envol de Chouette. Toi et les autres, vous devez impérativement prévenir les plantes, les arbres, le sol, mais surtout : le vent. Toi, tu t'occuperas du vent. Tu sais lui parler, alors je t'en prie, préviens-le vite. Le Clan des Étoiles croit en toi. Le vent, Envol de Chouette... » soufflait le matou en disparaissant peu à peu, ses oreilles se consumant déjà pour devenir de la poussière qui se colla au visage d'Envol de Chouette. « Va parler au vent, je t'en conjure... »

    Avant qu'Envol de Chouette ait pu réagir, Étoile Crochue s'éloigna en courant et plongea sous la surface noire du lac sans faire le moindre remous. Il fut suivi par Étoile de Corneille, Étoile de Châtaigne et enfin Étoile Aquatique, qui disparurent sans un bruit. Le dernier n'avait déjà plus de front.

    Le premier réflexe d'Envol de Chouette fut de regarder les autres, pour savoir si il n'avait pas rêvé. Si il n'avait pas imaginé tout ça... Mais visiblement, non. Tous les quatre tremblaient violemment. Même Poil de Lichen, qui n'avait pas l'air facilement impressionnable. Même Saut de Feu, si calme d'habitude...

    Le félin gris et blanc voulut ouvrir la gueule pour parler, mais il sentit sa vision se troubler aussitôt. Il n'aurait su dire si c'était à cause de ce mouvement qu'il commençait à flancher... Avant qu'il n'ait pu se rattraper à la moindre branche, il sentit son crâne heurter violemment le sol, suivi de tout le reste de son corps. Il poussa un miaulement de douleur incroyablement fort, aveuglé par les milliers d'étoiles au dessus de sa tête et les quelques gouttes de sang qui tombaient sur ses yeux. 

    Le matou tenta de se relever, de parler aux autres, de se débarrasser du sang qui lui coulait désormais le long de la joue, d'apaiser la douleur intense que lui causait son dos... mais il ne pouvait pas. Il se sentit perdre connaissance, peu à peu...

    Envol de Chouette se réveilla soudain dans son nid de mousse, dans le camp du Clan du Tonnerre. Il était trempé par de l'eau gelée. De l'eau du lac...



Média : Envol de Chouette


Alors, qu'avez vous pensé du prologue ? 


Les personnages ? ——>


Les descriptions ? ——>


L'ambiance ? ——>


Des remarques à faire en particulier ? (Critiques par exemples) ——>


À peu près 7000 mots, quand même ! Quand on sait que d'habitude mes chapitres et mes prologues font environ 1000 mots...

J'espère que vous avez aimé ! D'ailleurs, vous êtes plutôt team Envol de Chouette, Poil de Lichen, Saut de Feu ou Course de Tigresse ? J'ai vraiment hâte de savoir !

En tout cas, je suis trop contente du début de ce livre. Comme vous l'avez sûrement constaté, je n'écrit pas du tout comme quand j'écris Une Rivière Éternelle. Et... je suis assez contente quand même ! J'ai vraiment envie d'avoir votre avis sur ce nouveau style d'écriture, dites-moi ce que vous en pensez, pour moi c'est vraiment le plus important !

Enfin bref, merci beaucoup d'avoir lu. Ce livre, c'est un grand projet et j'ai hâte d'avoir vos retours dans les prochains chapitres ! Donnez-moi votre avis sur TOUT, je veux tout savoir ! Et n'hésitez pas à corriger les fautes si vous voulez !

Tout ça pour vous dire : bye !

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