La clairière était plongée dans la pénombre et seul la légère brise qui agitait la cime des arbres venait rompre le silence nocturne. Luisant dans le noir, deux yeux scrutaient les ténèbres. Soudain, un chat à la large carrure se leva et commença à tourner en rond. Les rayons de l'astre lunaire auréolaient ses larges épaules argentées d'une douce lumière : on avait l'impression que les étoiles du ciel s'étaient posées sur son pelage. Son échine hérissée trahissait son appréhension.

Un gémissement, provenant d'un des buissons qui bordaient la clairière, brisa le silence, et le matou s'immobilisa, la tête tournée vers l'entrée de la tanière. Après un instant de silence, un autre félin en sortit. Il était plus petit que son camarade et de couleur brun-doré.

Le mâle argenté se précipita vers lui.
" Alors ? Elle va bien ?
- Oui, tout s'est bien passer, répondit l'autre, d'un air satisfait.
- Ça n'a pas duré très longtemps, fit remarquer le premier.
- Il n'y en avait qu'un seul, et il était pressé de sortir. Un véritable petit guerrier ! "
Le guérisseur laissa échapper un baillement avant de reprendre :
" Allez, va rejoindre Pelage de Lionne, avant qu'elle ne baptise votre fils sans te demander ton avis !
- Bien sûr, j'y vais. Merci pour tout, Museau Doré. "
Le matou s'engouffra dans la tanière.

L'atmosphère de la pouponnière était chaude et réconfortante. Lorsque les yeux du matou se furent accoutumés à l'obscurité, il distingua deux de ses camarades : la première, Fleur de Lys, arborait une robe brun-doré et, peletoné contre son flanc, un petit chaton qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau dormait tranquillement. Le mâle salua d'un mouvement de tête la femelle couleur d'or, puis il se dirigea vers la reine au pelage brun qui se trouvait au fond de la tanière, tapie dans un nid douillet. Elle avait l'air fatiguée, mais on lisait une grande satisfaction dans ses yeux ambrés.
Le guerrier s'approcha d'elle avec précaution et lui lècha l'oreille.
"Comment te sens-tu ? demanda-t-il.
- Très bien, répondit-elle en ronronnant. Heureuse que ça soit fini."
Elle baissa les yeux et jeta un regard tendre à la petite boule de poil pressée contre son flanc. Le matou baissa la tête et renifla doucement le chaton. Lorsqu'il reprit la parole, sa fierté transparaissait dans sa voix.
" Comment allons nous l'appeler ? "

À ces mots, les nuages s'écartèrent et une lune ronde apparu dans le ciel. La clarté des rayons de l'astre emplit la pouponnière de lumière et fit briller la fourrure du nouveau-né : elle était argentée, comme celle de son père, mais son dos était marbré de brun. Le petit gigota en gémissant, puis il ouvrit les yeux. Il cilla plusieurs fois, ses prunelles ambrées cherchant la source de la soudaine clarté qui l'empêchait de dormir. Voyant la lune à travers l'entrelacement de ronces, ses yeux s'agrandirent un moment. Il finit par se détourner et reporta son attention sur sa mère, pétrissant son ventre de ses pattes minuscules.
Les deux parents, bouches bées, contemplaient leur fils avec stupéfaction.
" Il a déjà ouvert les yeux ! s'exclama Pelage de Lionne avec surprise.
- C'est extraordinaire, renchérit Fleur de Lys. Patte de Miel n'a ouvert les siens qu'après deux jours ! "

Une autre femelle, noire celle-là, entra dans la pouponnière. Son ventre arrondi laissait deviner qu'elle attendait des petits, et qu'elle était proche du terme.
" Tel père tel fils, lança-t-elle en regardant le matou d'un air amusé. Je me rappelle que Croc Argenté aussi était précoce. Il voulait toujours être le premier partout. Il faut croire que son petit est de la même trempe ! "
Fleur de Lys ronronna doucement :
" Si c'est le cas, j'espère qu'il sera un peu plus calme.
- Vous avez choisi un nom ? " continua la chatte noire.
Pelage de Lionne jeta un regard vers son compagnon.
" Que pense-tu de Petite Lune, en hommage à la pleine lune qui lui a fait ouvrir les yeux ?
- C'est parfait ", répondit Croc Argenté.
Il se pencha de nouveau sur son fils qui dormait maintenant profondément.
" Bienvenue dans le clan du Tonnerre, Petite Lune."