Chapitre 30
" Pelage d'Ébène, accélére un peu, grogna Pelage de Nuit. On va pas y passer la journée.
- J'arrive," répondit précipitamment la jeune guerrière en sortant de sa rêverie.
Enfin, rêverie, c'était beaucoup dire. Plutôt une sorte de réflexion brumeuse et malsaine dans laquelle elle était enfermée depuis des jours. Ce genre de mauvais pressentiment qu'on essaie à tout pris d'éloigner en détournant le regard, mais qui reste toujours là, bien visible, impossible à oublier.
Ce mal-être était dû à plusieurs raisons, mais il y en avait une qui surpassait tout le reste. Cela remontait à quelques jours maintenant, alors que la maladie sévissait toujours et que Étoile de Renard venait de perdre sa troisième vie.
Cette conversation, Pelage d'Ébène ne l'oublierai jamais. Elle se souvenait de chaque détails, de toutes les émotions qui l'avait alors traversées.
" Vous pensez que c'est à cause d'Étoile de Renard ?" avait chuchoté Patte de Fourmi avec incrédulité.
Cette première question avait secoué Pelage d'Ébène d'un spasme. Cela arrivait à chaque fois que quelqu'un mettait son chef en cause. Elle ne pouvait s'empêcher de repenser à Griffe d'Ours, et ça la rendait malade.
" Le Clan des Étoiles veut le punir, c'est évident, avait répondu Poil de Belette avec énervement. Sinon pourquoi s'acharner autant sur lui ?
- Mais alors, il aurait attiré l'épidémie sur son clan entier ? protesta Fleur de Lys. Je ne te crois pas. Nos ancêtres ne sont pas si cruels.
- Peut-être qu'il a fait quelque chose de vraiment grave, insista le guerrier brun clair. Peut-être a-t-il rompu le Code du Guerrier ? Sans vouloir te vexer Fleur de Lys, il a toujours été fourbe."
La femelle dorée parût outragée qu'on mettent ainsi son frère en cause.
" N'importe quoi. Étoile de Renard est un bon meneur. Il ne pense qu'à l'intérêt du clan et il respecte le Code.
- Ah oui ? grogna Poil de Belette. Pourtant, si mes souvenirs sont bons, il a failli tuer une apprentie guérisseuse un jour, et de sang froid. Griffe d'Ours avait dû intervenir, rappelez-vous. Donc ça ne m'étonnerait pas qu'il est fait pire ...
- Qu'est-ce qui peut être pire que vouloir tuer une guérisseuse ?" miaula Nuage de Brouillard, les yeux écarquillés.
Poil de Belette haussa les épaules.
" Seul le Clan des Étoiles le sait."
À ce point de la conversation, Pelage d'Ébène avait déjà commencé à s'éloigner. Elle tremblait de tout son corps, ses pattes avaient du mal à la soutenir. Une question tournait en boucle dans sa tête.
Et si c'était vrai ?
Depuis, la question tournait en boucle dans sa tête. Si Étoile de Renard avait réellement été puni pour avoir ordonné le meurtre de son lieutenant, alors les maigres réconforts qui avaient permis à la guerrière noire de tenir disparaissaient d'un coup. Même si le poids de son acte lui était encore aujourd'hui difficilement supportable, elle avait toujours été convaincue que c'était une nécessité, et qu'elle l'avait fait pour sauver le Code du Guerrier, et son clan, de l'ambition destructrice de Griffe d'Ours. Elle s'était toujours accroché au fait qu'elle avait agi avec l'accord de son chef, et donc avec raison. Après tout, la parole d'un chef est loi.
Mais si même le Clans des Étoiles considérait que le meneur roux était en tord, alors Pelage d'Ébène devenait coupable. Coupable du meurtre d'un camarade, et du lieutenant de son clan qui plus est. Et ça, elle n'était pas sûre de pouvoir le supporter. Elle craignait plus que tout de réaliser qu'elle avait eu tord et qu'elle avait trahi ce qu'elle chérissait le plus, son clan et ses ancêtres.
La jeune femelle était d'autant plus affecter qu'elle ne pouvait se confier à personne. Cela faisait plusieurs lunes qu'elle portait seul le lourd poids de son secret, et elle était près de la rupture. Elle en avait plus qu'assez de tout retenir en elle. Il fallait que tout cela sorte.
Ce qui lui laissait plusieurs choix. Elle pouvait en parler à une tierce personne, par exemple Patte de Loup, qui était toujours à l'écoute, ou même son père, Plume de Canard. Mais la peur de se faire rejeter était trop forte. Elle n'osait pas.
Elle avait également pensé à en parler directement à son chef. Après tout, c'était bien lui qui avait ordonné une telle exécution. Mais, encore une fois, la guerrière avait peur de se décrédibiliser aux yeux du meneur. Étoile de Renard n'était pas un tendre, et elle n'était pas sûre qu'il serait très réceptif à ses états d'âme. De plus, il se remettait encore de la maladie et était sous la surveillance constante de Museau Doré, donc peu accessible.
Il ne restait donc qu'un félin susceptible de l'écouter sans la blâmer : Pelage de Nuit. Sa mère, et surtout, sa complice.
L'occasion était trop belle. La patrouille à laquelle elles participaient devait longer la frontière du Clan de l'Ombre, très loin du camp et de leur camarades. Ici, personne ne pourrait les entendre.
Il y avait quand-même deux problèmes. Premièrement, Pelage de Daim et son apprentie Nuage d'Ortie faisaient également partie du groupe, il fallait donc trouver un moyen de les éloigner. Cela ne devrait pas être trop compliqué. La deuxième difficulté, c'était que Pelage d'Ébène ne savait pas trop comment aborder la question avec sa mère. En remettant en cause leur action, elle condamnait les choix de la lieutenante noire, et elle pourrait mal le prendre. Pelage d'Ébène ne voulait pour rien au monde perdre la dernière personne qui pouvait la comprendre et partager son secret.
Elle se décida toutefois à agir lorsque Pelage de Daim et Nuage d'Ortie s'enfoncèrent dans les sous-bois à la poursuite d'un merle. Pelage de Nuit s'était assise gracieusement pour attendre leur retour. Sa fille en fit de même, et prenant son courage à deux mains, elle se lança.
" Pelage de Nuit ! lança-t-elle d'une voix plus aiguë que d'habitude. Il faut que je te parle."
Sa mère tourna vers elle ses prunelles jaunes. Son regard était bienveillant mais sérieux, comme si elle comprenait à son allure que sa fille allait aborder un sujet qui lui tenait à cœur.
"Ça a l'air important, miaula-t-elle avec douceur. Je t'écoute."
Pelage d'Ébène prit le temps de respirer longuement avant de se lancer. Elle choisit de parler sans détour, consciente qu'il fallait faire vite.
" Et bien, j'ai entendu beaucoup de rumeurs au camp ces derniers temps ... concernant l'épidémie. Il y a beaucoup de nos camarades qui sont convaincus que c'est Étoile de Renard qui est la cause de ce malheur, et qu'il a été puni par le Clan des Étoiles."
Elle se tut, un peu honteuse. N'importe quel félin sensé éviterait de prêter attention à des commérages, et elle savait que Pelage de Nuit détestait ce genre de chose. La guerrière noire méprisait les ragots et ceux qui les alimentaient.
Elle haussa d'ailleurs les sourcils, visiblement peu impressionnée.
" Oui, j'ai déjà entendu cette rumeur. Et ? Ce ne sont que des histoires, tu le sais bien. Évite de trop prêter attention à ce genre de bêtises.
- Mais, justement ! s'empressa d'ajouter Pelage d'Ébène. Et si ce n'était pas des bêtises mais la vérité ?"
Le regard de sa mère se durcit, mais maintenant qu'elle était lancée, la jeune guerrière ne comptait pas s'arrêter là.
"Étoile de Renard a perdu quatre vies en moins d'une lune ! Ça ne s'est jamais vu de mémoire de chat, même les anciens le disent. Et je ne peux pas croire que nos ancêtres auraient laissé une telle atrocité avoir lieu sans intervenir ou même nous prévenir ! Étoile de Renard a forcément fait quelque chose qui a déplu au Clan des Étoiles. Et ce quelque chose ..."
Elle se tourna vers Pelage de Nuit qui la regardait avec gravité.
" Tu penses que c'est à cause de ce que nous avons fait à Griffe d'Ours ?" demanda-t-elle d'une voix faible mais maîtrisée.
Pelage d'Ébène acquiesça, soulagée de ne pas avoir à évoquer elle-même l'assassinat. Elle ferma les yeux, tremblante. Elle avait enfin réussi à se confesser. Le soulagement envahit tout son corps, et elle se détendit. Cette sensation ne demeura toutefois pas bien longtemps, et l'anxiété de l'attente de la réponse vint la remplacer. La guerrière noire ouvrit les paupières.
Elle fut surprise de voir que Pelage de Nuit la regardait avec compassion. C'était le genre de regard qu'elle lui lançait autrefois, lorsque, chatonne, elle faisait des bêtises. Le regard à la fois aimant et soucieux d'une mère. Pelage d'Ébène en fut toute retournée. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas vu ce regard. Elle s'était faite à l'idée que sa génitrice ne la traiterait plus jamais vraiment comme une enfant, qu'elle la verrait maintenant comme une adulte. Ce n'était visiblement pas le cas, et l'amour maternel était encore bien vivant dans ces yeux jaunes.
" Tout cela te tourmente encore beaucoup, je me trompe ? demanda Pelage de Nuit en se rapprochant de sa fille pour presser son pelage contre le sien. C'est un lourd poids à porter. Mais tu n'as pas à t'inquiéter. Cette épidémie n'a rien à voir avec Griffe d'Ours. Le Clan des Étoiles ne nous a pas puni. C'est une simple épidémie."
Elle voulut lui lécher l'oreille, mais Pelage d'Ébène se dégagea vivement, peu satisfaite de la réponse à sa question.
" Comment pourrais-je croire ça ? miaula-t-elle avec colère. Comment sais-tu que l'épidémie n'est pas du fait de la colère de nos ancêtres ? Ça n'a pas de sens."
Elle se mit à faire les cent pas, tendue, presque rageuse. Maintenant, qu'elle avait trouvé quelqu'un à qui parler, toute sa tension et sa rage se déversaient sans que rien ne puisse les arrêter.
" C'est de notre faute. On aurait pas dû faire ça. Étoile de Renard ... Tout est sa faute ! Cet espèce de chef indigne ... Qui est-il pour donner de tels ordres ? C'est bien fait pour lui, il n'a qu'à crever, cette ordure. Il nous a fait trahir le Code ! Que va-t-il nous arriver maintenant ?"
Elle avait presque perdue la raison. Elle continua à feuler ainsi pendant un moment avant que Pelage de Nuit ne s'agace et l'interrompe.
" Écoute, Pelage d'Ébène, dit-elle avec fermeté. J'ai la preuve que cette épidémie n'a rien à voir avec ce que nous avons fait.
- Ah oui ? ironisa la jeune guerrière. Très bien, je t'écoute.
- Étoile de Renard ne m'a jamais ordonné de tuer Griffe d'Ours."
Pelage d'Ébène s'arrêta soudainement de marcher. Elle leva la tête, ébahie.
" Qu'est-ce-que tu dis ? demanda-t-elle, convaincue qu'elle avait mal entendu.
- Tu m'as bien compris, continua Pelage de Nuit. Je ne voulais pas te le dire maintenant, mais tu étais tellement énervée que je ne savais pas comment te raisonner autrement. Étoile de Renard n'a rien à voir avec l'assassinat de Griffe d'Ours. Il ne m'a jamais demandé quoi que ce soit en ce sens."
Pelage d'Ébène recula de deux pas. À mesure qu'elle digérait l'information, son expression passait de la surprise au désespoir.
" Mais alors ... Tu m'as menti ? Tout ce temps ?
- Oui, avoua Pelage de Nuit d'un ton neutre. Vois-tu, je te connais, je savais que sans l'approbation d'une figure d'autorité tu ne voudrais pas agir. Alors pour te convaincre, j'ai du te faire croire que notre chef était impliqué. En réalité, il n'y a que toi et moi."
Pelage d'Ébène suffoquait. Elle s'était attendue à du réconfort, à de la compassion ou même à de la colère de la part de sa mère, mais rien n'aurait pu la préparer à cette froide révélation, la révélation du mensonge qui changeait tout. Adieu, l'excuse d'avoir agi en suivant les ordres de son chef. Adieu, l'excuse de la protection du clan. Il n'y avait plus que sa mère et elle maintenant, une conspiratrice et une meurtrière. Le Code du Guerrier était bien loin à présent, et les dernières illusions de la jeune guerrière noire partaient en fumée.
Elle lâcha un râle de douleur et trébucha. Elle faillit tomber, mais Pelage de Nuit la retint juste à temps. Elle pressa son museau contre l'oreille de sa fille.
" Tu vois pourquoi je t'ai menti ? murmura-t-elle d'une voix sourde. J'étais sûre que la vérité te ferait mal. Tu penses que tout est perdu, que tu es perdue. Mais c'est faux."
Elle s'écarta, et se mit à marcher en cercle autour d'une Pelage d'Ébène toujours incapable de dire quoi que ce soit.
" Tu ne comprends pas ? reprit la lieutenante avec dans sa voix un mélange de colère et de fierté. Le Clan des Étoiles ne désapprouve pas notre action, loin de là. Tu disais qu'il avait puni le clan en laissant une épidémie nous frapper, mais c'est faux ! Car nous deux sommes les seules responsables. Or, rien ne nous est arrivé. Pourquoi le Clan des Étoiles s'acharnerait-il sur des félins innocents au lieu ne nous punir ? Ça n'a aucun sens. Cette épidémie n'a rien à voir avec nos ancêtres. Et de toute façon, ils ne veulent absolument pas nous punir."
Elle retourna coller son museau contre celui de sa fille.
" Le Clan des Étoiles n'a rien fait contre nous parce que ce que nous avons fait était la chose à faire ! Griffe d'Ours était une menace pour le clan ! Tu es loin de l'avoir connu autant que moi. Moi, j'ai vu combien il a changé, combien il est devenu sombre et haineux. Il n'était plus que colère et ressentiment ! Penses-tu vraiment que ses promesses d'un nouveau monde soit autre chose que des fables ? C'était de belles paroles dont il ne croyait pas un mot. Il ne voulait que la destruction du Code. Je suis fière de l'avoir empêché de nuire au Clan du Tonnerre. Et tu devrais l'être tout autant !"
Pelage d'Ébène ne savait plus quoi dire. Ce qui était sûre, c'est que le discours de sa mère ne l'avait pas totalement convaincu : elle avait toujours cette détestable impression d'avoir été manipulée, et d'avoir tourné le dos pour toujours à tout ce en quoi elle croyait : le Code du Guerrier, ses ancêtres et son clan.
Mais il lui fallait bien admettre que ce raisonnement se tenait. Et même si elle éprouvait du remord, elle croyait encore dur comme fer que Griffe d'Ours aurait été un danger pour le clan. Alors, elle ne savait plus quelle attitude adopter.
Pelage de Nuit, redevenue calme, se rapprocha de sa fille. La douce lueur était de retour dans son regard tandis qu'elle observait la jeune guerrière.
" Ne t'en fait pas, Pelage d'Ébène, dit-elle. Tu as fait ce qu'il fallait faire. C'était difficile, mais tu as été courageuse. Tu as bien servi ton clan, crois-moi. Et moi, je suis fière de toi."
***
Le soleil commençait à descendre dans le ciel alors que la patrouille se dirigeait vers le camp, Nuage d'Ortie en tête. Le novice se pavanait fièrement, un merle presque aussi gros que lui dans sa gueule. Il était suivi de Pelage de Daim, qui le regardait d'un air amusé, de Pelage de Nuit, impassible, et enfin de Pelage d'Ébène.
La guerrière était épuisée, tant physiquement qu'émotionellement. Tout ce qu'elle voulait, c'était dormir. Elle n'avait pour l'instant pas la force de faire face à ces révélations soudaines. Une bonne nuit de repos l'aiderait à y voir plus clair.
Mais alors que le camp était proche, elle entendit un bruit de cavalcade qui lui fit dresser l'oreille. Quelque chose approchait.
Soudain, Plume de Merle émergea des fourrées, visiblement paniquée.
" Les petits ont disparu ! s'exclama-t-elle.
- Quels petits ? demanda Pelage de Nuit en se raidissant.
- Petit Hibou et Petit Sapin ! Ils jouaient dans le camp et tout était tranquille, alors je suis partie un moment. Lorsque je suis revenue, ils n'étaient plus là !"
Elle paraissait affreusement inquiète.
" C'est peut-être un renard qui les a mangé ! se lamenta-t-elle avec désespoir. Qu'est-ce-que je vais dire à Fleur de Miel ?
- Ne dis pas n'importe quoi, la raboua Pelage de Nuit. Ils ont simplement dû sortir dans la forêt. Ils ne peuvent pas être bien loin. As-tu prévenu d'autres guerriers ?
- Ceux qui étaient au camp, mais il n'y avait que quelques guerriers...
- Très bien."
Pelage de Nuit s'exprimait avec efficacité et calme.
" Vous deux, dit-elle en désignant Pelage de Daim et Nuage d'Ortie, allez chercher du côté de la combe sablonneuse. Pelage d'Ébène, tu vas vers le territoire des bipèdes. Moi, je retourne au camp pour organiser les recherches. Allez-y !"
Ils partirent tous dans des directions différentes.
Pelage d'Ébène courait en rouspétant. C'était bien le moment ! Elle avait suffisamment de problèmes comme ça ... Elle se força toutefois à mettre le reste de côté : elle pourrait y penser plus tard. Pour l'instant, elle était une guerrière du Clan du Tonnerre comme les autres, et seule comptait sa mission.
Elle ralentit l'allure, à la recherche d'indices. Elle se concentra en ouvrit la gueule et poussa un cri de victoire : elle avait senti l'odeur des chatons. Elle était très ténue, mais il y avait une piste.
Elle s'apprétait à la suivre lorsque quelqu'un derrière l'appela. Elle se retourna, et fut surprise de voir Fleur de Miel en train de courir vers elle.
" Fleur de Miel ? Tu n'es pas censée être en train de te reposer ? demanda-t-elle avec stupéfaction.
- Je ne suis presque plus malade, répondit la reine brun clair. Mes petits ont disparus, je dois les retrouver. Je viens avec toi."
Elle regardait son amie avec une telle détermination dans le regard que la guerrière noire opina du chef. Elles se mirent à courir en suivant la piste.
Très vite, elles arrivèrent près du territoire des bipèdes. On pouvait appercevoir les palissades et le petit Chemin du Tonnerre qui marquait la frontière à la lisière de la forêt. Fleur de Miel poussa un miaulement sonore. Pelage d'Ébène suivit son regard et apperçut Petit Hibou et Petit Sapin qui se tenait près d'un buisson non loin de là. Le soulagement envahit la guerrière : ils étaient indemnes.
Fleur de Miel rejoignit ses petits et les rassembla contre elle en les entourant de sa queue, provoquant un concert de miaulements indignés.
" C'est bon, maman ! protesta Petit Sapin. Pas la peine de nous étouffer !
- Qu'est-ce qui vous a pris de partir du camp comme ça ? miaula la femelle brune d'un ton à la fois sévère et attendri. Tout le monde vous cherche !
- On voulait voir un renard, annonça Petit Hibou comme si c'était l'évidence même. Pour voir si ils sont aussi roux qu'Étoile de Renard."
Pelage d'Ébène lâcha un soupir. Mais au fond, elle était bien contente. Fleur de Miel avait retrouvé sa progéniture. Elle avait longtemps été séparée de ses petits à cause de sa maladie, et leurs retrouvailles offraient un spectacle doux et chaleureux. Fleur de Miel regardait ses chatons avec dans son regard une joie vive. Regard qui rappela à Pelage d'Ébène celui que Pelage de Nuit avait plus tôt lors de leur discussion. À sa grande surprise, cette pensée l'apaisa. Elle ne s'était pas sentie aussi bien depuis des lunes.
Le cour de ces pensées joyeuses fut interrompu lorsqu'elle entendit un jappement derrière elle. Elle se tourna d'un bond. En face d'elle, à quelques longueurs de queue, se tenant un chien. Trop occupée à observer les chatons, elle n'avait pas remarqué l'odeur pourtant forte de l'animal.
Celui-ci ne faisait aucun mouvement. Il se contentait de regarder tour à tour les quatre félins, la langue pendante. Il n'était pas très grand, mais haut-sur-pattes, avec un museau long et fin et de petites oreilles tombantes. Sa petite queue était immobile, et malgré sa relative petite taille, des muscles nerveux saillaient sous son pelage ras blanc et brun.
Tout de suite, Pelage d'Ébène sût ce qu'elle avait à faire. Elle se mit en position défensive entre Fleur de Miel et le chien. Il fallait le retenir jusqu'à ce que les chatons soient à l'abri. Elle hérissa son pelage et feula longuement pour l'impressionner.
Mais le chien ne paraissait pas le moins du monde effrayé. Il y avait au contraire dans son regard vif une confiance totale, comme si il savait que c'était lui qui avait l'avantage. Pelage d'Ébène sentit qu'elle ne serait pas de taille, et elle en fut totalement convaincue lorsque deux autres roquets, presque identiques au premier, sortirent des buissons pour se positionner derrière leur compère.
Pelage d'Ébène perdit toute combativité et se mit à courir. Un peu plus loin sur sa droite, Fleur de Miel tentait de faire grimper ses petits à un arbre. Petit Sapin se débrouillait bien, mais il n'était pas totalement hors de portée, et son frère était encore au sol.
La guerrière noire prit la décision de partir dans l'autre direction pour attirer les chiens derrière elle. Un plan qui sembla fonctionner un moment, jusqu'à ce que Petit Sapin pousse un miaulement épouvanté. Les prédateurs se retournèrent vers l'arbre que Petit Hibou essayait encore d'escalader avec l'assistance de Fleur de Miel.
D'un même mouvement, les chiens sprintèrent vers eux en aboyant. La reine brune, en les voyant se rapprocher, fit face en feulant. Elle était prête à défendre son petit jusqu'à la mort.
Pelage d'Ébène n'avait jamais couru aussi vite. Elle se jeta sur un chien au mépris de tout danger et s'agrippa de toute ses forces. Elle fut secouée dans tout les sens, ballottée de toute part pendant un moment qui lui parut durer une éternité. Enfin, elle lâcha prise et fut violemment projetée à terre. Elle voulut voir si Fleur de Miel avait eu le temps de se mettre à l'abri, mais elle était trop sonnée pour appercevoir quoi que ce soit d'autre que la mâchoire canine et le regard fou qui se tenait juste au dessus d'elle. C'était la fin.
Toutefois, lorsqu'elle rouvrit les yeux, le chiens n'était plus là. Reprenant ses esprits, elle avisa Poil Moucheté juste devant elle. Une patrouille était venue à la rescousse ! Elle sentit le soulagement l'envahir tandis que Pelage de Lionne, Cœur de Givre, Plume de Merle et Pelage de Daim repoussaient peu à peu les canidés vers la ville d'où ils venaient. Devant tant de guerriers qui les attaquaient avec hargne, ils ne mirent pas longtemps à battre en retraite.
Pelage d'Ébène se releva avec peine, heureuse que ça soit terminé. Elle n'en revenait pas d'être toujours en vie. Mais bon, elle avait fait son devoir, comme n'importe quel membre du clan l'aurait fait. Elle se tourna vers Fleur de Miel avec une mine soulagée.
Mais Fleur de Miel ne la regardait pas. Elle était à terre, immobile, son beau pelage brun plein de poussière et de sang. La guerrière noire se précipita vers son amie.
" Hé, Fleur de Miel, est-ce-que ça v..."
Sa question mourut dans sa gueule lorsqu'elle remarqua la blessure béante que la reine arborait à la gorge. Elle lui avait été lacérée, presque arrachée. Les yeux de la femelle, sans éclats, étaient plus ternes qu'ils ne l'avaient jamais été de son vivant. Pelage d'Ébène retint un hoquet. Elle suivit le regard de sa défunte amie, et ses yeux se posèrent sur Petit Hibou. Dès qu'elle le vit, elle su qu'il était mort. C'est alors qu'elle réalisa complètement le désastre. Elle gémit faiblement en titubant. La dernière chose dont elle se souvint réellement fut d'avoir été retenue par Poil Moucheté, son ancien mentor, qui la maintint contre lui afin qu'elle puisse sans se retenir exprimer sa peine.
Bon, c'est officiellement le chapitre le plus long pour l'instant. Il faut dire qu'il se passe pas mal de choses !
Alors qu'est-ce-qui était le plus choquants pour vous dans ce chapitre ? Les révélations de Pelage de Nuit ? La mort de Fleur de Miel et Petit Hibou ? J'attends vos réactions en commentaires !
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