Après l'incident - bon, le meurtre - d'Étoile de Rose, Œil de Jade, Nuage de Corneille et même Flamme d'Or se firent tout petits. Ils parlèrent peu, s'évitèrent les uns les autres - du moins la guerrière et le lieutenant - et, lorsqu'à la lune suivante, les chats choisis revinrent de l'Assemblée, les yeux écarquillés, racontant en boucle que la meneuse du Clan de la Rivière avait disparu, ils détournèrent les yeux, firent ah bon, tiens, c'est étonnant. Mais ils écoutèrent attentivement le récit de la réunion et apprirent que, la féline noire et blanche ayant été déclarée comme morte, Patte d'Ortie avait été désigné par le Clan des Étoiles pour lui succéder, et que le jeune matou se prenait déjà pour un chef expérimenté, alors qu'il ne devait avoir connu que trois mauvaises saisons de toute sa vie. Aussi, ils surent, par une Orage du Matin navrée et chagrine, qu'Étoile du Cerf s'était tourné en ridicule en assurant que son Clan était le meilleur de tous et que les autres n'étaient que des chats indignes au cœur de renard. Œil de Jade jeta tristement un coup d'œil à son chef alors qu'ils se traînait dans son antre, le regard vide. Sa fourrure n'était plus qu'un ramasse-poussière et chacun de ses mouvements semblait accompli dans la plus grande douleur. Nuage de Brise, toute chamboulée, raconta qu'il lui avait demandé qui elle était, s'il était bien dans la forêt et où était Goutte Brisée je te prie. Certains matins, le matou brun pâle sortait de sous le Promontoire avec le poil sans-dessus-dessous mais l'œil vif, rejetait la tête en arrière et appelait son défunt lieutenant d'un ton enjoué, jusqu'à ce que Geai d'Argent, les yeux flous de larmes refoulées, le reconduise maternellement jusque dans sa tanière, où il explosait généralement en sanglots et en hurlements peu après, lorsque la mémoire lui revenait. Œil de Jade s'efforçait d'être absente lors de ces crises. Elles étaient si déchirantes qu'elles ébranlaient quiconque y assistait, et elle vit, une fois, Fleur de Myosotis, l'ancienne acariâtre, qui n'avait pas levé ses vieux os de son nid depuis des lunes, traverser le camp en boitillant et maugréant jusqu'à son cadet qu'elle prit entre ses pattes maigres en lui adressant des consolations mêlées de reproches.

Mais vint un jour où le pauvre Étoile du Cerf ne put plus assurer ses fonctions de chef.

Il restait là, cloîtré dans son antre avec la tête cachée sous la queue, refusant de ne faire ne serait-ce qu'un pas dehors. C'était à peine s'il s'alimentait. Ses yeux fous ne reconnaissaient aucun guerrier, sa truffe sensible confondait toutes les odeurs. Seule Serre d'Aigle pouvait l'approcher, et parfois Geai d'Argent. Même Cœur de Colombe, sa propre mère, se fit chasser du roc par des cris brisés et des appels au secours.

Nul ne savait ce que la vieille guérisseuse tigrée racontait à son cadet lorsqu'elle se faufilait entre les tiges de lierre pour lui rendre visite, mais il arriva qu'elle restât deux jours et deux nuits consécutifs. Pendant ces entretiens, la tension au camp se relâchait, les pleurs névrosés se taisaient momentanément. Tous partageaient la même crainte : lorsque Serre d'Aigle, si âgée, rejoindrait le Clan des Étoiles, qui calmerait le meneur brun ?

Un matin de fin de saison des feuilles vertes, lorsque la couleur des arbres se ternissait et que les nuages cachaient de plus en plus souvent le soleil, Œil de Jade reçut l'ordre d'apporter à son chef son repas. En effet, Serre d'Aigle était sortie cueillir des remèdes - piquer un somme dans les fougères, plus exactement - et Geai D'argent était très occupée avec Petit Écureuil, la fille de Papillon Blanc et Flamme d'Or ; la petite chatonne était malade et toussait fortement. Toutes les reines étaient à son chevet, et Plume de Fougère, le prétendu père, était sollicité, mais il parvenait à y échapper en prétextant des patrouilles. Son amie était réprobatrice là-dessus, elle était d'avis qu'il se devait d'élever l'enfant de la chatte qui l'aimait, d'abord pour que personne n'aie de doute quant au fait qu'il soit réellement son géniteur, mais surtout par respect pour la mémoire de Papillon Blanc. Or, Plume de Fougère et les chatons... ce n'était pas une grande histoire d'amour. 

Bref, Œil de Jade, anxieuse, sélectionnait une prise sur le tas de gibier sans pouvoir s'empêcher de craindre la réaction d'Étoile du Cerf lorsqu'il verrait que ce n'était pas l'une des guérisseuses qui lui apportait à manger. Voyons... Quelle est sa viande préférée ? Elle contempla alternativement un écureuil, une souris et un mulot. L'écureuil est le plus gras. Mais alors qu'elle prenait la petite bête rousse dans sa gueule, le mulot chancela de sur la pile et tomba à ses pattes.

Elle se sentit bête d'avoir sursauté et de s'être fait la réflexion qu'il était tombé tout seul. C'est le vent, voilà tout. Pourtant, pas une brise ne soufflait.

Il préfère le mulot.

Cette voix, Œil de Jade l'avait entendue dans sa tête mais elle était certaine que ce n'était pas le fruit de ses pensées. C'est comme si Goutte Brisée m'avait parlé dans mon esprit. Et puis elle réalisa que c'était le cas. L'esprit de la chatte mouchetée lui avait soufflé un conseil, de son ton rauque et renfrogné, dans son désir de faire plaisir à celui qu'elle avait servi en tant que lieutenant.

La femelle argentée fut très touchée par son intervention, si bien que les larmes affluèrent sur ses cils. Elle remercia maintes fois la défunte lieutenante pour son aide et reposa l'écureuil.

Elle n'était encore jamais entrée dans l'antre du meneur. Elle l'imaginait plus étroite, mais c'était peut-être le félin roulé en boule entre deux parois qui faisait paraître l'endroit si vaste, tant son corps semblait frêle et vulnérable.

- Étoile du Cerf... ?

Un grognement se répercuta sur les parois de pierre et refroidit le pelage de la jeune chatte.

- Je... je t'apporte à manger.

Étoile du Cerf extirpa lentement ses os fatigués de son recoin pour faire face à sa guerrière. Il faisait si sombre, et son visage était si malmené par l'égarement et la dépression qu'elle n'arriva pas à distinguer s'il la regardait, ou même si ses yeux étaient ouverts ou fermés.

- Qui es-tu... Va t'en... Une intruse... ! elle vient nous envahir...

- Non, mon cher meneur, je suis une combattante du Clan du Tonnerre, je suis Œil de Jade, dit-elle doucement avec des gestes apaisants. Tu sais, la petite froussarde aux grands yeux verts, niaise et timide... 

Sa voix chancela. Elle baissa les yeux. Elle attendit qu'il réagisse, et tenta à tout prix de ne pas s'égarer dans des pensées davantage noires.

A l'autre bout de l'antre, le mâle brun clair plissait les paupières, histoire de mieux distinguer la nouvelle venue et de mettre de l'ordre dans ses souvenirs éparpillés à travers son esprit fragile.

J'en ai marre d'avoir les larmes aux yeux pour si peu. Je n'ai fait que dire la vérité. C'est vrai, quoi, j'ai l'impression de passer ma vie à avoir de la peine et à craindre quelque chose...

- Je ne connais pas d'Œil de Jade.

Elle haussa une épaule avec une nonchalance qui sonnait faux et un petit sourire douloureux. Je m'y attendais. Si, si, je m'y attendais. Il ne reconnaît pas sa propre mère; pourquoi moi, gentille idiote de chatte, je parviendrais à un résultat différent ?

- Tout du moins, je ne connais pas d'Œil de Jade qui soit froussarde ou niaise. Qu'est-ce que tu me racontes là, petite ?

Ébahie, la femelle gris-argent en lâcha le mulot et releva des yeux ronds vers son aîné. Le matou brun clair s'était redressé et regardait sa guerrière avec un peu de l'ancien lui au fond des iris. De l'humour, de la taquinerie et beaucoup de bonté. Pour un peu, elle se serait jetée entre ses pattes.

Mais c'est lui qui fit plusieurs pas vers elle pour la prendre maladroitement contre lui.

Il sentait la poussière, les feuilles mortes et l'humidité, pourtant, Œil de Jade enfouit le museau dans sa fourrure avec le désir de passer le reste de sa vie là - bien qu'elle n'osât lui rendre son étreinte en l'entourant à son tour de ses pattes. Il n'y eut de parole un long instant.

- Je ne sais pas ce que je vais devenir.

Œil de Jade ignorait qu'une voix puisse être brisée à ce point. Elle fut secouée par cet aveu et déposa sa joue contre la sienne.

- Quoique tu deviennes, Étoile du Cerf, tu seras toujours respecté et admiré par ton Clan. Tu y auras toujours ta place et des amis. Et personne n'oubliera le grand meneur que tu as été. Je te le promets.

La femelle argentée était plutôt fière de ses dires, mais son aîné n'eut qu'un soupir las.

- Ce n'est pas la peine de contrefaire la vérité. Sans elle, je m'écroule lamentablement, Œil de Jade. C'était elle, la grande meneuse, à travers moi.

Elle sentit une décharge profonde de chagrin lui transpercer la poitrine.

- Du tout, croassa t-elle en essayant de stabiliser sa voix. Elle était formidable,  mais tu l'es aussi. Et elle n'a pas toujours été ton lieutenant, si ?

- Elle est plus âgée que moi. Elle était guerrière que je venais de naître. Lorsqu'Étoile du Pinson m'a désigné pour lui succéder, elle m'a soutenu et aidé. Rien qu'en étant lieutenant, je ne faisais presque rien sans la consulter. Personne n'a été surpris quand, finalement chef, je l'ai choisie comme lieutenant, sauf elle, l'imbécile. Ne parle pas de ce que tu n'a jamais connu.

Œil de Jade s'abstint de répondre. Que pourrait-elle bien dire ? Elle n'était pas née, à cette époque; elle ne pouvait pas démentir ses propos, bien qu'elle soit convaincue qu'il se sous-estimait largement. Chaque seconde qui passait, où, toujours blottie contre lui, elle essayait, frissonnante, de trouver une réponse, faisait prendre conscience à Étoile du Cerf qu'il avait dit la vérité absolue. Il avait déformé la réalité dans la conviction désolée de la névrose, mais à présent qu'il soupesait ses dires, ils sonnaient plus véritables que jamais. Ses yeux en permanence rouges par les larmes prirent une couleur encore plus vive. Le silence sage de la petite guerrière achevait de le convaincre.

- Quel pauvre imbécile tu fais.

Les deux chats relevèrent la tête d'un même mouvement en s'écartant l'un de l'autre pour observer, interdits, le félin qui venait d'apparaître se tenant dans le creux de la roche. Tous les deux avaient espéré Serre d'Aigle, mais la chatte présente possédait une ossature plus étroite, un poil plus fin et plus clair et tacheté plutôt que rayé, des membres moins vieillis par les lunes... et des yeux ô combien plus uniques.

Outre ces différences avec la vieille guérisseuse tigrée, la féline arborait des particularités par rapport aux chats ordinaire. En effet, sa fourrure, modestement gris pâle mouchetée, luisait doucement, parsemée de minuscules éclats d'étoiles argentés, comme Œil de Jade n'en avait jamais vus. Aussi, la surface de la roche se laissait voir à travers son corps étroit, comme si elle n'était qu'un reflet de nuage, de givre et de pluie... brisés.

Étoile du Cerf étrécit ses yeux cerclés de cernes pour la détailler, sans y croire.

- Tu...

Œil de Jade marcha vivement vers la guerrière-étoile, malgré son cœur tambourinant d'émotion, et lança d'un ton abrupt, s'étonnant de sa propre audace :

- Ah, c'est maintenant que tu te montres, toi ? Après avoir laissé ce pauvre matou se vider de sa vie, recroquevillé dans sa tanière à ressasser ses angoisses et ses douleurs ? Pourquoi ne venir qu'après l'avoir laissé endurer le martyr, alors qu'il n'a cessé de t'appeler à son chevet, jour et nuit... ?

Ses yeux bleu glacé s'agitèrent de lumière, comme une flaque d'eau claire ourlée par les vents.

- Je ne reviendrai qu'une fois. Il fallait que je choisisse mon moment.

Ébahi, Étoile du Cerf restait la gueule grande ouverte devant la chatte au corps pailleté d'étincelles argentées, sans parvenir à articuler un mot.

- Et pourquoi ce moment plutôt qu'un autre ? fit Œil de Jade, un brin hautaine. Je t'en prie, regarde-le...

- Il a dit une ânerie si énorme que je ne pouvais pas la laisser passer.

La jeune guerrière fronça un seul sourcil de façon involontairement comique. Le regard pourtant lumineux de son aînée s'assombrit et se teinta de sévérité alors qu'elle le reposa sur le mâle brun.

- Étoile du Cerf, comment oses-tu dire de pareilles ?

Voyant qu'il restait incrédule, elle poussa un léger grognement et descendit lascivement au sol.

- Si tu dépéris seul dans ton antre, ce n'est pas parce que tu ne peux pas vivre sans moi, oh, non. C'est que tu as peur de ce que tu pourrais devenir sans moi à tes côtés pour te secouer le fion quand tu deviens trop paresseux. Tu es tellement persuadé que sans moi, tu n'es rien, que ça commence à devenir réalité, alors que tu es quelqu'un d'extrêmement fort, à qui je n'étais qu'un passage dans la vie...

- Très chère.

Œil de Jade détourna le regard de leur étreinte visuelle, comme embarrassée.

- Tu étais à ma vie ce qu'est la lune au soleil.

- Quelque chose de gris, de grincheux, qui noircit tout âme qui vive ? fit la guerrière-étoile, blasée.

- Non. La seule raison qui pousse le soleil à briller. Parce qu'il sait que quand il n'a plus la force de surmonter les nuages, la lune sera là, à la tombée de la nuit, pour reprendre son rôle qui est d'éclairer le ciel.

Et Étoile du Cerf avait repris un peu de vie dans les yeux, un peu de vigueur dans la posture et un peu de majesté dans l'allure.

La féline gris pâle mouchetée eut à cet instant tant d'émotions sur le visage qu'Œil de Jade ne sut dire si elle allait rire ou pleurer. La fierté et la douleur se bousculaient pour laisser place à la tendresse, à l'étonnement, puis à un grand mélange de ces dernières sensations qui résulta de la plus belle expression inimaginable parmi les traits de la morte.

- Je sais malgré tout que ton règne touche à sa fin, mon ami. Quand on pense qu'une mort tue deux chats au lieu d'un seul... Je ne te blâme pas, je suis même touchée, mais ma perte n'aurait pas dû te dévaster au point de mourir un peu plus chaque jour.

Un sanglot rieur transperça la poitrine du matou grisonnant.

- Tu ne te rends pas bien compte de ce que tu étais pour moi, je pense. Enfin, je ne vais pas tarder à pouvoir te l'expliquer en détail...

Une lueur affolée traversa sa pupille bleue.

- Non, je t'interdis de mettre fin à tes jours, Étoile du Cerf. Même si j'ai été ton amie, il serait stupide de sacrifier sa...

- Ne t'en fais pas. Je suis bien trop lâche pour me livrer de moi-même à la mort. Je ne fais que l'attendre, blotti dans ma couardise, depuis tant de jours maintenant.

- Ton heure n'est pas encore venue. Tais-toi et écoute-moi. Je n'ai pas que ça à faire. Œil de Jade, qu'est-ce que tu fiches, nom d'un chat ?

La guerrière aux yeux verts s'immobilisa sur place avec un sourire gênée et un regard contrit pour l'entrée de l'antre qu'elle essayait discrètement d'atteindre depuis quelques instants.

- Je... je vous laisse discuter en privé, bafouilla t-elle, les oreilles cuisantes, je sens bien que je suis de trop...

À sa grande surprise, les deux félins échangèrent un regard consterné mêlé d'affection.

- Toujours aussi tarte, celle-là. Mais évidemment que non, tu n'es pas de trop, j'allais justement parler de toi.

- De... de moi ?

Qu'est-ce qu'elle peut bien avoir à dire sur moi à Étoile du Cerf ?

C'est alors qu'un frisson glacé secoua son poil fin lorsqu'elle tira une conclusion.

Le meurtre d'Étoile de Rose ! Elle va lui en parler ! Oh, pitié, non, il serait tellement déçu... Et pourtant, justice doit être faite. Je suis coupable. Autant que je me confesse.

- Œil de Jade, te sentirais-tu apte à...

- Oui, j'avoue, je suis une guerrière immonde, je ne mérite pas de vivre plus longtemps... !

- ...accomplir les tâches d'un lieutenant ?

Hein... ?

- Hein... ?

- On dit "comment ?". Et tu as très bien entendu.

Œil de Jade dirigea ses prunelles interdites vers son chef, qui avait l'air à peu près aussi stupéfait qu'elle.

- Euh... Je...

Elle n'arrivait plus à articuler un seul mot tant les tremblements de ses membres étaient violents. La chatte-étoile avait retrouvé un petit sourire satisfait tandis qu'elle contemplait sa cadette se vider de son sang-. Elle s'aperçut soudain du regard que lui lançait Étoile du Cerf et perdit patience.

- Mais vous vous êtes vus, avec vos têtes d'ahuris ? C'est quoi, le problème ? Vous parlez canin ?

- Mais... bredouilla le matou brun clair. J'ai déjà Flamme d'Or, comme lieutenant...

La grimace que fit l'ancienne lieutenante du Clan du Tonnerre à la mention du chat roux valait tous les territoires de la forêt.

- Je n'ai jamais aimé ce matou, jamais. Honnêtement, Étoile du Cerf, réfléchit à ce que je dis. Cette petite pourrait bien diriger le Clan du Tonnerre comme personne.

Œil de Jade, qui se croyait prête à exploser, retrouva tout à coup l'usage de la parole.

- Non, c'est impossible, je ne peux pas, je ne peux pas devenir lieutenant !

Pourquoi pas ? disaient leurs visages incrédules.

- Mais parce que... Parce que...

Elle éclata soudain en aveux.

- Oh, j'ai commis un meurtre, j'ai tué, j'ai tué Étoile de Rose, j'ai menti, j'ai enfreint le code du guerrier dans toute sa longueur, je suis... je suis tellement désolée ! si vous saviez ce que je regrette...

Elle courba l'échine avec rédemption en serrant fort les crocs dans sa gueule. Elle s'attendait à être bannie, injuriée, ou même exécutée sur place, mais pas aux éclats de rire qui retentirent quelques instants plus tard.

- Oh, ma pauvre fille, faut pas te faire de sang d'encre pour si peu ! J'ai tout vu, figure-toi, et c'est surtout Flamme d'Or qui a provoqué son hémorragie fatale. Et puis c'est tout ce que méritait cette chef indigne. Tu n'as pas oublié qui elle a tué, si ?

- Œil de Jade, tu es toujours si soucieuse d'agir de façon juste... Crois-nous quand on te dit que tu es faite pour être à la tête d'un Clan. Tu n'as fait que venger une mort. Tu seras lieutenant, ma grande. J'ai eu tort en désignant Flamme d'Or.

Les larmes débordaient des yeux de la chatte argentée.

- Attends ! C'est impossible ! J'ai des origines de chat domestique ! Flamme d'Or est mieux placé que moi pour te succéder !

- Flamme d'Or est aussi fils de chat domestique.

Étoile du Cerf avait l'air plus serein que jamais, et sa fourrure désormais brillante scintillait de poussière d'étoiles.

- C'est ton frère, Œil de Jade.

Et bientôt, la paroi de la caverne retrouva son gris rocheux, sans aucune trace de pelage étoilé désormais, et Œil de Jade resta seule, avec ses larmes, le mulot intact, et le cadavre sombre étendu au sol.