- Dis-moi, fit Plume d'Ébène à son frère alors qu'ils rentraient tranquillement au camp, t'aurais une idée pour rembarrer Cascade d'Argent ?

Elle ne l'avait jamais appelée "maman" et n'allait pas commencer aujourd'hui.

Lion Argenté leva les yeux vers la cime des pins, pensif.

- Personnellement, je l'aurais bien éventrée, mais...

- Moi aussi ! s'exclama la petite guerrière avec tant de vigueur qu'il sursauta. Alors ! On la tue quand ?

Elle reçut un regard blasé.

- Je plaisantais, Plume d'Ébène. On ne peut pas tuer notre mère.

- Ce n'est plus la mienne, elle me l'a clairement fait comprendre, cracha t-elle, amère. Et pourquoi on ne pourrait pas ?

Lion Argenté scruta ses yeux, véritables lacs dorés. Il y décela une noirceur d'âme qui n'égalait que la sienne. Sa sœur lui ressemblait décidément bien plus qu'il ne le pensait.

Voyant qu'il s'abstenait de répondre, Plume d'Ébène grogna et donna un coup de patte dans une pomme de pin.

- De toute façon, t'as toujours été un lâche, tu serais jamais capable de la tuer.

Ce n'était pas comme s'il avait l'habitude de faire l'inverse, mais Lion Argenté agit avant de réfléchir aux conséquences de ses paroles. Il était tellement désireux de montrer à sa sœur à quel point elle se trompait dans son jugement que les mots jaillirent presque immédiatement de sa bouche :

- Figure-toi que j'ai déjà tué quasiment trois chats.

Plume d'Ébène ouvrit des yeux interdits. Un rictus ne tarda pas à apparaître le long de ses lèvres.

- Ah oui ? Qui ça ?

- Pluie de Lumière, Bourrasque Froide, et presque Papillon Bleu.

Impressionnée, la petite guerrière accrocha son regard durant un long moment. Elle finit par susurrer, tout en réduisant en charpie sa pomme de pin :

- Tu ne crois pas que tu me dois quelques explications concernant tout ça ?

Emporté dans sa fierté, le matou gris lui coupa presque la parole, sa hâte fébrile lui faisant hausser la voix :

- C'est bien simple, Pluie de Lumière s'est comporté de manière révoltante avec Beauté Glaciale. Il l'a engrossée, tu te rends compte. Ma propriété à moi ! Il méritait une punition. Son cadavre pourrit vers le territoire des Bipèdes, si tu veux y jeter un œil, ajouta t-il avec une nonchalance tranquille.

Plume d'Ébène, subjuguée par son récit, s'était rapprochée de lui.

- Continue, souffla t-elle, ses vibrisses frôlant les siennes.

- Quant à Papillon Bleu, reprit-il, gonflé d'orgueil, elle s'est montrée sèche avec Petite Goutte, ma fille. Et puis toutes les excuses sont bonnes pour la rabrouer, cette pauvre imbécile. J'ai essayé de profiter d'elle, mais elle m'a frappé, la teigne, alors je n'ai pas pu m'empêcher de lui donner une bonne correction. Elle était à deux griffes de rendre l'âme quand Bourrasque Froide est entré dans l'antre. Il voulait des remèdes pour sa toux. Je ne pouvais pas le laisser me surprendre en flagrant délit, alors j'ai fait retomber l'agression de Papillon Bleu sur son cadavre, faisant jurer à la guérisseuse de supporter ma version dans laquelle elle s'était battue avec Bourrasque Froide et l'avait tué pour sauver sa peau, si elle tenait à la grâce. Tu me trouves toujours trop lâche ?

Il regardait maintenant sa sœur d'un air de défi, le poitrail redressé. Au fur et à mesure qu'il avait parlé, la gravité de ses actes lui était revenue en mémoire, et s'il l'avait balayée comme on balaye une feuille d'un coup de queue, il n'ignorait pas que la probabilité que quelqu'un l'entende n'était pas si infime que cela. Il se refusait à scruter les pins maigres, mais ne pouvait empêcher son oreille de s'agiter brièvement. La petite chatte brun-gris foncé tigrée de noir, elle, ronronnait presque. Ses yeux plissés luisaient au milieu de sa figure ronde.

- Je t'adore, frangin, t'es toujours plein de surprises.

Un tantinet vexé, le frangin bomba la poitrine avec encore plus d'importance.

- Je t'en prie ! J'ai tout de même l'air redoutab...

- Alors, on la tue quand ? répéta la petite femelle trapue avec une ombre sur le visage, bien plus sérieuse que la première fois.

Lion Argenté perdit sa moue et se fit intrigué.

- Pardon ?

- Cascade d'Argent. Notre génitrice. Celle qui m'a si gentiment expliqué que j'étais indigne d'être une guerrière et me l'a fait savoir à l'instant, lors de mon baptême. Tu plaisantais, mais pas moi. Je veux que tu m'aides à lui ôter la vie.

Il vit briller l'amertume dans ses yeux ambrés et reçut un pincement au cœur. Elle avait été profondément blessée par les paroles de la reine grise, et lui seul savait à quel point sa sœur pouvait révéler un côté obscur lorsque sa fierté et ses sentiments en prenaient un coup. Apprendre qu'elle souhaitait aller jusqu'au meurtre ne le surprit finalement pas tant que ça. Non, ce qui le chiffonnait réellement, c'était qu'elle veuille également jouer à la meurtrière.

Et ça, c'est réservé à moi-même. Je suis beau, fort, rusé, courageux, et tant encore. Le rôle de tueur n'a de panache que s'il m'est assigné. Cela complète ma personnalité mystérieuse et envoûtante. C'est parfait, je suis fait pour punir en assassinant. Cela se saura un jour, mais en me glorifiant et en faisant de moi un héros, bien sûr. Par exemple, Pluie de Lumière m'a attaqué et j'ai dû vaillamment me défendre. Ouais, ça me rendra mémorable. Je vois déjà les mères raconter la légende d'Etoile de Lion Argenté - je n'ai pas encore réfléchi à mon nom de chef, le plus valeureux et séduisant des chefs, n'hésitant pas à tuer les chats agaçants. Les chatons seront tellement admiratifs... Ils me prendront comme modèle ! Ils joueront à "Etoile de Lion Argenté combat Etoile d'Ivoire et le tue pour prendre sa place car il a posé une patte sur sa précieuse compagne" ! Ou encore "Etoile de Lion Argenté - c'est pas terrible c'est vrai - vainc l'irritant Nuage de Givre rien qu'en lui donnant une pichenette ! Les femelles, elles - soyons réalistes, les chatonnes ne jouent pas à la guerre, ce n'est pas assez délicat pour leurs petites pattes - voudront à tout prix jouer Beauté Glaciale, sauf qu'elles ne pourront pas, parce qu'elles seront toutes moches vu que personne n'égale la splendeur de la compagne d'Etoile de Lion Argenté le fabuleusement magnifique, mais elles feront comme si. Alors que si Plume d'Ebène se crée également une réputation de justicière tueuse de chats pénibles, ça empiétera sur la mienne. Ce ne sera plus "Etoile de Lion Argenté le héros sanguinaire mais hypra beau gosse" mais "Le frère et la sœur sanguinaires et beau gosse pour l'un". Je refuse qu'on soit deux. Elle risquerait de me voler la vedette, parce qu'elle en a pas l'air comme ça, mais elle est très maligne, elle tient de son frère. Et là, ce sera la légende la plus nulle du monde. "Plume d'Ebène, la chatte riquiqui et assez grosse qui tue sa mère parce qu'elle l'a humiliée". Personne ne s'identifiera à elle - c'est une femelle déjà, et avec si peu de charme... ! Je suis le guerrier idéal pour devenir mythique. Je serais légendaire. Seul.

Les feuilles se faisaient ondulantes dans la brise, comme pour appuyer ses pensées.

Mais je veux bien qu'on tue Cascade d'Argent parce qu'elle casse les noisettes quand même.

- Eh bien... Immédiatement, pourquoi pas ?

Plume d'Ebène le dévisagea de manière, selon lui, très désobligeante.

- T'es complètement inconscient ou quoi ? Maintenant ?

- Quoi ? Je pensais que...

- Au nom de Beauté Glaciale, ce que tu peux être bête ! Comment peut-on être de la même famille...?

- Ne jure pas par son nom, je t'en prie ! Et explique-moi un peu pourquoi pas ! Tu ne vas pas te dégonfler, si ?

Très remontée à l'idée qu'il doute de son courage, la jeune combattante redressa les épaules, outrée comme jamais.

- Certainement pas ! s'indigna t-elle, comme scandalisée qu'il puisse penser une telle chose. C'est juste une question de logique, abruti ! La réponse à ton interrogation est sous ton nez !

Voyant qu'il restait stupéfait - et hâtive de déployer son intelligence - elle soupira comme exaspérée, se dessina un air hautain et reprit :

- Comme d'habitude, Lion Argenté, tu vois mais n'observes pas ! Essaie donc d'entendre et d'écouter : je viens de quitter le camp en furie parce que ma mère me faisait enrager. Je ne peux pas débarquer dans le camp, la tuer, puis feindre l'innocence, alors que tout le camp a assisté à notre conflit et que je suis la coupable parfaite, ayant eu une conversation houleuse avec elle ! Tout le monde - tout le monde, même Pluie de Neige, soupçonnera que j'ai tué Cascade d'Argent parce qu'elle m'a blessée. Enfin, façon de parler. Elle ne m'a pas blessée, du tout.

Ignorant l'incroyable crédibilité de sa dernière affirmation, Lion Argenté, ma foi baba, marqua un silence avait d'ouvrir la bouche pour dire stupidement :

- Je n'avais pas pensé à ça...

- Ca c'est curieux, persifla sa sœur avec toute la perfidie dont elle savait faire preuve.

N'étant tout de même pas idiot, le matou gris lui lança un regard courroucé, puis haussa les épaules.

- Nous n'utilisons pas notre intelligence de la même façon, c'est tout... Et puis tu me demandes quand, ce n'est pas la peine de me rabaisser alors que je n'ai fait que te répondre...

- Je t'ai demandé quand pour confirmer ce que je pensais. Tu n'es pas bête, mais pas assez réfléchi pour trouver le moment idéal. 

- Qui est ? s'impatienta Lion Argenté.

La canine de la chatte tigrée étincela lorsqu'elle sourit sournoisement en susurrant :

- A la prochaine Assemblée.

*

Durant les trois-quarts de lune qui le séparait de la réunion des quatre Clans, Lion Argenté fut en ébullition. Il s'agitait continuellement, du matin au soir, rendu fou d'excitation par la promesse de meurtre et de vengeance. Maintenant qu'il en avait discuté avec sa sœur, il était malade d'impatience d'ôter la vie à sa propre mère, au point qu'il se montrait agressif sans raison particulière. Nuage d'Orchidée garda par exemple un souvenir mémorable du mâle gris sombre lui aboyant dessus en lui vrillant quelques neurones -ce dont elle n'avait vraiment pas besoin -parce qu'elle lui avait demandé ce qui n'allait pas. Il allait pourtant très bien, mais ses nerfs étaient à vif et un petit agacement se transformait vite en rage incontrôlée. D'autant plus que durant les jours suivants la promesse de Plume d'Ebène, l'atmosphère du Clan fut extrêmement tendue. Le Clan Noir abritait, depuis quelques aubes, deux femelles du Clan Bleu, Joli Coquelicot et Eau Blanche, fugitives, s'étant échappées de la tyrannie d'Etoile Verte, leur chef, et du traitement impitoyable qu'il réservait aux femelles. Beauté Glaciale, dans sa clémence et dans sa bonté, avait donc lourdement insisté pour que les deux reines restent, et Etoile d'Ivoire, dans sa faiblesse, n'avait pu s'y opposer. Mais ces félins supplémentaires - sans compter qu'Eau Blanche avait mis bas - rendaient également le Clan Noir tourmenté et anxieux. Une attaque de la part des chats-nageurs pour récupérer leurs membres était inévitable.

Elle arriva donc, un doux matin estival. Les oiseaux s'envolèrent précipitamment lorsque les cris retentirent. L'herbe pourtant si verte rougit à vue d'œil. Le combat aurait pu mal tourner pour les félins de la pinède si Lion Argenté n'avait pas été aussi excité par la promesse de sang. Ce fut un vrai carnage. Ses yeux rouges ne cillaient pas et restaient fichés dans ceux de ses adversaires tandis qu'il déployait toute son énergie refoulée à user de ses griffes et de ses crocs. Sa crinière d'argent envoûtait jusqu'à la lumière du soleil en lui donnant des airs de tornade grise. Durant un instant même, Nuit d'Hiver  interrompit ses coups de dents à l'intention de Poisson d'Argent, Oiseau de Givre oublia Aile de Rouge-Gorge, Beauté Glaciale ignora les assauts de Murmure de la Nuit, tous n'avaient de pupille que pour le combattant gris qui s'acharnait sans relâche sur la pauvre carcasse de Pelage de Coton, le tas de fourrure inerte et sanglant qu'était Griffe d'Ours, le misérable monceau de chair que formaient les restes d'Orage de Cendre. Les coups de griffes voltigeaient et heurtaient avec une violence inouïe les corps interdits de ses ennemis, précis, brusques et meurtriers. Lion Argenté combattait pour combattre, tous s'en rendaient compte, il n'y avait aucune haine particulière envers tel ou tel guerrier, le matou cendré se fichait même éperdument du sort d'Eau Blanche et Joli Coquelicot mesdames ! seules comptaient l'avidité de sang, l'adrénaline éparpillée dans les veines et cette sensation de puissance qui lançait son cœur à mille à l'heure et son esprit au bord de la folie. Cette fente de chairs, c'était une véritable jouissance à ses crocs. Il s'en était déjà plus ou moins aperçu lorsqu'il avait blessé Beauté Glaciale lors de leurs apprentissages, emporté par l'excitation de la guerre. La violence lui procurait du plaisir. Il n'y pouvait ma foi rien, cela faisait sans doute partie de sa personnalité. D'ailleurs, la magnifique reine grise dut se rendre à l'évidence en le voyant à l'œuvre; le guerrier massif était dans son élément, au milieu de ces effusions de sang et de coups. Cela l'impressionna plus que ça ne l'horrifia. Ses yeux verts profonds suivaient sans ciller les pluies de griffures assénées.

Beauté Glaciale étrécit encore davantage les prunelles et, sans détourner le regard, acheva son adversaire d'un coup de dent, d'une froideur gracieuse.

Les chats du Clan Bleu ne firent pas long feu. Lorsque la moitié d'entre eux fut vaincue par Lion Argenté, Aile de Rouge-Gorge, le lieutenant, rappela ses guerriers. Les morts furent abandonnés, chaque félin vivant pensait à sa propre fourrure. Seuls ceux en état de marcher déguerpirent. Les blessés trop graves traînèrent leurs misérables os sur quelques longueurs de queue avant d'être mis à mort par une Brume des Neiges prise de pitié. 

Abasourdis plus que victorieux, les guerriers du Clan Noir restèrent longuement immobiles tandis que leurs adversaires battaient en retraite. Beauté Glaciale eut l'intelligence de feuler, plus intimidante que jamais, à un mâle tigré aux flancs ouverts, le dernier à quitter le camp, qui haletait sur ses pattes tremblantes :

- Dis à ton monstre de chef qu'il récupère ses femelles mais qu'il ne s'avise plus jamais de massacrer un seul chat s'il ne veut pas qu'Etoile d'Ivoire envoie ce guerrier vous éliminer un par un.

Elle désigna Lion Argenté qui, les griffes enfoncées dans la terre, respirait bruyamment, tout le poil hérissé sur le dos. Il inspirait tant la crainte que même ses camarades se tenaient à distance. Joli Coquelicot et Eau Blanche jaillirent de la pouponnière, un chaton chacune dans la gueule, et encadrèrent le mâle blessé, la mine froide et menaçante. Celui-ci jeta un bref coup d'œil au grand matou gris et fut branlé d'un hoquet de terreur. Il traversa les buissons en claudiquant misérablement, gémissant. 

Ce fut ainsi que le Clan Noir étala sa réputation cruelle et violente à travers les rumeurs.

Nul ne sut quelle fut la réponse d'Etoile Verte quant à la réclamation de Beauté Glaciale, car le mâle aux yeux couleur d'eau, fidèle à sa réputation de matou mystérieux, n'avait apporté aucune réponse au Clan. Néanmoins, il ne sembla pas que les deux reines fussent sujettes à des violences. Ils devaient avoir un minimum de cervelle et préféraient laisser en vie leurs seules chances de repeupler le Clan. 

Lion Argenté se remit avec peine de la bataille. Ses griffes, durant son sommeil, cherchaient des gorges à pourfendre, des flancs à rayer. Ses crocs s'animaient d'une vie propre, et il mordit, une nuit, l'oreille de Pelage de Foudre qui eut un sursaut de terreur et s'éloigna le plus possible de son camarade. Les seules choses qui, bien qu'ordinaires, apaisaient et adoucissaient ses jours étaient les chatons. Ses chatons, à lui. 

Ceux de Beauté Glaciale grandissaient  à vue d'œil; leurs pattes s'affinaient, leurs muscles se développaient et leurs fourrures s'épaississaient. Bientôt, on ne vit, exceptés Beauté Glaciale et Lion Argenté, plus délicate et charmante que Petit Matin, plus enjouée et dégourdie que Petite Souris, plus beau et fier que Petite Pluie, plus adorable et tendre que Petite Goutte. Et Petite Flèche... eh bien... il était aussi réservé et mal assuré qu'à ses premiers jours. Lorsque son père regardait ailleurs, Nuage de Givre et son sourire gelé l'entraînaient à l'écart, désireux de "jouer" et de "se rapprocher" du petit mâle gris tigré. Lion Argenté était extrêmement fier de Petit Matin "le portrait de sa mère" et de Petite Souris, "aussi filoute que moi au même âge", un peu moins certes de Petite Goutte, très gauche et maladroite, mais plus tout de même que du pauvre Petite Flèche, méprisé en raison de son caractère sensible. Quant à Petite Pluie, ses traits s'ancraient tellement dans ceux qu'avait arborés Pluie de Lumière, que son angoisse à l'égard du chaton s'accroissait. Petite Pluie était le meilleur aux jeux de combats, le meilleur aux jeux de chasse. Sa musculature était doublement supérieure à celle de son frère. Lion Argenté avait la crainte irrationnelle et maladive qu'un jour, le fils de celui qu'il avait assassiné apprendrait son geste et vengerait l'un de ses pères en tuant l'autre.

Aussi, lorsqu'il s'en alla étouffer le chaton dans son sommeil, il était persuadé qu'il agissait pour sa propre protection.

Trop persuadé, trop concentré, pas assez précautionneux; quoiqu'il fut, l'œil vert émeraude de Petite Flèche brillait dans l'obscurité et observait chacun de ses gestes, sans qu'il s'en aperçût.

Beauté Glaciale pleura, et les quatre chatons pleurèrent -l'un, un peu jaune- et Lion Argenté pleura, et tout le monde fut très, très triste. Mais tout le monde fut bientôt très, très heureux, car Papillon Bleu semblait tirée d'affaire. Enfin c'était ce qu'assurait Nuage de Suie, son apprentie. Elle garderait des cicatrices mais pourrait recommencer à exercer. Si tout le monde était heureux, c'était parce que savoir que sa guérisseuse est en fonction au cas où il arriverait malheur était quand même rassurant, quand bien même fut-elle mauvaise, pas parce que quelqu'un se souciait personnellement du sort de la chatte grise. Suite à la bataille contre le Clan Bleu, il n'avait pas été nécessaire d'administrer de soins autres que cerfeuil et toile d'araignée; si le Clan Noir était stupide, il savait néanmoins se battre. Et puis, avec les trois quart des adversaires hors-service, cela n'avait pas été bien compliqué.

Petite Flèche, quand Nuage de Givre, entretemps baptisé Flèche de Givre, "en hommage, comme avait-dit très bêtement Etoile d'Ivoire, à la belle amitié qui le lie avec Petite Flèche", ne l'accaparait pas, gardait ses yeux pâles rivés sur son père, muet, comme d'ordinaire, mais d'un mutisme enragé. Il le regardait, regardait son corps étoffé se tordre en l'air alors que le guerrier gris faisait une démonstration de défense à des apprentis, regardait ses yeux rouge orangé percer le ciel tandis qu'il attendait, mystérieusement, la pleine lune. Il regardait.

Et il se dit qu'un jour, s'il avait la force et pas trop la flemme, il le tuerait.

Mais les cinq -quatre, du coup- boules de poils de la plus belle reine du Clan n'étaient pas les seules à tempérer l'intempérable tempérament de Lion Argenté. En effet : Brume des Neiges avait mis bas. 

Il pleuvait, ce jour-là. Le mâle gris sombre stagnait sous la pluie, en essayant de ne pas avoir l'air d'un chat qui attend, ou pire, d'un chat qui se fait du souci. Il entendit des cris, des pleurs. Il avait bien envie de courir ficher un coup de boule à Papillon Bleu, mais il se dit que bon, il lui avait assez tapé dessus comme ça. Finalement, des murmures joyeux remplacèrent les gémissements, et il se força à attendre jusqu'au lendemain pour aller rencontrer sa deuxième portée. Il feignit, il simula, il fit oh, bonjour Beauté Glaciale, ma biche, bonjour mes enfants ! tiens ! elle a mis bas celle-là, qui l'eut cru ? c'est qui le père, ce nigaud d'Arc-en-Ciel ? oui, à tous les coups !

Brume des Neiges avait les yeux tout mouillés de voir qu'il venait la voir -oui, ce n'était pas un très bon simulateur, et à ce sujet, Beauté Glaciale semblait avoir envie d'user de ses griffes. Ses lèvres se plissèrent de bonheur sans qu'elle puisse les retenir et, elle déroula sa longue queue touffue pour dévoiler au grand matou le fruit de ses entrailles - pas littéralement, bien évidemment.

Bon, forcément, pensa t-il avec une nonchalance feinte, ils ne sont pas aussi réussis que les premiers. Oh, bon sang, celle-là est magnifique.

Il se racla la gorge, comme pour se reprendre d'avoir pensé si librement.

- Voici Petit Soleil, miaula la femelle blanche aux pattes grises en donnant un coup de langue attendri sur la minuscule tête de la première, une toute petite chatte blanche toute tachetée. Et dis-moi, ajouta t-elle soudain en baissant la voix, tu n'aurais pas une idée de nom pour celle-là ? Je n'ai pas d'inspiration...

Il considéra ses yeux bleus, paisibles et espiègles à la fois. Elle me demande de choisir le nom de sa fille ? Non mais ? Je ne suis pas son p... Ah, zut, si.

Alors, il considéra la magnifique. Une robe banale, brune constellée de taches et de rayures. Mais en grandissant, elle ferait tourner des têtes, c'était sûr. Je suis son père, quoi. Mais alors, il lui faut un nom... acéré. Qui donne envie de ne pas s'y frotter. Enfin, qui ne donne pas envie de s'y frotter, quoi.

- Petite Ronce.

Toute manière, le premier qui se frotte à ma fille, je le désarticule. Parole de Lion !

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salut,

alors, des avis sur ce chapitre?

merde, j'espère bien, vu le harcèlement que vous m'avez fait... d'accord, deux mois sans publier, c'est long, mais vous pouvez survivre, non? votre vie n'en dépend pas? bon. et puis sachez que des messages privés, sur le mur, en commentaires, tout ça pour chacune de mes fics' lgdc, ça commence à faire beaucoup. ça serait gentil de prendre en compte ma patience.

je suis pas trop fâché.e, je sais que vous êtes bien gentils et que vous prenez de votre temps pour me lire - je me demande encore pourquoi d'ailleurs - mais sachez qu'en général, je ne laisse pas une histoire sans l'avancer plus de six mois. et si c'est le cas, c'est que je ne la terminerai pas, auquel cas vous en serez informés. je tiens beaucoup aux personnages de mes fanfics', je ne les abandonnerai pas, soyez en certains. 

je tiens aussi à m'excuser de l'écriture de ce chapitre qui est parti en vrille, j'abuse du sarcasme et Quatrième Mur est à la limite de la fracture :c

un bisou

~lou