« Où étais tu encore passée !? »

Vent Chaud grogna. Elle avait déjà expliqué à Aile d'Eau que c'était quelque chose entre elle, Étoile Brumeuse et Nuit d'Orage.

« Tu sais bien...

- Oui, mais ça ne me dit pas d'où tu viens ! Je veux savoir ce qu'il se passe ! Je suis ta sœur tout de même !

- Je n'en ai pas le droit ! Laisse moi maintenant, je dois aller voir Nuit d'Orage. »

Aile d'Eau cracha et partit, la tête haute, visiblement furieuse. Vent Chaud l'ignora et partit vers l'antre de Nuit d'Orage. La guérisseuse noire triait des plantes avec l'aide de son apprentie, Nuage de Larme. Lorsqu'elle vit la guerrière approcher elle se dirigea vers elle, fébrile.

« Alors ? As-tu eu un autre message en allant la voir ?

- Pas cette fois-ci mais je pense que c'est pour bientôt. Sinon le Clan Éternel ne m'aurait pas envoyé ce message.

- Comment est-elle ?

- Elle est très douce. Son désespoir est perceptible. Je ne sais pas ce qu'elle a mais visiblement elle a besoin d'aide.

- Je suppose que c'est pour ça qu'on t'a demandé de l'aider.

- Je pense aussi. Le Clan Éternel m'a permit de lire dans son âme. Je ne sais comment. Mais il est sûr que c'est celle d'une guerrière.

- Je te crois. Il faudra qu'elle soit prête.

- Jamais, même dans mes rêves les plus fous, je n'aurais pu imaginer qu'une bipède puisse...

- Moins fort ! On pourrait t'entendre...

- Excuse moi...

- Tu ferais mieux d'y aller.

- Très bien. Au revoir Nuit d'Orage. Salut Nuage de Larme !

- Au revoir ! lui répondirent les deux chattes en cœur. »

Vent Chaud soupira. Son secret lui pesait sur le cœur, un secret encore plus énorme que tout ce qu'elle aurait pu imaginer.

Elle-même avait du mal à croire ce qu'elle faisait.

Chaque soir, quand elle revenait, elle devait se rouler dans une marre voisine avant de faire longuement sa toilette pour se débarrasser de cette horrible odeur de bipède, et celle encore plus atroce et qui brûle la truffe de l'endroit où vivait la mystérieuse bipède qui avait été "élue".

La bipède en elle-même ne sentait pas trop mauvais, Vent Chaud s'était habituée à son odeur et à ses mains chaudes caressant son pelage. Certes, les premières fois elle avait été dégoûtée et un peu refermée mais désormais tout allait bien. Elle s'était même prise d'une sorte... d'attachement pour cette bipède si spéciale.

« Pff... Attachement pour une simple bipède... Je crois que tu commences à délirer ma pauvre... »

Malgré tout le doute la taraudait.

Comment expliquer sinon que désormais elle avait hâte de se diriger vers ce qui devait être l'antre des guérisseurs bipèdes, hâte de sentir les caresses et l'odeur désormais rassurante de son "amie" ? Vent Chaud secoua la tête, perdue.

« On ne peut pas se fier aux bipèdes. Ils sont imprévisibles et si étranges... »

Elle sortit pour aller voir sa sœur, au moins pour s'excuser de ne rien pouvoir lui expliquer. Aile d'Eau se tenait au pied de l'éboulis, et discutait tranquillement avec Cœur de Seigle.

Vent Chaud se sentit vexée que sa sœur soit aussi proche de leur ami, alors qu'elle s'en éloignait de plus en plus. Elle aurait voulu qu'ils passent plus de temps tout les trois mais comme on l'avait désignée pour une mission secrète en plein territoire de bipède elle ne pouvait pas.

Elle était très en colère contre le Clan Éternel qui lui avait mit cette bipède entre les pattes, qui lui avait confié un secret trop lourd à garder.

Elle remonta sèchement la tête, et, essayant d'oublier sa rancœur, se dirigea vers sa sœur et Cœur de Seigle. Les deux jeunes guerriers se turent lorsqu'ils virent Vent Chaud arriver et la toisèrent durement.

« Il faut croire qu'on est plus assez bien, plus assez importants pour rester avec toi.

- Mais non Cœur de Seigle ! Si je pouvais je vous dirais tout mais j'ai promis de ne rien révéler. Vous comprendrez quand ce pour quoi je travaille aura lieu.

- "Ce pour quoi je travailles", imita Aile d'Eau. Tu t'entends parler !? Depuis deux lunes on dirait qu'il n'y a plus que ça dans ta vie, que nous on a complètement disparus. Tant que tu ne nous aura pas dit on refuse de te parler. »

Les deux chats tournèrent subitement le dos à Vent Chaud qui se sentit profondément blessée. Sa mission était en train de lui pourrir la vie. Elle avait besoin d'aller se détendre et elle se dirigea vers la lieutenant, Cœur Pur, pour lui demander des précisions.

« Quand part la prochaine patrouille ?

- De chasse ou frontalière ?

- Une des deux, je m'en fiche complètement.

- Euh... La prochaine patrouille frontalière partira au coucher du soleil et celle de chasse partira dès que l'autre sera rentrée... Pourquoi ? Tu veux en faire parti ?

- J'aimerais bien faire parti de la patrouille frontalière... Comme le soleil se couche bientôt...

- Dans ce cas, tu partiras avec la patrouille de Pépite d'Argent, vous irez inspecter la frontière du Clan des Grottes. Il y aura avec vous Cœur de Forêt. Tu peux aller dire à Poil de Nacre que finalement il est dispensé de patrouille.

- Merci Cœur Pur. »

Elle regarda autour d'elle, essayant d'apercevoir le pelage blanc de son camarade.

Elle le repéra enfin aux côtés de Marre Claire, sa sœur, et de Vol d'Ombre. Elle se dirigea vers les trois guerriers qui riaient aux éclats. Lorsqu'il la vit venir vers eux, Poil de Nacre l'interpella tandis que Marre Claire et son amie s'éloignaient .

« Qu'est-ce que tu veux Vent Chaud ?

- Juste te prévenir que je prends ta place pour la patrouille frontalière de tout à l'heure.

- Vraiment ?

- Bah oui ! répondit la chatte dorée en levant les yeux au ciel.

- Vraiment sympa de ta part, merci ! »

Sans prévenir il se leva, lui plaqua un bisou sur la joue et s'en alla en lui faisant un clin d'œil. Vent Chaud le regarda partir, figée sur place, hors d'elle.

Quel con... cervelle de souris écrabouillée ! Elle le connaissait bien pour avoir passé un peu plus d'une lune avec lui dans la pouponnière, et à nouveau à peu près la même durée dans la tanière des apprentis mais jamais elle n'aurait pu penser qu'il puisse avoir autant de culot !

Comme si, parce qu'elle prenait sa place pour une patrouille, c'était une preuve d'amour ! Quel égocentrique !

Toujours rageant, elle se dirigea vers la réserve de gibier et se choisit un campagnol. Elle s'allongea à l'écart et commença à le manger, labourant la terre de ses griffes en pensant à Poil de Nacre entre ses bouchées.

Comme elle aurait voulu pouvoir lui rabattre son caquet de petit prétentieux arrogant au QI encore moins élevé que celui d'un moineau ! Lorsqu'elle eut fini de déchiqueter inconsciemment son repas (attention les enfants, il ne faut pas jouer avec la nourriture !), elle alla en déposer les restes dehors et la recouvrit de terre.

Lorsqu'elle vit que Cœur de Forêt et Pépite d'Argent l'attendaient pour partir, elle lança un regard incendiaire à Poil de Nacre qui la regardait avant de partir avec la patrouille.

Sentir l'air pur de la forêt lui aidait à se détendre l'esprit. Sa course avec ses camarades lui déliait les pattes. Ils virent Fougère Fine et Épine Grise qui entraînaient leurs apprentis et croisèrent une patrouille de chasse qui rentrait avant d'arriver à la frontière.

Ils commencèrent à remonter le cours d'eau qui la marquait, à pas réguliers, remarquant leurs odeurs là où elles commençaient à s'affaiblir. Vent Chaud avait l'esprit calmé, presque en paix, lorsqu'elle vit la surface de la rivière scintiller d'une manière étrange genre "Wouhou viens me voir il se passe un truc !" .

Curieuse, elle s'en approcha. Elle ouvrit grand les yeux lorsqu'elle vit sur le courant se refléter un ciel étoilé. L'image d'une chatte blanche aux yeux verts et au bout des oreilles noirs lui apparut et lui dit :

« Ce soir les étoiles et les cœurs s'aligneront et l'impossible deviendra possible. »

Le cœur de Vent Chaud commença à battre la chamade,.

« Se pourrait-ce que... »

Sans dire un mot pour se justifier elle s'enfuit en direction du camp. Elle devait tout de suite prévenir Nuit d'Orage.