La lune s'élevait doucement dans le ciel assombri, tandis que les ronronnements apaisants des chatons endormis résonnaient dans la pouponnière du clan. Blottis les uns contre les autres pour se réchauffer, ils offraient un spectacle de douceur et de sérénité. Mais, dans un coin reculé de la tanière, une petite boule de poils blanche restait à l'écart, presque invisible. Deux yeux bleus brillaient dans l'obscurité, fixant intensément la traînée lumineuse qui filtrait à travers une brèche dans le toit. Éloigné de ses compagnons, le chaton contemplait la scène, le museau tourné vers les étoiles, perdu dans ses pensées.

"Ils verront... ils verront de quoi je suis capable," pensa le jeune chat, posant doucement son museau sur ses pattes avant repliées. "J'ai hâte que demain arrive."

Bercé par le murmure des feuilles dans le vent, Petit Opale se laissa doucement emporter par le sommeil.

Et comme chaque nuit, une aura familière s'installa autour de lui. Une présence, une chaleur, une tendresse. Elle avait le don de dissiper les tourments qui alourdissaient son cœur. Un frisson parcourut son petit corps. « Petit Opale, ne t'inquiète pas. Tu n'es pas seul... »

Ces paroles, aussi simples qu'elles étaient, portaient en elles une force incommensurable. Comparable à une douce caresse maternelle. Dans son sommeil, Petit Opale souriait paisiblement.

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Une odeur désagréable agressa soudainement le museau du chaton. Il se redressa rapidement, remarquant les touffes de mousse humide qui tombaient de son pelage. La mousse n'avait pas sa couleur habituelle ; elle était complètement trempée et dégageait une odeur répugnante. Malgré tout, il parvint à reconnaître l'odeur des anciens.

Deux jeunes chatons du même âge ricanèrent en le regardant.

- Il est grand temps de te réveiller, espèce de paresseux ! T'as dormi comme un vieux ! se moqua la femelle, le regardant avec mépris. Tu devrais te nettoyer avant la cérémonie, ou tu risques de faire fuir tout le monde !

- Ouais, seulement s'ils décident de venir ! ricana le jeune mâle à côté de sa sœur, les yeux pétillants de malice.

Les deux chatons tournèrent le dos à Petit Opale et se dirigèrent vers la sortie de la pouponnière, leurs rires résonnant dans la tanière.

- T'as vu sa tête ? Je parie qu'il ne se lèche même pas ! lança la femelle.

Avec le museau froncé, Petit Opale préférait rester en retrait plutôt que de confronter une fois de plus son frère et sa sœur. Maintenant que la pouponnière était vide, il se retrouvait seul.

- Je ne fais fuir personne, marmonna-t-il, les yeux rivés sur ses pattes blanches.

Son cœur était lourd. Il baissa les oreilles, laissant la tristesse l'envahir en regardant les mousses sales éparpillées sur le sol. Une lueur de colère brûla dans ses yeux alors qu'il serrait les crocs.

- Quelque chose te tracasse, Petit Opale ? demanda une voix familière.

Le jeune chaton releva brusquement la tête et découvrit deux yeux ambrés posés sur lui. Il réalisa que Souffle Pur, le guérisseur du clan, était là, mais sa colère l'avait empêché de le remarquer. Le grand félin à la fourrure crème s'approcha avec une expression préoccupée.

- Souffle Pur... murmura Petit Opale, c'est Patte Noire et Patte Grise... ils m'ont...

Son regard se détourna vers les mousses usées de la tanière des anciens. Souffle Pur, notant la mousse, reporta son attention sur Petit Opale avec un sourire bienveillant.

- Tes frère et sœur ne sont pas encore prêts pour devenir apprentis, expliqua Souffle Pur. Heureusement pour eux, ce n'est pas le seul critère. Ils sont juste en âge. (Il s'assoit à côté de Petit Opale et lui lance un regard encourageant). Mais toi, tu les surpasses largement à ce niveau-là.

Souffle Pur esquissa un sourire, mais Petit Opale gardait les yeux baissés, restant silencieux. Le guérisseur soupira, un peu inquiet.

- Écoute-moi bien, Petit Opale. Tu mérites ta place en tant que novice tout autant, voire plus, que ton frère et ta sœur. Crois-moi, j'ai rarement rencontré un chaton aussi fort et courageux que toi, réconforta le guérisseur d'un ton doux. Ce n'est pas habituel de te voir comme ça. Tu ne vas quand même pas baisser les pattes si tôt ? Je croyais que tu avais une détermination à toute épreuve ! Me serais-je trompé ?

Soudain, les yeux de Petit Opale s'illuminèrent, fixant Souffle Pur avec une fervente détermination.

- Quoi ?! Non ! Ce n'est pas mon genre, je ne reviens jamais sur ma parole !

- Ah, te voilà ! ria Souffle Pur, je commençais presque à m'inquiéter.

- Non, jamais ! Je suis juste... un peu stressé à l'idée de la cérémonie ! J'y pense depuis des semaines, voire des lunes, et j'ai vraiment hâte que ça commence !

- Oh, je n'en doute pas, tu m'as assez répété que tu voulais être le meilleur chasseur du clan... et je suis content de te voir retrouver ton enthousiasme. Allez, viens avec moi, proposa le félin crème en sortant de la tanière.

Petit Opale suivit au trot le guérisseur hors du repaire, les sourcils froncés, la tête levée vers Souffle Pur.

- Guerrier ! Guerrier ! Je l'ai pas suffisamment répété apparemment !

- Guerrier, guerrier... Peu importe, tu seras le meilleur. (Souffle Pur esquisse un sourire en observant Petit Opale du coin de l'œil avant de continuer). Je vais m'occuper de toi avant ton baptême pour que tu sois au meilleur de ta forme ! Mais avant ça, j'aurais besoin d'un petit service de ta part.

- Quel genre de service ? demanda immédiatement le jeune félin.

- Il me faut des billes de souris pour Perle de Lait. Elle doit enlever les tiques des anciens.

- Oh non ! Ce truc pue trop ! Tu veux détruire mon museau ? Comment je vais chasser si je peux plus flairer les proies ?

- ...

- J'aurais dû me méfier ! Ça sentait le plan foireux à plein nez !

- Petit Opale... !

- D'accord, d'accord... Mais si je rate mon évaluation de chasse, je te tiendrai pour responsable ! Alors, où sont ces morceaux de souris ?

Le guérisseur leva les yeux au ciel avec un sourire en coin et jeta un regard amusé à Petit Opale.

- Dans ma tanière. Suis-moi.

Les deux félins traversèrent rapidement la distance entre la pouponnière et la tanière de Souffle Pur. Devant eux se dressait le promontoire, une collection de rochers parmi lesquels se détachait une pierre plus imposante, la haute pierre, qui servirait de lieu pour le baptême de Petit Opale. Sous le promontoire se trouvait la tanière du meneur, cachée derrière une cascade de plantes aux feuilles ressemblant à des nénuphars. À gauche de la tanière du meneur, un peu plus loin, se trouvait le repaire des guerriers.

La plupart des félins étaient étendus sur l'herbe, profitant des rayons du soleil qui baignaient le clan de lumière. La journée commençait à peine et elle s'annonçait prometteuse pour Petit Opale. Il espérait secrètement que rien ne viendrait gâcher ce moment. Pendant ce temps, Souffle Pur s'était glissé dans sa tanière, laissant le jeune chaton à l'entrée.

Quelques instants plus tard, le guérisseur réapparut, portant un sachet dans sa gueule. Il déposa le paquet devant Petit Opale.

- Wow, ça pue vraiment ! Par le clan des étoiles !

- Je l'ai enveloppé dans une feuille de tilleul pour atténuer l'odeur autant que possible, expliqua Souffle Pur avec un sourire amusé.

- Eurk, fit Petit Opale en se frottant le museau avant de se reprendre devant son aîné. Merci...

- Apporte-le à Perle de Lait et reviens vite. Ne traîne pas.

- Tu parles ! A tout de suite, Souffle Pur ! cria le jeune félin en courant, le paquet de bile de souris dans la gueule.

Petit Opale se précipita à travers la clairière baignée de soleil, portant le paquet de bile de souris avec une urgence frénétique. L'atmosphère autour de lui était vibrante : les rayons du soleil dansaient sur les feuilles, les guerriers se prélassaient sur l'herbe verte, et l'air apportait une petite note de douceur. Mais alors qu'il se hâtait vers sa destination, il ne vit pas le félin qui surgissait de l'autre côté. Le choc fut brutal, projetant Petit Opale en arrière et faisant tomber le paquet de ses pattes. La bile de souris éclata sur les deux félins, libérant immédiatement une odeur piquante et nauséabonde.

- Aaaah ! C'est dégoûtant ! cria Patte Grise, la sœur de Petit Opale, en se recoiffant rapidement. Quelle horreur !

- E-excuse-moi, Patte Grise, je ne t'avais pas vue... Je voulais juste apporter ça à Perle de Lait, et... tenta de s'excuser Petit Opale, visiblement embarrassé.

- Tais-toi ! le coupa-t-elle sèchement. Avoue plutôt que tu l'as fait exprès !

- Non, je te jure... !

Elle plissa les yeux, le fixant avec un regard méprisant.

- Tu seras jamais un guerrier, encore moins le meilleur ! Tu me dégoûtes ! Tu n'es qu'un minable-...

- Assez ! intervint une voix masculine, interrompant la scène.

Un silence lourd s'abattit sur la clairière alors que l'imposante silhouette d'Étoile Cendrée émergea de l'ombre. Sa fourrure était grise foncée, marbrée de cicatrices dont une balafre impressionnante sur son poitrail. Ses yeux gris, perçants comme l'acier, semblaient sonder les âmes des deux chatons présents.

- E-Étoile Cendrée... bafouilla Patte Grise, rabattant ses oreilles sur sa tête, la peur dans les yeux.

- Que se passe-t-il ici ? demanda le meneur, scrutant les perturbateurs.

Le silence tomba lourdement. Petit Opale sentit les regards peser sur lui alors qu'il se trouvait face au grand Étoile Cendrée. La tension était palpable, et le jeune félin ressentait le poids de sa faute peser sur ses épaules. Les battements de son cœur résonnaient dans ses oreilles alors qu'il tentait de rassembler son courage.

- C'est... c'est moi... balbutia Petit Opale.

- C'est lui ! s'écria Patte Grise, vivement. Il m'a poussée et m'a éclaboussée avec de la bile de souris ! Mon frère a tout vu, et je suis certaine qu'il l'a fait exprès !

- Est-ce vrai, Petit Opale ? demanda Étoile Cendrée, en tournant ses yeux sévères vers le jeune félin.

- Je n'ai pas fait exprès, se défendit aussitôt Petit Opale, essayant de garder sa voix ferme malgré sa nervosité.

- Je ne sais plus quoi faire de toi, gronda sévèrement le chef. Mais il y aura des conséquences à ta bêtise.

- Mais... ! Étoile Cendrée, je le jure, j'ai pas fait exprès ! Sou... Souffle Pur m'a demandé de...

- Arrête de m'interrompre quand je te parle, le coupa froidement le meneur. Je veux que tout soit nettoyé avant la cérémonie du baptême.

- Mais ça me prendra toute la journée ! Je n'aurai pas le temps de me préparer pour mon baptême ! protesta Petit Opale, l'angoisse dans la voix.

- J'allais justement y venir, Petit Opale. Voici ta punition : tu attendras une lune de plus pour ton baptême.