IV: Tu n'as rien à savoir de moi

À Longeverne, chaque lever de soleil indiquait une journée ordinaire. Ça n'avait l'air de déranger personne. Enfin, personne sauf Lidja.

La jeune fille voulait tuer sa routine, vivre quelque chose de nouveau, d'inattendu. Chaque jour elle espérait que c'était le grand tournant de sa vie, celui grâce à qui tout serait différent. Et chaque soir elle se rendait compte que ce n'était pas le cas.

Comme chaque matin, la blonde se réveilla, se prépara, alla déjeuner et partit à pieds à l'école. Elle s'arrêta sur le chemin prendre Violette. En effet, la jeune fille était arrivée à Longeverne depuis déjà un mois. Elle s'entendait très bien avec Lidja, elles avaient les mêmes idées.

Elles parlèrent de tout, y compris de la guerre, bien que Violette ne soit pas très à l'aise avec ce sujet. Elles croisèrent les Longevernes et les dévisagèrent en riant, sous le regard interrogateur des adolescents.

Elles arrivèrent rapidement à l'école et entrèrent dans la classe lorsque la sonnerie retentit.

C'était un cours d'histoire, plus précisément sur l'Antiquité. Lidja adorait cette période, elle s'imaginait des histoires entre les dieux.

Malgré tout elle trouvait l'imagination des Grecs et des Romains assez... Étrange. En effet, il n'y avait pas une personne normale dans la mythologie. Tout le monde s'entretuait et ils étaient tous soit consanguin, soit zoophile, soit tout simplement fou. Entre la femme qui avait épousé son oncle et qui avait un frère qui voulait faire consul son cheval et la fille qui a été séduite par un taureau, à un moment il faut dire stop à son imagination.

Lidja écoutait quand même le cours avec attention. À un moment là professeure se rendit compte qu'elle n'avait plus de craies.

- Lidja? Pouvez-vous aller demander des craies dans la classe d'à côté s'il vous plaît ?

- Bien-sûr.

La blonde se leva et alla dehors. Il n'y avait qu'une seule porte pour accéder à la classe des garçons, et elle donnait dehors. Lidja toqua et attendit un peu. L'instituteur vint lui ouvrir.

- Qu'y a-t-il ?

- C'est la pénurie de craies dans la salle d'à côté, dit la jeune fille en souriant.

- Je vois. Je vais vous en chercher.

Pendant que le professeur farfouillait dans son bureau, Lidja observa la classe d'un rapide coup d'œil.

Elle vit avec désespoir que beaucoup de gens là fixaient, pour certains avec un air rêveur ou admiratif. Bacaillé était de ceux-là, ainsi que Camus et La Crique.

Elle remarqua aussi avec amusement que son frère fixait avec un regard noir ceux qui la dévisageaient.

Lidja songea qu'avec un frère aussi protecteur il ne serait pas facile d'avoir un petit ami. Mais il faudrait aussi qu'il apprenne à la laisser respirer.

Après avoir récupéré les craies, la blonde retourna dans sa salle de classe.

Le reste de la journée passa lentement. Lidja s'ennuya beaucoup. Heureusement pour elle, elle avait un crayon de papier pour écrire.

À la fin des cours, la jeune fille ne voulut pas rentrer chez elle. Elle s'aventura donc dans la forêt et arriva vers le lac. Elle observa rapidement les alentours et décida de se baigner. Elle retira ses habits et plongea dans le lac, en sous-vêtements.

Par une journée particulièrement chaude comme celle-ci, c'était très agréable de se rafraîchir.

Lidja nagea un peu puis s'arrêta et réfléchit. On lui reprochait souvent de trop penser. Elle était de ce genre de personnes qui voulaient tout comprendre, qui aimait se poser des questions.

- Salut, fit une voix derrière elle.

La jeune fille sursauta et s'immergea instinctivement jusqu'aux épaules. Elle se retourna et vit l'Aztec, assis sur le ponton en bois.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda-t-elle sur la défensive.

- Je te pose la même question.

- Mais tu ne réponds pas à la mienne.

- Toi non plus.

Lidja soupira, commençant déjà à s'énerver. L'Aztec la regardait en souriant, se retenant visiblement de rire.

- Pourquoi tu veux rire? L'attaqua-t-elle, froide comme de la glace.

- La sœur de mon ennemi est actuellement en train de se baigner dans le lac devant moi en sous-vêtements, expliqua-t-il en ne se retenant plus de ricaner.

- Arrête, c'est pas drôle ! Répliqua la blonde, vexée et embarrassée.

- Je t'assure que si.

- Pas pour moi.

L'Aztec sourit un peu. Même s'il ne voulait pas l'avouer, Lidja était plutôt mignonne quand elle était gênée. Mais bon, il refusait de laisser s'échapper ses pensées, comme la nuit dernière. Il réfléchit et redevint sérieux.

- Pourquoi tu me détestes ? Demanda-t-il.

- À vrai dire je n'en sais rien. Je suppose que c'est parce que tu es l'ennemi de mon frère.

"Et parce que tu me blesses sans même t'en rendre compte" pensa-t-elle.

- Tu es la sœur de mon rival et pourtant je ne te déteste pas.

Lidja haussa les épaules. Elle ne s'attendait pas à cette question. Elle, qui savait toujours quoi répondre, se trouva un peu prise au dépourvu. Elle était gênée de sentir le regard de l'Aztec sur elle.

- Tu peux arrêter de me dévisager s'il te plaît ? Ce n'est vraiment pas agréable, demanda-t-elle

- Pourquoi ? Tu es plutôt mignonne, rétorqua-t-il en souriant.

- Je croyais que tu n'aimais que les brunes, lui lança-t-elle en rentrant dans son jeu.

- J'ai dis que je préférais les brunes, pas que je n'aimais qu'elles.

- Si tu le dis.

- Pourquoi, ça t'intéresse ? Répliqua-t-il d'un air espiègle.

- Absolument pas. Désolé de te décevoir mais j'ai une tonne de garçons à mes pieds, à mon plus grand désespoir. Je n'aurais qu'à accepter les avances de l'un d'entre eux, mais ça ne m'intéresse pas.

- Voyez-vous ça, madame fait sa princesse.

- Non, je ne veux juste pas me plonger dans une aventure qui ne mènera nul part.

- Même, je vais t'appeler Princesse, je trouve que ça te va bien.

Malgré que cela soit surprenant, Lidja commençait à se sentir à l'aise. C'était pourtant l'Aztec avec qui elle parlait. Mais, étonnement, cela ne la dérangeait pas. Et soudain, elle se rappela la nuit dernière.

- Tu pensais vraiment ce que tu disais hier ou pas?

- Quand ça?

- Hier soir, dans la rue.

Il ne répondit pas tout de suite. Le garçon savait qu'il avait deux options : mentir et la blesser ou dire la vérité et s'humilier.

- J'en sais rien, marmonna-t-il.

Elle le dévisagea. Cette réponse ne lui allait pas, elle n'aidait pas la jeune fille a comprendre. Mais bon, elle savait qu'elle ne saurait rien de plus, alors autant s'arrêter là.

- Vraiment, regarde ailleurs, dit-elle avec assurance.

- Non.

L'Aztec avait un petit sourire en coin et un air espiègle. Il aimait bien ce petit jeu avec la jeune fille.

- Mais! Espèce de pervers, plaisanta-t-elle en l'arrosant un peu.

Avant qu'il ne puisse répliquer elle se retourna, se mettant dos à lui, et se redressa, ayant de l'eau jusqu'en dessous de la poitrine.

- La vache il fait chaud dehors !

- Moi je suis plutôt bien, c'est confortable ! Fit remarquer le garçon en la taquinant.

- Haha très drôle, fit-elle en souriant légèrement.

Elle s'étira et sentit que quelque chose se passait. Elle se retourna et vit l'Aztec la regarder, plus sérieux que jamais.

- Qu'est-ce qu'il y a? Demanda-t-elle, presque inquiète.

- Viens s'il te plaît.

- De toute façon je sors de l'eau, si tu pouvais regarder ailleurs.

Sur ce la blonde alla sur la terre et attrapa ses vêtements. Elle prit soin de se mettre de dos au garçon.

L'Aztec, au lieu de détourner le regard comme elle le lui avait demandé, s'approcha. Il lui effleura le dos du bout des doigts, fixant quelque chose. La jeune fille grimaça un peu, sentant une douleur. Elle était très légère mais elle était quand même là.

- C'est quoi ça ? Demanda l'Aztec, toujours en effleurant le dos de la jeune fille.

- Quoi? Répondit-elle, faisant celle qui ne comprenait pas.

- Ces hématomes, murmura le garçon.

Lidja se mordit la lèvre, n'aimant pas aborder ce sujet. Elle se retourna vivement et recula d'un pas.

- Ça ne te concerne pas, s'énerva-t-elle.

- Woaw, calme, je veux juste t'aider!

- Je te rappelle qu'on est rivaux, nos pères se haïssent et nous devons le faire aussi. Tu n'as rien à savoir de moi comme je n'ai rien à savoir de toi.

- Et pourquoi ça? Pourquoi devrait-on se détester ? Nous n'avons aucune raison de le faire.

- Dans ce cas pourquoi détestes-tu Lebrac?

- Lui, ce n'est pas toi. Je déteste profondément ton frère car je ne supporte pas son air supérieur et hautain. Ce n'est pas seulement car nos pères se haïssaient, c'est aussi une affaire personnelle.

Lidja était surprise qu'il lui réponde avec un air aussi naturel. Il avait raison mais elle, elle ne voulait pas se l'admettre. Elle finit de s'habiller puis se retourna vers l'Aztec. Leur soudaine proximité était étrange, presque perturbante.

Soudain des bruits se firent entendre dans la forêt. Des appels. L'Aztec soupira et se tourna vers Lidja.

- Je vais devoir y aller, ma bande a besoin de son chef. J'aurais aimé pouvoir parler un peu plus avec toi, dommage.

- Oui, moi aussi.

- Bon bah à bientôt.

Il lui fit un clin d'œil et commença à partir lorsque la jeune fille l'interpella.

- Hé, l'Aztec. Évite de te faire détruire par mon frère dans votre guerre à deux balles, d'accord ? Plaisanta-t-elle.

- T'inquiètes pas pour ça Princesse, répondit-il avec un petit sourire en coin.

Le chef des Velrans s'éloigna sous le regard enjoué de la blonde. Elle ne voulait pas l'accepter mais cette rencontre inattendue lui avait beaucoup plu, plus qu'elle ne se l'autorisait.

- Princesse, se murmura-t-elle. C'est plutôt pas mal comme surnom.

Un sourire se dessina sur ses lèvres. Finalement, peut-être arriveraient-ils à s'entendre un jour ?

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