Chapitre X : L'instinct d'un père
« Un père est prêt à tout pour protéger son enfant. »
*
La veille, lorsque Fariun n'avait pas vu son fils rentrer à la tombée de la nuit, l'inquiétude avait saisi et tourmenté son Esprit. La sensation d'un poids dans son estomac lui donnait l'impression qu'un Dymon jouait avec ses organes et tentait de lui donner la nausée.
Mais peut-être se faisait-il des idées ? Peut-être son fils avait-il tout simplement voulu montrer à l'askanienne que le Dalren n'était pas un mauvais endroit pour y vivre ? Après tout, c'est ce qu'il s'entêtait à faire depuis qu'il l'avait rencontré.
Non ! Il s'était forcément passé quelque chose. Son instinct de père ne le trompait pas. Seulement, que pouvait-il faire à cette heure si tardive, alors que la Lune était si haute dans le ciel ? Malgré lui, il était parti se coucher. Sans trouver le sommeil pour autant. Pendant toute la nuit, il n'avait cessé de s'agiter sous sa fine couverture, se tournant et se retournant sans fin. Plusieurs fois, l'envie lui avait même pris d'aller voir par la fenêtre de sa petite chambre, si son fils ne l'attendait pas dans la cour. Malheureusement, aucune ombre - excepté celle des gardes - ne pointait le bout de son nez, et la seconde natte de la chambre restait toujours aussi vide.
A l'aube, Fariun demanda à deux soldats de confiance de l'accompagner à cheval afin de retracer le chemin que prenait habituellement son fils pour aller au lac. Sans laisser de répit aux animaux et se jurant intérieurement qu'il donnerait une bonne correction à Agar, le capitaine dalrenien fit le voyage d'une traite, flanqué de son escorte. Lorsqu'ils arrivèrent et découvrirent les cendres froides au milieu du petit rond de pierres, Fariun crut que son Cœur allait s'arrêter de battre.
Sarna* ! jura-t-il in petto.
Sans perdre de temps, il sauta de sa monture - manquant de tomber - et se précipita vers Agar. Il était étendu dans l'herbe froide, inconscient et taché d'une importante quantité de sang qui commençait doucement à sécher. L'elfe posa sa tête sur son torse, essayant de distinguer les battements du Cœur de son enfant tout en s'efforçant de faire abstraction des nombreuses ecchymoses et autres blessures couvrant le Corps du jeune adulte de dix-huit ans.
- Allez Agar, allez. Allez mon fils ! encouragea-t-il vainement comme si cela pouvait l'aider à percevoir un unique battement qui lui indiquerait que son seul enfant était toujours en vie.
Me fais pas ça fiston. Pas après ta mère, le suppliait Fariun intérieurement.
Comme si Agar avait pu lire dans ses pensées, un battement de Cœur parvint à l'oreille de son père. Celui-ci s'empressa alors de le prendre dans ses bras pour l'installer le plus délicatement possible sur le dos de son cheval avant de s'y hisser à son tour. Une fois ceci fait, il cala son fils contre lui en le sécurisant d'un de ses bras afin de prendre les rênes dans sa main libre. Attendant qu'un des soldats remonte en selle avec une étrange flèche aux plumes blanches en main, et sans laisser plus de repos aux animaux, le petit groupe repartit à toute vitesse vers l'avant-poste.
*****
Revenant péniblement de ce qui lui semblait être une longue nuit sans rêve, Agar ressentait de plus en plus les nombreuses douleurs traumatisant son Corps. Trop faible pour ouvrir les yeux, il entendait néanmoins son père faire les cent pas à côté de lui, son armure frappant la pierre froide du sol au gré de ses allées et venues. Il sentait également qu'on lui passait un linge humide sur le visage.
Les effluves des nombreuses huiles et plantes flottant dans l'air lui agressant les narines l'empêchait presque de distinguer l'odeur d'une pommade qu'il reconnaissait entre mille. Un onguent qu'on lui donnait lorsqu'il se blessait en entrainement et qu'il en ressortait avec des hématomes ou des plaies. Qu'avait-il fait pour mériter ce traitement ?
Nyha !
La mémoire lui revenait par bribes : le lac, l'après-midi à contempler le ciel, le soir au coin du feu... Puis un flash. Celui d'une flèche aux plumes blanches passant entre les sublimes iris de l'askanienne et les siennes.
Sarna* !
Le visage de cet elfe aux yeux si particuliers lui revint. Qu'avait-il fait de Nyha ? Qui était-il ? Une myriade de question germa dans son Esprit alors qu'une colère mêlée à de l'inquiétude s'emparait peu à peu de lui.
- Toujours aucune amélioration ? demanda son père, le ramenant à l'instant présent.
Sa voix, habituellement si mesurée, si sûre, si froide, semblait avoir perdu sa prestance. L'angoisse de l'homme était palpable et un tremblement presque trop perceptible collait chacun de ses mots. Était-ce dû à de la colère ? De la rage ? Ou bien de la pitié ? De l'amour ? Le jeune homme n'osait s'attarder sur cette dernière option.
- Aucune, répondit une voix qu'Agar reconnue comme étant celle du guérisseur.
- Ça a assez duré, je vais m'entretenir avec l'askanien. Il va devoir répondre des actes de sa fille, s'agaça l'officier d'un ton impeccablement mesuré bien qu'un léger tremblement persistait encore.
Père ! Non attendez ! tenta d'interpeler Agar alors qu'aucun son ne parvint à passer la barrière de ses lèvres.
La porte de bois claqua, faisant sursauter son Corps. Agar rassembla le peu de force qu'il avait, il devait ouvrir les yeux.
*****
- Faut qu'on y retourne. Faut qu'on retourne chercher mon père.
Le petit groupe s'était réfugié dans l'immense forêt où coulait la rivière - assurance de leur liberté - afin de reprendre des forces avant de découvrir ce qui se trouvait de l'autre côté de la frontière.
- Non, objecta simplement l'adulte blond.
- Hors de question, refusa un autre aux cheveux bruns.
- Ecoutez, si je ne rentre pas avec le dalrenien que vous venez de rouer de coups, expliqua Nyha en reprenant son souffle, ils... ils vont tuer mon père !
- Je suis navré petite, mais on ne va pas s'attaquer à une armée entière. On sauve ceux qu'on peut, assura une femme ayant un court carré plongeant d'un blond clair sublime.
La seule guerrière du groupe, qui était également la seule archère, avait trouvé un siège de fortune sur le tronc d'un arbre tombé au sol. Elle tenait son arc d'un bois étrangement clair alors qu'elle venait de ranger une flèche aux plumes blanches dans un carquois positionné sur son dos.
- Pourquoi on perd notre temps à parler de ça ? On la dépose à sa famille et on passe à autre chose, s'exaspéra l'adolescent aux yeux vairons en prenant la direction de la frontière.
Nyha regarda le groupe suivre l'elfe sans bouger. Abasourdie et désemparée. Elle voulait tout sauf laisser son père aux mains des dalreniens ou être placée sous la garde de son frère qui la surprotègerait. Sa mère en ferait surement autant d'ailleurs. Étonnamment, quelque chose en elle lui disait de rester avec ces elfes qui l'avaient enlevée - ou libérée - et dont elle ignorait tout. Suivant son instinct en se maudissant à voix basse, Nyha s'empressa de rattraper les six askaniens.
- Alors petite, comment tu t'appelles ? De quel village viens-tu ? demanda gentiment l'homme blond en venant se placer à côté d'elle.
Nyha hésita un instant avant de répondre à la question. Si elle donnait le nom de son village, ils l'y emmèneraient et il était plus que probable que quelqu'un la reconnaisse, cela voudrait également dire qu'on la ramènerait à sa famille.
Elle devait faire un choix.
- Peu importe, mon village est parti en cendres, affirma-t-elle au bout du compte en haussant les épaules avant de sourire fébrilement. Je m'appelle Nyha Séria.
Plusieurs regards tristes s'échangèrent au sein du groupe en apprenant le sort de son hameau et l'elfe à ses côtés l'entoura d'un bras, surement dans l'espoir de soulager sa peine.
- Moi c'est Narel, dit-il avec un large sourire alors qu'ils arrivaient devant la rivière.
La vision de la source, pourtant quotidienne, parut nouvelle aux yeux de la namaïenne qui n'avait jamais foulé l'autre rive. Avançant tour à tour dans l'eau avec grande précaution afin de ne pas glisser, les askaniens traversèrent tranquillement la frontière pour retrouver leurs terres.
- On fait quoi du coup ? On va où ? demanda l'adolescent en tête du groupe.
Quelques propositions furent données pour décider du sort de Nyha mais la décision finale resta en suspens et les elfes reprirent leur route en direction du Sud afin de s'éloigner davantage de la terre solaire.
Lorsqu'ils arrivèrent à l'orée de la forêt, tous furent frappés par la vision de plusieurs panaches de fumée s'élevant dans le ciel azur. Inquiète, Nyha se tourna vers la côte pour espérer apercevoir son village, mais elle ne vit qu'une fumée âcre flottant paresseusement au loin.
Elle eut envie de crier, mais en même temps de pleurer, courir vers son village et se rouler on boule sur le sol en espérant disparaitre, s'effacer de ce monde au bord de l'implosion. Cependant, elle restait là, figée, incapable de bouger ni de lâcher cette fumée lointaine de son regard humide.
*
*Sarna : juron en Marois.
Voilà pour ce chapitre ! Avec un petit aperçu de la vision de Fariun ! :3
La semaine prochaine on retrouve Agar (pour voir s'il arrive à passer la nuit) (moi méchante ? Jamais ! XD)
PS : deux nouveaux portraits sont disponibles ! Celui de Narel et celui de l'elfe aux yeux vairons ! ^^
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