Chapitre 32 :

Il se penche pour passer sous la porte du couloir et se crispe, mais continu à marcher. Je fronce les sourcils.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Il se redresse et s'avance dans le couloir :

- Une courbature.

Je plisse les yeux et le frappe au dos. Il lâche un cri de douleur et se retourne en m'attrapant vivement les poignets.

- Eh, c'est pas marqué "mannequin d'entraînement" sur mon dos !

Je plisse les yeux, son visage si proche que je distingue les éclats cuivrés dans ses pupilles ambrés.

- Pourquoi tu mens ?

Il me lâche, croise les bras et plante ses yeux caramel dans les miens.

- Je te mens pas, t'as qu'à regarder. Et si tu l'as écrit sur mon tee-shirt pendant que je faisais pas attention, je vais pas apprécier.

- Change pas de sujet ! Tu es blessé à l'omoplate, c'est pour ça que tu as grimacé en ouvrant la porte.

Il m'adresse un regard exaspéré et tourne les talons.

- Et ?

Je lève les yeux au ciel et l'arrête en lui rattrapant le bras, néanmoins moins agacée. Je serais la première à être irritée, si on s'inquiétait pour moi. Mais là, on part pour cambrioler plus ou moins une personne. C'est pas le moment de prendre des risques.

- Je veux juste que tu me dises la vérité. Si tu as d'autres blessures, mieux vaut pas que tu viennes avec nous.

Il hausse un sourcil et me scrute comme si j'étais une énigme qu'il n'arrivait pas à comprendre.

- Tu es une Rafale, Shari. Une putain de Rafale. Et tu t'inquiètes parce que je suis blessé au dos ?

Je grogne. Je ne suis pas d'une nature inquiète, plutôt du genre chacun est libre de prendre la décision qu'elle veut tant que ça ne me gêne pas les pattes. Mais je n'ai pas envie qu'il vienne alors qu'il est blessé. Cette carte est importante, nous ne pouvons pas risquer de perdre une occasion pareil à cause d'une blessure qui fera capoter le plan. Je relève les yeux et croise son regard ambré, étrangement éveillé.

- Je veux juste pas que ça nous ralentisse. Est-ce qu'Ines a regardé ta blessure ?

Il lève les yeux au ciel en repartant.

- Et voilà, tu veux encore m'enlever mon tee-shirt ! Il va falloir que tu te passes de cette sale manie...

Je m'apprête à rétorquer quand une porte s'ouvre juste à côté de nous et un Dyan aux cheveux tout ébouriffés et aux yeux ensommeillés apparaît sur le seuil. Il n'a pas l'air de s'être couché tôt hier... Ash hausse un sourcil en se retournant.

- Tu voulais pas faire une grasse mat', toi ?

Dyan baille et farfouille de ses mains dans ses boucles brunes.

- J'ai entendu du bruit et ça m'a réveillé. (Il baille.) Salut, Shari. Dit, c'est vrai que tu peux arrêter une flèche d'une main ?

Décontenancée pour la deuxième fois en moins de quelques minutes, - ah ils sont forts, ces doubles-âmes, je cligne des paupières.

- Je... (je fronce les sourcils) oui.

Il ouvre de grands yeux.

- Trop bien ! Et est-ce que...

Mais déjà, Ash le pousse gentiment dans sa chambre en plantant un baiser sur son front.

- Va te recoucher, tu as besoin de dormir. Je te promets qu'on va faire moins de bruit.

Il me jette un coup d'oeil appuyé. J'hallucine, c'est lui qui criait comme une chèvre qui s'étranglait ! Ash attend qu'il soit allé se coucher en grommelant et referme la porte de sa chambre. On s'arrête quelques mètres plus loin, devant la deuxième porte en bois avec une gravure représentant une tête de kangourou dessus, sans doute sa chambre personnelle. Je me rappelle que Dyan m'avait dit que le premier étage était celui des chambres. Ines ou Randy sont peut-être encore dans la leur, je ne les ai pas vu nulle part. A moins que l'Ourse soit partie faire le Tour. Je tilte devant la gravure de sa porte.

- Pourquoi une tête de kangourou ? Tu n'es pas censé être d'origine Lion ?

Il ouvre la porte.

- Je te l'ai déjà dit, ce manoir appartient depuis des générations à la famille de Randy. Il abrit... abritait, rectifie-t-il, la Lignée des Kangourous.

Randy est une Kangourou. Première nouvelle.

- Quand est-ce que tu comptais me le dire ?

Il lève les yeux au ciel.

- Moi qui voulais emporter ce secret dans ma tombe...

Je secoue la tête, ouvre la bouche, puis la referme en décidant de me focaliser sur des choses plus importantes.

- Est-ce qu'elle peut... sauter loin ?

D'accord, c'est pas important. Il se retourne vers moi en haussant un sourcil.

- Ne t'inquiètes pas deux mètres c'est son maximum et elle est dehors.

Je l'étudie du regard.

- Tu sais, c'est le moment de me dire si les autres ont quelque chose de particulier.

Sous-entendu : dis-le maintenant. Je ne pense pas qu'aucun des doubles-âmes de cette maison n'aient rien de particulier. Il s'adosse au cadran de la porte et croise les bras.

- Bien... Kyle a une très bonne ouïe. S'il veut, il peut écouter notre conversation en ce moment, mais il a meilleure chose à faire. C'est aussi un excellent musicien, l'entendre jouer, c'est hypnotique. Takela, il reprend, peut sentir nos émotions fortes, mais aussi deviner la nature des liens qui nous lient aux autres personnes dans une pièce, impossible de lui cacher quoi que ce soit - pour te prévenir (Son regard insistant me met mal à l'aise et je lui retourne un regard noir. Qu'il se contente de parler). Elle n'a pas besoin de dormir beaucoup non plus et sa voix... c'est une chanteuse-née. Et Ines a un excellent nez, mais ça tu le sais déjà. Satisfaite ?

Je le regarde par-dessous. Est-ce que c'est volontairement qu'il a omis Dyan ?

- Et Dyan ? Je demande.

Il se détache de la porte d'un air pensif et entre dans la chambre.

- Dyan n'a pas vraiment de talent, ou en tout cas pas qu'on sache. Il est juste doué avec des lances et très avancé pour son âge. Chacune de ses paroles sont étonnement juste (Il hausse les épaules). Des fois, j'ai l'impression d'entendre parler un sage. C'est celui qu'on écoute le plus, quand on doit prendre des décisions. L'expérience montre qu'il a souvent raison. Sans les arbalètes posées sur les toits, nous n'aurions jamais pu t'empêcher de t'enfuir.

Je me rembrunis face à ce souvenir. Et c'était passé comme une lettre à la poste... je maudis mon manque d'attention. J'aurais dû remarquer que lorsque je bougeais, les pointes ne se déplaçaient pas ! Je vois Ash esquisser un petit sourire et le fusille du regard, ce qui l'élargit encore plus. J'entre à la suite du Lion dans sa chambre et je m'arrête net.

Tous les murs sont entièrement recouverts de dessins et d'esquisses. Ce sont pour la plupart des scènes ou des paysages, mais j'aperçois aussi des portraits de personnes, que je reconnais ou non. Ainsi voilà à quoi Ash occupe son temps, quand il ne se bat pas ou qu'il ne s'occupe pas des enfants... un artiste.

Sur un des dessins, je reconnais Kyle, mais plus jeune, apprenant a une Takela enfant aux joues rondes et aux bouclettes courtes comment jouer aux dés. Le réalisme est surprenant, comme si en touchant le dessin, je pouvais attraper les dés. La petite Louve avait déjà cette lueur sérieuse et distante dans les yeux qui la fait paraître si méfiante. Elle a l'air très concentré sur son objectif, tandis que Kyle a un de ses sourires à fossettes, arborant un air amusé.

Je comprends maintenant d'où vient cette fragrance d'encre sur la peau du Lion. Celle du métal, elle, se devine aisément...

Je pivote sur moi-même et balaye lentement les dessins des yeux. Si la plupart des paysages m'apparaissent vaguement familier, c'est parce qu'ils représentent la savane, de différents points de vue et paysages. Vu l'authenticité des paysages, il y est déjà allé. Pourtant, Dyan m'a dit qu'il avait perdu sa famille, petit. Il ne pouvait pas habiter, dans la savane, si ? Ou alors, il n'y est jamais allé et a vu des photographies.

- Où est-ce que tu as appris à dessiner aussi bien ? Je murmure.

Ash me lance un rapide regard en se penchant pour ouvrir un tiroir.

- Nulle part. Je dessine depuis tout petit, ça a fini par devenir pas si mal au bout d'un certain temps. L'entraînement forge le résultat, je ne t'apprends rien.

Je fais la moue et m'approche d'un paysage en particulier. Des flammes hautes et menaçantes ravagent l'herbe avec une faim vorace et fouettent furieusement les airs. De la fumée épaisse mêlée à des cendres assombrissent le ciel noir et funèbre. Des oiseaux de toutes couleurs s'envolent précipitamment au-dessus des animaux terrorisés qui s'enfuient en panique. Au centre de la scène, un groupe de lion est piégé par les flammes. Les lionceaux ont la gueule ouverte en un cri qui ne se termine pas et les lionnes désespérées les couvrent du mieux qu'ils peuvent de leur corps. L'odeur âcre de la fumée me prend à la gorge. La chaleur torride du feu me brûle la peau. Les gémissements des lionceaux résonnent dans ma tête, de plus en plus fort, de plus en plus insupportable.

Je m'écarte brusquement du mur, le cœur battant.

Mes yeux se posent sur le porte-vêtement qui côtoie l'armoire, sur lequel est pendu une tenue sombre. Je m'approche d'elle rapidement pour essayer d'oublier ce sentiment de malaise dans ma poitrine. Je sens encore les flammes lécher ma peau.

- C'est une tenue d'entraînement, m'informe Ash en m'observant, les paupières mi-clos.

Je lui jette un coup d'œil et fronce les sourcils. Si en général, Ash est assez énergique, je remarque pour la première fois à la lumière de la fenêtre que ses traits sont tirés, comme s'il ne dormait pas beaucoup. Je secoue la tête et me concentre sur ses mots. Une tenue d'entraînement ? Je caresse le tissu. Je n'ai jamais touché un cuir aussi léger et solide. Il est souple et résistant, parfait pour le combat.

- En quoi est-il fait ? Je demande.

- En cuir de renne renforcé. Comme je lui lance un regard interloqué, il ajoute d'un air amusé : ne va pas croire que c'est moi qui l'ait chassé.

Le cuir est encore chaud. Je me demande quand est la dernière fois qu'il l'a utilisé et contre qui. Je fronce les sourcils. Une salle d'entraînement. Un garde arme très bien entretenu. Des protections de combat. Un parazanium qui ne quitte jamais sa taille. Frappez-moi ou il se passe des choses ici qui sont tout sauf légales. Semblant avoir deviné mes pensées, le Lion explique avec un haussement d'épaule :

- Kyle et moi on se bat en duel ensemble, des fois, pour maintenir l'exercice.

Je me tourne vers lui. Maintenir l'exercice ? Il me prend pour une nouille ? Je plisse les yeux et décide de marcher dans son jeu :

- C'est pour ça les cicatrices ?

Son visage se durcit instantanément et sa voix claque, sèche et soudaine comme une gifle :

- Arrête-toi là.


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Hi ! ^^ C'est vraiment bizarre, cette histoire de cicatrices... JE ME DEMANDE BIEN D'OÙ CA VIENS, DIS DONC ! ;)

Allez, je vous laisse faire des hypothèses, mwouéhéhé...

A mercredi !

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