Chapitre 29 :

En entrant dans la salle de biologie, je constate que la plupart des élèves sont déjà assis - un miracle. Kaïcha est de ceux-là, ses longues boucles noires ondulées attachées en une queue de cheval, elle semble en train de dessiner le croquis d'une nouvelle tenue sur un bout de feuille. Je me laisse tomber à côté d'elle en décrispant mes épaules, raides d'avoir coupé du bois pour le feu en cuisine. Les tâches communes sont d'habitude distribuées aux Novices parce qu'ils ont plus de temps, mais en hiver, ils sont souvent redistribués aux Brises et aux Bourrasques car ils tiennent moins bien la faim que les Majors. Avec nos sauvetages et le nombre de nos combats qui augmentent pendant la saison froide, les novices ont dû être décimés par la faim si on assigne aussi aux Rafales des tâches communes, à présent.

Alex se retourne à mon arrivée et me salue. Je plisse le nez. Il doit sortir d'un entraînement de natation dans le lac à côté de la ville, car ses cheveux sont encore humides et les traces d'une odeur de... poiscaille reste sur sa peau. La natation et le sauvetage aquatique a été rendu obligatoire pour les Bourrasques et Rafales depuis qu'une inondation a dévasté la ville il y a une dizaine d'années. Je déteste particulièrement ces exercices aquatiques, je n'ai jamais aimé être mouillé et on y attrape de ces rhumes à faire pleurer un colosse.

- Où est Laaja ? Je demande en me penchant vers Alex.

Ce n'est pas son habitude d'arriver à l'heure, mais je croyais qu'elle était avec lui. Elle a dû sécher le cours de natation. Brave petite.

- Elle doit être dans la bibliothèque, me répond Kaïcha à sa place, sans lever les yeux de son croquis. Elle devait emprunter des manuels de plantes sauvage comestible, je crois.

Si Laaja n'aimait pas la petite bibliothèque de l'Atrium quand elle était gamine, ça avait changé du tout au tout dès qu'elle a découvert des livres de plantes à l'intérieur. Au même moment, cette dernière entre dans la classe, tout essoufflée et les cheveux en pagaille. Elle tire la chaise à gauche de Kaïcha et se laisse tomber dessus. Elle fronce aussitôt le nez et se tourne vers Alex, toujours aussi subtile :

- Tu pues le poisson.

Celui-ci lève les yeux au ciel.

- C'est pour attirer les chats. Ça a l'air de marcher...

C'est le moment que choisit Jack pour nous rejoindre de sa démarche nonchalante, pas malade pour un sou comme il l'avait fait croire pour sécher le cours de physique, juste avant. Il tire la chaise du rang de devant, où est déjà assis Kira et Candice.

- Alors comme ça, t'as des problèmes d'intestins ? Le raille cette dernière, qui ne rate jamais une occasion de se disputer avec lui.

- Ou plutôt des problèmes de flemme ? Lance Kaïcha.

Candice et Jack sont très proches depuis qu'ils sont arrivés à l'Atrium, au point qu'on les surnomme parfois les "jumeaux". Ils ne se ressemblent pas du tout, Jack a les cheveux aussi châtains et les yeux aussi bleus que Candice les a blonds et bleus, mais ils font tout ensemble. Ils n'ont pas besoin de se parler pour se comprendre – ou faire des conneries. Surtout faire des conneries, d'ailleurs.

Jack tire la langue et envoie un coup de poing à Kaïcha. Celle-ci l'esquive tout en lui donnant un coup de pied sous la table.

- Hé, tu m'as tapé sur le nerf ! Grimace Jack tandis que les autres se marrent.

Alex hausse un sourcil en s'allongeant sur sa chaise.

- T'es sûr ? Y a tellement de graisse là-dedans que ça tient du miracle...

- Toi aussi, tu veux ta part de contact social ?

- Non, je préfère m'occuper d'arracher les mauvaises herbes.

Jack s'écroule au sol, une main posée sur la poitrine. Ils sont tous les deux dans les Bourrasques, mais j'ai l'impression qu'ils passent plus de temps à s'envoyer des piques pendant leur entraînement que se battre... il y avait une ancienne rivalité entre eux à cause de Laaja, mais elle les a envoyés balader tous les deux et finalement, cela les a rapproché.

- Argh... tu m'as achevé ! Allez, avouez que vous êtes tous jaloux parce que j'ai loupé le cours de chimie ! S'exclame Jack avec un air très satisfait en se redressant.

- Totalement ! S'écrie Candice, qui déteste la physique comme à peu près tout le monde ici. Sale flemmard !

- Non, juste content de ne pas être aussi fainéant que toi, rétorque Kaïcha en faisant tourner son crayon entre ses doigts avec un fin sourire.

- Et pas aussi arrogant, ajoute Kira avec un air angélique.

Je souris. Kira est juste la plus arrogante de nous tous... une fois, elle avait fait un doigt d'honneur à toute une famille haut placée lors d'un gala, planté un baiser sur la bouche de leur fils trop choqué pour régair et avait tourné les talons en balançant des hanches devant l'audience verte de rage. M. Jamal avait passé des semaines à essayer de réparer les choses et depuis il la surveille toujours étroitement à chaque apparition en public. C'est le feu follet de notre groupe. Jack esquisse un sourire et lui fait un doigt d'honneur.

- Qui a dit que j'étais arrogant ? Je suis plein de compassion et d'empathie.

- Un vrai petit agneau, ironise Laaja.

Jack se retourne vers nous.

- Et toi, Shari, tu ne m'engueules pas comme tous les autres ?

Je déguste les rayons de soleil qui passent par la fenêtre et réchauffement mon visage, les yeux fermés. Enfin, dégustais. J'entrouvre les yeux.

- Je trouve qu'ils s'en sortent très bien tout seul.

Je sens soudain un courant d'air. Je roule sur le côté, enfonce mes pieds dans l'estomac de Jack et le projette en l'air. Des rires fusent autour de moi alors que Jack se retrouve fesses contre terre, devant le tableau. Je me relève et le fusille du regard. Il me répond par un sourire penaud, mais ne peut le tenir plus de quelques secondes et éclate de rire.

- La bête se réveille ! Tu vois que tu peux bouger quand tu veux, il fallait juste que tu sois motivée par un corps athlétique et...

- Ferme-là.

- Elle a les réflexes plus aiguisés que la pointe de mon cimeterre, lance Alex. Tu es suicidaire !

Kira, qui n'est jamais en reste, fais la moue.

- En même temps, il y a jamais eu de doutes là-dessus.

Je me rassois, et méfiante, ne le quitte plus des yeux, mais l'avertissement semble être assez douloureux pour qu'il ne prenne plus de risque. Il fait une grimace en se relevant et reviens s'asseoir.

- Mon magnifique fessier ! Pas de galipettes, ce soir...

Laaja se balance nonchalamment sur sa chaise, un petit sourire aux lèvres.

- Ne te plains pas, tu t'en es bien sorti.

Alex se retourne vers moi avec un grand sourire.

- Je t'aime, Shari. Je te l'ai déjà dit ?

- Tu peux le répéter si tu veux.

Candice me jette un coup d'œil malicieux.

- Petite terreur ! Alors comme ça, on a encore gagné son dernier combat ? Je devrais même plus m'étonner, remarque. Je vais finir par penser que tout ça, c'est grâce à tes yeux dorés. Ils ont pensé à mettre autre chose que des mecs, face à toi ?

- Des épées et des couteaux aussi, figure-toi. Pas très causants mais très sympathiques : ils me laissent toujours des beaux souvenirs.

À ce moment-là, le prof passe la porte.

- Bonjour !

Kira, Alex et Jack se retournent tandis que le reste de la classe se fait de moins en moins bruyant. Je profite que plus personne ne fait attention à nous pour informer Laaja et Kaïcha de ma dernière visite chez les doubles-âmes.

- Je suis allée au Refuge hier, je murmure en me penchant vers elles, là où habitent les doubles-âmes... je les ai mis au courant de nos découvertes et ils vont nous aider à chercher un chemin pour mener à l'extérieur.

Les yeux noisette de Kaïcha se plissent. Elle me dévisage.

- Tu leur as tout dit ? Alors tu leur fais confiance ?

Je réfléchis à la question. Je n'ai pas trop le choix, en fait. Si je veux en savoir plus sur moi, je suis obligé de leur faire confiance, même s'il y a certain en qui j'ai moins confiance que d'autres. Takela garde ses distances et si j'apprécie l'honnêteté d'Ines, cela ne fait pas non plus d'elle ma meilleure amie.

Quand à Randy... cette fille pète plus haut que son cul.

Je hausse les épaules. Kaïcha comprend tout de suite.

- Qui ?

- Randy.

- Randy ? Questionne Laaja en se penchant encore plus vers moi.

- Une fille arrogante, je grogne.

- Je vois, sourit Kaïcha. Pas du tout dans ton genre, quoi.

- Silence, au fond ! Interviens la prof.

M. Jamal entre à ce moment dans la salle. Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'il fait ici ? Dans la salle de classe ensoleillée, ses cheveux noirs contrastent encore plus avec sa peau pâle et le bleu calme de ses yeux. En onze ans d'existence avec lui, je ne l'ai jamais vu s'emporter.

- Bonjour ! Désolé pour cette interruption, mais je vais vous présenter le nouvel élève qui sera rattaché à votre groupe à partir d'aujourd'hui. Comme prévu, il entrera dans les Rafales et vous serez ensemble dans les cours de tronc commun.

La stupéfaction me prend par derrière. Quoi ? Des murmures traversent toute la classe. Alors ce n'était pas une rumeur ? Un jeune homme à la peau mate et aux cheveux noirs ondulés plaqués en arrière entre derrière le directeur avec détachement. Il balaye indolemment la classe de ses yeux vert sombre. Il s'arrête un instant sur moi et je crois apercevoir une étincelle, mais elle disparaît trop vite pour que j'en sois sûr. Il tourne la tête et je plisse le nez. Qu'est-ce qu'il veut ?

Des chuchotements incrédules parcourent la classe. Il a passé le test d'entrée... il a réussit à intégrer les Rafales. Comment a-t-il pu réussir ce que presque personne n'a réussi ? Quel entraînement a-t-il suivi pour en arriver là ? Vu son air sûr de lui et satisfait, il en est bien conscient. Je ravale un grognement agacé. En voilà un autre qui pète plus haut que son cul.

Kira se retourne avec sa légendaire discrétion et chuchote à Kaïcha : « On nous avait pas prévenus que c'était un beau gosse ! », alors que Kaïcha lève un sourcil et détaille froidement l'intéressé de la tête aux pieds.

J'esquisse un sourire. Elles n'ont jamais été sur la même longueur d'onde, sans doute de par leur différence d'origine. Kira est l'une des rares personnes de l'Atrium à ne pas avoir eu une enfance trop difficile avant de venir ici, tandis que Kaïcha vient des zones les plus dures de Braçalia.

Le nouveau-venu hausse un sourcil, pose son regard sur Kira et la détaille lentement des pieds à la tête. Ses lèvres esquissent un sourire paresseux, semblant aimer ce qu'il voit, et il lui répond de ce regard insistant qui me fait penser à ces hommes ivres dans les bars qui interpellent chaque femme qui passe devant eux. Je me détourne, agacée, quand je croise le regard d'Alex qui imite silencieusement la prévision de la réaction de M. Jamal : « Je compte sur vous pour lui faire un bon accueil ! ». J'esquisse un sourire. Depuis petit, notre jeu favori est de l'imiter, il est tellement facile de prévoir ce qu'il va dire que presque chacune de ses interventions en devient comique.

- Il intégrera le groupe des Rafales et comme il est de votre âge, il fait à présent également partie de votre groupe, vous avez de la chance, nous explique M. Jamal d'un air réjoui. Je compte sur vous pour lui faire un bon accueil !

J'esquisse un sourire et échange un regard amusé avec Alex. Un courant d'air sur ma gauche et la chaise libre à côté de moi racle le sol. Ah, apparemment, le directeur a libéré le nouveau de sa présentation. Et bien sûr, ça tombe à côté de moi... j'aurais pensé qu'il aurait plutôt voulu s'asseoir à côté de Kira. Il me sourit.

- Jolie mine, comme toi, il dit d'une voix avec un léger accent que je ne reconnais pas.

Phrase lourde, comme toi.

Je plisse les yeux et croise les bras. Je vais lui apprendre à se taire, à celui-là ! Je me force à me censurer en la présence de M. Jamal, mais je m'assure de lui faire passer un message par mon regard noir. C'est un nouveau et il bénéficie d'un statut privilégié ici, celui qui touchera à un cheveu de lui aura de gros ennuis. C'est peut-être ridicule, mais c'est la règle en vigueur. Les nouveaux sont telleent rares qu'ils sont considérés comme « intouchables » dans l'Atrium. Personne ne leur cherche des merdes car ces petits couillons sont protégés par les professeurs et le directeur. Je serre les dents. C'est bien pour ça que je n'aime pas les règles. On est obligé de les suivre même si elles sont pourries jusqu'à la racine.

Je serre les mâchoires, fixe droit devant moi et me convaincs qu'il suffira de l'ignorer pendant tout le reste de l'année. Je comprends que c'est peine perdue à la seconde où la prof reprend son cours.

- Eh ! Chuchote-t-il avec un petit sourire séducteur à la con en se penchant vers moi, c'est quoi ton petit nom ?

"Ta Gueule". Ça s'écrit comme ça se prononce.

Il me le redemande, ignorant mon silence aussi épais que ma dague contre sa gorge. Mes mains me démangent, mais je m'oblige à me détendre en sentant le regard de Kaïcha sur moi, comme à chaque fois que je deviens tendue. C'est mon garde-fou, celle qui s'assure que je ne dérape pas. Mais putain, qu'est-ce que j'ai envie d'une glissade, là tout de suite... je rencontre ses yeux noisette qui me fixent d'un regard appuyé. Je l'insulte profondément mentalement, mais suit ses conseils muet et réponds en grognant de la manière la plus inhospitalière possible - et c'est pas rien :

- Shari.

- Je vais t'appeler Chat, décrète-t-il en m'effleurant la joue, c'est comme toi : mignon.

Mes mains se resserrent brusquement sur mes dagues et je réprime difficilement l'envie de lui taper la tête contre la table. Comme j'ai hâte que je lui montre à quel point je suis mignonne dans l'Arène ! Seul le regard intense de Kaïcha m'empêche de passer à l'acte. Je souffle lentement et articule plus durement que de la pierre :

- Tu ne m'appelles pas. Jamais. Compris ?

Je le poignarde du regard et il laisse échapper un sifflement bas, ses pupilles dilatés.

- Et sauvage, avec ça... bonne pioche.

Ne pas le regarder. Ne pas l'écouter. Ne pas déraper. Ne pas déraper.

Quand la prof nous libère enfin, je ne suis plus qu'une boule de tension prête à exploser. J'ai ignoré ses commentaires pendant toute l'heure. J'ai l'impression de fumer. Une étincelle et la poudre explosera. Je me lève d'un bond quand je sens sa main sur ma cuisse. Je me fige.

- Mon chat, tu as l'air surexcité... c'est à cause de moi ?

Il. Viens. De. Faire. Quoi ?

Mes lèvres se retroussent sur mes crocs. Un grondement bestial jaillit de ma gorge. J'arrache violemment sa main de ma cuisse. Kaïcha m'attrape le poignet. Je respire lourdement et concentre toute ma volonté à ne pas le frapper. Je bouscule les élèves sur mon passage, sors de la salle en trombe et me précipite dehors, une envie meurtrière sur les lèvres. Les novices s'écartent rapidement devant moi. Je trace mon chemin jusqu'aux cibles de tir, dans la cour d'entraînement. Mes pensées sont un bouillonnement sanglant.

Lever. Viser. Lancer. Encore et encore. J'ai le souffle court. Tirer a le mérite de me calmer. Évacuer la violence dans mon sang. L'adrénaline dans mes muscles. La tension dans ma tête. Je ne dois plus me concentrer que sur un seul but : abattre ma cible. Toujours et encore. Abattre ma cible.

Au bout d'une heure - une fois le cours de bio que j'ai sauté finit, Kaïcha et Laaja viennent me trouver, mais elles se contentent de rester sur le bord en me regardant tirer sans m'interrompre. Elles savent que l'action est plus réparatrice que n'importe quel mot.

Quand les cibles sont criblées de couteaux tout autour de moi, je les rejoins sur le muret en silence. Je respire mieux. L'exercice m'a vidé l'esprit. A dégonflé la boule dans mon ventre. Pas totalement, mais suffisamment pour qu'elle ait glissé sous la surface.

- Kallol, c'est comme ça qu'il s'appelle, lance Kaïcha.

Elle a suivi chacun des mots et des gestes de Kallol pendant le cours. Néanmoins, elle a toujours vécu en pensant qe les sentiments sont une barrière au raisonnement pur qui lui permet d'analyser la situation et de trouver les moyens de gagner. Alors elle les écarte. Mais moi, je n'ai pas de sang-froid, je n'arrive pas à mettre de côté mes émotions comme elle y arrive si bien. Je revois le regard vert narquois de Kallol me déshabiller du regard et la colère m'envahit à nouveau.

- Kallol, je crache.

Son nom me laisse un goût infect dans la bouche, comme si j'avais mordu dans un fruit pourri.

- Je crois que je ne l'aime pas, ironise Laaja d'un ton désinvolte, encore plus détachée qu'à l'accoutumée, maintenant qu'elle essaye de mettre à distance des souvenirs qui hantent ses cauchemars depuis son enfance. J'ai vu la façon dont il te matait, mais pas que toi. Il fait l'erreur de se mettre potentiellement la moitié de l'Atrium à dos. Pour l'instant, il n'a pas d'ennuis, mais vu la manière dont il regarde tout le monde ça va venir bientôt, elle diagnostique.

La pointe glaciale qui perce dans sa voix est trop subtile à apercevoir pour ceux qui ne connaîtraient pas son histoire. Néanmoins, elle a raison, comme souvent quand il s'agit de pressentir des choses. Elle a la manière de voir les choses d'un enfant, avec une simplicité étonnante et pourtant une clairvoyance aiguisée.

Kaïcha hoche la tête.

- Laaja a raison. Pour l'instant, il faut se retenir et attendre que la colère monte pour que M. Jamal se retrouve avec un effet boule de neige qu'il ne pourra pas éviter et auquel il sera obligé de trouver une réponse : l'exclure. Fait semblant d'être insensible, dit Kaïcha en plantant son regard noisette droit dans mes yeux. Garde ton sang-froid.

Les yeux vert sombre de Kallol me fixent, semblant me narguer dans mon esprit.

Je n'ai pas d'autre choix.



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Hé hé...

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