Chapitre 28 :
Ash pivote vers moi et ses pupilles accrochent les miennes.
- Pourquoi tu voulais pas que je leur dise que tu étais la Guéparde dorée ?
Je vérifie d'un coup d'œil qu'ils sont trop loin pour avoir entendu, puis je hausse les épaules.
- Je préfère.
Ses yeux sont rivés sur moi. Je fixe le poteau d'en face, agacée. Je déteste dire mes émotions à haute voix, j'ai l'impression de devenir trop vulnérable. Mais je lui ai donné un coup de pied, il sait que c'est important et il ne lâchera pas l'affaire. Je me mords la lèvre et garde les yeux rivés sur le poteau en grognant :
- Quand tu as une réputation, les gens te réduisent à ce qu'ils ont entendu de toi ou à ce qu'ils ont imaginé. Ce n'est pas vraiment toi, c'est juste l'image que tu leur renvoies, et quand ils te rencontrent, ils sont déçus parce que ce n'est pas la réalité. Je ne suis pas la Guéparde dorée. Je suis Shari. C'est tout, je lâche un peu abruptement.
Je tourne la tête, attiré par un mouvement sur ma droite. Il fronce les sourcils. Ses mèches masquent son œil, l'autre, mi-clos, est fixé avec intensité sur moi.
- Tu penses vraiment qu'on peut être déçu de toi ?
J'ouvre la bouche, incapable de répondre. J'ai l'impression de m'être prise une gifle. Comment peut-il lancer des boulets de canons comme ça ? Et comment semble-t-il en être si sûr ? Je le fixe et essaye de regarder à travers ses mèches, à travers son visage, à travers ce qu'il ne dit pas, ce qu'il ne montre pas.
- Comment tu peux savoir ?
Il me fixe en silence.
- C'est évident. Ne vois-tu pas le regard que te lancent les garçons, comme les filles ? Ils sont impressionnés. Mais pas par ta réputation, par ce que tu dégages. Il n'y a pas besoin d'avoir passé des années avec toi pour sentir cette force, cette assurance, cette énergie. Tu es de ces personnes que personne ne veut emmerder, mais que tout le monde admire secrètement. Parce que tu es capable. Ça crève les yeux rien qu'en te regardant. Tu pourrais soumettre des dirigeants. Prendre le contrôle de gangs. Tu pourrais diriger la ville, si tu le voulais.
Devant mon silence, il lance d'un ton sarcastique :
- Tu veux que je continue de lister tes qualités, c'est ça ?
Et je sens alors que sa sincérité a glissé sous la surface. Je ne peux m'arrêter de le dévisager, pourtant. Je ne suis pas aveugle, contrairement à ce qu'il dit. Mais je n'ai jamais remarqué ce qu'il décrit. Je secoue la tête. A ses yeux, j'ai l'air d'une cheffe dangereuse et implacable. Mais je suis juste une fille. Rien de plus. Je ne comprends pas comment il voit ça en moi.
- Je ne fais que me battre dans une Arène, Ash. Me battre pour gagner de l'argent et ne pas crever de faim. Je n'ai rien d'extraordinaire.
Il lève les yeux au ciel.
- Tu es né avec des yeux dorés, Shari. Tu es né pour être extraordinaire. Tu n'es pas qu'une fille qui se bat. (La tête inclinée vers le bas, il fronce légèrement les sourcils, ses yeux fixés sur moi comme s'il voyait à travers ma peau) Je ne sais pas ce que tu as vécu avant de te battre dans l'Atrium, mais ça t'as donné cette chose, ce truc sombre et inflexible qui pulse en toi. C'est tellement puissant que ça t'entoure d'une aura que tout le monde perçoit.
Je serre les mâchoires. Ce que j'ai vécu avant de me battre dans l'Atrium. La terreur. Je grogne et ravale mon amertume. Je ne laisserai pas ces souvenirs prendre le contrôle de moi. Pas maintenant. Ash tourne les yeux et je remarque seulement à ce moment que les enfants se sont arrêtés devant nous. Il se détourne de moi, ma lance un coup d'œil puis ordonne :
- On va faire de la corde ! Deux aller-retours, James tu commences. Les uns après les autres, faites la queue.
Il y a un silence pendant lequel je m'absorbe dans la montée à la corde de la plus jeune pour essayer de me vider l'esprit. Ce qu'a dit Ash m'a perturbé plus que je en le montre. Qui je suis vraiment ? Dans les yeux d'Ash, j'ai l'impression d'être une toute autre personne. Dans ceux que je croise dans la rue, j'en suis encore une autre. Dans ceux d'Aron, je ne suis pas la même non plus. Et dans mes yeux, je suis différente de toutes les autres. Perdue. Effrayée. Étouffée par les secrets. Rongée par la méfiance. Alors, qui est-ce que je suis ?
- Tu sais, tu les as vraiment bien entraînés, je remarque en me raclant la gorge. La plupart des enfants externes à qui j'ai fait passer le test d'entrée à l'Atrium n'étaient pas aussi sportifs.
Ash ne paraît pas surpris, et dit tout en continuant à suivre la progression de Lydie des yeux :
- Je sais que le niveau à atteindre pour avoir le même qu'un Atrimien est difficile, j'ai adapté leur entraînement pour qu'ils puissent avoir une chance de passer le test. Je les entraîne tous les jours depuis des années, un jour peut-être qu'ils arriveront à intégrer l'Atrium. C'est leur but.
Je le fixe, surprise. C'est pour ça qu'il m'a interrogé sur nos tests. Je ne réponds rien. La sélection est draconienne. Ces enfants, aussi entraînés soient-ils, ont très peu de chance de passer le test, pour ne pas dire aucune. Un entraînement, aussi quotidien soit-il, ne rivalise pas contre des enfants formés au combat par des spécialistes six heures par jour. Lydie retombe souplement sur le matelas et Ash siffle pour attirer leur attention.
- Mettez-vous en duo, Aka avec James, Lydie avec Stanley. On va s'entraîner au combat à main nue, aujourd'hui.
Les enfants s'exécutent en silence, trop essoufflés pour parler. Les joues rouges, de la sueur leur coule sur le front. Stanley relève la tête et demande :
- Vous allez nous montrer l'exemple ?
Je fronce les sourcils, tirés de mes pensées.
- Comment ça ?
- Ils veulent te voir te battre, m'explique Ash en se tournant vers moi. Ils n'ont jamais vu une Rafale à l'action.
Hein ? Ils ne pensent quand même pas sérieusement que je vais me battre contre eux ?
- Oui, fais nous voir comment tu te bats ! S'exclame Lydie en braquant sur moi un regard brillant d'excitation.
- À ton avis qui va gagner ? lui demande James avec une lueur d'excitation dans les yeux.
- Ash, c'est sûr, il bat tout le monde ! Fanfaronne Aka.
Mais quelle couillonne ! Bien sûr que c'est pas contre eux qu'ils veulent que je me batte... je jette un regard à Ash, qui efface un sourire discret de ses lèvres. Je grogne. Il a fait exprès de m'emmener ici avec les enfants !
- Mais non, c'est Shari, elle est la meilleure combattante de l'Atrium ! Réplique Lydie d'une voix excitée. Hein, Shari ? Tu vas te battre contre Ash ?
- T'as plus le choix, lance Ash avec un petit sourire en se glissant souplement sur le ring.
Je hausse un sourcil et le rejoins sur le centre du ring.
- J'ai l'impression que je ne suis pas la seule attendu par les spectateurs.
Ses yeux ambrés brillent d'une lueur de défi auquel je brûle de répondre.
- Bien sûr, mais ça c'était évident.
- Tu crois t'en tirer facilement ? (Je lui adresse un sourire doucereux) Tu vas sortir de cette salle en rampant, mon chou.
Il hausse un sourcil.
- Tu parles vite mais réserve plutôt ta vitesse pour t'enfuir...
- J'ai pas besoin de l'utiliser contre toi.
Je détends mes muscles comme avant chaque combat et sens le sang circuler plus vite dans mes veines. Ma respiration se calme à mesure que je concentre toute mon attention sur ses mouvements, la manière dont il coordonne ses membres, sa jambe la plus puissante, son côté de prédilection, la direction de son regard. Il ne doit pas avoir le temps de décoder mon jeu de jambes.
Je bondis d'un coup.
Ash esquive mon crochet, rattrape mon bras et le tords d'un geste bref derrière mon dos. Je me dégage d'une torsion inversée, exécute un salto arrière pour me réceptionner derrière lui et attrape son poignet et son épaule opposée. Je balaye sa jambe droite en le poussant sèchement en arrière et il tombe. Il rattrape mes jambes au passage et m'entraîne dans sa chute, mais je me rétablis sur les mains et me remets debout d'un mouvement.
Il bondit sur moi comme un fauve, je plonge aussitôt sous lui et lui décoche un violent coup de pied dans l'abdomen. Il grogne, attrape de justesse ma cheville saine et la tord d'un coup bref. J'étouffe une injure et me dégage brusquement en roulant sur le côté. Je me relève d'un bond, les chevilles douloureuses.
Un frisson d'excitation me parcourt, étouffant la douleur. Nous nous jetons d'un même mouvement l'un sur l'autre. Je bloque sa première attaque et lui balance un coup de talon dans les côtes, il réplique d'un coup de pied dans les reins que j'esquive, mais il s'appuie du sol sur ses mains et son deuxième pied heurte de plein fouet mon ventre. Je lâche un cri de douleur en me pliant en deux. Une lueur remplace la férocité dans ses yeux.
- Bah alors... t'abandonnes ? Je halète.
Je me redresse et bondit sur lui. Il bondit également en l'air.
Quoi ?!
Nos corps se heurtent de plein fouet. Le choc me fait serrer les mâchoires. J'ai juste le temps d'attraper son bras et de le tirer vers le bas avant que nous rencontrions le sol. Son corps se contracte violemment sous moi et je crois un instant qu'il est assommé. J'hésite, indécise. Il papillonne des yeux et ses paupières se relèvent lentement sur moi. Ses doigts attrapent mon visage et je me fige. Sa tête s'avance vers la mienne. Les battements de mon cœur martèlent ma gorge.
- Tu faiblis... il souffle à mon oreille.
Je me redresse et lui envoie un direct aux tempes. Il arrête mon poing à quelques centimètres de sa tête et riposte aussitôt d'un coup de poing, mais je lui bloque le bras. Il grimace, ramène rapidement ses jambes sous moi, pousse et me propulse d'un coup dans les airs.
Je me rétablis en dérapant au sol et essuie une nouvelle attaque. Je roule sur le côté et en profite pour lui faucher les jambes. Il tombe, je pivote, me jette sur lui et lui immobilise les jambes avant qu'il ait pu rouler sur le côté.
Il m'attrape la manche, me bascule sur le côté et me plaque au sol à son tour avec un grognement. Sa poitrine se soulève et s'abaisse rapidement au-dessus de moi. Un petit sourire victorieux étire ses lèvres. Son souffle caresse ma gorge.
- Alors ?
J'enrage. Si je ne fais rien, il va gagner ! Je dois le prendre par surprise.
Je le serre contre moi.
Je sens son corps se plaquer contre le mien, nos muscles se tendre, sa peau si chaude rentrer en contact avec la mienne. Une flamme embrase mes veines, capable de tout faire péter à tout moment. Ses yeux s'agrandissant d'un coup, et je profite de cet instant pour le faire basculer sur le côté d'un mouvement de hanches. Je m'écarte de lui d'un bond et évite son regard.
Concentre-toi sur le combat. Concentre-toi sur le combat.
Jusqu'à présent, je me suis battue normalement. Ça ne suffit pas. Il va falloir que je passe à la vitesse supérieure. Au propre comme au figuré.
J'accélère en vitesse floue, je fais un saut périlleux, retombe souplement derrière lui et le frappe d'un coup de coude dans les omoplates. Il se crispe, se lance en arrière en exécutant un salto arrière et passe derrière moi. Malin.
Mais trop lent.
L'instant d'après, je lui saisis un bras et le projette au sol. Il grogne et essaye de se relever, mais je le re-plaque au sol d'un genou sur la poitrine. Il attrape ma jambe et roule au sol en m'entraînant avec lui, et d'un mouvement rapide, inverse sa position avec la mienne.
- Pas de câlin, cette fois ? Il souffle en me maintenant au sol, ses yeux intenses.
Ses mains se resserrent sur mes poignets, son pouls tambourinant contre ma peau. Je grogne et lui enfonce brutalement mon genou dans le ventre, ce qui me permet de libérer mon autre jambe. Il lâche un grognement, je ramène rapidement mes jambes sous son corps et le propulse à l'autre bout du ring. Il heurte les barrières avec un bruit sourd. Sonné, il secoue la tête en se remettant debout avec difficulté en se tenant aux barrières.
- C'est ce que j'appelle un dégagement efficace ! Il souffle en se passant la main dans les cheveux. On se fixe un moment sans bouger, le souffle court, puis il annonce : on va s'arrêter là avant que tu ne me tues. Le combat est fini !
Il y a un silence puis les enfants se mettent à crier :
- C'est Shari qui a gagné ! C'est Shari !
Je me remets debout, haletante et le corps douloureux. Je sais qu'il aurait pu continuer. Je le sais. Je le vois dans ses yeux. Il les détourne et se retourne. Pourquoi a-t-il déclaré forfait ? Je fais un pas dans sa direction et m'arrête, surprise. Je ne sens aucune douleur particulière dans ma cheville blessée. Je lève les yeux au ciel. Il a évité les zones où je suis blessée !
Je le rejoins à l'autre bout du ring. Il me glisse un coup d'œil et se tourne face à moi.
- C'était pas fair-play, la guéparde...
Je sens le rouge me monter aux joues.
- C'était une tactique de combat comme une autre ! Je rétorque. Et ça a marché.
Il se penche vers moi et me murmure à l'oreille :
- La prochaine fois, reste plus longtemps, il parait que ça fait encore plus d'effet...
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Hi ! Alors, qu'est ce que vous pensez de ce duel ? Et de ce petit rapprochement physique ? 😂
A mercredi prochain ! ❤️
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